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01/06/2011 | FRANCE | N°10-10396

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 juin 2011, 10-10396


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 octobre 2009), que M. Paul X..., après avoir donné à bail rural son domaine à M. Gérard Y..., lui a délivré, par acte sous seing privé, l'autorisation d'"entamer tous travaux tant sur les bâtiments que sur les terres en vue de leur amélioration, réfection, démolition et reconstruction, mise en norme, alimentation en eaux et électricité, création, etc... et d'une manière générale, tout ce qui améliorera la propr

iété du fonds, par des travaux qu'il jugera utiles tant en principal que connexes ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 octobre 2009), que M. Paul X..., après avoir donné à bail rural son domaine à M. Gérard Y..., lui a délivré, par acte sous seing privé, l'autorisation d'"entamer tous travaux tant sur les bâtiments que sur les terres en vue de leur amélioration, réfection, démolition et reconstruction, mise en norme, alimentation en eaux et électricité, création, etc... et d'une manière générale, tout ce qui améliorera la propriété du fonds, par des travaux qu'il jugera utiles tant en principal que connexes et annexes" ; qu'après la résiliation du bail, M. Y... a demandé à son ancien bailleur indemnisation des différents travaux réalisés par lui sur le fonds loué durant sa jouissance ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué de limiter l'indemnisation à une certaine somme, alors, selon le moyen, qu'aucune disposition légale n'interdit au bailleur de donner au preneur une autorisation générale d'effectuer des travaux d'amélioration du fonds loué dès lors que cette autorisation est non équivoque et antérieure au commencement des travaux ; qu'en se déterminant dès lors sur cette seule considération "qu'en l'espèce, l'autorisation donnée le 25 février 1996 est trop générale pour valoir autorisation pour tous les travaux ne présentant pas un "caractère d'utilité certaine pour l'exploitation" au sens de l'article L. 411-73 II du code rural", la cour d'appel ajoute à ce texte une condition qu'il ne comporte pas et ce faisant le viole par refus d'application ;
Mais attendu que l'article L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime subordonnant l'indemnisation des travaux de toute nature réalisés par le locataire, soit à la communication d'un état descriptif estimatif, soit à la notification d'une proposition au bailleur, la cour d'appel, qui a relevé que l'autorisation donnée le 25 février 1996 par M. X... était trop générale pour valoir autorisation pour ceux des travaux ne présentant pas un caractère d'utilité certaine pour l'exploitation au sens de l'article L. 411-73 du code rural, a, à bon droit, sans ajouter à la loi, rejeté pour partie la demande d'indemnisation du locataire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour M. Y...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité la condamnation de Monsieur X... à payer à Monsieur Y... et Madame B... la somme totale de 29.056 euros à titre d'indemnités avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 2 décembre 2008 ;
AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que les travaux d'amélioration ne peuvent donner lieu à indemnité au preneur que s'ils ont été réalisés avec l'accord du bailleur, cet accord devant être antérieur aux travaux et donné sans équivoque ; que c'est ainsi que l'absence de réserves ou d'objection ne saurait valoir autorisation ou assentiment tacite du bailleur ; qu'en l'espèce, l'autorisation donnée le 25 février 1996 est trop générale pour valoir autorisation pour tous les travaux ne présentant pas un "caractère d'utilité certaine pour l'exploitation" au sens de l'article L. 411-73 II du Code rural ; que par ailleurs, les améliorations doivent être appréciées au regard de leur utilisation réelle pour l'exploitation normale du fonds ; qu'enfin les travaux qui auraient un caractère somptuaire ou qui n'ont pas été faits au juste prix, ne donnent lieu à indemnité que comme s'il s'agissait d'installations normales, réalisées au juste prix (art. L 411-71 du Code rural) ; que le bail rural concernait les terres et les bâtiments, ces derniers ayant été décrits dans deux documents non contradictoires ; que ces états des lieux, non contestés par M. X... permettent de constater que la maison était vétuste mais habitable, les époux Y... y ayant d'ailleurs vécu, comme M. X... avant eux ; que les travaux indispensables pour garantir le confort et la sécurité du logement concernaient la remise en état de la toiture, de l'escalier, des ouvertures, des fenêtres, de l'isolation des murs et des sols, et de la mise aux normes de l'électricité ; que la Cour observe tout d'abord les points suivants : les factures (nombreuses) versées aux débats sont essentiellement des factures d'achat de matériaux, couvrant la période du 28 février – fin octobre 1996, ce qui confirme que les consorts Y... n'ont pas tenu compte du retrait d'autorisation du 17 juillet 1996 qu'ils ne contestent pas avoir reçu ; il existe très peu de facturation de main d'oeuvre, ce qui signifie que certaines entreprises ont travaillé avec des matériaux achetés par les consorts Y... et que pour le surplus, il n'est pas possible de dire à quelle date les travaux ont été exécutés par les consorts Y.... M. X... avait fait valoir que l'ampleur des travaux allégués ne permettaient pas de croire qu'ils étaient achevés à la date du 17 juillet ; que pour combattre cette contestation sérieuse, les consorts Y... n'ont fourni aucune explication ni preuve, se contentant d'affirmer que tous les travaux étaient achevés au 17 juillet (alors que les