LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme
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qui participaient, sur un tandem, à une compétition de vélo tout terrain (VTT), sont tombés sur un chemin alors qu'ils dépassaient un camion de pompier qui y circulait pour porter secours à un concurrent accidenté ; qu'ils ont assigné le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle ainsi que son assureur, la société Assurances du Crédit mutuel, pour obtenir la réparation de leurs préjudices corporel et matériel en faisant valoir que le véhicule de secours était impliqué dans l'accident ;
Attendu que, pour exclure l'indemnisation de M. et Mme
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, l'arrêt retient que c'est l'interpellation du chauffeur du camion de pompier, destinée à les inviter à la prudence, qui les a désorientés et fait perdre le contrôle de leur VTT ; qu'il ajoute qu'en tout état de cause les cyclistes auraient dû éviter d'entreprendre le dépassement, manifestement dangereux, d'un camion de pompier qui, lorsqu'il intervient en pareil endroit, a assurément une mission de secours à accomplir ; qu'il en déduit que l'implication du camion dans la survenance de l'accident n'est pas démontrée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les victimes dépassaient le camion de pompier et qu'elles avaient été interpellées par son conducteur, de sorte que ce véhicule avait joué un rôle dans l'accident et qu'il était impliqué, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle et la société Assurances du Crédit mutuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle et la société Assurances du Crédit mutuel à payer à M. et Mme
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ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. et Mme
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et de la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame Stéphane X...de leurs demandes tendant à obtenir une mesure d'expertise médicale pour chacun d'eux et l'indemnisation des préjudices éprouvés à la suite de l'accident de circulation impliquant un véhicule du service départemental d'incendie et de secours de MEURTHE-ET-MOSELLE,
AUX MOTIFS PROPRES QU'" il résulte des éléments du dossier que, alors qu'ils participaient à la compétition de VTT " le Chardon Lorrain " les époux
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installés sur un tandem, ont rencontré un camion de pompiers appelé pour un accident survenu à quelques mètres en avant du lieu où ils se trouvaient ;
Il est constant que, si la sirène du camion n'était pas en fonctionnement, le gyrophare et les feux d'intervention étaient en action ;
Aucun des témoignages recueillis par les appelants n'est suffisamment probant pour être retenu ;
En effet Monsieur Z...a dit avoir " n'avoir pas vu exactement ce qui se passait devant " et avoir " eu l'impression " que le tandem se faisait heurter ;
Monsieur A...a déclaré " avoir cru " que le bras de Stéphane avait touché le camion ;
Mademoiselle B...qui précédait les époux
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n'a rien pu voir ni entendre comme elle le reconnaît ;
Le 7 octobre 2006 Monsieur
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, en tête sur le tandem, avait indiqué que, alors qu'ils avaient entamé le dépassement du camion, celui-ci avait accéléré et qu'il " avait comme l'impression que le camion s'était déporté à gauche … que le conducteur avait fait des signes, qu'arrivés au niveau de la cabine le conducteur l'avait interpellé et qu'ils avaient tourné la tête dans sa direction puis avaient chuté " ;
Dans son attestation ultérieure du 26 avril 2008, Monsieur
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a précisé " lors du dépassement, le conducteur a accéléré et m'a serré tout en hurlant de manière incompréhensible en notre direction, provoquant ainsi notre chute " ;
Madame C...a tenu dans son attestation du 27 avril 2008 les propos suivants : " surprise et déconcentrée, j'ai tourné la tête pour comprendre ce qu'il nous disait ; j'ai vu le camion se rapprocher de nous, le chauffeur criait et faisait des gestes du bras ; je n'ai pas compris ce qu'il nous disait en raison du bruit du moteur, la collision s'est produite à cet instant précis lorsque le chauffeur criait et que nous le regardions " ;
Monsieur D...a affirmé le 10 novembre 2006 devant les services de gendarmerie, qu'il avertissait verbalement les vététistes de ralentir car il y avait un accident plus bas, et que Monsieur
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lui avait déclaré juste après l'accident qu'il avait voulu s'arrêter lorsqu'il avait vu le camion, mais que c'est son épouse qui avait insisté pour doubler, précisant que les époux
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s'étaient à maintes reprises excusés d'avoir forcé le passage ;
Les pompiers passagers du camion ont confirmé cette version des faits ;
Dans ces conditions, il appert des éléments sus exposés que c'est l'interpellation de Monsieur D...– destinée à les inviter à la prudence – qui a désorienté les époux
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lesquels ont dévié leur trajectoire, ont perdu le contrôle de leur engin et ont chuté au sol ;
En tout état de cause, les époux
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auraient dû éviter de s'engager dans un dépassement, manifestement dangereux, d'un camion de pompiers qui, lorsqu'il intervient en pareil endroit, a assurément une mission de secours à accomplir ;
Tel était d'ailleurs le cas puisque les pompiers avaient été appelés pour une intervention nécessitée par un accident de VTT survenu à quelques encablures du lieu où s'est produit l'accident litigieux ;
Les époux
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n'ont en conséquence pas démontré l'implication du camion dans la survenance de leur ni sa participation dans la réalisation de l'accident dont la responsabilité leur incombe entièrement ",
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'" aux termes de l'article premier de la loi du 5 juillet 1985, les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.
