LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., exerçant l'activité de contrôleur des travaux publics de l'Etat au sein de la direction départementale de l'équipement, a adhéré en 1996 à la mutuelle complémentaire Mutuelle générale de l'équipement et des territoires (la MGET) qui a souscrit à son profit auprès de la Caisse nationale de prévoyance assurances (la CNP) un contrat d'assurance collective obligatoire garantissant le risque invalidité et incapacité ; qu'ayant été victime d'un accident coronarien le 14 décembre 2001, il a été placé en congé longue maladie du 14 décembre 2001 au 13 décembre 2004, date à laquelle il a été déclaré définitivement inapte à ses fonctions par le comité départemental médical puis admis à la retraite pour invalidité à compter du 14 décembre 2004 ; que M. X... a demandé le bénéfice de la garantie invalidité permanente totale ; qu'ayant refusé les conclusions du médecin conseil de l'assureur, il a demandé à bénéficier de la procédure de conciliation prévue par le contrat ; que la CNP ayant maintenu son refus de garantie, M. X... l'a assignée par acte du 2 mai 2007 ainsi que la MGET devant un tribunal de grande instance afin de voir ordonner la communication des conditions particulières et des conditions générales du contrat souscrit en 1975 auprès de la CNP, et afin d'obtenir la mise en oeuvre de la garantie contractuelle avec effet rétroactif au 14 décembre 2004 ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles 1134 du code civil, L. 141-4 du code des assurances, ensemble l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes visant à voir ordonner à la CNP de produire les conditions particulières et les conditions générales le concernant et datant de 1975, l'arrêt énonce que le contrat d'assurance collective prend effet le 1er janvier 1996, expire le 31 décembre 1996, se renouvelle ensuite par tacite reconduction, et définit l'invalidité permanente totale ainsi que les modalités de calcul des prestations ; que M. X... se trouve en conséquence en mesure de connaître avec précision les conditions d'attribution et le montant de la garantie applicable à la date à laquelle il a été admis à la retraite pour invalidité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le défaut de production du contrat initial ne permettait pas de déterminer réellement les modifications alléguées, sans avoir vérifié que la notice définissant les nouvelles garanties avait bien été remise à l'assuré, condition déterminante de l'opposabilité des modifications apportées au contrat initial, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 2061 du code civil ;
Attendu que sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande au titre des prestations contractuelles en cas d'invalidité permanente totale et de sa demande de dommages-intérêts subséquente, l'arrêt énonce que l'invalidité permanente totale ouvrant droit à la garantie de l'assureur implique notamment, selon la stipulation 8-2 de la notice dont les termes sont clairs, dépourvus d'ambiguïté et compréhensibles même par un profane, que l'assuré " se trouve dans l'obligation de cesser définitivement toute activité professionnelle qu'il s'agisse ou non de sa profession " ; que le médecin choisi par M. X... et par la CNP a examiné l'assuré le 7 août 2006 dans le cadre d'une expertise en tiers-arbitrage, a conclu à l'impossibilité pour celui-ci d'exercer sa profession mais a retenu que son état de santé était cependant compatible avec l'exercice d'une autre activité professionnelle, sédentaire, à compter du 14 décembre 2004 ; que selon le contrat d'assurance, les conclusions de l'arbitre s'imposent aux parties et, donc, à M. X... dont il convient de relever qu'il n'invoque aucun élément technique de nature à mettre en doute l'appréciation par cet expert de son état de santé découlant de l'analyse des documents qui lui ont été fournis et de ses constatations personnelles ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. X... avait adhéré à un contrat d'assurance collective ayant pour objet de couvrir le risque d'invalidité permanente totale, de sorte que la clause intitulée « procédure de conciliation » insérée dans un tel contrat prévoyant que les conclusions du médecin s'imposaient aux parties, qui n'était pas conclu à raison d'une activité professionnelle, ne pouvait instaurer valablement une procédure d'arbitrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la Caisse nationale de prévoyance assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes visant à voir ordonner à la CNP de produire les conditions particulières et les conditions générales le concernant et datant de 1975 ainsi que de sa demande au titre des prestations contractuelles en cas d'invalidité permanente totale et de sa demande de dommages et intérêts subséquente ;
Aux motifs que « sur la demande en communication des conditions générales et particulières du contrat d'assurance applicables en 1975 :
La notice d'information au contrat d'assurance collective produite au débat énonce que celui-ci prend effet le 1er janvier 1996, expire le 31 décembre 1996 et se renouvelle ensuite par tacite reconduction, et définit l'invalidité permanente totale invoquée par Monsieur X... au soutien de sa demande de versement de prestations et les modalités de calcul de ces dernières.
M. X... se trouve, en conséquence, en mesure de connaître avec précision les conditions d'attribution et le montant de la garantie applicable à la date à laquelle il a été admis en retraite pour invalidité de sorte que sa demande en communication des conditions générales et particulières du contrat applicables en 1975, date de son embauche, est dépourvue d'intérêt et doit être rejetée »
Sur la demande au titre de la garantie " invalidité permanente totale " :
L'invalidité permanente totale ouvrant droit à la garantie de l'assureur implique notamment, selon la stipulation 8-2 de la notice précitée dont les termes sont clairs, dépourvus d'ambiguïté et compréhensibles même par un profane, que l'assuré " se trouve dans l'obligation de cesser définitivement toute activité professionnelle qu'il s'agisse ou non de sa profession ".