achats de matériaux se poursuivaient pourtant jusqu'en octobre : achat de menuiseries extérieures par exemple) ; que le seules prestations facturées sont datées des : 30 mars : remise en état de la toiture de l'ancienne bâtisse (82.379 francs), 05 juin : installation et raccordement électrique, 30 juin : démolition dans l'ancienne bâtisse (135.982.82 francs), 30 août : construction d'un bâtiment neuf (salon, bureau, garages, auvent), mai et juillet : réparation d'un forage après des épisodes de foudre et d'orage ; que les consorts Y... n'ont pas démontré en quoi la construction d'un nouveau bâtiment (facturé fin août) devait être considérée comme nécessaire à l'habitation ou à l'exploitation normale du fonds ; qu'ils n'ont pas davantage expliqué sur quel fondement le bailleur serait tenu d'assumer la réparation d'un forage, à deux reprises, par suite d'évènements naturels, et alors que les consorts Y... auraient procédé à la réalisation d'un deuxième forage, considéré comme inutile par M. X... qui a rappelé qu'il existait déjà un forage très récent sur le domaine ; qu'en définitive, de ces diverses prestations, la Cour ne retient que celles qui concernaient les éléments de confort, de mise aux normes de sécurité et d'isolation de l'habitation, pour la somme totale de 254.541,82 francs soit 38.808 euros (arrondis) ; que concernant les factures d'achats des divers matériels et matériaux, la Cour constate que, face à la contestation de M. X..., les consorts Y..., demandeurs à la présente procédure, n'ont fourni aucune explication nu justification quant aux travaux d'extension de l'habitation ni quant aux achats postérieurs au 17 juillet 1996 ; que l'expertise judiciaire du 28 février 2008 ne contient aucun élément exploitable ; qu'en l'absence de tels éléments, la Cour rejette les factures qui ne présentent pas de lien direct et évident avec les travaux afférents à la seule maison d'habitation d'origine ; qu'en effet, les diverses factures relatives à des achats de matériaux font apparaître que les époux Y... ont construit et aménagé, en même temps, les nouveaux bâtiments et l'ancienne maison, si bien que la sélection des matériaux relatifs à la seule ancienne maison imposait un pointage minutieux que l'expert n'a pas réalisé ; que la Cour écartera donc systématiquement les factures semblant se rattacher à la nouvelle construction (béton lavé, ferraillages divers, blocs d'agglos, plâtre, ciment et enduits, madriers, chevrons, coffrages, planchers, porte fenêtres et volets. Etc.) ; que les factures de matériel (bétonnière, outillage électrique divers), les honoraires du géomètre-expert qui a procédé à un relevé des surfaces intérieures et extérieures, la facture de plomberie de l'entreprise BRACHET (qui permet de constater que les époux Y... ont créé quatre salles de bains), les factures concernant les nombreuses glaces et miroirs, la platine de commande électronique, l'appareil France Télécom… ; que l'achat de fils de clôture est rejeté car il n'a pas été expliqué quelle partie de la propriété devait être clôturée ; qu'ainsi, la cour ne retiendra, au titre des matériaux, que la somme forfaitaire de 6.000 euros ; que le déplacement de 52 oliviers devant la maison, les aménagements en pierre, la création d'un second garage, d'une cuisine d'été, d'une seconde fosse septique, la réalisation d'une cuisine d'inspiration provençale, de quatre salles de bains, et les divers décors intérieurs (poutres cirées, teintées) ou extérieurs, ont certes permis aux consorts Y... de considérer qu'ils avaient "repris l'intégralité de cette propriété pour en faire une maison de standing" (cf leurs conclusions page 8) ; que ce faisant, les simples locataires qu'ils étaient ont réalisé des travaux somptuaires qui excédaient largement les travaux autorisés, susceptibles d'ouvrir droit à indemnité dans le cadre d'un bail rural et au sens des articles L. 411-69 et suivants du Code rural ; que dès lors, seules les sommes de 38.808 euros et de 6.000 euros, dont dues aux consorts Y..., soit après abattement de 6 % l'an de juillet 1996 à juillet 2004, la somme de 29.056 euro ;
ALORS QU'aucune disposition légale n'interdit au bailleur de donner au preneur une autorisation générale d'effectuer des travaux d'amélioration du fonds loué dès lors que cette autorisation est non équivoque et antérieure au commencement des travaux ; qu'en se déterminant dès lors sur cette seule considération « qu'en l'espèce, l'autorisation donnée le 25 février 1996 est trop générale pour valoir autorisation pour tous les travaux ne présentant pas un "caractère d'utilité certaine pour l'exploitation" au sens de l'article L. 411-73 II du Code rural », la Cour ajoute à ce texte une condition qu'il ne comporte pas et ce faisant le viole par refus d'application.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-10396
Date de la décision : 01/06/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Améliorations - Indemnité au preneur sortant - Conditions - Autorisation préalable du bailleur - Validité - Formulation - Portée

L'autorisation du bailleur, requise, par l'article L. 411-73 du code rural et de la pêche maritime, pour l'indemnisation des travaux réalisés par le locataire, ne doit pas être rédigée en des termes trop généraux


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 jui. 2011, pourvoi n°10-10396, Bull. civ. 2011, III, n° 91
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, III, n° 91

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Gariazzo (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Crevel
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Lesourd

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.10396
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