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03/05/2011 | FRANCE | N°10-17011

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mai 2011, 10-17011


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 17 février 2010), que par acte du 12 mai 2006, M. X... (M. Y...) et son conjoint, Mme Z..., époux communs en biens, ont fait apport à la SCI Artemise (la SCI), constituée entre eux et leurs enfants, de deux biens immobiliers ; que par jugements des 18 juillet et 19 septembre 2007, M. Y... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, M. A... étant nommé liquidateur ; que le tribunal a fixé provisoiremen

t la date de cessation des paiements au 1er février 2006 ; que le l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 17 février 2010), que par acte du 12 mai 2006, M. X... (M. Y...) et son conjoint, Mme Z..., époux communs en biens, ont fait apport à la SCI Artemise (la SCI), constituée entre eux et leurs enfants, de deux biens immobiliers ; que par jugements des 18 juillet et 19 septembre 2007, M. Y... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, M. A... étant nommé liquidateur ; que le tribunal a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er février 2006 ; que le liquidateur a assigné M. et Mme Y... et la SCI en annulation de la convention d'apport ;
Attendu que M. et Mme Y... et la SCI font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 16 octobre 2008 qui a prononcé la nullité de la convention d'apport du 12 mai 2006 alors, selon le moyen, que la nullité des actes prévue à l'article L. 632-1 du code de commerce n'affecte les actes passés par un débiteur commun en biens avec son conjoint que lorsqu'il s'agit d'actes à titre gratuit ; qu'en la présente espèce, les juges du fond ont expressément constaté que l'apport d'immeubles à une SCI par un associé commun en biens constituait un contrat commutatif et non pas un acte à titre gratuit ; qu'en faisant application à la présente espèce de la jurisprudence de la cour de cassation relative à la nullité des actes à titre gratuits faits par un débiteur commun en biens avec son conjoint depuis la date de cessation des paiements, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce ;
Mais attendu que lorsque le débiteur, époux commun en biens, a passé, avec son conjoint, un contrat commutatif portant sur un bien commun, faisant partie du gage des créanciers, et dans lequel ses obligations excédent notablement celles de l'autre partie, la nullité de cette convention, faite depuis la date de cessation des paiements ou dans les six mois précédant cette date, atteint l'acte en son entier ; qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés que pour un apport pouvant être évalué à 67 500 euros pour ce qui concerne les seuls droits de M. Y..., celui-ci n'avait pas reçu attribution de droits sociaux proportionnels à son apport puisque quatre des six associés disposaient des mêmes droits que lui cependant qu'ils n'avaient fait qu'un apport en numéraire 2 700 fois inférieur au sien, la cour d'appel, ayant fait ressortir que les obligations du débiteur excédaient notablement celles de la SCI, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la seconde branche du moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... et la SCI Artémise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, les condamne à payer à M. A..., ès qualités, la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité en application de l'article L. 632-1 du Code de commerce de l'apport des immeubles, biens communs des époux X..., à la SCI ARTEMISE par acte du 12 mai 2006,
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« Il est constant que, par acte du 12 mai 2006, Joaquim X..., alors artisan maçon, et son épouse ont fait apport à la SCI ARTEMISE (constituée entre eux et leurs 4 enfants), de biens immobiliers situés sur les communes de TAVAUX et FOUCHERANS ; Que Joaquim X... a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 18 juillet 2007 et convertie en liquidation judiciaire le 19 septembre 2007, la date de cessation de paiements étant fixée provisoirement au 1er février 2006.
« Le premier juge a à bon droit prononcé, par des motifs que la Cour adopte, la nullité de l'acte précité sur le fondement de l'article L. 632-1- I 1° et 2° du Code de commerce.
« Les appelants n'y apportent aucune contradiction sérieuse, se bornant à réitérer les arguments développés en première instance pour soutenir d'abord que la nullité des actes passés en période suspecte ne s'applique qu'aux actes accomplis par le débiteur de la procédure collective et non par son conjoint, ensuite que les conditions de l'action paulienne diligentée à titre subsidiaire par Maître Pascal A... ès-qualités ne sont pas réunies.
« Mais, lorsque le débiteur époux commun en biens a passé avec son conjoint un acte à titre gratuit portant sur un bien commun, qui fait partie du gage des créanciers, la nullité de cet acte fait depuis la date de cessation des paiements ou dans les 6 mois précédant cette date atteint l'acte en son entier (Cass. Com. 07/ 04/ 09).
« Dès lors que l'acte en cause a été analysé correctement par le premier juge comme un contrat commutatif dans lequel les obligations de Joaquim X... excédaient notablement celles de la SCI ARTEMISE à son égard, la nullité de cet acte passé après la date de la cessation des paiement, non sérieusement remise en cause par les appelants, s'impose. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE :

« Par application des dispositions de l'article 1104 du Code civil, un contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne ou de ce qu'on fait pour elle.

« Par application des dispositions de l'article 1832 du Code civil, une société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
« Par application des dispositions de l'article 1843-2 du Code civil, les droits de chaque associé dans le capital social sont proportionnés à ses apports lors de la constitution de la société ou au cours de l'existence de celle-ci.
« Par application des dispositions de l'article L. 632-1 du Code de commerce, « sont nuls lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements (…) tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ».
« Par un arrêt n° 90-15305 de son Assemblée Plénière en date du 23 décembre 1994 (Jurisdata n° 1994-002486), la Cour de Cassation a rappelé que la liquidation judiciaire d'un débiteur commun en biens emporte dessaisissement à l'égard de tous ses biens, y compris les biens communs avec son conjoint in bonis, le jugement de liquidation judiciaire ayant en effet une portée réelle et pas seulement personnelle et ne produisant pas d'effets à l'égard de la personne du débiteur mais à l'égard de ses biens, parmi lesquels figurent les biens communs.
« En conséquence, dès lors que l'acte visé par l'action en nullité porte sur un bien faisant partie du patrimoine du débiteur en liquidation judiciaire, dont il est des6 saisi par l'effet de la procédure collective, ce qui est le cas d'un bien commun, il peut être fait application des dispositions de l'article L. 632-1 du Code de commerce.
« De même a-t-il été jugé par un arrêt n° 06-20993 de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 6 février 2008, sur le fondement de l'article 1167 du Code civil, que l'acte accompli en fraude des droits de son créancier par un débiteur commun en biens sur un bien commun est inopposable au créancier en son entier (en ce compris les droits du conjoint).
« S'agissant enfin de l'apport d'un bien immobilier à une société par un associé en état de cessation des paiements, il a été considéré (Cour d'appel de GRENOBLE, 1ère Civ. 8 avril 2003, Jurisdata n° 2003-226541) qu'il pouvait encourir l'annulation qui frappe les contrats commutatifs déséquilibrés s'il existe une disproportion entre la valeur de cet apport et le faible pourcentage de parts sociales reçues en contrepartie par l'apporteur.
« Par jugement en date du 19 septembre 2007, le Tribunal de commerce de DOLE a, en l'espèce, prononcé la conversion en liquidation judiciaire de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de Joaquim X... par jugement en date du 18 juillet 2007, lequel avait également fixé provisoirement au 1er février 2006 la date de cessation des paiements.
« Par acte en date du 22 mars 2006, Joaquim X... et Artémisia Z... épouse X... et leurs quatre enfants, Mickael X..., Yohann X..., Cédric X... et Umberto X..., ont constitué une société civile immobilière dénommée ARTEMISE dont le capital social, fixé à 150 € uros divisé en 150 parts de un € uro chacune, a été attribué à hauteur de 25 parts à chacun des six associés et dont Joaquim X... a été désigné en qualité de gérant.
« Par acte authentique en date du 12 mai 2006, enregistré à la Conservation des Hypothèques le 9 août 2006, Joaquim X... a fait avec son épouse Artémisia Z... épouse X..., apport à la société ARTEMISE, immatriculée au RCS de DOLE le 7 avril 2006, de deux immeubles ayant la nature de biens communs ; d'une part un immeuble à usage professionnel sis sur le territoire de FOUCHERANS cadastré section AL n° 384 lieudit 10... et ZI n° 75, lieudit..., d'autre part un immeuble sis sur le territoire de TAVAUX, cadastré section AP n° 157 lieudit ..., lesdits biens étant évalués à 15. 000 € uros pour celui sis à FOUCHERANS et à 120. 000 € uros pour celui sis à TAVAUX.
« L'acte d'apport d'un bien immobilier par un associé à une société, en ce qu'il comporte des obligations (transfert de la propriété du bien par l'apporteur et attribution en contrepartie par la société de droits sociaux proportionnels à la valeur de l'apport), normalement équivalentes, à la charge de chacune des parties constitue un contrat commutatif.
