LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2009), que M. X... a été engagé le 1er février 1985 en qualité d'aide de cuisine par l'institution Notre-Dame du Kreisker, aux droits de laquelle se trouve la société Sodexo ; que depuis le 30 septembre 1999, le salarié bénéficiait du régime de prévoyance, souscrit par son précédent employeur, ouvrant droit à l'équivalent de 90 % du salaire brut jusqu'à la retraite en cas d'invalidité permanente ; que M. X... a été licencié pour inaptitude physique le 1er octobre 2004 ; que le salarié, qui a été classé en invalidité de deuxième catégorie, n'a bénéficié d'aucune garantie de salaire, la société Sodexo lui opposant le nouveau contrat de prévoyance qu'elle avait souscrit, excluant tout complément de salaire pour les cas d'invalidité de deuxième catégorie ; qu'estimant avoir été privé des garanties instituées par le régime de prévoyance dont il relevait antérieurement, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société Sodexo à lui payer des dommages-intérêts équivalents à l'indemnité d'invalidité prévue par le contrat d'assurance groupe dont il croyait légitimement pouvoir bénéficier, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur qui, en violation de l'obligation d'information pesant sur lui en vertu de l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, transmet à son salarié une information insuffisante ou erronée sur l'étendue de ses droits doit réparer le préjudice résultant de l'absence d'une garantie dont le salarié croyait légitimement pouvoir bénéficier ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice résultant de l'absence de la garantie invalidité dont le salarié croyait légitimement pouvoir bénéficier, quand elle avait constaté que la société Sodexo n'avait pas apporté à M. X... d'autre précision sur sa situation et qu'elle s'était abstenue en particulier de lui signaler la perte de garantie de l'invalidité de deuxième catégorie, la cour d'appel a violé l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige qui sont déterminés par les prétentions des parties ; qu'en allouant au salarié des dommages-intérêts au titre de la perte de la chance de bénéficier d'un complément de rente d'invalidité, cependant qu'il résultait des conclusions d'appel de M. X... que le salarié sollicitait la réparation du préjudice résultant de l'absence de la garantie invalidité dont il croyait légitimement pouvoir bénéficier, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
Et attendu qu'après avoir constaté que la société Sodexo, en n'informant pas M. X... de la modification apportée à ses droits résultant du nouvel accord de prévoyance, n'avait pas respecté son obligation d'information prévue par l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a décidé à bon droit que le préjudice subi par le salarié résultait de sa perte de chance d'obtenir, par une souscription individuelle à un contrat de prévoyance, une garantie comparable et ne pouvait être équivalent au montant de la garantie invalidité prévue par le contrat d'assurance de groupe ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société SODEXO à payer à Monsieur X... la somme de 25 000 € au titre de la perte de chance de bénéficier d'un complément de rente invalidité, et de l'avoir débouté, en conséquence, de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société SODEXO à lui payer des dommages et intérêts équivalents à l'indemnité d'invalidité prévue par le contrat d'assurance groupe dont il croyait légitimement pourvoi bénéficier ;
AUX MOTIFS QUE « l'UROGEC de BRETAGNE a souscrit auprès de l'AG2R un régime de prévoyance. stipulant au profit des salariés non cadres pour le compte des différentes OGEC de son ressort gérant les établissements scolaires privés, une rente invalidité permanente complétant l'indemnisation de la sécurité sociale ; que la mise en place de ce régime procède d'un accord régional paritaire de prévoyance, conclu par des syndicats de salariés et des groupements patronaux de l'Enseignement catholique de BRETAGNE ; que la régularité des conditions de formation de cet accord n'étant pas contestée, il y a lieu de lui appliquer le régime des accords collectifs et non celui des engagements unilatéraux de volonté dont se prévaut le salarié ; que selon L. 132-8, devenu L. 2261-14 du Code du Travail : lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, ladite convention ou ledit accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévu l'article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; lorsque la convention ou l'accord mis en cause n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au premier alinéa, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis, en application de la convention ou de l'accord, à l'expiration de ces délais, une nouvelle négociation doit s'engager dans l'entreprise concernée, à la demande d'une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles stipulations ; que l'application de l'accord instituant le régime de prévoyance a été mise en cause le 1er septembre 2000, au moment du transfert de l'activité de restauration à la société SODEXO ; qu'en l'absence de toute négociation à l'issue de la période transitoire instituée par les dispositions