La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2011 | FRANCE | N°09-70161

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 mai 2011, 09-70161


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 15 mai 2009) rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-12. 917), que les consorts X... ont saisi la commission départementale de vérification des titres pour obtenir la validation de leur droit de propriété sur une parcelle cadastrée V 444, située au Robert (Martinique), Pointe Royale ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de refuser la validation du titre de proprié

té revendique, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne physique ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 15 mai 2009) rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-12. 917), que les consorts X... ont saisi la commission départementale de vérification des titres pour obtenir la validation de leur droit de propriété sur une parcelle cadastrée V 444, située au Robert (Martinique), Pointe Royale ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de refuser la validation du titre de propriété revendique, alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que si les Etats peuvent mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, cette possibilité ne les autorise cependant pas à priver sans indemnité une personne d'un bien protégé au sens de la Convention ; que les prérogatives exercées par les titulaires de titres émanant de personnes privées sur la zone des cinquante pas géométriques antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 55-885 du 30 juin 1955, qui ont exercé toutes les prérogatives du propriétaire sur les fonds litigieux, sont des biens protégés au sens de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au cas d'espèce, en rejetant la demande de validation du titre de propriété des consorts X..., motif pris de ce que ce dernier titre n'émanait pas de l'Etat, quand ils constataient par ailleurs que le bien avait été régulièrement acquis par les consorts X..., selon les règles du droit civil, en 1933, et qu'ils avaient depuis cette date exercé toutes les prérogatives du propriétaire sur le fonds, lequel avait notamment été mis en valeur et bâti, les juges du fond ont porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect des biens et, partant, violé l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en faisant application d'une réglementation qui discrimine entre les personnes qui tiennent leur titre de l'Etat et les personnes qui tiennent leur titre d'un autre que lui, les juges du fond ont fait produire effet à une discrimination illicite au regard du droit au respect des biens tel qu'il est garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'aucun motif d'intérêt général suffisant ne justifie une telle différence ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 1er du Protocole additionnel n° 1 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile ; que l'ingérence dans l'exercice de ce droit par une autorité publique doit être prévue par la loi, justifiée par un intérêt public et proportionnée au but poursuivi ; qu'au cas d'espèce, il était constant que le fonds litigieux avait été acquis par la famille de M. X... en 1933 et que ce dernier y avait édifié sa maison d'habitation ; qu'en décidant néanmoins que son titre de propriété ne pouvait être validé, faute qu'il ait été délivré par l'Etat, le privant de la sorte de tout droit sur le fonds et, partant, de son domicile et du centre principal de ses intérêts matériels et familiaux, les juges du fond ont porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X... et ont en conséquence violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que le refus, dans le cadre de la procédure juridictionnelle mise en place par l'article 89-2 du code du domaine de l'Etat, devenu l'article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques, de la validation d'un titre portant sur une parcelle de la zone domaniale des cinquante pas géométriques au motif que ce titre émane d'une personne privée et n'établit pas que l'Etat ait entendu soustraire le bien de son domaine public, ne caractérise pas une privation du bien au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mais relève d'une réglementation, justifiée par l'intérêt général, de l'usage des biens du domaine public maritime de l'Etat, n'entraîne pas une discrimination illicite et ne traduit pas une ingérence prohibée dans la vie privée et familiale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les premier, troisième et quatrième moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et de Mme
A...
