La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2011 | FRANCE | N°09-71154

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mars 2011, 09-71154


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que soutenant avoir travaillé de 1999 à juillet 2005 comme employée de maison pour Mme X..., sans bulletin de paie, sans que sa situation administrative soit régularisée, et moyennant une faible rémunération épisodique, Mme Y... a, le 25 octobre 2005, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas de lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fai

t grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Y... diverses sommes à ti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que soutenant avoir travaillé de 1999 à juillet 2005 comme employée de maison pour Mme X..., sans bulletin de paie, sans que sa situation administrative soit régularisée, et moyennant une faible rémunération épisodique, Mme Y... a, le 25 octobre 2005, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas de lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme Y... diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés afférents, d'heures supplémentaires, de congés payés inclus, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, d'indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a mis à égalité les « thèses fort différentes de chacune des parties », précisant qu'il incombait à chacune de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, cependant que seule Mme Y..., qui se prétendait salariée de Mme X..., avait la charge de prouver les faits nécessaires à son succès ; qu'en partageant de la sorte la charge de la preuve, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile ;
2°/ que subsidiairement, le contrat de travail a pour caractéristique essentielle l'existence d'un lien de subordination qui se manifeste par l'émission de directives de travail ; qu'en disant qu'il avait existé un contrat de travail entre Mme Y... et son amie Mme X... dont elle a partagé l'existence pendant près de six ans, au constat de l'exécution de tâches ménagères et d'éducation des enfants de Mme X..., sans dire en vertu de quelles directives de travail ces tâches auraient été imposées à Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que subsidiairement, pour juger qu'il avait existé un contrat de travail entre Mme Y... et son amie Mme X... dont elle a partagé l'existence pendant près de six ans, la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas rapporté la preuve de l'existence d'une relation « amoureuse », « homosexuelle » ou encore empreinte de « jalousie », ce que Mme X... ne prétendait nullement, se bornant à faire état d'une communauté de vie fondée sur l'amitié et l'entraide et à ce titre exclusive d'une relation de travail ; que la cour d'appel en se fondant sur des motifs inopérants, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que nonobstant le motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen et analysant souverainement les pièces produites devant elle, la cour d'appel a fait ressortir, sans inverser la charge de la preuve, le lien de subordination dans lequel était placée Mme Y... à l'égard de Mme X... ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu que pour condamner Mme X... à verser à Mme Y... une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la lettre adressée par Mme Y... à Mme X..., quoique rédigée dans un français hésitant et bien que rendant compte clairement du sentiment d'affection et de l'attachement que celle-ci éprouvait pour les enfants Z..., voire pour leur mère, expose clairement que l'intéressée rompt la relation parce qu'elle ne l'estime plus supportable, que les éléments exposés ci dessus suffisent à eux seuls à déclarer cette rupture du contrat de travail imputable à l'employeur ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur les manquements invoqués par la salariée dans sa lettre qui serait de nature à justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme X... à verser à Mme Y... une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, l'arrêt rendu le 8 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame Luisa X... en qualité d'employeur à payer à Mademoiselle Jana Y... en qualité de salariée la somme de 26. 097, 24 € à titre de rappel de salaire, et 2. 609, 72 € de congés payés afférents ; 10. 000 € en paiement des heures supplémentaires, congés payés inclus ; 2. 951, 04 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 295, 10 € de congés payés afférents ; 836, 11 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 20. 000 € de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et 8. 853, 12 € d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE sur la nature des relations ayant lié Mlle Jana Y... et Mme Luisa X..., chacune des parties soutient une thèse fort différente quant à la nature des relations qui les liaient, Mademoiselle Y... invoquant une relation de travail, Madame X... une relation strictement affective, voire amoureuse ; que, conformément à la loi, il incombe à chaque partie de prouver les fait nécessaires au succès de sa prétention ; que pour s'opposer à l'instance introduite en paiement de rappel de salaire par Mademoiselle Y..., Madame X... soutient que les relations entre elles deux n'étaient pas des relations de travail et ne relevaient d'aucun caractère de subordination, indiquant dans ses écritures : « la réalité est que la rupture des relations affectives entre Madame X... et Mademoiselle Y... et son départ avec Madame R. constitue le noeud du problème » ; qu'elle suggère et laisse entendre à travers divers autres éléments qu'elle produit dans le cadre de cette procédure que Mademoiselle Y... aurait en réalité eu des relations homosexuelles avec elle-même avant de la quitter pour Sophie R., les deux femmes faisant « vie commune » depuis 2005 en Tunisie ; que toutefois, au-delà des insinuations de Madame X..., aucun élément concret précis, pas même les attestation que produisent ses propres témoins n'étayent cette thèse ; qu'en revanche, de très nombreux éléments du dossier indiquent, ce que d'ailleurs les deux parties reconnaissent, que Mademoiselle Y... avait une très grande affection pour les deux enfants de Madame X..., dont elle s'occupait quotidiennement, prenant en charge la plupart des aspects de leur vie, (école, cours de musique, nourriture, garde le soir, etc.) ; qu'il ressort d'ailleurs du dossier que lorsque le couple Z... s'est séparé et alors que les enfants faisaient l'objet d'une garde alternée, Mademoiselle Y... s'occupait également des fillettes les jours où elles se trouvaient confiées à la garde du père ; que la cour souligne en outre que la lettre adressée par Mademoiselle Y... à Madame X... en juillet 2005 par laquelle celle-ci lui notifiait son désir d'interrompre les relations, si elle rend compte de l'affection que celleci portait aux enfants et même, dans une certaine mesure, à Madame X..., ne s'apparente ni à une lettre de jalousie, Madame X... s'étant entre-temps remariée, ni à une lettre de rupture amoureuse ; que cette thèse, développée par Madame X..., qu'aucun élément de preuve sérieux ne conforte, sera donc écartée par la cour ; que Mademoiselle Y... pour sa part soutient que les liens entre les parties doivent s'analyser comme une relation de travail dans laquelle il y avait subordination ; que la cour relève tout d'abord que l'existence de relations de sympathie, voire de relations affectives qui peuvent se développer dans le temps, notamment s'agissant d'une personne employée au sein d'une famille n'est pas exclusive d'une relation de travail ; qu'en l'espèce, elle considère que, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, Mademoiselle Y... était effectivement placée dans un lien de subordination lui conférant un statut de travailleur salarié vis-à-vis de Madame X... ; qu'elle rappelle tout d'abord qu'en effet, il est constant que Mademoiselle Y..., jeune fille slovaque était entrée dans la maison Z..., sous le statut d'étudiante au pair, statut qui au terme des dispositions internationales applicables ne pouvait se prolonger au-delà d'une période de 18 mois ; que ce système, qui consiste en l'accueil temporaire au sein d'une famille en contrepartie de certaines prestations de jeunes gens étrangers, suppose la rédaction d'un accord écrit entre les parties et entraîne l'obligation pour la famille accueillante auprès de laquelle est « placée » la personne au pair de lui fournir nourriture et logement ainsi que de l'argent de poche mais aussi de la faire bénéficier de la Sécurité Sociale et l'affilier à une institution de retraite complémentaire ; qu'en l'espèce, cet accord écrit n'a pas été rédigé ; que ces employés au pair étrangers constituent une catégorie particulière qui ne relève pas de la catégorie des salariés ni de l'application de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur ; que, de manière évidente, la relation qui s'est engagée sous ce régime, sans pour autant que les époux Z... ne régularisent la situation de la jeune fille notamment au regard de la Sécurité Sociale, s'est ensuite poursuivie à partir de 2001 dans des conditions proches, sans aucune formalisation ; que Mademoiselle Y..., comme en atteste l'ensemble des témoins, les siens comme ceux de Madame X..., a continué à prendre en charge au quotidien, et dans tous les aspects de leur vie, les deux enfants de cette dernière ; que des témoignages, nombreux et variés, réguliers en la forme, émanant de personnes qui ont eue l'occasion de connaître l'intéressée dans