précitées du Code du travail, Monsieur Gildas X... avait droit au maintien de ses avantages personnels acquis ; que ce maintien porte exclusivement sur les avantages qui, au jour de la mise en cause de l'accord collectif, procuraient au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondaient à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ; qu'en l'occurrence, le droit à la garantie- invalidité instituée par le régime de prévoyance est ouvert à compter du versement, par la Sécurité sociale, d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie ; que le début du versement de la pension d'invalidité de Gildas X... étant, tout comme son accident, postérieur à la mise en cause de l'accord collectif ; le salarié ne peut prétendre au maintien de la garantie, qui ne constitue pas un avantage individuel acquis ; qu'il ne peut donc être reproché à la société SODEXO de ne pas avoir appliqué à Monsieur Gildas X... la garantie invalidité, instituée par l'accord de Prévoyance de l'UROGEC ; que cependant l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 dispose : « le souscripteur d'une convention ou d'un contrat conclu avec un organisme appartenant à l'une des catégories mentionnées à l'article 1 de la présente loi, en vue d'apporter à un groupe de personnes une couverture contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, est tenu de remettre à l'adhérent une notice d'information détaillée qui définit notamment les garanties prévues par la convention ou le contrat et leurs modalités d'application ; le souscripteur est également tenu d'informer préalablement par écrit les adhérents de toute réduction des garanties visées à l'alinéa précédent » ; que selon l'article L. 122-12-l, devenu L. 1224-2 du Code du travail : « à moins que la modification visée au deuxième alinéa de l'article L. 122-12 n'intervienne dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou d'une substitution d'employeurs intervenue sans, qu'il y ait de convention entre ceux-ci, le nouvel employeur est en outre tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de cette modification » ; qu'ainsi, l'obligation d'information qui pesait sur l'institution Notre-Dame du Kreisker, en sa qualité de souscripteur, du régime de prévoyance, a été transférée à la société SODEXO qui a conclu un marché de restauration avec elle ; que la société SODEXO était donc tenue d'informer Monsieur Gildas X... de toute modification apportée à ses droits jusqu'à la fin de la période de survie de l'accord de prévoyance, soit jusqu'au 1er décembre 2001 ; qu'en l'occurrence, les droits de Monsieur Gildas X... ont été affectés dès le transfert de son contrat de travail, puisque la société SODEXO lui a appliqué. immédiatement son propre régime de prévoyance; qu'elle l'a averti de cette nouvelle affiliation par courrier du 20 septembre 2000, ainsi rédigé : « vous serez affilié à la Caisse Interprofessionnelle des Prévoyance des salariés (…) aux conditions habituelles de notre société » ; que la société SODEXO n'a pas apporté à Monsieur Gildas X... d'autre précision sur sa situation, s'abstenant en particulier de lui signaler la perte de garantie de l'invalidité de deuxième catégorie ; qu'il y a lieu dès lors de considérer qu'elle n'a pas satisfait à son obligation d'information ; que cette faute a causé à Monsieur Gildas X... un préjudice, qui ne saurait contrairement à ce qu'il soutient, correspondre au montant de la garantie auquel il aurait pu prétendre en application de l'accord de prévoyance de l'UROGEC de Bretagne ; que celui-ci consiste simplement en une perte de chance d'obtenir par une souscription individuelle à un contrat de prévoyance, une garantie comparable ; qu'eu égard au préjudice subi par le salarié, dont la créance doit être intégralement liquidée, il y a lieu de condamner la société SODEXO à lui verser de ce chef 25 000 € de dommages et intérêts » ;
ALORS D'UNE PART QUE l'employeur qui, en violation de l'obligation d'information pesant sur lui en vertu de l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, transmet à son salarié une information insuffisante ou erronée sur l'étendue de ses droits doit réparer le préjudice résultant de l'absence d'une garantie dont le salarié croyait légitimement pouvoir bénéficier ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice résultant de l'absence de la garantie invalidité dont le salarié croyait légitimement pouvoir bénéficier, quand elle avait constaté que la société SODEXO n'avait pas apporté à Monsieur Gildas X... d'autre précision sur sa situation et qu'elle s'était abstenue en particulier de lui signaler la perte de garantie de l'invalidité de deuxième catégorie, la Cour d'appel a violé l'article 12 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige qui sont déterminés par les prétentions des parties ; qu'en allouant au salarié des dommages et intérêts au titre de la perte de la chance de bénéficier d'un complément de rente d'invalidité, cependant qu'il résultait des conclusions d'appel de Monsieur Gildas X... que le salarié sollicitait la réparation du préjudice résultant de l'absence de la garantie invalidité dont il croyait légitiment pouvoir bénéficier, la Cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile.