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28/04/2011 | FRANCE | N°09-72721

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 avril 2011, 09-72721


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1211-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1411-1 de ce code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 25 mai 2004, en qualité de pasteur à temps complet, par l'Association générale de la mission intérieure de l'Eglise Evangélique luthérienne de France (AGMI), laquelle lui a, le 20 avril 2006, notifié la résiliation de son "contrat de service pastoral" ; que Mme X... ayant saisi la juridiction prud'homale de diverses demande

s, cette association a invoqué au préalable l'incompétence de cette juridiction ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1211-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1411-1 de ce code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 25 mai 2004, en qualité de pasteur à temps complet, par l'Association générale de la mission intérieure de l'Eglise Evangélique luthérienne de France (AGMI), laquelle lui a, le 20 avril 2006, notifié la résiliation de son "contrat de service pastoral" ; que Mme X... ayant saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, cette association a invoqué au préalable l'incompétence de cette juridiction ;

Attendu que pour rejeter cette exception et condamner l'association au paiement de sommes au titre de l'exécution et de la rupture d'un contrat de travail, l'arrêt retient, d'une part, que s'il est exact qu'un pasteur, ou un ministre du culte de manière générale, peut exercer son ministère sans qu'un contrat de travail soit nécessaire, cette possibilité n'exclut pas que, dans certains cas, une église ou un culte puissent conclure formellement un contrat de travail avec ses ministres, lequel contrat de travail fait la loi des parties, d'autre part que l'AGMI, ayant embauché Mme X... suivant un contrat écrit, régularisé une déclaration unique d'embauche et émis des bulletins de salaire, a donné à celle-ci des directives et pris à son égard une sanction provisoire au motif d'une violation du secret pastoral ;

Attendu cependant que les pasteurs des églises et oeuvres cultuelles relevant de la Fédération protestante de France ne concluent pas, relativement à l'exercice de leur ministère, un contrat de travail avec les associations cultuelles légalement établies ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté que Mme X... exerçait un ministère de pasteur assurant le culte au sein d'une paroisse pour une association cultuelle de l'Eglise évangélique luthérienne de France, peu important que les rapports entre les parties aient été formalisés par une déclaration d'embauche et un contrat de travail, la cour d'appel a, par fausse application, violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour l'Association générale de la mission intérieure de l'Eglise évangélique

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que madame Lucienne X... et l'Association générale de la mission intérieure de l'église évangélique (AGMI) sont liées par un contrat de travail, d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'AGMI, et d'AVOIR condamné celle-ci à payer à madame X... la somme de 2.226,06 € à titre de solde d'indemnité de congés payés, celle de 16.790,88 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, et celle de 1.399,24 € à titre de dommages-intérêts pour exécution anormale du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE s'il est exact qu'un pasteur, ou un ministre du culte de manière générale, peut exercer son ministère (son sacerdoce) sans qu'un contrat de travail soit nécessaire, cette possibilité n'exclut pas que, dans certains cas, une église ou un culte puissent conclure formellement un contrat de travail avec ses ministres, lequel contrat de travail fait la loi des parties ; que tel a été le cas en l'espèce, madame Lucienne X... ayant été embauchée par l'AGMI par contrat de travail écrit, signé des deux parties, ensuite duquel a été régularisée une déclaration unique d'embauche auprès de l'Urssaf, ont été émis des bulletins de salaire qui mentionnent de manière classique un salaire de base, un salaire brut et un salaire net ainsi que les cotisations sociales ; que l'AGMI ne saurait donc utilement contester l'existence d'une relation de travail qui est établie par les éléments ci-dessus et aussi au vu du lien de subordination, qui, bien que contesté par l'AGMI, existe entre les parties, s'exerçant par voie de directives et de sanctions, comme dans le cas présent où, avant d'être licenciée en avril 2006 madame Lucienne X... avait fait l'objet, en septembre 2005, d'une suspension provisoire disciplinaire, motif pris d'une violation du secret pastoral, et, en février 2006, d'une suspension de salaire ; qu'il s'ensuit que c'est par de justes motifs, que la cour d'appel adopte, que le conseil des prud'hommes a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'AGMI pour connaître du litige lequel est afférent à une relation de travail ;