des cadres différents, produits par Mademoiselle Y..., indiquent que celle-ci, parfois présentée par Madame X... comme son « employée de maison », a continué à s'occuper régulièrement des deux fillettes, mais assurait également, en réalité, l'entretien de la maison (d'environ 250 m2), voire du jardin de Madame X... ; que celle-ci, qui ne contredit d'ailleurs pas réellement les dires de Mademoiselle Y... à ce sujet, se contentant plutôt de la contredire quant au statut sous lequel elle effectuait ces tâches, n'apporte aucun élément contraire, comme par exemple, la justification de ce qu'elle aurait employé d'autres personnes pour entretenir sa propriété ; que pour combattre ces témoignages, et leur valeur probante, Madame X... se borne à souligner, pour chacun des témoins, la nature des relations (congénères, ami (e), relations de théâtre etc.) qu'il entretenait avec Mademoiselle Y... ; que cette critique est en ellemême vaine, dans la mesure où il est, en fait, quasiment impossible de témoigner dans ce type d'espèce si l'on n'a aucune relation avec l'une ou l'autre partie ; que par ailleurs, les photos produites par Madame X... montrant que Mademoiselle Y... participait à la vie de famille, ne suffisent pas à contredire son statut de salarié, ni à faire d'elle un « membre de la famille à part entière » ; qu'elles indiquent seulement que Mademoiselle Y... était très souvent présente auprès de cette famille, y compris lorsque celle-ci se rendait en vacances en Italie, son pays d'origine ; que ceci démontre autant l'importance et le caractère indispensable du rôle qu'assurait Mademoiselle Y... que les liens d'amitié qui liaient les parties, étant relevé qu'une prestation de travail n'empêche pas une relation d'amitié, comme celle dont témoigne plusieurs amies et relations de Madame X..., de même que l'amitié n'est pas exclusive de relation de subordination ; que la cour considère donc que Mademoiselle Y... rapporte la preuve du lien de subordination et donc de travail qui la liait à Madame X... ; que ce lien de travail n'est pas contredit ni empêché par le fait que Mademoiselle Y... a eu en outre, selon les époques, des activités extérieures, estudiantines ou en tant que vice-présidente d'une petite entreprise ; que plusieurs témoignages concordants indiquent d'ailleurs que Madame X... n'hésitait pas à requérir, au dernier moment ou en urgence, l'intervention de Mademoiselle Y... y compris le soir ou le week-end, à des moments où elle était supposée disposer de son temps ; que la relation de travail étant établie, les avantages en nature qui lui ont été maintenus faisaient d'elle non plus une étudiante au pair, mais une « employée au pair » ; que les employés au pair, qui constituent une variante des employés de maison et relèvent de leur statut légal et conventionnel, sont des salariés ; que la valeur des avantages en nature dont ils bénéficient doit être en rapport avec le travail fourni, au-delà, le travail doit être rémunéré ; que l'employeur qui doit le déclarer est tenu au versement des charges patronales et le salarié doit bénéficier de la Sécurité Sociale ; que le syndicat d'employeurs d'employés de maison de la région Île-de-France recommandant de considérer qu'une chambre meublée avec chauffage, éclairage, eau à proximité vaut une heure de travail par jour, de même qu'un repas vaut également une heure de travail par jour, la cour retiendra cette équivalence pour calculer le rappel de salaire dû à Mademoiselle Y... ; qu'en l'absence de contrat de travail écrit, la cour dira que les parties étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée et à plein temps, ce temps plein étant d'ailleurs attesté par de nombreux témoins ; que ce contrat était régi par la convention collective nationale des employés de maison qui prévoit un horaire hebdomadaire pour un temps plein de 40 heures ; qu'il lui était donc dû, à tout le moins, un salaire équivalent au salaire minimum prévu par la convention collective des salariés du particulier employeur, dont il convenait de déduire le montant des avantages en nature, à hauteur d'un quart de l'horaire effectué, soit à régler six heures de travail par jour équivalent à 30 heures par semaine ; que l'employeur devait en outre payer les charges sociales patronales, ce qu'il n'a pas fait et la salariée devait bénéficier de la Sécurité Sociale, ce dont il est établi qu'elle n'a pas bénéficié ; qu'en l'espèce, la salariée reconnaît avoir touché de manière irrégulière et toujours avec retard des salaires pour un montant de l'ordre de 20. 