Monsieur X... dénature à cet égard le sens de cette stipulation contractuelle en réduisant l'expression " toute activité professionnelle " utilisée dans celle-ci à son activité professionnelle de contrôleur des travaux publics de l'Etat pour prétendre remplir les conditions d'attribution de la garantie en considération des termes de cette clause " qu'il s'agisse ou non de sa profession " qui implique d'opérer une distinction entre la profession exercée par l'assuré lors de son adhésion à l'assurance de groupe ou à la date de naissance de son droit à garantie, et toutes autres activités professionnelles.
M. Charles Z..., médecin choisi par M. X... et par la CNP, a examiné l'assuré le 7 août 2006 dans le cadre d'une expertise en tiers-arbitrage, a conclu à l'impossibilité pour celui-ci d'exercer sa profession mais a retenu que son état de santé " est cependant compatible avec l'exercice d'une autre activité professionnelle, sédentaire, à compter du 14. 12. 2004 ".
Il est vain pour M. X... de déduire des certificats des docteurs B... et C... qu'il serait inapte à exercer toute fonction ou activité rémunérée ou activité professionnelle dès lors que ces actes médicaux, antérieurs à l'expertise précitée, ont été soumis à l'analyse du docteur Charles Z... qui n'a pas validé les appréciations de ces médecins en considération des ses constatations personnelles induites de l'examen de l'assuré.
M. X... ne peut pas davantage invoquer utilement le certificat du docteur F. A... établi à sa demande le 6 juin 2008 qui n'a retenu aucune aggravation de son état de santé, n'élève aucune critique à l'encontre du rapport du tiers-arbitre et se borne à conclure à l'impossibilité pour l'assuré d'exercer une quelconque activité professionnelle, fût-elle partielle, par référence aux avis des médecins précités, soit les docteurs B... et C....
Enfin et selon le contrat d'assurance, les conclusions de l'arbitre s'imposent aux parties et, donc, à M. X... dont il convient de relever qu'il n'invoque aucun élément technique de nature à mettre en doute l'appréciation par cet expert de son état de santé découlant de l'analyse des documents qui lui ont été fournis et de ses constatations personnelles.
M. X... ne rapporte pas la preuve dans ces circonstances qu'il satisfait aux conditions convenues pour prétendre à la garantie de l'assureur et ne forme aucune demande contre la MGET » ;
Alors, d'une part, que les modifications d'un contrat d'assurance collective ne sont opposables aux adhérents que s'ils en ont été préalablement informés ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir qu'il n'avait jamais été informé des modifications de l'assurance collective intervenues en 1996 et que, par conséquent, ces modifications ne lui étaient pas opposables ; qu'en se contentant de retenir, pour considérer que M. X... se trouvait en mesure de connaître avec précision les nouvelles conditions d'attribution et le montant de la garantie applicable, que la notice d'information au contrat d'assurance collective produite au débat énonce que celui-ci prend effet le 1er janvier 1996, expire le 31 décembre 1996, se renouvelle ensuite par tacite reconduction, et définit l'invalidité permanente totale ainsi que les modalités de calcul des prestations, quand le défaut de production du contrat initial ne permettait pourtant pas de déterminer réellement les prétendues modifications apportées, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 141-4 du Code des assurances ;
Alors, d'autre part, que les modifications d'un contrat d'assurance collective ne sont opposables aux adhérents que s'ils en ont été préalablement informés ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir qu'il n'avait jamais été informé des modifications de l'assurance collective intervenues en 1996 et que, par conséquent, ces modifications ne lui étaient pas opposables ; qu'en se contentant de retenir, pour considérer que M. X... se trouvait en mesure de connaître avec précision les nouvelles conditions d'attribution et le montant de la garantie applicable, que la notice d'information au contrat d'assurance collective produite au débat énonce que celui-ci prend effet le 1er janvier 1996, expire le 31 décembre 1996, se renouvelle ensuite par tacite reconduction, et définit l'invalidité permanente totale ainsi que les modalités de calcul des prestations, sans avoir relevé que la notice définissant les nouvelles garanties avait bien été remise à l'assuré, condition déterminante de l'opposabilité des modifications apportées au contrat initial, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 141-4 du Code des assurances ;
Alors, de troisième part, que la clause compromissoire n'est valable que dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle ; que les clauses d'expertise qui ne mettent pas en place une procédure d'arbitrage ne lient ni les parties, ni le juge ; qu'en décidant qu'en application du contrat d'assurance, les conclusions de l'arbitre s'imposent aux parties et, donc, à Monsieur X..., quand la clause intitulée « procédure de conciliation » ne pouvait instaurer valablement une procédure d'arbitrage, la Cour d'appel a violé l'article 2061 du Code civil ;
Alors, enfin, que le juge ne peut dénaturer les clauses claires et précises des actes qui lui sont soumis et modifier les stipulations qu'il renferme ; qu'en l'espèce, l'article 8-2 du contrat produit précise qu'est considéré comme étant atteint d'une invalidité permanente de travail tout assuré qui « se trouve dans l'obligation de cesser définitivement toute activité professionnelle qu'il s'agisse ou non de sa profession » et ajoute que doit donc être indemnisé celui qui arrête définitivement toute activité professionnelle, qu'il s'agisse ou non de la profession réelle ; qu'en considérant que la clause imposait que le bénéficiaire de l'assurance ne puisse plus exercer aucune activité professionnelle, la Cour d'appel a ajouté au contrat une condition qu'il ne comportait pas et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil.