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15/03/2011 | FRANCE | N°09-17055

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 2011, 09-17055


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Etablissements Guy Joubert de son désistement partiel à l'encontre des sociétés Etablissements A. Mathe, Etablissements Allin, Jean Thebault, Plysorol, Rougier panneaux, de M. Z..., es qualités, de la société FHB, prise en la personne de M. A..., ès qualités, la société Beuzeboc, prise en sa qualité de co-mandataire-liquidateur de la société Plysorol, de M. B..., ès qualités ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris 29 septembre 2009), que les fabricants français de cont

replaqué à base d'okoumé se sont regroupés dans un syndicat professionnel, qui ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Etablissements Guy Joubert de son désistement partiel à l'encontre des sociétés Etablissements A. Mathe, Etablissements Allin, Jean Thebault, Plysorol, Rougier panneaux, de M. Z..., es qualités, de la société FHB, prise en la personne de M. A..., ès qualités, la société Beuzeboc, prise en sa qualité de co-mandataire-liquidateur de la société Plysorol, de M. B..., ès qualités ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris 29 septembre 2009), que les fabricants français de contreplaqué à base d'okoumé se sont regroupés dans un syndicat professionnel, qui a pris en 1999 le nom d'Union des fabricants de contreplaqué, dite UFC ; que le Conseil de la concurrence a reçu une demande de clémence émanant de la société UPM Kymmene et de sa filiale française la SA UPM Kymmene Wood, qui dénonçaient des concertations pour l'établissement d'une structure tarifaire commune et pour des hausses coordonnées entre fabricants français de contreplaqué, au sein d'abord de l'ancien syndicat des fabricants de panneaux de contreplaqué puis de l'UFC ; que s'étant saisi d'office le Conseil de la concurrence, a condamné sept sociétés pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et leur a infligé des sanctions pécuniaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Etablissement Guy Joubert fait grief à l'arrêt d'avoir, à son égard, confirmé la décision n° 08-D-22 du Conseil de la concurrence, qui avait dit qu'elle avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et lui avait infligé une sanction pécuniaire de 1 500 000 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que l'infraction continue est celle dont l'élément matériel ne peut s'exécuter en un trait de temps, mais implique un fait d'action ou d'abstention s'exerçant dans la durée ; que ne saurait, dès lors, caractériser une infraction unique et continue la répétition dans le temps de pratiques anticoncurrentielles de même nature ayant chacune instantanément épuisé leurs effets, peu important que telles pratiques aient participé d'un même dessein anticoncurrentiel ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes du Conseil de la concurrence et de la cour d'appel de Paris qu'il était reproché à la société Joubert d'avoir participé, aux côtés de plusieurs concurrents, à des réunions qui s'étaient échelonnées entre novembre 1995 et mai 2004, au cours desquels il aurait été décidé, tantôt de hausses de prix concertées, tantôt de modifications d'une grille tarifaire commune ; que pour rejeter le moyen tiré de la prescription des faits antérieurs au 7 mai 2001, invoqué par la société Joubert, la cour d'appel a énoncé que le renouvellement de ces réunions était de nature à démontrer une volonté commune persistante de fausser le jeu de la concurrence et qu'ainsi, les faits litigieux devaient s'analyser en une infraction unique et continue qui s'était "progressivement concrétisée" tant par des accords que par des pratiques ; qu'en statuant de la sorte, cependant que la nature même des faits reprochés aux entreprises commandait de les analyser comme autant d'infractions instantanées ayant, chacune, épuisé ses effets lors de la mise en oeuvre de la hausse tarifaire prétendument convenue, la cour d'appel a violé l'article L. 462-7 du code de commerce ;
