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29/06/2011 | FRANCE | N°10-16434

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 29 juin 2011, 10-16434


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 février 2010) rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 septembre 2005, n° 04-15.835), que M. X..., locataire depuis 1965 de parcelles de terres et d'une bergerie en vertu d'un bail rural verbal consenti par Mme Y..., a entendu, après qu'une promesse de vente avec faculté de substitution conclue entre celle-ci et la SAFER Provence Alpes Côte-d'Azur (la SAFER) lui a été notifiée le 27 novembre 2001, préempter les biens loués t

out en exerçant l'action en révision de prix prévue à l'article L. 412-...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 février 2010) rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 21 septembre 2005, n° 04-15.835), que M. X..., locataire depuis 1965 de parcelles de terres et d'une bergerie en vertu d'un bail rural verbal consenti par Mme Y..., a entendu, après qu'une promesse de vente avec faculté de substitution conclue entre celle-ci et la SAFER Provence Alpes Côte-d'Azur (la SAFER) lui a été notifiée le 27 novembre 2001, préempter les biens loués tout en exerçant l'action en révision de prix prévue à l'article L. 412-7 du code rural et de la pêche maritime ; qu'une contestation est née entre les parties au bail quant à l'efficacité de la déclaration de préemption du locataire, qui s'est achevée, sur renvoi après cassation, par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 30 janvier 2008 reconnaissant à M. X... le droit de préempter les biens loués et ordonnant une expertise aux fins de déterminer leur prix ; qu'au cours de cette procédure, le 7 août 2003, la vente des biens litigieux avait été régularisée entre Mme Y..., la SAFER et M. Z... ; que M. X... a alors demandé l'annulation de cette vente et à être substitué à l'acquéreur ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de le déclarer forclos en cette dernière demande, alors, selon le moyen :
1°/ que M. X... visait divers fondements à l'appui de sa demande en nullité de la vente, invoquant non seulement les dispositions de l'article L. 412-10 du code rural dont la mise en oeuvre est soumise au délai de six mois de l'article L. 412-12, alinéa 3, du même code, mais aussi les dispositions plus générales des articles L. 412-7 du même code et de l'article 1589 du code civil ; qu'en énonçant que M. X... fonde son action sur les dispositions de l'article L. 412-10 du code rural pour en déduire que son action serait dès lors soumise au délai de l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural, la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le délai de six mois prévu à l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural pour agir en nullité de la vente consentie par le bailleur à un tiers acquéreur ne s'applique qu'au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu ; que ce délai pour agir est sans application lorsque la vente intervient comme en l'espèce après qu'un arrêt exécutoire rendu dans le cadre d'une demande en fixation du prix de la vente sur le fondement de l'article L. 412-7 du code rural en vue de l'exercice du droit de préemption, a déclaré l'action irrecevable et exclu le droit de préemption du preneur, la nullité de la vente étant demandée en conséquence de la cassation de cet arrêt et de la reconnaissance du droit de préemption du fermier par l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de renvoi rendu postérieurement à la vente ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 412-7, L. 412-12, alinéa 3, et L. 412-10 du code rural ;
3°/ qu'aucun délai pour agir ne peut courir tant que le droit n'est pas encore né ; qu'en l'espèce, le droit de préemption de M. X... n'ayant été reconnu que par l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de renvoi du 30 janvier 2008, le point de départ du délai de six mois ne pouvait être fixée à une date antérieure à cet arrêt ; qu'en fixant ce point de départ au plus tard au 22 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article 2257 ancien du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que M. X... n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que son action devait être soumise à un délai autre que celui prévu à l'article L. 412-12 du code rural et de la pêche maritime, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que M. X... avait formé une demande d'annulation de la vente par conclusions du 23 mai 2007 alors que le délai de forclusion avait commencé à courir au plus tard le 22 novembre 2005, date à laquelle il avait été avisé de la date de la vente, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturer ses conclusions, qu'il était forclos en sa demande d'annulation ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à verser à la SAFER Provence Alpes Côte-d'Azur et à Mme Y... la somme globale de 1 500 euros et à M. A... la somme de 1 500 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré forclose l'action en nullité avec substitution de la vente régularisée le 7 août 2003 entre les consorts B..., la SAFER et Monsieur Manfred Z... ;
Aux motifs que Monsieur X... fonde son action en nullité avec substitution sur les dispositions de l'article L 412-10 du Code rural, qui sanctionnent notamment le propriétaire bailleur pour la vente du fonds préempté avant l'expiration des délais prévus à l'article L 412-9, manquement auquel doit être nécessairement assimilée la vente avant décision judiciaire définitive tant sur la régularité de la préemption que sur le prix contesté ; que l'action en nullité avec substitution est toutefois soumise au délai de forclusion de 6 mois prévu à l'article L 412-12 alinéa 3 du Code rural, qui régit l'ensemble des actions en nullité fondées sur les manquements du bailleur à ses obligations ayant eu pour effet de priver le preneur de l'exercice effectif de son droit de préemption ; que la saisine initiale du Tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de fixation judiciaire de la valeur vénale des biens n'a pas interrompu le délai d'action susvisé, qui