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28/06/2011 | FRANCE | N°10-19276

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 juin 2011, 10-19276


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que la clause de révision du montant du loyer lors du renouvellement prévue par les parties manquait de clarté et que le contrat n'avait pas organisé une méthode de détermination du loyer, la référence à un expert renvoyant à une appréciation technique qui ne pouvait avoir lieu faute de repères légaux ou contractuels, la cour d'appel, qui a relevé que le juge ne pouvait se substituer aux parties pour fixer les moda

lités de la révision du loyer, a pu, sans dénaturation ni adjonction au co...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu que la clause de révision du montant du loyer lors du renouvellement prévue par les parties manquait de clarté et que le contrat n'avait pas organisé une méthode de détermination du loyer, la référence à un expert renvoyant à une appréciation technique qui ne pouvait avoir lieu faute de repères légaux ou contractuels, la cour d'appel, qui a relevé que le juge ne pouvait se substituer aux parties pour fixer les modalités de la révision du loyer, a pu, sans dénaturation ni adjonction au contrat, sans commettre de déni de justice et sans méconnaître l'étendue de son pouvoir de juger, débouter la SCI Socirad de ses demandes de fixation du loyer révisé à un certain montant et de désignation d'un expert ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Socirad aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Socirad à payer à MM. X... et Y... la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de la SCI Socirad ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils pour la société Socirad.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SCI SOCIRAD de ses demandes de réévaluation du loyer et de désignation d'expert ;
AUX MOTIFS QUE, originellement, un contrat de location a été signé le 20 mars 1980, à une époque où les personnes physiques composant la SCI propriétaire de l'immeuble donné à bail étaient les mêmes que celles composant la société de moyens locataire, tous étant médecins radiologues exerçant leur profession en ce local situé à la Varenne Saint Hilaire (94210) ; les difficultés sont nées lorsque les docteurs A...et B..., associés de la SCI, mettant fin à leurs activités professionnelles en ce lieu ont, le 30 avril 2002, transféré leurs droits (dont ceux nés du bail, convenant, à l'occasion de la cession, un avenant à celui-ci) à deux confrères avec qui ils ne parvinrent pas à se mettre d'accord sur la fixation du montant du loyer lors du renouvellement du 1er janvier 2007 ; en effet, alors qu'au 31 décembre 2006, le prix du loyer annuel s'élevait, en raison de l'application de l'indexation à 30. 304, 32 €, soit 2. 525, 36 € par mois, la société IMMOBILIERE DE RADIOLOGIE SOCIRAD a, tout d'abord, proposé un loyer annuel de 80. 868 €, puis, après avoir consulté un expert, Madame Z..., a notifié aux preneurs, le 18 juin 2007, un montant de 70. 800 € et enfin, faute d'accord, a assigné ceux-ci, le 8 novembre 2007, devant le tribunal d'instance qui a rendu le jugement entrepris ;
Sur l'interprétation de l'avenant du 30 avril 2002, y figure tout d'abord un exposé de l'historique du bail ; il s'agissait donc d'un bail ‘ d'une durée de 9 années à compter du 1er janvier 1980 renouvelable par tacite reconduction moyennant un loyer annuel de 180. 000 F-27440, 82 €- payable à terme à échoir en quatre termes égaux (soit 45. 000-6860, 21 € par trimestre). Ce bail qui a été renouvelé deux fois par tacite reconduction les 1er janvier 1989 et 1er janvier 1998 prendra fin le 31 décembre 2006'; il est ensuite rappelé que le même jours, les docteurs A...et B...avaient cédé leurs droits professionnels et les parts de la société civile de moyens aux docteurs X... et C... (au droit de qui vient actuellement le docteur Braham Y...) ; puis, « Article 1er, Par les présentes, le BAILLEUR représenté par les docteurs A...et B..., agissant en qualité de seuls associés de la société civile immobilière SOCIRAD, s'engagent et engagent leurs héritiers à renouveler, au profit du PRENEUR, la société SCM CENTRE DE RADIOLOGIE dont les associés sont désormais les Docteurs X... et C..., le bail sus-énoncé pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2007.
