LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 janvier 2010), que le 12 avril 2006, la société Cofilmo a confié le soin d'acheminer une machine, de Sainte-Luce-sur-Loire jusqu'au Mans, à la société Atlantique de logistique et transport (la société ALT), laquelle s'est substituée la société Leray transport et logistique qui, à son tour, a délégué l'exécution de ce transport routier intérieur à la société Transports messagerie de l'océan (la société TMO) ; que cette machine a été livrée le 13 avril 2006, avec des réserves sur son état portées sur la lettre de voiture ; que, contestant l'avis des experts commis par les assureurs, la société Cofilmo, en application de l'article L. 133-4 du code de commerce, a demandé au président du tribunal de commerce, par requête présentée le 7 novembre 2006, la désignation d'un expert judiciaire qui lui été accordée le 22 novembre 2006 ; que le 12 juillet 2007, la société Cofilmo a fait assigner devant le tribunal de commerce les sociétés ALT et TMO ;
Attendu que la société Cofilmo fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables ses demandes, alors, selon le moyen, qu'une citation en justice, même en référé, interrompt la prescription ainsi que le délai pour agir ; que la requête en désignation d'expert fondée sur l'article L. 133-4 du code de commerce, constitue une citation en justice au même titre qu'une demande de référé-expertise, et est interruptive de prescription ; qu'en écartant l'effet interruptif de prescription de la requête en désignation d'expert du 7 novembre 2006 au prétexte qu'elle n'avait pas été signifiée par acte d'huissier, quand la procédure de l'article L. 133-4 du code de commerce exclut une telle signification, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
Mais attendu que l'expertise ordonnée en application de l'article L. 133-4 du code de commerce constitue une mesure conservatoire prise dans l'intérêt commun de tous ceux que l'état de la marchandise intéresse et non une citation en justice ; qu'ayant retenu que la demande de désignation d'expert a été présentée par simple requête et que la circonstance que la société Cofilmo n'avait ainsi fait que mettre en oeuvre la procédure simplifiée prévue par l'article L. 133-4 du code de commerce relative à la vérification de l'état des marchandises transportées était inopérante, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la demande de désignation d'un expert judiciaire n'avait pas interrompu la prescription ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cofilmo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Cofilmo.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de l'expéditeur d'une imprimante (la société COFILMO, l'exposante) contre les personnes chargées du transport et le fournisseur du matériel ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 133-6 du code de commerce, les actions en responsabilité contre le transporteur et le commissionnaire pour avarie à la marchandise étaient prescrites à l'expiration d'un délai d'un an commençant à courir à compter de la livraison ; qu'en l'occurrence, il n'était ni discutable, ni discuté que l'assignation avait été délivrée le 12 juillet 2007, plus d'un an après la livraison du 13 avril 2006, mais la société COFILMO soutenait néanmoins que ce délai de prescription aurait été interrompu par sa requête en désignation d'expert du 7 novembre 2006, ou à tout le moins par l'ordonnance commettant cet expert rendue le 22 novembre 2006, ainsi que par le fait que la société ALT lui avait télécopié le 13 juillet 2006 un courrier de son assureur offrant de régler une indemnité de 6.650 € ; que l'article 2244 ancien du code civil ne conférait de caractère interruptif de prescription à une demande en justice que lorsque celle-ci était signifiée par huissier à celui contre lequel on voulait empêcher de prescrire, quand, en l'espèce, la demande de désignation d'expert avait été présentée par simple requête, sans assignation des parties adverses devant le juge, et que l'ordonnance ainsi rendue n'avait pas davantage été signifiée ; que la circonstance que la société COFILMO n'eût ainsi fait que mettre en oeuvre la procédure simplifiée prévue par l'article L. 133-4 du code de commerce relative à la vérification de l'état des marchandises transportées était inopérante, dès lors qu'il n'était nullement interdit à l'expéditeur d'assigner le commissionnaire de transport devant le juge des référés à l'effet d'obtenir l'organisation d'une expertise selon les règles du droit commun et qu'il ne lui était pas davantage défendu, dans la mesure où les opérations d'expertise s'éternisaient, de les assigner à titre conservatoire devant le juge du fond ;
ALORS QU'une citation en justice, même en référé, interrompt la prescription ainsi que le délai pour agir ; que la requête en désignation d'expert fondée sur l'article L. 133-4 du code de commerce, constitue une citation en justice au même titre qu'une demande de référé-expertise, et est interruptive de prescription ; qu'en écartant l'effet interruptif de prescription de la requête en désignation d'expert du 7 novembre 2006 au prétexte qu'elle n'avait pas été signifiée par acte d'huissier, quand la procédure de l'article L. 133-4 du code de commerce exclut une telle signification, la cour d'appel a violé l'article 2244 ancien du code civil.