;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour les consorts X... et Mme A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande des consorts X... tendant à la validation de leur titre de propriété sur la parcelle cadastrée V 444 située commune du ROBERT, lieudit Pointe Royale ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas discuté que les consorts X... viennent aux droits de Mme Marie-Thérèse C...épouse X... ainsi qu'il résulte d'une suite d'actes notariés non contestés portant partage de divers biens immobiliers indivis entre les consorts C...puis règlement d'indivision successorale des héritiers X... ; que l'ensemble immobilier d'origine, incluant la parcelle litigieuse, a été acquis par les consorts C...le 3 juin 1933 des mains de M. D..., légataire universel de M. E...qui, lui-même, en était devenu propriétaire par l'effet d'un jugement du Tribunal de première instance de SAINT PIERRE en date du 30 janvier 1877 ; que le Préfet de la Martinique soutient préalablement l'absence de preuve de l'intégration de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas géométriques, faute de production de l'acte datant de 1877 et d'un arpentage permettant de justifier que le domaine s'étendait jusqu'au rivage de la mer ; que cependant il ne peut être reproché aux consorts X... de ne pas verser aux débats un titre de 1877, la destruction d'un tel document lors des événements de 1902 apparaissant en tout état de cause plausible ; que dans ces conditions le document d'arpentage annexé à l'acte de 1933 a valeur probante en ce qu'il mentionne que l'une des bornes marquant la surface de l'ensemble de l'habitation se trouve « à 3 mètres du rivage de la mer », expression dépourvue d'ambiguïté en ce qu'elle désigne le bord de la terre franche à compter duquel se décomptent les « 50 pas géométriques » de la réserve domaniale formalisée par une ordonnance de 1782 ; que le fait que l'Etat n'ait été ni présent ni partie au bornage de 1933 est indifférent quant à la localisation de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas ; qu'il sera simplement rappelé que le cadastre n'existait pas en Martinique à cette date et que la parcelle présentement désignée V444 est le fruit de divisions successives de l'habitation Pointe Royale pris en compte lors de l'établissement de celui-ci et des démembrements successifs de cette exploitation au fur et à mesure des héritages ; que l'analyse précise opérée par la commission de vérification des titres des divers actes qui lui étaient soumis lui a permis de retenir que cette parcelle revendiquée constituait la façade maritime de la parcelle V365, observation suffisante pour considérer qu'elle est précisément dans la zone des 50 pas géométriques ; que l'acte de vente du 3 juin 1933 mentionne en sa partie relative à l'origine de propriété que M. E...s'était rendu adjudicataire de l'habitation Pointe Royale et de l'habitation Pointe La Rose « sur les poursuites en saisie-immobilière desdites deux habitations exercées contre M. Louis Frédéric F...suivant jugement de l'audience des criées du Tribunal de première instance de SAINT-PIERRE en date du 30 janvier 1877 » ; que pour bénéficier d'une régularisation dans le cadre de la loi du 30 décembre 1996, les consorts X... doivent établir l'existence d'un titre antérieur à l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 ; que si, avant le décret du 4 juin 1887, la zone des 50 pas était inaliénable, ni le décret du 21 mars 1882 ni celui du 4 juin 1887 n'ont eu pour effet de déroger à l'imprescriptibilité de la zone des 50 pas géométriques, qui ne s'est trouvée supprimée en son principe que par le décret du 30 juin 1955 plaçant cette zone dans le domaine privé de l'Etat ; que ni entre 1877 et 1933 M. E...ou ses ayants-droit, ni ultérieurement les consorts C..., n'ont sollicité de l'administration le bénéfice de la procédure prévue par le décret du 21 mars 1887 rendu applicable à la Martinique par le décret du 4 juin 1887 pour obtenir un titre, qu'il soit translatif ou de simple jouissance, délivré par l'Etat ; que par suite, les consorts X... ne justifient aucunement d'un titre émanant de l'Etat traduisant l'aliénation de la parcelle litigieuse au profit du propriétaire du fonds en bordure duquel elle se trouve (…) » (arrêt, p. 3-4) ;