1) ALORS QUE les pasteurs des églises et oeuvres cultuelles relevant de la Fédération protestante de France ne concluent pas, relativement à l'exercice de leur ministère, un contrat de travail avec les associations cultuelles légalement établies ; qu'en décidant que le litige opposant l'AGMI à madame X... était afférent à une relation de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ;

2) ALORS QUE l'activité salariée est caractérisée par le versement d'une rémunération en contrepartie d'une prestation de travail et l'existence d'un lien de subordination ou de dépendance ; que pour décider que le litige opposant les parties était afférent à une relation de travail, l'arrêt retient l'existence d'un lien de subordination entre l'AGMI et madame X... ; que l'activité cultuelle étant irréductible à une prestation au sens du droit du travail, et la subordination ne caractérisant pas à elle seule le contrat de travail, la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs inopérants, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail ;

3) ALORS QU'est fictif le contrat de travail écrit ou apparent qui ne correspond pas à la réalité des rapports des parties, pas plus qu'il ne rend compte de la nature exacte de l'activité exercée ; que pour décider que le litige opposant les parties était afférent à une relation de travail, l'arrêt retient l'existence d'un contrat de travail écrit et d'une déclaration unique d'embauche, ainsi que le paiement de cotisations de sécurité sociale ; que la nature éminemment spirituelle du ministère pastoral étant incompatible avec l'existence d'un contrat de travail, en se fondant sur ces motifs inopérants, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'Association générale de la mission intérieure de l'église évangélique (AGMI) à payer à madame Lucienne X... la somme de 16.790,88 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, outre celle de 1.399,24 € à titre de dommages-intérêts pour exécution anormale du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE force est de constater que madame Lucienne X... a été licenciée par l'AGMI sans respect de la procédure de licenciement, à savoir, notamment, sans l'entretien préalable prévu par la loi ; que le motif allégué dans la lettre de licenciement (refus d'agrégation au corps pastoral) est, par ailleurs, fallacieux dès lors qu'il est constant que madame Lucienne X... était pasteur et donc « agrégée » au corps pastoral ; que c'est donc par des motifs pertinents que le conseil des prud'hommes a retenu que le licenciement de madame Lucienne X... par l'AGMI était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à lui payer à titre de dommages-intérêts sur ce fondement la somme de 16.790,88 € pour rupture abusive ; que c'est aussi à bon droit que le conseil des prud'hommes, prenant en compte le caractère vexatoire dans lequel le licenciement est intervenu, a condamné l'AGMI à payer à madame Lucienne X..., toujours à titre de dommages-intérêts, la somme de 1.399,24 € pour exécution anormale du contrat de travail ;

1) ALORS QUE pour retenir le caractère « fallacieux » du refus d'agrégation au corps pastoral invoqué comme motif de licenciement, l'arrêt énonce qu'en sa qualité de pasteur madame X... était déjà nécessairement « agrégée » au corps pastoral ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions sur ce point concordantes des parties, si l'ordination de madame X... dans une autre église que l'Eglise évangélique luthérienne de France, soit l'Eglise réformée de France, ne lui imposait pas, au cours de la seconde année de son ministère au sein de l'EELF, et conformément au règlement n°19 de la Constitution de celle-ci, d'être agrégée à son corps pastoral par le conseil exécutif de l'EELF prononçant sur avis de la commission des ministères, agrégation refusée en l'espèce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2) ALORS QUE la liberté religieuse, de même que le principe de la séparation des Eglises et de l'Etat, prohibent tout immixtion de l'Etat dans les affaires de l'Eglise ; que pour retenir le caractère « fallacieux » du refus d'agrégation au corps pastoral invoqué comme motif de licenciement, l'arrêt énonce qu'en sa qualité de pasteur madame X... était déjà nécessairement « agrégée » au corps pastoral ; qu'en se substituant au conseil exécutif de l'Eglise évangélique luthérienne de France pour contester la nécessité d'une agrégation au corps pastoral et la légitimité du refus opposé à l'agrégation de madame X..., la cour d'appel qui a méconnu la l'autonomie interne de l'Eglise évangélique luthérienne de France et de l'AGMI, a violé les articles 1er et 2ème de la loi du 9 décembre 1905, l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-72721
Date de la décision : 28/04/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 avr. 2011, pourvoi n°09-72721


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.72721
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