LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., notaire associé au sein de la SCP X...
Y...
A..., a, pour des raisons de santé, cessé d'exercer ses activités professionnelles à compter du 1er février 1997 ; que le président de la chambre départementale des notaires du Morbihan l'a, dans ces conditions, assigné devant le tribunal de grande instance de Lorient afin de faire constater son empêchement à l'exercice de ses fonctions sur le fondement de l'article 45, alinéa 2, de l'ordonnance du 28 juin 1945 ; qu'un jugement du 3 juillet 2003 a accueilli cette demande et l'intéressé a été déclaré démissionnaire d'office par arrêté du garde des sceaux du 15 septembre 2003 ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt (Rennes, 17 février 2004) désormais irrévocable (Cass. 1re Civ., 15 novembre 2005, pourvoi n° 04-12. 461) ; que les coassociés ont engagé une action en responsabilité contre M. X...pour obtenir réparation du préjudice causé par son refus, selon eux abusif, de céder ses parts ; que par arrêt du 13 mai 2008, la cour d'appel de Rennes a accueilli cette demande ; que cette décision a été annulée à la suite de l'annulation, par arrêt du Conseil d'Etat daté du 7 août 2008, de l'arrêté ministériel du 15 septembre 2003 (Cass. 1re Civ., 8 octobre 2009 pourvoi n° 08-18. 543) ; que le nouvel arrêté de démission d'office pris par le garde des sceaux le 21 octobre 2008 et publié au Journal officiel du 29 a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir toujours pendant devant la juridiction administrative ; qu'entre-temps, MM. Y...et A... et la SCP notariale ont engagé une action pour faire ordonner la cession forcée des parts de M. X...et pour voir celui-ci déchu de son droit à participer au partage des bénéfices ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que MM. Y...et A...et la SCP notariale reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à M. X... sa quote-part dans les bénéfices réalisés au cours des exercices 2005 à 2008, alors, selon le moyen, que l'associé d'une société civile professionnelle qui cesse son activité en raison d'un retrait judiciaire ne peut plus prétendre à une quote-part des bénéfices de la société ; que, créancier de la société à concurrence de sa participation dans le capital social, il ne peut invoquer qu'un droit à rémunération correspondant à un intérêt à compter de la décision judiciaire constatant son retrait ; qu'en retenant le contraire et en condamnant la SCP à verser à M. X...une quote-part des bénéfices réalisés par cette dernière pour la période pendant laquelle, empêché, il n'avait pas exercé, la cour d'appel a violé les articles 3 et 14 de la loi du 29 novembre 1966 et l'article 31 du décret du 2 octobre 1967 ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que le retrayant a droit, tant qu'il est titulaire de ses parts, à la rétribution de ses apports en capital et, partant, à sa quote-part dans les bénéfices distribués ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le premier moyen :
Attendu que MM. Y...et A...et la SCP notariale font encore grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande en cession forcée des parts de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de retrait judiciaire, l'associé destitué ou empêché dispose d'un délai de six mois à compter du jour où sa destitution ou son empêchement est définitif pour céder ses parts, à défaut de quoi la cession forcée est ordonnée par le juge ; que l'empêchement de M. X...a été constaté par un arrêt définitif de la cour d'appel de Rennes du 17 février 2004 ; que le délai de six mois de cession libre a commencé à courir à compter de l'arrêt d'empêchement ; qu'en retenant que ce délai ne courait que du jour de l'arrêté de démission d'office et que ce délai n'avait pas commencé à courir, en l'état du recours exercé contre cet arrêté, la cour d'appel a violé l'article 32 du décret 67-868 du 2 octobre 1967 ;
2°/ que le retrait volontaire, régi par l'article 31 du 2 octobre 1967, prend effet à compter de l'arrêté ministériel le constatant, au contraire du retrait judiciaire, régi par les articles 31-1 et 32, qui prend effet à compter de la décision constatant l'inaptitude, l'empêchement ou la destitution du notaire ; qu'en retenant pour date du retrait de M. X...celle de l'arrêté ministériel tirant les conséquences de son empêchement, quand cet empêchement était effectif dès la date de la décision judiciaire définitive le constatant, la cour d'appel, qui a confondu retrait judiciaire et retrait volontaire, a violé les articles 31 du décret du 2 octobre 1967, 41 du décret du 28 décembre 1973, et 45 de l'ordonnance du 28 juin 1945 ;
Mais attendu qu'en application des articles 31-1 et 32 du décret du 2 octobre 1967, modifié, relatif aux SCP notariales, le délai de six mois imparti à l'associé démissionnaire d'office pour céder ses parts court à compter, non pas du jugement constatant l'inaptitude ou l'empêchement du professionnel, mais de la publication de l'arrêté prononçant la démission d'office ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 4 du code de justice administrative ;
Attendu que pour rejeter néanmoins la demande en cession forcée des parts de M. X..., l'arrêt énonce que l'arrêté ministériel du 21 octobre 2008 n'était pas définitif puisqu'il faisait l'objet d'un recours toujours pendant devant la juridiction administrative et qu'en conséquence, l'intéressé ne pouvait pas être contraint de céder ses parts ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf disposition contraire, la requête dont est saisi le juge administratif n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par cette juridiction, la cour d'appel a, par refus d'application, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute MM. Y...et A...et la SCP X..., Y...et A...de leur demande en cession forcée des parts de M. X..., l'arrêt rendu le 30 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X...et le condamne à payer à MM. Y...et A...et à la SCP X..., Y...et A...la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour MM. Y...et A...et la SCP X..., Y...et A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCP X...
