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05/05/2011 | FRANCE | N°10-20439

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 mai 2011, 10-20439


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société SQLI du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. X..., Y..., Z... et A... ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'invoquant des actes de débauchage de ses salariés et de pillage de son savoir-faire qu'elle imputait à la société Alti (la société), ainsi qu'à MM. B..., de C... et X..., la société SQLI

a saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre d'une requête unique tendan...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société SQLI du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. X..., Y..., Z... et A... ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 145, 493 et 812 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'invoquant des actes de débauchage de ses salariés et de pillage de son savoir-faire qu'elle imputait à la société Alti (la société), ainsi qu'à MM. B..., de C... et X..., la société SQLI a saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre d'une requête unique tendant à la désignation d'huissiers de justice en vue de la réalisation d'investigations et auditions tant au siège social de cette société qu'aux domiciles des trois autres intéressés ; que par quatre ordonnances distinctes, visant chacune l'un d'eux, la demande de la société SQLI a été accueillie ;

Attendu que pour rétracter l'ordonnance concernant M. de C... et annuler les actes d'exécution subséquents, l'arrêt retient l'absence de nécessité dûment établie de déroger au principe de la contradiction ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société SQLI exposait dans la requête qu'elle était bien fondée à ne pas appeler la partie adverse et justifiait que l'effet de surprise était une condition de la réussite des mesures sollicitées, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions déclarant irrecevables l'appel provoqué de M. X... ainsi que les interventions volontaires de MM. Y..., Z... et A..., l'arrêt rendu le 30 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne MM. de C... et B... et la société Alti aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. de C... et B... et de la société Alti, les condamne à payer à la société SQLI la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société SQLI

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête visant Monsieur DE C... du 23 mars 2009 et d'avoir en conséquence annulé tous les actes effectués en exécution de cette ordonnance, et condamné la société SQLI à restituer les éléments collectés,

AUX MOTIFS QUE le premier juge relève exactement que l'instance en rétractation a pour unique objet de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire la régularité de la procédure suivie ainsi que des mesures autorisées dans ce cadre ; qu'en l'occurrence, il doit être observé que la SCP D...
E..., huissiers de justice désignés pour se rendre au domicile de Monsieur DE C... a par ordonnance sur requête en date du 23 mars 2009 reçu notamment pour mission de « prendre copie de tous documents de nature à apprécier dans quelles conditions Monsieur DE C... travaille, directement ou indirectement pour le compte de la société ALTI (contrat de travail, lettre d'embauche ou de pré-embauche, contrat de consultant, contrat de prestation de services, facture ou notes d'honoraires …) » ; que toutefois, il n'est pas sérieusement contestable que la société SQLI aurait eu la possibilité de solliciter dans le cadre de la procédure ultérieure sur le fond la communication de tels documents, sans encourir le risque d'un dépérissement ou d'une disparition des preuves ; qu'il a été également demandé à l'huissier instrumentaire de « prendre copie de tous messages par e-mail à caractère non personnel que Monsieur DE C... après qu'il ait rejoint la société ALTI, a échangé avec toutes les personnes dont l'adresse e-mail se termine par @ sqli. com » ; que pour autant, la société SQLI n'explique pas les raisons qui imposaient qu'elle fasse procéder au domicile de Monsieur DE C... à des investigations sur l'ordinateur de ce dernier plutôt que d'effectuer elle-même toutes recherches utiles au sein de son propre système informatique dans la mesure où les messageries s'y trouvaient conservées ; qu'au surplus, il s'infère des termes de l'ordonnance sur requête en date du 23 mars 2009 ayant autorisé la SCP D...
E... à se rendre au domicile de Monsieur DE C... que ces derniers sont reçu mission de « d'une manière générale, recevoir toute déclarations et tous documents, procéder à la conservation de preuves de quelque nature que ce soit, susceptibles d'établir un comportement de concurrence déloyale à l'encontre de société SQLI » ; qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé le 30 mars 2009 par Maître D... qu'on été saisies des correspondances qui ne constituent ni des messages de l'ancienne messagerie « sqli » de Monsieur DE C... ni des courriels échangés avec des personnes dont l'adresse se termine par @ sqli. com ; qu'au demeurant, il apparaît que des e-mails à caractère strictement personnel ont été collectés et annexés au procès-verbal de constat et que ces courriels ont été recueillis par l'huissier instrumentaire en parfaite conformité avec la mission qui lui a été assignée et qui l'autorisait à prendre copie, sur quelque support qu'ils se trouvent et par quelque moyen que ce soit, de tous documents susceptibles d'établir un comportement de concurrence déloyale au préjudice de la société intimée ; que dès lors, en l'absence de nécessité dûment établie qu'il soit initialement dérogé au principe du contradictoire et au regard du caractère très général de la mission confiée aux huissiers de justice, il convient d'infirmer l'ordonnance de référé rendue le 10 juin 2009 et de rétracter l'ordonnance sur requête prononcée le 23 mars 2009 à l'encontre de Monsieur DE C...,