n'a pas pu commencer à courir antérieurement à la vente litigieuse ; que le point de départ du délai est en effet fixé au jour où la date de la vente est connue du preneur, ce qui implique d'évidence la régularisation préalable de celle-ci ; qu'en toute hypothèse, l'action en contestation du prix fondée sur l'article L 412-7 du Code rural ne tend pas aux mêmes fins que l'action en nullité avec substitution de l'article L 412-10 du même Code, dès lors que le preneur est en droit de renoncer à l'acquisition aux conditions et prix fixés par le Tribunal en sorte que les deux actions ne poursuivent pas le but unique de transmettre la propriété des biens au fermier ; que le Tribunal puis la Cour d'Aix en Provence n'étaient donc pas implicitement saisis de l'action en nullité qui n'a été formée que devant la présente Cour de renvoi par conclusions signifiées le 23 mai 2007 ; que de la même façon en raison de son caractère préfix, le délai de forclusion de l'article L 412-12 alinéa 3 du Code rural n'a pas été suspendu jusqu'à l'arrêt de cette Cour du 30 janvier 2008 qui a définitivement et irrévocablement jugé que Monsieur X... était en droit de préempter ; que par lettre recommandée du 23 septembre 2003 reçue le 25 septembre 2003 le notaire rédacteur de l'acte de vente litigieux du 7 août 2003 a informé le fermier de la date et des caractéristiques principales de la mutation intervenue au profit de Monsieur Z..., Monsieur X... ne peut sérieusement contester avoir eu connaissance à cette occasion de la date de l'acte, mentionnée au verso de la correspondance, puisque au recto de celle-ci sont annoncées « ciaprès » les caractéristiques de la vente ; qu'en toute hypothèse, dans le cadre de l'instance en validation du congé délivré par le nouveau propriétaire, il a reçu copie de l'acte de vente du 7 août 2003 ainsi qu'en fait foi la lettre de communication du 22 novembre 2005 émanant du conseil du bailleur, ce qui constitue un fait dont celui-ci peut se prévaloir malgré les effets juridiques attachés à la péremption de l'instance ; que force est dès lors de constater que l'action en nullité avec substitution formée par conclusions du 23 mai 2007 a été introduite postérieurement à l'expiration du délai de forclusion de 6 mois qui a commencé à courir le 25 septembre 2003 et au plus tard le 22 novembre 2005, en sorte qu'elle est frappée d'irrecevabilité ; que pour faire échec à cette fin de non recevoir Monsieur X... prétend encore qu'en vendant prématurément les biens sans attendre l'issue de la procédure judiciaire en cours les intimés l'ont frauduleusement empêché d'acquérir ; qu'au bénéfice d'une décision judiciaire (arrêt du 11 mars 2003) certes révocable, mais présentant un caractère exécutoire, qui avait définitivement consacré l'irrecevabilité de la demande initiale du fermier, les parties à l'acte de vente du 7 août 2003 n'ont pas agi sciemment et de mauvaise foi dans le but de faire échec au droit de préemption ; que tout au plus pourrait-il être soutenu qu'elles ont agi avec imprudence, prenant le risque d'une annulation ultérieure ;
Alors d'une part, que Monsieur X... visait divers fondements à l'appui de sa demande en nullité de la vente, invoquant non seulement les dispositions de l'article L 412-10 du Code rural dont la mise en oeuvre est soumise au délai de six mois de l'article L 412-12 alinéa 3 du même Code, mais aussi les dispositions plus générales des articles L 412-7 du même Code et de l'article 1589 du Code civil ; qu'en énonçant que Monsieur X... fonde son action sur les dispositions de l'article L 412-10 du Code rural pour en déduire que son action serait dès lors soumise au délai de l'article L 412-12 alinéa 3 du Code rural, la Cour d'appel a dénaturé le cadre du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
Alors d'autre part, que le délai de 6 mois prévu à l'article L 412-12 alinéa 3 du Code rural pour agir en nullité de la vente consentie par le bailleur à un tiers acquéreur ne s'applique qu'au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu ; que ce délai pour agir est sans application lorsque la vente intervient comme en l'espèce après qu'un arrêt exécutoire rendu dans le cadre d'une demande en fixation du prix de la vente sur le fondement de l'article L 412-7 du Code rural en vue de l'exercice du droit de préemption, a déclaré l'action irrecevable et exclu le droit de préemption du preneur, la nullité de la vente étant demandée en conséquence de la cassation de cet arrêt et de la reconnaissance du droit de préemption du fermier par l'arrêt infirmatif de la Cour d'appel de renvoi rendu postérieurement à la vente ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 412-7, L 412-12 alinéa 3 et L 412-10 du Code rural ;
Alors enfin et de surcroît, qu'aucun délai pour agir ne peut courir tant que le droit n'est pas encore né ; qu'en l'espèce, le droit de préemption de Monsieur X... n'ayant été reconnu que par l'arrêt infirmatif de la Cour d'appel de renvoi du 30 janvier 2008, le point de départ du délai de six mois ne pouvait être fixée à une date antérieure à cet arrêt ; qu'en fixant ce point de départ au plus tard au 22 novembre 2005, la Cour d'appel a violé l'article 2257 ancien du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-16434
Date de la décision : 29/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Préemption - Nullité de la vente - Délai d'exercice - Nature - Détermination

Le délai de six mois prévu à l'article L. 412-12 du code rural, ouvert au locataire pour agir en annulation de la vente conclue en violation de son droit de préemption dans les cas mentionnés à l'article L.412-10 du même code, est un délai de forclusion, insusceptible d'interruption ou de suspension


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 25 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 29 jui. 2011, pourvoi n°10-16434, Bull. civ. 2011, III, n° 114
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, III, n° 114

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Cuinat
Rapporteur ?: M. Crevel
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16434
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