ALORS QUE, premièrement, la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; que sous l'empire des décrets du 21 mars 1882 et du 4 juin 1887, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 55-885 du 30 juin 1955, la zone dite des 50 pas géométriques, en ce qui concerne le département de la Martinique, ne disposait pas d'un statut juridique clairement fixé et n'était en tout cas pas dotée d'une inaliénabilité absolue, dès lors que le décret du 4 juin 1887 permettait en particulier l'octroi aux occupants de terrains bâtis sur la zone des 50 pas géométriques de titres de propriété « définitifs et incommutables » ; qu'en outre, entre l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 et l'entrée en vigueur de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, la zone des 50 pas géométriques faisait partie du domaine privé de l'Etat ; qu'en cet état, l'article L. 5112-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (ancien article L. 89-2 du Code du domaine de l'Etat, issu de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996), tel qu'interprété par la jurisprudence en ce sens que seuls les titres de propriété délivrés par l'Etat sont susceptibles de validation, est contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en tant que ce dernier protège le droit de propriété sous toutes ses formes et s'oppose donc à ce que les personnes ayant régulièrement acquis un bien situé sur la zone des 50 pas géométriques selon les voies normales du droit civil et à une époque où l'inaliénabilité du domaine public n'était pas absolue, se voient ainsi privées de leurs droits ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
ALORS QUE, deuxièmement et de la même manière, l'article L. 5112-3 du Code général de la propriété des personnes publiques, tel qu'interprété par la jurisprudence, en ce qu'il conduit à priver sans indemnité de leurs droits ceux qui ont acquis un bien selon les voies normales du droit civil à une époque où l'inaliénabilité du domaine public n'était pas absolue, conduit à une forme d'expropriation sans contrepartie ; qu'il n'est ainsi pas conforme à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de ce dernier texte ;
ALORS QUE, troisièmement, en ce qu'il introduit une discrimination entre ceux qui ont acquis leur bien de l'Etat et ceux qui l'ont acquis d'une personne privée à une époque où l'inaliénabilité du domaine public n'était pas absolue, l'article L. 5112-3 du Code général de la propriété des personnes publiques, tel qu'interprété par la jurisprudence, n'est pas conforme aux articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dès lors qu'il traite de manière différente des personnes placées dans des situations semblables, sans qu'un motif d'intérêt général le justifie ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
Et ALORS QUE, quatrièmement, le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que la loi remette en cause une situation acquise sous l'empire du droit antérieur lorsque les parties ont procédé conformément aux règles de droit commun alors applicables ou lorsque l'état du droit positif alors applicable était incertain ; qu'avant l'intervention du décret n° 55-885 du 30 juin 1955, qui a classé la zone des 50 pas géométriques dans le domaine privé de l'Etat, l'appartenance de cette zone au domaine public n'emportait pas inaliénabilité absolue dès lors que les décrets des 4 mars 1882 et 21 juin 1887, en ce qui concerne la Martinique, permettaient la cession amiable par l'Etat de terrains dépendant de ladite zone ; qu'en cet état, l'article L. 5112-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (ancien article L. 89-2 du Code du domaine de l'Etat), tel qu'interprété par la jurisprudence, porte une atteinte irrégulière à la sécurité juridique en ce qu'il a pour effet de remettre en cause les droits que les personnes privées avaient pu légitimement acquérir sous l'empire des décrets des 4 mars 1882 et 21 juin 1887 en procédant à des transactions avec d'autres personnes privées ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ensemble le principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande des consorts X... tendant à la validation de leur titre de propriété sur la parcelle cadastrée V 444 située commune du ROBERT, lieudit Pointe Royale ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas discuté que les consorts X... viennent aux droits de Mme Marie-Thérèse C...épouse X... ainsi qu'il résulte d'une suite d'actes notariés non contestés portant partage de divers biens immobiliers indivis entre les consorts C...puis règlement d'indivision successorale des héritiers X... ; que l'ensemble immobilier d'origine, incluant la parcelle litigieuse, a été acquis par les consorts C...le 3 juin 1933 des mains de M. D..., légataire universel de M. E...qui, lui-même, en était devenu propriétaire par l'effet d'un jugement du Tribunal de première instance de SAINT PIERRE en date du 30 janvier 1877 ; que le Préfet de la Martinique soutient préalablement l'absence de preuve de l'intégration de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas géométriques, faute de production de l'acte datant de 1877 et d'un arpentage permettant de justifier que le domaine s'étendait jusqu'au rivage de la mer ; que cependant