1) ALORS QUE l'ordonnance aux fins de mesures in futurum est rendue sur requête dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse ; qu'il en va ainsi dans tous les cas où il existe un risque que la partie adverse s'abstienne de produire une pièce dans le cadre d'un débat contradictoire, en en niant l'existence ; qu'en retenant qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société SQLI aurait eu la possibilité de solliciter, dans le cadre de la procédure au fond, la communication des documents relatifs aux conditions d'embauche de Monsieur DE C... par la société ALTI, sans rechercher s'il n'existait pas un risque de non production de la part de Monsieur DE C... des éléments probants s'agissant des contacts préalables et éléments préparatoires à son embauche, susceptible de caractériser une pratique de débauchage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 493 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le recours à la procédure sur requête est justifié lorsqu'il s'agit de recueillir les déclarations d'une personne et d'éviter qu'elle ne se concerte au préalable avec les autres personnes susceptibles d'être impliquées ; que l'huissier avait notamment pour mission de recueillir les déclarations de Monsieur DE C... sur les conditions de son embauche par la société ALTI ; qu'en ne recherchant pas si l'efficacité de ces mesures ne supposait pas que Monsieur DE C... n'en soit pas préalablement averti, pour éviter qu'il accorde ses réponses avec celles des autres salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 495 et 812 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE pour rétracter l'ordonnance sur requête en ce qu'elle autorisait la copie des mails à caractère non personnel que M. Philippe DE C..., après qu'il ait rejoint la société ALTI, a échangés avec toutes personnes dont l'adresse email se terminait par @ sqli. com, la cour d'appel a énoncé que la société SQLI pouvait tout aussi bien appréhender ces mails sur son propre système informatique dans la mesure où les messageries concernées s'y trouvaient conservées ; qu'une telle recherche, qui visait à établir les manoeuvres de débauchage de salariés SQLI et de détournement d'informations stratégiques de la société SQLI effectués par Monsieur DE C..., aurait nécessité que la société SQLI consulte la messagerie de tous ses salariés, y compris ceux non concernés par le litige, soit 2. 000 personnes ; qu'en ne recherchant pas si, eu égard aux éventuelles atteintes à la vie privée de ses salariés qui auraient pu en résulter et à l'impossibilité matérielle de prendre connaissance des e-mails litigieux à partir de son propre système informatique, il n'était pas justifié que l'huissier puisse prendre copie des emails échangés se terminant par @ sqli. com sur l'ordinateur de Monsieur DE C..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 495 et 812 du code de procédure civile, ensemble le principe de proportionnalité ;

4) ALORS QUE le simple fait que des emails soient adressés depuis une boîte email personnelle ne leur confère pas un caractère personnel ; que pour rétracter l'ordonnance, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'avaient été collectés des emails qui ne se terminaient pas par @ sqli, ce dont elle a déduit qu'ils étaient personnels ; qu'en n'indiquant pas en quoi ces emails, s'agissant d'emails échangés avec d'anciens collègues encore en poste chez la société SQLI, pour obtenir notamment des informations sur les appels d'offre en cours, étaient personnels, quand ce caractère était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS QUE le droit au respect de la vie privée ne constitue pas un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ; qu'en ne recherchant pas si l'atteinte, à la considérer établie, à la vie privée n'était pas nécessaire eu égard à la nécessité de prouver les faits délictueux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 495 et 812 du code de procédure civile ;

6) ALORS QU'en affirmant, pour rétracter l'ordonnance, qu'elle avait un caractère trop général, quand la mission de l'huissier était limitée aux seuls éléments « susceptibles d'établir un comportement de concurrence déloyale à l'encontre de société SQLI », la cour d'appel, qui a méconnu les termes de l'ordonnance, a violé l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance du 23 mars 2009 concernant Monsieur DE C...,

AUX MOTIFS qu'aux termes de l'article 495 du code de procédure civile, « l'ordonnance sur requête est motivée ; elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée » ; qu'il est admis que la personne à laquelle est opposée est celle contre laquelle un procès est envisagé et/ ou la personne chez qui la mesure est exécutée ; qu'il doit être observé que cette ordonnance n'a pas, en son temps, été portée à la connaissance de la société ALTI et de Monsieur B... alors pourtant que ces derniers étaient nommément désignés dans la requête unique présentée au président du tribunal de grande instance de Nanterre ce dont il résulte qu'ils faisaient partie des personnes auxquelles ladite ordonnance était opposée ; qu'il s'ensuit que c'est en violation de l'article 495 susvisé qu'aucune copie de l'ordonnance rendue à l'encontre de Monsieur DE C... n'a été remise ni signifiée à la société ALTI et à Monsieur B... ; que le défaut de notification de cette ordonnance à la société ALTI et à Monsieur B... justifie à titre surabondant, la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 23 mars 2009 à l'encontre de Monsieur DE C...,

ALORS QUE copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; que la personne à laquelle la l'ordonnance est opposée est celle qui est visée par les mesures d'investigation, au domicile de laquelle la mesure est exécutée et qui doit prêter son concours à l'huissier, en le laissant exécuter sa mission ; qu'en retenant que la société ALTI et Monsieur B..., pour la seule raison qu'ils étaient mise en cause dans la requête, devaient recevoir notification de l'ordonnance prescrivant des mesures d'investigation contre Monsieur DE C..., quand les mesures d'investigation autorisées dans l'ordonnance n'étaient pas dirigées contre eux mais contre Monsieur DE C..., la cour d'appel a violé l'article 495 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-20439
Date de la décision : 05/05/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 30 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 mai. 2011, pourvoi n°10-20439


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.20439
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