En l'espèce, il résulte de l'ensemble des pièces produites aux débats que le contact entre le véhicule des pompiers et le tandem n'est pas établi.
Parmi les coureurs cyclistes participant à la course, Monsieur Z... indique qu'il n'a pas vu exactement ce qu'il se passait mais qu'il a eu l'impression que le tandem se faisait heurter par le camion.
À l'exception d'avoir vu le camion sans aucune signalisation, Monsieur F...n'a rien vu ni entendu sauf l'éclatement d'un pneumatique.
Monsieur A...indique qu'il a " cru " un moment que le bras droit de Stéphane avait touché le camion, tellement celui-ci frôlait le tandem.
Ces témoins ne sont donc en mesure que de relater des impressions qui ne suffisent pas à établir la réalité du contact entre le véhicule des pompiers et le tandem pas plus que ne peut l'être un seul rapport d'intervention technique nécessairement laconique et non circonstancié.
D'ailleurs, le procès-verbal de synthèse établi ultérieurement par la gendarmerie mentionne que le couple n'a pas heurté le camion mais a seulement chuté au moment du dépassement.
Dès lors, en l'absence de contact, il convient d'examiner si le camion des pompiers a pu avoir un rôle perturbateur à l'origine de la chute de Monsieur Stéphane
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et Madame Christel C....
Or, à l'instar des victimes, seul M. A...affirme dans deux attestations, que le camion a accéléré et a commencé à les serrer sur la gauche alors que les cyclistes étaient en train de doubler.
Cette affirmation isolée, contestée par l'adjudant chef D..., conducteur du camion des pompiers, est insuffisante à établir le rôle perturbateur de ce véhicule à l'origine de la chute.
Dans ces conditions, il convient de décider que le véhicule du service du département d'incendie et de secours de MEURTHE-et-MOSELLE n'est pas impliqué dans l'accident du 24 septembre 2006 ",
ALORS D'UNE PART QU'au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, est impliqué dans un accident de la circulation tout véhicule qui est intervenu à un titre quelconque dans la survenance de l'accident de sorte que la Cour d'appel qui a relevé que " c'est l'intervention de M. D...conducteur du camion de pompiers – destinée à les inviter à la prudence – qui a désorienté les époux
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, lesquels ont dévié leur trajectoire, ont perdu le contrôle de leur engin et ont chuté au sol " et qui a néanmoins retenu que le camion n'était pas impliqué dans la réalisation de l'accident, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du texte susvisé,
ALORS D'AUTRE PART QU'un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident de sorte qu'en subordonnant, par motifs propres et adoptés, l'implication du camion du service départemental d'incendie et de secours de MEURTHE ET MOSELLE dans l'accident survenu à Monsieur et Madame
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, à un contact entre les véhicules ou à un rôle perturbateur de ce véhicule, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985,
ALORS ENFIN QUE selon les articles 1et 3 de la loi du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne subies à l'occasion d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, sauf si leur faute inexcusable est la cause exclusive de l'accident ; que constitue une faute inexcusable, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience de sorte qu'en retenant pour écarter l'implication du camion de pompiers et exclure l'indemnisation des époux
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que ces derniers " auraient dû éviter de s'engager dans un dépassement, manifestement dangereux, d'un camion de pompiers qui, lorsqu'il intervient en pareil endroit, a assurément une mission de secours à accomplir ", la Cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute inexcusable des époux
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a violé les textes susvisés.