2°/ que si plusieurs pratiques anticoncurrentielles peuvent revêtir le caractère d'une infraction unique et continue, c'est à la condition qu'elles viennent, par leur interaction, concourir à la réalisation d'objectifs définis par leurs auteurs dans le cadre d'un plan d'ensemble ; qu'en se bornant à induire du renouvellement régulier de réunions entre les entreprises de la filière du contreplaqué l'affirmation selon laquelle de telles pratiques se seraient inscrites dans le contexte d'"une politique d'élaboration des prix ayant perduré pendant plusieurs années sans présenter d'interruptions significatives" caractérisant une "volonté commune persistante" de fausser le jeu de la concurrence, sans préciser en quoi chacune des hausses tarifaires prétendument décidées lors de ces réunions successives aurait constitué la simple exécution de décisions concertées prises antérieurement, ni expliquer en quoi la participation des entreprises aux réunions les plus anciennes aurait nécessairement impliqué l'obligation pour chacune d'elles de poursuivre indéfiniment une telle concertation et l'abdication corrélative de son autonomie tarifaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 462-7 du code de commerce ;
3°/ que la cour d'appel qui déduit l'existence d'une infraction continue de l'affirmation suivant laquelle les faits en cause n'étaient pas des actes isolés mais régulièrement renouvelés, tout en constatant, s'agissant de la société Joubert "qu'aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en oeuvre les hausses de mai 1998 et de mai 2000" (décision du Conseil, § 260), ne tire pas les conséquences de ses propres constatations et viole l'article L. 462-7 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu'elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu'elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l'état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l'acte initial sans qu'un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps ; que l'arrêt relève que les fabricants de contreplaqué se sont réunis une ou plusieurs fois par an dans le cadre de leur organisation professionnelle sur la période de novembre 1995 à mai 2004 pour décider en commun un taux et une date de hausse des prix ensuite appliquées dans les tarifs communiqués à leurs clients et actualiser une grille tarifaire élaborée en 1968 dans le cadre syndical permettant, à partir de la base 100 attribuée à un article de référence et de coefficients attribués aux autres articles, de calculer tous les prix de la même façon pour tous les fabricants ; que l'arrêt relève encore que la société Joubert a participé à toutes les réunions de concertation et a appliqué à ses tarifs les hausses de prix convenus sauf pour les hausses de mai 1998 et mai 2000 ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, faisant ressortir que la société Joubert avait participé à des concertations qui procédaient d'une volonté commune persistante des membres de l'organisation professionnelle de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché des produits contreplaqués à base de bois exotiques, la cour d'appel a exactement retenu que la prescription ne commençait à courir qu'à compter de la cessation de la pratique ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Etablissement Guy Joubert fait grief à l'arrêt d'avoir, à son égard, confirmé la décision n° 08-D-22 du Conseil de la concurrence, qui avait dit qu'elle avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et lui avait infligé une sanction pécuniaire de 1 500 000 euros, alors, selon le moyen, que les sanctions pécuniaires encourues doivent être fixées à proportion du dommage que les pratiques anticoncurrentielles relevées ont causé à l'économie ; qu'une telle appréciation implique, de la part d'organe répressif, la délimitation préalable du marché de référence affecté par les pratiques relevées, la dimension de celui-ci ne concordant pas nécessairement avec le cadre géographique restreint dans lequel ces pratiques se sont inscrites ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était indéniable que les entreprises mises en cause, fabricants de contreplaqués exotiques à base d'okoumé, subissaient la concurrence de producteurs de produits substituables et de fabricants non seulement européens mais également du monde entier, ce dont il s'évinçait que le marché de référence affecté par les pratiques relevées était de dimension mondiale ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'y avait aucune raison de se placer dans un autre cadre que celui -purement national- dans lequel les pratiques relevées s'étaient déroulées, pour apprécier leurs effets dommageables, la cour d'appel, qui a par là refusé de tirer les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 420-1 et L. 464-2 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les entreprises mises en cause, fabricants français de contreplaqués exotiques à base d'okoumé, subissaient sur le territoire national la concurrence de producteurs de produits en bois exotiques substituables et de fabricants étrangers et qu'en 2004, les ventes des producteurs français de contreplaqué à base d'okoumé sur le territoire national ont représenté 60 % en volume et 69,8 % en valeur des ventes totales de contreplaqué à base de bois exotiques, le reste étant couvert par des importations ; que la cour d'appel en a exactement déduit qu'il y avait lieu d'apprécier les effets dommageables des pratiques relevées sur le marché national, ouvert à la concurrence internationale, des produits contreplaqués à base de bois exotiques ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le deuxième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Etablissements Guy Joubert aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Etablissements Guy Joubert
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
– Sur la prescription –
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, à l'égard de la société Etablissement Guy Joubert, confirmé la décision n° 08-D-22 du Conseil de la concurrence, qui avait dit que cette société avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et lui avait infligé une sanction pécuniaire de 1.500.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE « la société Guy Joubert, reprenant l'exception de prescription soutenue devant le Conseil de la concurrence, demande à titre principal, l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence du 21 mai 2008 pour s'être fondée sur des faits prescrits ne pouvant pas donner lieu à poursuite ; qu'elle soutient que le délai de prescription applicable est celui de 3 ans édicté par l'article L. 462-7 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 4 novembre 2004 et que la saisine du Conseil datant du 7 mai 2004, les faits antérieurs au 7 mai 2001 sont prescrits ; qu'elle conteste la qualification de pratiques continues retenue par le Conseil de la concurrence, qui fait observer qu'aucune prescription n'est acquise puisque les pratiques ont cessé seulement en 2004 : Considérant que les faits qui ont servi de base à la qualification des pratiques reprochées aux fabricants de contreplaqué et décrits tant dans le rapport d'enquête administrative que dans la notification des griefs consistaient à se réunir une ou plusieurs fois par an sur la période de novembre 1995 à mai 2004 pour premièrement décider en commun un taux et une date de hausse des prix ensuite appliquées dans les tarifs communiqués à leurs clients, deuxièmement élaborer ou modifier une grille tarifaire permettant, à partir de la base 100 attribuée à un article de référence et de coefficients attribués aux autres articles, de calculer tous les prix de la même façon pour tous les fabricants ; Que les documents et déclarations analysés dans la notification des griefs montrent que de tels faits, qui se sont renouvelés régulièrement sur une dizaine d'années, n'étaient pas des actes isolés, mais s'inscrivaient dans une politique d'élaboration des prix ayant perduré pendant plusieurs années sans présenter d'interruption significative ; que ces faits, procédant d'une volonté commune persistante, ne peuvent pas s'analyser comme des infractions distinctes, mais doivent mais doivent être considérées comme une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques ; qu'elles forment donc un ensemble permettant de les qualifier de pratique continue ; Qu'il ressort de l'enquête que les professionnels se sont encore réunis en janvier et février 2004 ; Que par conséquent, il est certain, et même en admettant, comme le soutient la société Guy Joubert que le délai de prescription applicable était de trois ans et non de cinq ans, que la prescription n'était pas acquise lorsqu' a été établi le procès verbal du 7 mai 2004 contenant la demande de clémence de la société UPM Kymmene, premier acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction des faits visés dans la notification des griefs et constituant une infraction continue » ;
ALORS QUE l'infraction continue est celle dont l'élément matériel ne peut s'exécuter en un trait de temps, mais implique un fait d'action ou d'abstention s'exerçant dans la durée ; que ne saurait, dès lors, caractériser une infraction unique et continue la répétition dans le temps de pratiques anticoncurrentielles de même nature ayant chacune instantanément épuisé leurs effets, peu important que telles pratiques aient participé d'un même dessein anticoncurrentiel ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes du Conseil de la concurrence et de la Cour d'appel de Paris qu'il était reproché à la société Joubert d'avoir participé, aux côtés de plusieurs concurrents, à des réunions qui s'étaient échelonnées entre novembre 1995 et mai 