Y...
A...et Messieurs Y...et A...de leur demande tendant à ce que soit ordonnée la cession forcée des parts de Monsieur X..., de les avoir déclarés irrecevables en leur demande de restitution de la quote-part du bénéfice perçue à compter du 17 février 2004 et de les avoir condamnés à payer à Monsieur X...différentes sommes au titre de la quote-part des bénéfices,
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 31-1 du décret du 2 octobre 1967, en cas d'empêchement ou d'inaptitude d'un associé dans les conditions prévues par l'alinéa 2 de l'article 45 de l'ordonnance du 45-1418 du 28 juin 1945, cet associé est déclaré démissionnaire d'office par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la justice et les dispositions de l'article 32 sont applicables à la cession de parts sociales de cet associé ; qu'en application de l'article 32 du même texte, l'associé destitué dispose d'un délai de 6 mois à compter du jour où sa destitution est devenue définitive pour céder ses parts sociales à un tiers dans les conditions prévues à l'article 27 ; que selon l'article 45 de l'ordonnance du 28 juin 1945 peut être déclaré démissionnaire d'office, l'officier public ou ministériel qui en raison de son état physique est empêché d'assurer l'exercice normal de ses fonctions, l'empêchement devant être constaté par le tribunal de grande instance ; que contrairement à ce que soutiennent les intimés, il résulte de ce dernier texte et plus précisément de l'emploi du verbe « peut » que le Garde des Sceaux dispose d'un pouvoir d'appréciation pour déclarer démissionnaire d'office un notaire dont l'empêchement a été judiciairement constaté ; que dès lors Monsieur X...fait valoir à bon droit que le délai de 6 mois qui est imparti au notaire pour céder ses parts court, non du jour où la décision judiciaire constatant son empêchement est devenue définitive mais du jour où l'arrêté le déclarant démissionnaire d'office est devenu définitif ; qu'en l'espèce, force est de constater que l'arrêté du 15 septembre 2003 a été annulé et que l'arrêté du 21 octobre 2008 n'est pas définitif ; que Monsieur X...ne peut donc être contraint de céder ses parts sur le fondement des textes précités qui régissent la situation ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a ordonné la cession forcée de ses parts et désigné un expert pour les évaluer ce qui relevait au demeurant de la compétence exclusive du président du tribunal,
1) ALORS QUE en cas de retrait judiciaire, l'associé destitué ou empêché dispose d'un délai de 6 mois à compter du jour où sa destitution ou son empêchement est définitif pour céder ses parts, à défaut de quoi la cession forcée est ordonnée par le juge ; que l'empêchement de Monsieur X...a été constaté par un arrêt définitif de la cour d'appel de Rennes du 17 février 2004 ; que le délai de 6 mois de cession libre a commencé à courir à compter de l'arrêt d'empêchement ; qu'en retenant que ce délai ne courait que du jour de l'arrêté de démission d'office et que ce délai n'avait pas commencé à courir, en l'état du recours exercé contre cet arrêté, la cour d'appel a violé l'article 32 du décret 67-868 du 2 octobre 1967 ;
2) ALORS QUE le retrait volontaire, régi par l'article 31 du 2 octobre 1967, prend effet à compter de l'arrêté ministériel le constatant, au contraire du retrait judiciaire, régi par les articles 31-1 et 32, qui prend effet à compter de la décision constatant l'inaptitude, l'empêchement ou la destitution du notaire ; qu'en retenant pour date du retrait de Monsieur X...celle de l'arrêté ministériel tirant les conséquences de son empêchement, quand cet empêchement était effectif dès la date de la décision judiciaire définitive le constatant, la cour d'appel, qui a confondu retrait judiciaire et retrait volontaire, a violé les articles 31 du décret du 2 octobre 1967, 41 du décret du 28 décembre 1973, et 45 de l'ordonnance du 28 juin 1945.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCP X...
Y...