000 € pendant toute la durée de sa prestation de travail, sans qu'il lui soit délivré de bulletin de salaire, et sans qu'elle ne soit déclarée ; que cette somme lui était versée depuis un compte en Italie sur un compte à son nom qu'elle détenait en Slovaquie, ce que ne contredit pas l'employeur ; que l'employeur prétend en revanche avoir versé davantage, produisant pour preuve un courrier de l'avocat de Mademoiselle Y... à qui celle-ci avait indiqué qu'il lui avait été payé un salaire mensuel compris entre 500 et 600 € ; que la cour retiendra donc un versement de 30. 000 € sur l'ensemble de la période ; qu'en conséquence, et au vu du décompte dressé par la salariée, décompte précis et exact, les salaires qui auraient dû lui être versés depuis le 20 octobre 2000 (date retenue en application de la prescription de cinq ans) jusqu'au 5 juillet 2005, correspondant à trois quart des sommes sollicitées par la salariée, s'élève en conséquence à un montant global de 56. 097, 24 € auxquels il convient d'ajouter 5. 609, 72 € de congés payés ; que de cette somme il convient de retirer les 30. 000 € mentionnés ci-dessus, d'où il ressort un solde dû de 26. 097, 24 € ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel a mis à égalité les « thèses fort différentes de chacune des parties », précisant qu'il incombait à chacune de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, cependant que seule Mademoiselle Y..., qui se prétendait salariée de Madame X..., avait la charge de prouver les faits nécessaires à son succès ; qu'en partageant de la sorte la charge de la preuve, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et 9 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le contrat de travail a pour caractéristique essentielle l'existence d'un lien de subordination qui se manifeste par l'émission de directives de travail ; qu'en disant qu'il avait existé un contrat de travail entre Mademoiselle Y... et son amie Madame X... dont elle a partagé l'existence pendant près de 6 ans, au constat de l'exécution de tâches ménagères et d'éducation des enfants de Madame X..., sans dire en vertu de quelles directives de travail ces tâches auraient été imposées à Mademoiselle Y..., la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE pour juger qu'il avait existé un contrat de travail entre Mademoiselle Y... et son amie Madame X... dont elle a partagé l'existence pendant près de 6 ans, la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas rapporté la preuve de l'existence d'une relation « amoureuse », « homosexuelle » ou encore empreinte de « jalousie », ce que Madame X... ne prétendait nullement, se bornant à faire état d'une communauté de vie fondée sur l'amitié et l'entraide et à ce titre exclusive d'une relation de travail ; que la cour d'appel en se fondant sur des motifs inopérants, a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail.
DEUXIÈME MOYEN (SUBSIDIAIRE) DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame Luisa X... en qualité d'employeur à payer à Mademoiselle Jana Y... en qualité de salariée la somme de 10. 000 € en paiement d'heures supplémentaires, congés payés inclus ;
AUX MOTIFS QUE la salariée prétend qu'elle accomplissait en moyenne 78 heures par semaine soit 38 heures supplémentaires correspondant sur cinq ans à un total de 9. 208, 16 €, qu'elle chiffre forfaitairement à 50. 000 € bruts ; que l'employeur se contentant de contester le statut de salarié, ne discute pas le chiffrage des heures supplémentaires ; qu'en application de l'article L 3171-4 du Code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement ni à l'une ni à l'autre partie ; que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier doit d'abord fournir des éléments pour étayer sa demande ; que le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des parties ; que les nombreux témoignages produits au dossier font apparaître la salariée comme « corvéable à merci » y compris en soirée, pendant les week-end, ou pendant les vacances, ce qui démontre nécessairement l'existence d'heures supplémentaires sans que pour autant l'appréciation du nombre d'heures faites par l'intéressée ne soit clairement établie ; que l'employeur, qui se borne à expliquer pour d'autres raisons la présence quasi permanente de Mademoiselle Y..., ne fournit de ce fait à la cour aucun élément d'appréciation ; que la cour considère qu'elle dispose des éléments pour fixer à la somme de 10. 000 € bruts la somme due par l'employeur, congés payés compris, au titre des heures supplémentaires ;
ALORS QUE la cour d'appel, après avoir jugé que Mademoiselle Y... avait la qualité d'employée de maison, a estimé qu'elle avait accompli des heures supplémentaires en travaillant en soirée, pendant les week-ends et les vacances, ce qui relève de la nature de ce type d'emploi, de sorte qu'à défaut de constater l'existence, même en principe, d'heures supplémentaires dont le décompte n'était du reste « pas clairement » établi, la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du Code du travail.