« A la suite de son apport en date du 12 mai 2006, Joaquim X... est resté titulaire des seules 25 parts sociales (sur les 150 parts constituant le capital social) qu'il avait reçues le 22 mars 2006 en contrepartie de l'apport en numéraire de la somme de 25 € uros alors qu'aux termes du contrat d'apport, les biens apportés ont été évalués à 135. 000 € uros.
« Dès lors, pour un apport pouvant être évalué à 67. 500 € uros (eu égard à sa nature de biens communs) pour ce qui concerne les seuls droits de Joaquim X..., celui-ci n'a pas reçu attribution de droits sociaux proportionnels à son apport puisque quatre des six associés disposent des mêmes droits que lui alors qu'ils n'ont fait qu'un apport en numéraire 2. 700 fois inférieur au sien.
« Il est ainsi constant que l'obligation de Joaquim X..., débiteur de l'apport, excède notablement celle de la société ARTEMISE à son égard.
« L'apport ayant été réalisé le 12 mai 2006, soit postérieurement à la cessation de ses paiements dont la date a été fixée au 1er février 2006 par le jugement en date du 18 juillet 2007, il convient de prononcer sa nullité par application des dispositions de l'article L. 632-1 du Code de commerce et d'ordonner la réintégration des biens immobiliers objets du contrat d'apport dans le patrimoine du débiteur. » (jugement, prod. p. 2 à 4).
ALORS D'UNE PART QUE la nullité des actes prévue à l'article L. 632-1 du Code de commerce n'affecte les actes passés par un débiteur commun en biens avec son conjoint que lorsqu'il s'agit d'actes à titre gratuit ; Qu'en la présente espèce, les juges du fond ont expressément constaté que l'apport d'immeubles à une SCI par un associé commun en biens constituait un contrat commutatif et non pas un acte à titre gratuit ; Qu'en faisant application à la présente espèce de la jurisprudence de la Cour de Cassation relative à la nullité des actes à titre gratuits faits par un débiteur commun en biens avec son conjoint depuis la date de cessation des paiements, la Cour d'appel n'a pas lé8 galement justifié sa décision au regard de l'article L. 632-1 du Code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE dès lors que les exposants se prévalaient en page 4 de leurs conclusions signifiées le 19 mai 2009 (prod.) du caractère provisoire de la date de cessation des paiements retenue par le jugement de redressement judiciaire du 18 juillet 2007 (prod.), il appartenait à la Cour d'appel de rechercher si le liquidateur rapportait la preuve, lui incombant, de ce qu'à la date en question et au plus tard à celle de l'acte litigieux, Monsieur X... se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; Qu'en énonçant, sans procéder à cette recherche, que la date de cessation des paiements n'était pas sérieusement remise en cause par les appelants, la Cour d'appel, qui avait pourtant constaté que la cessation des paiements avait été provisoirement fixée au 1er février 2006, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 632-1 du Code de commerce, ensemble l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-17011
Date de la décision : 03/05/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Redressement judiciaire - Nullité des actes de la période suspecte - Nullité de droit - Cas - Contrat commutatif déséquilibré - Application à un acte entre époux en communauté - Effet

Lorsque le débiteur, époux commun en biens, a passé, avec son conjoint, un contrat commutatif portant sur un bien commun, faisant partie du gage des créanciers, et dans lequel ses obligations excédent notablement celles de l'autre partie, la nullité de cette convention, faite depuis la date de cessation des paiements ou dans les six mois précédant cette date, atteint l'acte en son entier


Références :

article L. 632-1 I 2° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 17 février 2010

A rapprocher : Com., 7 avril 2009, pourvoi n° 06-19538, Bull. 2009, IV, n° 50 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mai. 2011, pourvoi n°10-17011, Bull. civ. 2011, IV, n° 64
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 64

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Espel
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.17011
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