Article 2, Par ailleurs, le BAILLEUR s'engage également par les présentes, à ramener le loyer mensuel de 2. 286, 73 € (15. 000 F) à 1. 829, 38 € (12. 000 F) pendant une période de 12 mois à compter du 1er mai 2002. A l'issue de cette période, le loyer versé par le PRENEUR au BAILLEUR sera à nouveau porté 2. 286, 73 € par mois. Le PRENEUR s'engageant de son côté à payer les loyers dus toujours à terme à échoir mais désormais tous les mois. Les autres clauses du bail en cours demeurent inchangées » ; la question à résoudre, en premier, est d'apprécier l'impact éventuel de cet avenant sur la clause suivante du bail : Article 18 : Promesse de renouvellement « Le bailleur confère au preneur qui accepte un droit de renouvellement du présent bail valable tant à l'expiration de ce dernier qu'à l'expiration de tout renouvellement. Le bail renouvelé sera comme le précédent d'une durée de neuf années. Il sera conclu aux mêmes conditions. Le loyer du bail renouvelé sera fixé d'un commun accord entre les parties ou à défaut à dire d'expert nommé par chacune d'elles ou désigné par le tribunal compétent à la requête de la partie la plus diligente. En cas de refus par le preneur du nouveau loyer ainsi fixé le bail se prolongera automatiquement aux mêmes conditions pour une durée de deux ans résiliable tous les six mois à la volonté du preneur. Le loyer sera celui fixé comme il est dit ci-dessus. Le preneur devra demander son renouvellement un an à l'avance au moins par lettre recommandée avec demande d'avis de réception » ; la reconduction emporte la formation d'un nouveau contrat de bail et la loi précitée s'est appliquée au bail renouvelé au 1er janvier 1998 ; celle-ci, créant un embryon de statut pour les baux professionnels, a organisé la procédure de non renouvellement à l'expiration de chaque bail dont le principe de la reconduction était affirmée ; de la sorte, la re-formulation, dans l'avenant, de la promesse de renouvellement de la part du bailleur, n'était pas dénuée d'intérêt ; quoi qu'il en soit, cet avenant a instauré, et a instauré seulement, une réduction temporaire du loyer dont la périodicité des paiements a été, par ailleurs modifiée, rappelant in fine que les autres clauses du bail restaient inchangées ; les clauses se suffisant à elles-mêmes, en l'absence d'obscurité ou de contradiction, il n'y a pas lieu de les interpréter ; ainsi, au contraire de ce qu'a admis le premier juge, en l'absence d'évocation d'une suspension de l'application de l'article 18 du contrat lors du renouvellement au 1er janvier 2007, rajoute à la convention des parties la mise à l'écart de cette clause lors de ce renouvellement ; au reste, corrobore cette analyse l'attitude des médecins locataires lors de leur acceptation, le 14 décembre 2005, de la prorogation du bail en réponse à l'offre de renouvellement du bailleur du 9 novembre 2005 qui évoquait sans équivoque un « nouveau loyer » et le souhait d'un accord amiable à cet égard ; voilà, en effet, la réponse des preneurs : « nous restons tout à fait ouverts pour une discussion amiable avec vous, mais permettez nous de vous rappeler qu'à notre arrivée les locaux étaient dans un état relativement dégradé … » les locataires évoquant entre autres arguments, manifestement destinés à obtenir une modération de l'augmentation du loyer, la baisse prévisible de la rentabilité des cabinets médicaux de radiologie ;
Sur le montant du loyer lors du renouvellement du 1er janvier 2007, en principe, en cas de prorogation du bail professionnel, le montant du loyer est identique au bail initial car le loyer d'un tel bail – au contraire du bail commercial-n'est soumis à aucune réglementation légale ; certes, les parties peuvent convenir, à cet égard, de dispositions particulières ; en l'espèce, elles ont prévu une clause de révision du montant du loyer lors du renouvellement mais celle-ci est inefficace et ne peut recevoir application. Rappel de la clause : Le loyer du bail renouvelé sera fixé d'un commun accord entre les parties ou à défaut à dire d'expert nommé par chacune d'elles ou désigné par le tribunal compétent à la requête de la partie la plus diligente. En effet, tout d'abord, cette clause manque de clarté car son modus operandi est indéterminable : expert unique choisi d'un commun accord comme le singulier le laisserait supposer ? Ou dualité d'experts comme la désignation distincte conduirait à le considérer ? Quid, alors, en cas d'avis contradictoire des deux experts ? Au reste, la démarche adoptée par la société IMMOBILIERE DE RADIOLOGIE SOCIRAD qui a, de façon unilatérale, choisi un expert lequel a de surcroît, réalisé une expertise non contradictoire ne correspond aucunement à la lettre même de cette clause ; ensuite et cela est déterminant, comme le font valablement valoir Messieurs Y... et X..., le contrat n'a pas organisé une méthode de détermination du loyer ; ainsi, alors que la référence à « un expert » renvoie clairement à une appréciation technique, celle-ci ne peut avoir lieu, faute de repères légaux ou contractuels ; à cet égard, il sera souligné que les deux prorogations précédentes sont intervenues sans que soit appliqué l'article 18 du bail, le loyer ayant été maintenu strictement au même montant depuis l'origine (du fait de l'identité des