TROISIÈME MOYEN (SUBSIDIAIRE) DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame Luisa X... en qualité d'employeur à payer à Mademoiselle Jana Y... en qualité de salariée la somme de 2. 951, 04 € d'indemnité compensatrice de préavis, 295, 10 € de congés payés afférents, 836, 11 € d'indemnité conventionnelle de licenciement et 20. 000 € de dommages et intérêts, préjudice moral inclus ;
AUX MOTIFS QUE Mademoiselle Y..., qui ne conteste pas avoir pris l'initiative de la rupture du contrat de travail, en juillet 2005, dit que celle-ci est entièrement imputable à l'employeur, compte tenu du régime de travail auquel il la soumettait en ne respectant en rien les droits qui étaient les siens en tant que salariée ; que la lettre adressée par Mademoiselle Y... à ce moment à Madame X..., quoique rédigée dans un français hésitant et bien que rendant compte clairement du sentiment d'affection et de l'attachement que celle-ci éprouvait pour les enfants Z..., voire pour leur mère, expose clairement que l'intéressée rompt la relation parce qu'elle ne l'estime plus supportable ; que les éléments exposés ci-dessus suffisent à déclarer cette rupture du contrat de travail imputable à l'employeur ; que cette rupture s'analyse donc comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application de l'article L 1235-5 du Code du travail ; qu'elle donne droit au paiement pour le salarié d'une indemnité pour rupture abusive ainsi qu'au paiement de son indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que les circonstances dans lesquelles s'est déroulé pendant cinq ans ce contrat de travail, mais aussi la manière dont a agi l'employeur lors de la rupture et après celle-ci, a nécessairement créé un préjudice moral non négligeable pour Mademoiselle Y... dont la cour tiendra compte dans l'évaluation de l'indemnité de rupture ; que compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi de la salariée, de son âge lors du licenciement et du préjudice qu'elle établit avoir subi, la cour fixe à 20. 000 € la somme due en application de l'article L 1235-5 du Code du travail ; qu'en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, les avantages en nature n'étant plus fournis, celle-ci sera réglée sur la base d'un salaire intégral, soit 1. 475, 52 € bruts par mois ; qu'il sera donc alloué la somme de 2. 951, 04 €, congés payés de 10 % en sus ; l'indemnité conventionnelle de licenciement sera fixée à 836, 11 € ;
1°) ALORS QUE la prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail ne doit pas être confondue avec l'annonce de la fin d'une relation personnelle pour des raisons également personnelles ; qu'en annonçant son départ sans esprit de retour à l'amie avec laquelle elle partageait son existence depuis plus de cinq ans en exposant « je crois que je peux faire beaucoup mieux mais seulement si je suis heureuse et je ne l'étais plus. Donc c'est pour ça que j'ai décidé de partir (…) Mais le temps est venu de se séparer et même si cela va être douloureux, c'est sûrement mieux, et sachez aussi que cela n'a rien à voir avec le fait que vous attendez le bébé, il s'agit de moi, c'est moi qui ai un besoin très fort de faire autre chose, il faut que j'essaie des choses différentes et que je voyage », ce dont il ne résultait nullement la volonté même implicite de rompre une relation de travail pour des raisons liées à ce travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-5 du Code du travail ;
2°) ALORS QU'en allouant à Mademoiselle Y... des dommages et intérêts correspondant indistinctement au préjudice subi en raison de l'attitude de l'employeur avant mais également après la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 1235-5 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-71154
Date de la décision : 30/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 mar. 2011, pourvoi n°09-71154


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.71154
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award