il ne peut être reproché aux consorts X... de ne pas verser aux débats un titre de 1877, la destruction d'un tel document lors des événements de 1902 apparaissant en tout état de cause plausible ; que dans ces conditions le document d'arpentage annexé à l'acte de 1933 a valeur probante en ce qu'il mentionne que l'une des bornes marquant la surface de l'ensemble de l'habitation se trouve « à 3 mètres du rivage de la mer », expression dépourvue d'ambiguïté en ce qu'elle désigne le bord de la terre franche à compter duquel se décomptent les « 50 pas géométriques » de la réserve domaniale formalisée par une ordonnance de 1782 ; que le fait que l'Etat n'ait été ni présent ni partie au bornage de 1933 est indifférent quant à la localisation de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas ; qu'il sera simplement rappelé que le cadastre n'existait pas en Martinique à cette date et que la parcelle présentement désignée V444 est le fruit de divisions successives de l'habitation Pointe Royale pris en compte lors de l'établissement de celui-ci et des démembrements successifs de cette exploitation au fur et à mesure des héritages ; que l'analyse précise opérée par la commission de vérification des titres des divers actes qui lui étaient soumis lui a permis de retenir que cette parcelle revendiquée constituait la façade maritime de la parcelle V365, observation suffisante pour considérer qu'elle est précisément dans la zone des 50 pas géométriques ; que l'acte de vente du 3 juin 1933 mentionne en sa partie relative à l'origine de propriété que M. E...s'était rendu adjudicataire de l'habitation Pointe Royale et de l'habitation Pointe La Rose « sur les poursuites en saisie-immobilière desdites deux habitations exercées contre M. Louis Frédéric F...suivant jugement de l'audience des criées du Tribunal de première instance de SAINT-PIERRE en date du 30 janvier 1877 » ; que pour bénéficier d'une régularisation dans le cadre de la loi du 30 décembre 1996, les consorts X... doivent établir l'existence d'un titre antérieur à l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 ; que si, avant le décret du 4 juin 1887, la zone des 50 pas était inaliénable, ni le décret du 21 mars 1882 ni celui du 4 juin 1887 n'ont eu pour effet de déroger à l'imprescriptibilité de la zone des 50 pas géométriques, qui ne s'est trouvée supprimée en son principe que par le décret du 30 juin 1955 plaçant cette zone dans le domaine privé de l'Etat ; que ni entre 1877 et 1933 M. E...ou ses ayants-droit, ni ultérieurement les consorts C..., n'ont sollicité de l'administration le bénéfice de la procédure prévue par le décret du 21 mars 1887 rendu applicable à la Martinique par le décret du 4 juin 1887 pour obtenir un titre, qu'il soit translatif ou de simple jouissance, délivré par l'Etat ; que par suite, les consorts X... ne justifient aucunement d'un titre émanant de l'Etat traduisant l'aliénation de la parcelle litigieuse au profit du propriétaire du fonds en bordure duquel elle se trouve (…) » (arrêt, p. 3-4) ;
ALORS QUE, premièrement, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que si les Etats peuvent mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, cette possibilité ne les autorise cependant pas à priver sans indemnité une personne d'un bien protégé au sens de la Convention ; que les prérogatives exercées par les titulaires de titres émanant de personnes privées sur la zone des 50 pas géométriques antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 55-885 du 30 juin 1955, qui ont exercé toutes les prérogatives du propriétaire sur les fonds litigieux, sont des biens protégés au sens de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au cas d'espèce, en rejetant la demande de validation du titre de propriété des consorts X..., motif pris de ce que ce dernier titre n'émanait pas de l'Etat, quand ils constataient par ailleurs que le bien avait été régulièrement acquis par les consorts X..., selon les règles du droit civil, en 1933, et qu'ils avaient depuis cette date exercé toutes les prérogatives du propriétaire sur le fonds, lequel avait notamment été mis en valeur et bâti, les juges du fond ont porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect des biens et, partant, violé l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, deuxièmement, en faisant application d'une réglementation qui discrimine entre les personnes qui tiennent leur titre de l'Etat et les personnes qui tiennent leur titre d'un autre que lui, les juges du fond ont fait produire effet à une discrimination illicite au regard du droit au respect des biens tel qu'il est garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'aucun motif d'intérêt général suffisant ne justifie une telle différence ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 1er du Protocole additionnel n° 1 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et ALORS QUE, troisièmement, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile ; que l'ingérence dans l'exercice de ce droit par une autorité publique doit être prévue par la loi, justifiée par un intérêt public et proportionnée au but poursuivi ; qu'au cas d'espèce, il était constant que le fonds litigieux avait été acquis par la famille de M. X... en 1933 et que ce dernier y avait édifié sa maison d'habitation ; qu'en décidant néanmoins que son titre de propriété ne pouvait être validé, faute qu'il ait été délivré par l'Etat, le privant de la sorte de tout droit sur le fonds et, partant, de son domicile et du centre principal de ses intérêts matériels et familiaux, les juges du fond ont porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X... et ont en conséquence violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande des consorts X... tendant à la validation de leur titre de propriété sur la parcelle cadastrée V 444 située commune du ROBERT, lieudit Pointe Royale ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas discuté que les consorts X... viennent aux droits de Mme Marie-Thérèse C...épouse X... ainsi qu'il résulte d'une suite d'actes notariés non contestés portant partage de divers biens immobiliers indivis entre les consorts C...puis règlement d'indivision successorale des héritiers X... ; que l'ensemble immobilier d'origine, incluant la parcelle litigieuse, a été acquis par les consorts C...le 3 juin 1933 des mains de M. D..., légataire universel de M. E...qui, lui-même, en était devenu propriétaire par l'effet d'un jugement du Tribunal de première instance de SAINT PIERRE en date du 30 janvier 1877 ; que le Préfet de la Martinique soutient préalablement l'absence de preuve de l'intégration de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas géométriques, faute de production de l'acte datant de 1877 et d'un arpentage permettant de justifier que le domaine s'étendait jusqu'au rivage de la mer ; que cependant il ne peut être reproché aux consorts X... de ne pas verser aux débats un titre de 1877, la destruction d'un tel document lors des événements de 1902 apparaissant en tout état de cause plausible ; que dans ces conditions le document d'arpentage annexé à l'acte de 1933 a valeur probante en ce qu'il mentionne que l'une des bornes marquant la surface de l'ensemble de l'habitation se trouve « à 3 mètres du rivage de la mer », expression dépourvue d'ambiguïté en ce qu'elle désigne le bord de la terre franche à compter duquel se décomptent les « 50 pas géométriques » de la réserve domaniale formalisée par une ordonnance de 1782 ; que le fait que l'Etat n'ait été ni présent ni partie au bornage de 1933 est indifférent quant à la localisation de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas ; qu'il sera simplement rappelé que le cadastre n'existait pas en Martinique à cette date et que la parcelle présentement désignée V444 est le fruit de divisions successives de l'habitation Pointe Royale pris en compte lors de l'établissement de celui-ci et des démembrements successifs de cette exploitation au fur et à mesure des héritages ; que l'analyse précise opérée par la commission de vérification des titres des divers actes qui lui étaient soumis lui a permis de retenir que cette parcelle revendiquée constituait la façade maritime de la parcelle V365, observation suffisante pour considérer qu'elle est précisément dans la zone des 50 pas géométriques ; que l'acte de vente du 3 juin 1933 mentionne en sa partie relative à l'origine de propriété que M. E...s'était rendu adjudicataire de l'habitation Pointe Royale et de l'habitation Pointe La Rose « sur les poursuites en saisie-immobilière desdites deux habitations exercées contre M. Louis Frédéric F...suivant jugement de l'audience des criées du Tribunal de première instance de SAINT-PIERRE en date du 30 janvier 1877 » ; que pour bénéficier d'une régularisation dans le cadre de la loi du 30 décembre 1996, les consorts X... doivent établir l'existence d'un titre antérieur à l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 ; que si, avant le décret du 4 juin 1887, la zone des 50 pas était inaliénable, ni le décret du 21 mars 1882 ni celui du 4 juin 1887 n'ont eu pour effet de déroger à l'imprescriptibilité de la zone des 50 pas géométriques, qui ne s'est trouvée supprimée en son principe que par le décret du 30 juin 1955 plaçant cette zone dans le domaine privé de l'Etat ; que ni entre 1877 et 1933 M. E...ou ses ayants-droit, ni ultérieurement les consorts C..., n'ont sollicité de l'administration le bénéfice de la procédure prévue par le décret du 21 mars 1887 rendu applicable à la Martinique par le décret du 4 juin 1887 pour obtenir un titre, qu'il soit translatif ou de simple jouissance, délivré par l'Etat ; que par suite, les consorts X... ne justifient aucunement d'un titre émanant de l'Etat traduisant l'aliénation de la parcelle litigieuse au profit du propriétaire du fonds en bordure duquel elle se trouve (…) » (arrêt, p. 3-4) ;
ALORS QUE le droit de propriété résultant d'un jugement d'adjudication doit être considéré comme résultant d'un titre délivré par l'Etat dès lors que toutes les décisions de justice sont rendues en son nom ; qu'au cas d'espèce, en rejetant la demande des consorts X..., motif pris de ce que le titre dont ils se prévalaient n'émanait pas de l'Etat, quand ils relevaient eux-mêmes que l'un au moins des auteurs des consorts X... tenait son droit de l'Etat pour avoir acquis la propriété par le jeu d'un jugement d'adjudication rendu en 1877, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé l'article L. 5112-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (ancien article L. 89-2 du Code du domaine de l'Etat), ensemble les articles L. 111-1 du Code de l'organisation judiciaire et 714 de l'ancien Code de procédure civile dans sa rédaction applicable à l'espèce.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande des consorts X... tendant à la validation de leur titre de propriété sur la parcelle cadastrée V 444 située commune du ROBERT, lieudit Pointe Royale ;
AUX MOTIFS QU'« il n'est pas discuté que les consorts X... viennent aux droits de Mme Marie-Thérèse C...épouse X... ainsi qu'il résulte d'une suite d'actes notariés non contestés portant partage de divers biens immobiliers indivis entre les consorts C...puis règlement d'indivision successorale des héritiers X... ; que l'ensemble immobilier d'origine, incluant la parcelle litigieuse, a été acquis par les consorts C...le 3 juin 1933 des mains de M. D..., légataire universel de M. E...qui, lui-même, en était devenu propriétaire par l'effet d'un jugement du Tribunal de première instance de SAINT PIERRE en date du 30 janvier 1877 ; que le Préfet de la Martinique soutient préalablement l'absence de preuve de l'intégration de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas géométriques, faute de production de l'acte datant de 1877 et d'un arpentage permettant de justifier que le domaine s'étendait jusqu'au rivage de la mer ; que cependant il ne peut être reproché aux consorts X... de ne pas verser aux débats un titre de 1877, la destruction d'un tel document lors des événements de 1902 apparaissant en tout état de cause plausible ; que dans ces conditions le document d'arpentage annexé à l'acte de 1933 a valeur probante en ce qu'il mentionne que l'une des bornes marquant la surface de l'ensemble de l'habitation se trouve « à 3 mètres du rivage de la mer », expression dépourvue d'ambiguïté en ce qu'elle désigne le bord de la terre franche à compter duquel se décomptent les « 50 pas géométriques » de la réserve domaniale formalisée par une ordonnance de 1782 ; que le fait que l'Etat n'ait été ni présent ni partie au bornage de 1933 est indifférent quant à la localisation de la parcelle litigieuse dans la zone des 50 pas ; qu'il sera simplement rappelé que le cadastre n'existait pas en Martinique à cette date et que la parcelle présentement désignée V444 est le fruit de divisions successives de l'habitation Pointe Royale pris en compte lors de l'établissement de celui-ci et des démembrements successifs de cette exploitation au fur et à mesure des héritages ; que l'analyse précise opérée par la commission de vérification des titres des divers actes qui lui étaient soumis lui a permis de retenir que cette parcelle revendiquée constituait la façade maritime de la parcelle V365, observation suffisante pour considérer qu'elle est précisément dans la zone des 50 pas géométriques ; que l'acte de vente du 3 juin 1933 mentionne en sa partie relative à l'origine de propriété que M. E...s'était rendu adjudicataire de l'habitation Pointe Royale et de l'habitation Pointe La Rose « sur les poursuites en saisie-immobilière desdites deux habitations exercées contre M. Louis Frédéric F...suivant jugement de l'audience des criées du Tribunal de première instance de SAINT-PIERRE en date du 30 janvier 1877 » ; que pour bénéficier d'une régularisation dans le cadre de la loi du 30 décembre 1996, les consorts X... doivent établir l'existence d'un titre antérieur à l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955 ; que si, avant le décret du 4 juin 1887, la zone des 50 pas était inaliénable, ni le décret du 21 mars 1882 ni celui du 4 juin 1887 n'ont eu pour effet de déroger à l'imprescriptibilité de la zone des 50 pas géométriques, qui ne s'est trouvée supprimée en son principe que par le décret du 30 juin 1955 plaçant cette zone dans le domaine privé de l'Etat ; que ni entre 1877 et 1933 M. E...ou ses ayants-droit, ni ultérieurement les consorts C..., n'ont sollicité de l'administration le bénéfice de la procédure prévue par le décret du 21 mars 1887 rendu applicable à la Martinique par le décret du 4 juin 1887 pour obtenir un titre, qu'il soit translatif ou de simple jouissance, délivré par l'Etat ; que par suite, les consorts X... ne justifient aucunement d'un titre émanant de l'Etat traduisant l'aliénation de la parcelle litigieuse au profit du propriétaire du fonds en bordure duquel elle se trouve (…) » (arrêt, p. 3-4) ;