personnes physiques contractant sous le couvert des personnes morales) et que de la sorte, l'on ne peut même pas se référer à un usage antérieur susceptible de tisser des normes contractuelles ; la recherche d'un accord entre les parties ayant été vaine et le juge ne pouvant se substituer à celles-ci pour fixer les modalités de la révision du loyer, aucune expertise, fût-elle judiciairement organisée ne peut valablement intervenir ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'il n'est pas permis aux juges, lorsque les termes des conventions sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations que les actes renferment ; que l'article 18 « promesse de renouvellement » du contrat de bail conclu le 20 mars 1980 prévoyait que « le loyer du bail renouvelé sera fixé d'un commun accord entre les parties ou à défaut, à dire d'expert nommé par chacune d'elles ou désigné par le tribunal compétent à la requête de la partie la plus diligente » ; qu'il en ressort clairement qu'à défaut d'accord entre les parties quant au montant du loyer du bail renouvelé, celles-ci s'en rapportaient à l'estimation de l'expert désigné par chacune d'elles ; qu'en retenant que cette clause manquait de clarté car son modus operandi était indéterminable, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 18 du contrat de bail du 20 mars 1980 et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il ressort des termes clairs et précis de l'article 18 du contrat de bail du 20 mars 1980, qu'à défaut d'accord entre les parties, le loyer du bail était fixé à dire d'expert nommé par chacune d'elles, c'est-à-dire de manière unilatérale ; qu'en affirmant que la démarche adoptée par la SCI SOCIRAD qui avait, de façon unilatérale, choisi un expert ne correspondait aucunement à la lettre même de cette clause, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 18 du contrat de bail et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE l'article 18 du contrat de bail du 20 mars 1980 stipulait qu'à défaut d'accord entre les parties, le loyer du bail renouvelé sera fixé « à dire d'expert nommé par chacune d'elles », sans préciser que l'appréciation technique de l'expert devait se référer à des repères légaux ou contractuels ; qu'en affirmant que la référence à « un expert » renvoyait clairement à une appréciation technique qui ne pouvait avoir lieu faute de repères légaux ou contractuels, la cour d'appel a ajouté au contrat une précision qui n'y figurait pas et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE QUATRIÈME PART, QUE les conventions légalement formées doivent s'exécuter de bonne foi ; qu'en retenant, pour refuser de désigner un expert, que le contrat n'avait pas organisé une méthode de détermination du loyer tout en constatant que l'article 18 du contrat de bail du 20 mars 1980 prévoyait que le loyer du bail renouvelé serait fixé à dire d'expert, ce qui impliquait que l'expert était à même de déterminer la valeur locative des locaux tenant compte de la situation de l'immeuble, des caractéristiques des locaux loués, notamment de leur adaptation à l'activité professionnelle spécifique exercée, des clauses et conditions favorables et donc de fixer le montant du loyer du bail renouvelé, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil ;
ALORS, DE CINQUIÈME PART, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en écartant l'article 18 du contrat de bail du 20 mars 1980 prévoyant qu'à défaut d'accord entre les parties le loyer du bail renouvelé sera fixé « à dire d'expert nommé par chacune d'elles » au motif qu'il n'était pas possible de se référer à un usage antérieur susceptible de tisser des normes contractuelles, quand il lui appartenait d'appliquer cette clause en considération de ses seuls termes, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, DE SIXIÈME PART, QUE le juge commet un déni de justice s'il refuse de statuer sur les demandes dont il est saisi ; que la cour d'appel, qui constatait l'existence d'une difficulté pour la détermination du montant du loyer lors du renouvellement du 1er janvier 2007, devait se prononcer sur cette contestation ; qu'en déboutant la SCI SOCIRAD de sa demande de fixation du loyer à 70. 800 € par an au motif que la recherche d'un accord entre les parties avaient été vaine et que le juge ne pouvait se substituer à elles pour fixer les modalités de la révision du loyer (arrêt p. 6) quand il lui appartenait d'ordonner toute mesure d'expertise permettant de fixer le loyer du bail renouvelé, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
ALORS, DE SEPTIÈME PART, QUE le juge commet un excès de pouvoir lorsqu'il méconnaît l'étendue de son pouvoir de juger ; qu'en retenant, pour refuser de désigner un expert, qu'elle ne pouvait se substituer aux parties pour fixer les modalités de la révision du loyer cependant qu'il lui appartenait de fixer le loyer du bail renouvelé, notamment en recourant à une expertise, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir et violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-19276
Date de la décision : 28/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 jui. 2011, pourvoi n°10-19276


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.19276
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