2004, au cours desquels il aurait été décidé, tantôt de hausses de prix concertées, tantôt de modifications d'une grille tarifaire commune ; que pour rejeter le moyen tiré de la prescription des faits antérieurs au 7 mai 2001, invoqué par la société Joubert, la Cour d'appel a énoncé que le renouvellement de ces réunions était de nature à démontrer une volonté commune persistante de fausser le jeu de la concurrence et qu'ainsi, les faits litigieux devaient s'analyser en une infraction unique et continue qui s'était « progressivement concrétisée » tant par des accords que par des pratiques ; qu'en statuant de la sorte, cependant que la nature même des faits reprochés aux entreprises commandait de les analyser comme autant d'infractions instantanées ayant, chacune, épuisé ses effets lors de la mise en oeuvre de la hausse tarifaire prétendument convenue, la Cour d'appel a violé l'article L. 462-7 du Code de commerce ;
ALORS, en toutes hypothèses, QUE si plusieurs pratiques anticoncurrentielles peuvent revêtir le caractère d'une infraction unique et continue, c'est à la condition qu'elles viennent, par leur interaction, concourir à la réalisation d'objectifs définis par leurs auteurs dans le cadre d'un plan d'ensemble ; qu'en se bornant à induire du renouvellement régulier de réunions entre les entreprises de la filière du contreplaqué l'affirmation selon laquelle de telles pratiques se seraient inscrites dans le contexte d'« une politique d'élaboration des prix ayant perduré pendant plusieurs années sans présenter d'interruptions significatives » caractérisant une «volonté commune persistante » de fausser le jeu de la concurrence, sans préciser en quoi chacune des hausses tarifaires prétendument décidées lors de ces réunions successives aurait constitué la simple exécution de décisions concertées prises antérieurement, ni expliquer en quoi la participation des entreprises aux réunions les plus anciennes aurait nécessairement impliqué l'obligation pour chacune d'elles de poursuivre indéfiniment une telle concertation et l'abdication corrélative de son autonomie tarifaire, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 462-7 du Code de commerce ;
ALORS, ENFIN, QUE la Cour d'appel qui déduit l'existence d'une infraction continue de l'affirmation suivant laquelle les faits en cause n'étaient pas des actes isolés mais régulièrement renouvelés, tout en constatant, s'agissant de la société JOUBERT « qu'aucun élément du dossier ne permet de relever qu'elle aurait mis en oeuvre les hausses de mai 1998 et de mai 2000 » (décision du Conseil, § 260), ne tire pas les conséquences de ses propres constatations et viole l'article L.462-7 du Code de Commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)– sur la structure tarifaire commune –
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, à l'égard de la société Etablissement Guy Joubert, confirmé la décision n° 08-D-22 du Conseil de la concurrence, qui avait dit que cette société avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et lui avait infligé une sanction pécuniaire de 1.500.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de la structure tarifaire commune, les entreprises la qualifie de grille de référencement ou de spécifications de produits, soutenant qu'il s'agit d'un outil purement technique, également dit « mercuriale », avalisé par les pouvoirs publics, et en usage dans le monde entier ; que tout d'abord l'argument de l'approbation de l'administration n'est pas pertinent puisqu'elle date d'un régime économique de réglementation des prix abandonné depuis 1986 ; qu'ensuite le fait que de telles grilles sont utilisées dans d'autres pays ne valide pas pour autant, au regard des règles de la concurrence, l'usage qui a été fait par les adhérents de l'Union des fabricants de contreplaqué de celle qu'ils élaboraient de manière concertée ;qu'il est vrai que, comme l'ont indiqué les intéressées, la grille, grâce notamment à la définition d'un produit qui constitue la « base 100 » et à partir duquel on peut déduire tous les prix des autres produits par application des coefficients de la grille, aboutit à une simplification du calcul des prix de vente au regard du nombre de produits figurant au tarif et rend plus aisée la comparaison des prix par produit d'un fabricant à l'autre ; que cependant par là-même il rigidifie le mécanisme de fixation des prix et nuit au libre jeu de la concurrence ; qu'en effet il est établi que la grille n'était pas exactement le reflet d'un rapport, qui serait identique pour tous les fabricants, entre les prix de revient des différents produits ; qu'il