A...à payer à Monsieur X...différentes sommes au titre de la quote-part des bénéfices pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008,
AUX MOTIFS QU'étant toujours titulaire de ses parts, Monsieur X...est bien fondé à solliciter à titre reconventionnel la condamnation de la SCP à lui payer sa quote-part dans les bénéfices rémunérant ses apports en capital pour les années 2005 à 2008, soit 20 % aux termes des statuts, ainsi que l'avaient eux-mêmes soutenu avec succès les intimés dans le cadre de l'instance en contestation de cette réparation pour les bénéfices des années 1997 à 2001 ayant abouti à l'arrêt du 15 octobre 2002, outre intérêts au taux légal à compter de sa demande, soit au vu du rapport de Monsieur Z...établi à la requête des intimés dans le cadre de la procédure par eux diligentée à son encontre sur le fondement de l'abus de droit, pour les années 2005 et 2006, 182. 562 euros outre intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2008 pour l'année 2005 ; 143. 909 euros outre intérêts aux taux légal à compter du 2 juin 2008 pour l'année 2006 et pour les années 2007 et 2008, la somme qui résulte des travaux du cabinet comptable COLIN HENRIO outre intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2008 pour 2007 et du 30 avril 2009 pour 2008 ;
ALORS QUE l'associé d'une société civile professionnelle qui cesse son activité à raison d'un retrait judiciaire ne peut plus prétendre a une quote-part des bénéfices de la société ; que, créancier de la société à concurrence de sa participation dans le capital social, il ne peut invoquer qu'un droit à rémunération correspondant à un intérêt à compter de la décision judiciaire constatant son retrait ; qu'en retenant le contraire et en condamnant la SCP à verser à Monsieur X...une quote-part des bénéfices réalisés par cette dernière pour la période pendant laquelle, empêché, il n'avait pas exercé, la cour d'appel a violé les articles 3 et 14 de la loi du 29 novembre 1966 et l'article 31 du décret du 2 octobre 1967.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCP X...
Y...
A...et Messieurs Y...et A...de leur demande tendant à ce que soit ordonnée la cession forcée des parts de Monsieur X..., de les avoir déclarés irrecevables en leur demande de restitution de la quote-part du bénéfice perçue à compter du 17 février 2004 et de les avoir condamnés à payer à Monsieur X...différentes sommes au titre de la quote-part des bénéfices,
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 31-1 du décret du 2 octobre 1967, en cas d'empêchement ou d'inaptitude d'un associé dans les conditions prévues par l'alinéa 2 de l'article 45 de l'ordonnance du 45-1418 du 28 juin 1945, cet associé est déclaré démissionnaire d'office par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la justice et les dispositions de l'article 32 sont applicables à la cession de parts sociales de cet associé ; qu'en application de l'article 32 du même texte, l'associé destitué dispose d'un délai de 6 mois à compter du jour où sa destitution est devenue définitive pour céder ses parts sociales à un tiers dans les conditions prévues à l'article 27 ; que selon l'article 45 de l'ordonnance du 28 juin 1945 peut être déclaré démissionnaire d'office, l'officier public ou ministériel qui en raison de son état physique est empêché d'assurer l'exercice normal de ses fonctions, l'empêchement devant être constaté par le tribunal de grande instance ; que contrairement à ce que soutiennent les intimés, il résulte de ce dernier texte et plus précisément de l'emploi du verbe « peut » que le Garde des Sceaux dispose d'un pouvoir d'appréciation pour déclarer démissionnaire d'office un notaire dont l'empêchement a été judiciairement constaté ; que dès lors Monsieur X...fait valoir à bon droit que le délai de 6 mois qui est imparti au notaire pour céder ses parts court, non du jour où la décision judiciaire constatant son empêchement est devenue définitive mais du jour où l'arrêté le déclarant démissionnaire d'office est devenu définitif ; qu'en l'espèce, force est de constater que l'arrêté du 15 septembre 2003 a été annulé et que l'arrêté du 21 octobre 2008 n'est pas définitif ; que Monsieur X...ne peut donc être contraint de céder ses parts sur le fondement des textes précités qui régissent la situation ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a ordonné la cession forcée de ses parts et désigné un expert pour les évaluer ce qui relevait au demeurant de la compétence exclusive du président du tribunal,
ALORS QUE l'associé empêché est déclaré démissionnaire d'office par arrêté du Garde des Sceaux ; qu'il doit céder ses parts dans la société d'exercice professionnelle dans laquelle il exerce dans un délai de 6 mois à compter du jour où l'arrêté de démission est exécutoire, à défaut de quoi il peut y être contraint ; que pour refuser d'ordonner la cession forcée des parts de Monsieur X..., la cour d'appel a retenu que l'arrêté le déclarant démissionnaire d'office n'était pas définitif, un recours en annulation ayant été exercé, de sorte que le délai de 6 mois n'avait pas commencé à courir ; qu'en refusant de donner effet à l'arrêté de démission d'office du 21 octobre 2008 sans rechercher si, nonobstant l'exercice d'un recours, il n'était pas exécutoire depuis sa publication, intervenue le 29 octobre 2008, de sorte que le délai de 6 mois avait commencé à courir dès cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31-1 et 32 du décret 67-868 du 2 octobre 1967, L4 du code de justice administrative et des principes généraux du droit public.