ALORS QUE l'apparence est créatrice de droit en cas d'erreur invincible ; que l'acquéreur a non domino d'un bien immobilier peut bénéficier du jeu de l'apparence lorsqu'il a acquis le bien selon les voies normales du droit civil, de celui qui pouvait être considéré comme légitime propriétaire et avec l'intervention d'un officier public tel que le notaire ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constatations des juges du fond que les consorts C..., aux droits desquels viennent les consorts X..., avaient acquis la parcelle litigieuse par un acte authentique reçu le 3 juin 1933 et conclu avec M. D..., lui-même légataire universel de M. E..., lequel avait acquis le bien par le jeu d'un jugement d'adjudication rendu par le Tribunal de première instance de SAINT-PIERRE le 30 janvier 1877 ; qu'en cet état, faute d'avoir recherché si les consorts C..., aux droits desquels se trouvent les consorts X..., n'avaient pas été victimes d'une erreur invincible en acquérant dans ces conditions la propriété de la parcelle, de sorte qu'en vertu de la théorie de l'apparence, ils tenaient de la loi leur droit de propriété sur le bien, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 544 et 1134 du Code civil, ensemble les règles régissant la théorie de l'apparence.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-70161
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

OUTRE-MER - Martinique - Zone des cinquante pas géométriques - Terrain situé dans la réserve domaniale - Droits sur le terrain - Preuve - Titre - Opposabilité à l'Etat - Conditions - Détermination - Portée

OUTRE-MER - Guadeloupe - Zone des cinquante pas géométriques - Terrain situé dans la réserve domaniale - Droits sur le terrain - Preuve - Titre - Opposabilité à l'Etat - Conditions - Détermination - Portée CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier Protocole additionnel - Article 1er - Protection de la propriété - Violation - Défaut - Cas - Refus de validation d'un titre, émanant d'une personne privée, portant sur une parcelle de la zone domaniale des cinquante pas géométriques CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie familiale - Compatibilité - Refus de validation d'un titre, émanant d'une personne privée, portant sur une parcelle de la zone domaniale des cinquante pas géométriques CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Exercice de ce droit - Compatibilité - Refus de validation d'un titre, émanant d'une personne privée, portant sur une parcelle de la zone domaniale des cinquante pas géométriques CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 14 - Interdiction de discrimination - Compatibilité - Refus de validation d'un titre, émanant d'une personne privée, portant sur une parcelle de la zone domaniale des cinquante pas géométriques

Dans le cadre de la procédure juridictionnelle mise en place par l'article 89-2 du code du domaine de l'Etat, devenu l'article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques, le refus de la validation d'un titre portant sur une parcelle de la zone domaniale des cinquante pas géométriques au motif que ce titre, émanant d'une personne privée, n'établit pas que l'Etat ait entendu soustraire le bien de son domaine public, ne caractérise pas une privation du bien au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Un tel refus, qui relève d'une réglementation, justifiée par l'intérêt général, de l'usage des biens du domaine public maritime de l'Etat, n'entraîne dès lors ni une discrimination illicite, ni ne traduit une ingérence prohibée dans la vie privée et familiale


Références :

article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
article L. 5112-3 du code général de la propriété des personnes publiques

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 15 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 mai. 2011, pourvoi n°09-70161, Bull. civ. 2011, III, n° 67
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, III, n° 67

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Bruntz
Rapporteur ?: M. Terrier
Avocat(s) : Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.70161
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award