ressort des constatations de l'enquêteur CASES (rapport d'enquête annexé à la notification de griefs), et spécialement des comparaisons entre la grille tarifaire française et les tarifs proposés par les fabricants français à l'exportation, que la grille élaborée et adoptée par les adhérents de l'UFC, si elle contient des éléments intrinsèques aux coûts de revient des fabricants et aux pratiques de consommation, s'écarte néanmoins d'un strict rapport avec les coûts de production (par exemple les grilles applicables en France et dans les pays voisins divergent quant à l'écart existant sur certains critères constituant la structure de la grille), qu'elle est devenue un élément de rigidité de fixation des prix et le moyen, pour la profession, de procéder à des augmentations de tarifs simultanées et identiques ; qu'en l'absence de parfaite identité des structures de production et de vente, ainsi qu'il a été dit plus haut, l'application de coefficients d'écart de prix identiques pour les entreprises concurrentes ne se justifie pas économiquement, le prix d'un produit se trouvant fixé en référence à un coût moyen commun, intégré dans l'indice de la grille, au lieu de résulter de l'appréhension directe de ses coûts par le fabricant et de sa stratégie ; qu'en effet, par son automaticité et par la volonté manifestée par les membres de l'entente de la respecter, la grille constituait un frein à la faculté pour une entreprise plus efficace de baisser ses prix de manière à ce qu'ils reflètent ses coûts réels ; que l'utilisation de cette grille commune, pour éditer leurs tarifs, par toutes les entreprises qui l'élaboraient ensemble, était de nature à fausser la concurrence par les prix sur le marché considéré, par la rigidité qu'elle générait et indépendamment du fait que le prix de référence a pu varier selon les entreprises ou que les prix réellement pratiqués ont pu être inférieurs au tarif résultant de la grille pour tel client ou pour tel produit » ;
ALORS QUE l'élaboration par un syndicat professionnel d'une structure tarifaire commune en vue de normaliser les écarts de coûts de revient entre les différentes déclinaisons d'un même produit industriel s'analyse en un procédé d'échange d'informations destiné à faciliter le contrôle de gestion, qui ne revêt de caractère anticoncurrentiel qu'autant qu'est démontré de manière concrète qu'elle a pour effet, compte tenu des caractéristiques du marché, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté, à l'instar de la Commission européenne, que le contreplaqué d'Okoumé était un produit dont les coûts de production étaient « relativement normalisés », en raison de la prépondérance des matières premières, du transport et de la main d'oeuvre dans le prix de revient ; qu'en affirmant néanmoins que l'élaboration par l'Union des Fabricants de Contreplaqués d'une grille tarifaire commune constituait par nature un mécanisme susceptible de rigidifier le mécanisme de fixation des prix, et ce, « indépendamment du fait que le prix de référence ait pu varier selon les entreprises ou que les prix réellement pratiqués aient pu être inférieurs au tarif résultant de la grille pour tel client ou pour tel produit », la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à faire concrètement ressortir que la pratique contestée ait pu avoir pour effet, compte tenu des caractéristiques du marché, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et de fausser ainsi le jeu de la concurrence ; qu'en se prononçant de la sorte, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.420-1 du Code de commerce.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(très subsidiaire)– Sur la sanction –
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, à l'égard de la société Etablissement Guy Joubert, confirmé la décision n° 08-D-22 du Conseil de la concurrence, qui avait dit que cette société avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et lui avait infligé une sanction pécuniaire de 1.500.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE « selon les sociétés en cause, le Conseil de la concurrence n'a pas pris la peine de définir le marché sur lequel les producteurs français de contreplaqué sont actifs, ce qui le conduit à une vision erronée de la situation de la concurrence et à surestimer leur influence sur le marché ; que dans sa décision du 20 mai 2008, le Conseil de la concurrence a décrit le marché concerné par les pratiques en cause comme « le créneau spécifique des contreplaqués exotiques, notamment à base de bois d'okoumé, qu'il s'agisse de panneaux intégralement constitués de bois exotiques ou de panneaux combinant d'autres bois appelés "combi" » (§. 30) ; que ce marché, évalué entre 150 et 180 millions d'euros par an de 2001 à 2004, fait partie du marché plus vaste des ventes de contreplaqué réalisées en France par les importateurs et les fabricants oscillant entre 315 et 345 millions d'euros ; que les faits reprochés aux entreprises se situent incontestablement dans le marché étroit que le Conseil a bien délimité à l'intérieur du marché national global et dans lequel les sept entreprises concernées par les griefs détenaient une part d'environ 60 % ; que devant la Cour d'appel, la société Plysorol fait valoir qu'en ne prenant pas en compte un marché étendu aux produits substituables et à un niveau au moins européen sinon mondial, le Conseil de la concurrence a considérablement majoré la part de marché affectée par les pratiques : 51 à 61 % au lieu de 3 % ; que de même les sociétés Jean Thébault et Guy Joubert font valoir que le Conseil a artificiellement réduit le marché en cause pour faire ressortir la gravité du comportement d'entreprises détenant une part élevée de ce marché ; qu'il n'est pas indifférent de relever que devant le Conseil de la concurrence, les entreprises avaient mis en avant l'étroitesse du marché considéré pour minimiser l'impact économique et donc la gravité des pratiques ; que, s'il est indéniable que les acteurs de ce marché subissent la concurrence de producteurs de produits substituables et de fabricants non seulement européens mais du monde entier (dont la Chine depuis l'année 2001), il n'y a néanmoins aucune raison de se placer dans un autre cadre que celui de la commission des faits pour apprécier leurs effets ; qu'il est établi que les sept entreprises concernées par les griefs détenaient une part d'environ 60 % sur ce marché national du contreplaqué évalué à environ 175 millions d'euros » ;
ALORS QUE les sanctions pécuniaires encourues doivent être fixées à proportion du dommage que les pratiques anticoncurrentielles relevées ont causé à l'économie ; qu'une telle appréciation implique, de la part d'organe répressif, la délimitation préalable du marché de référence affecté par les pratiques relevées, la dimension de celui-ci ne concordant pas nécessairement avec le cadre géographique restreint dans lequel ces pratiques se sont inscrites ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'il était indéniable que les entreprises mises en cause, fabricants de contreplaqués exotiques à base d'okoumé, subissaient la concurrence de producteurs de produits substituables et de fabricants non seulement européens mais également du monde entier, ce dont il s'évinçait que le marché de référence affecté par les pratiques relevées était de dimension mondiale ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'y avait aucune raison de se placer dans un autre cadre que celui - purement national – dans lequel les pratiques relevées s'étaient déroulées, pour apprécier leurs effets dommageables, la Cour d'appel, qui a par là refusé de tirer les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, a violé les articles L.420-1 et L.464-2 du Code de commerce.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONCURRENCE - Autorité de la concurrence - Décision - Sanction - Sanction pécuniaire - Dommage causé à l'économie - Marché à considérer

La cour d'appel ayant relevé que les fabricants français d'un produit subissent sur le territoire national la concurrence de produits de fabricants étrangers en déduit exactement qu'il y a lieu d'apprécier les effets dommageables des pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par ces fabricants français sur le marché national, ouvert à la concurrence internationale, et non sur le marché mondial


Références :

Sur le numéro 1 : articles L. 420-1 et L. 462-7 du code de commerce
Sur le numéro 2 : articles L. 420-1 et L. 464-2 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 septembre 2009


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 15 mar. 2011, pourvoi n°09-17055, Bull. civ. 2011, IV, n° 38
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 38
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Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Rapporteur ?: M. Jenny
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 15/03/2011
Date de l'import : 19/10/2012

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09-17055
Numéro NOR : JURITEXT000023742776 ?
Numéro d'affaire : 09-17055
Numéro de décision : 41100245
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2011-03-15;09.17055 ?
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