LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Arthur X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 12 novembre 2010, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en bande organisée, association de malfaiteurs, corruption, travail dissimulé et usage de faux, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant sous contrôle judiciaire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 137, 138, 138-1, 139 du code de procédure pénale, 23 et 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris du 15 octobre 2010, confirmé la décision du juge d'instruction ayant placé sous contrôle judiciaire le demandeur avec les obligations de ne pas sortir sans autorisation préalable des limites du territoire français, ne pas se rendre dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et verser entre les mains du régisseur de recettes du tribunal, à titre de cautionnement, la somme de 50 000 euros en cinquante versements mensuels de 1 000 euros à compter du 15 octobre 2010 et d'avoir débouté le demandeur de ses demandes ;
" aux motifs que, sur l'obligation de ne pas quitter le territoire français, la présente information met en lumière des filières d'immigration clandestine entre certains Etats d'Afrique et la France ; que les responsables de ces réseaux se trouvent au Togo, au Nigéria, au Cameroun et en Côte d'Ivoire ; que les demandes d'entraide judiciaire adressées par les enquêteurs ont échoué ; que le mis en examen, de nationalité congolaise, a été interpellé alors qu'il quittait le territoire national ; que l'obligation de ne pas sortir sans autorisation préalable des limites territoriales fixées par le juge d'instruction, laquelle est indépendante de la qualité professionnelle de tout mis en examen, sera, pour ces motifs, confirmée afin, indépendamment des garanties de représentation alléguées, de pouvoir mettre en oeuvre les futures investigations nécessitées par les déclarations contradictoires des deux principaux protagonistes ; que, sur l'obligation de ne pas se rendre en certains lieux, spécialement dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, il résulte de la combinaison des articles 138, alinéa 2, 12°, 139 du code de procédure pénale et de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, que le conseil de l'ordre des avocats a, seul, le pouvoir de prononcer une mesure d'interdiction provisoire de l'exercice de la profession d'un avocat placé sous contrôle judiciaire, ainsi que d'y mettre fin ; que Me X..., avocat au barreau de Paris, mis en examen des chefs d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers en bande organisée, d'usage de faux en écriture privée, de traite aggravée des êtres humains en bande organisée et commise au préjudice de plusieurs personnes, de corruption active, de travail dissimulé et d'association de malfaiteurs en vue de l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'étrangers en bande organisée et placé sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction dont la décision a été confirmée par le juge des libertés et de la détention, avec, notamment, l'interdiction de se rendre dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne dont les tribunaux de grande instance ont la compétence territoriale des deux grands aéroports de la région Ile-de-France ; que, par ailleurs, le juge d'instruction a saisi le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris qui aurait, selon les termes du mémoire, mais en l'absence du versement de la décision elle-même, dit n'y avoir lieu, en l'état, de prononcer une mesure de suspension provisoire d'exercice de la profession d'avocat ; que, même si Me X..., dont le cabinet est situé ..., à Paris XIVème, allègue une activité dominante en droit des étrangers, celle-ci pourra être poursuivie à la cour d'appel de Paris, juridiction du second degré des tribunaux de Bobigny et Créteil, au barreau de laquelle il est inscrit, l'interdiction de se rendre en Seine-Saint-Denis et en Val-de-Marne n'étant pas, en l'espèce, une mesure s'assimilant nécessairement à l'interdiction d'exercer l'activité d'avocat prévue à l'article 138, alinéa 2, 12°, et relevant dès lors exclusivement du conseil de l'ordre ; que, sur l'obligation de verser un cautionnement, selon les dispositions de l'article 138, alinéa 2, 11°, du code de procédure pénale, le montant et les délais de versement du cautionnement, dont peut être assorti le contrôle judiciaire de la personne mise en examen, doivent être fixés compte tenu des ressources et charges de ce dernier ; que M. X... est notamment astreint à l'obligation de verser entre les mains du régisseur de recettes du tribunal la somme de 50 000 euros en cinquante versements mensuels de 1 000 euros à verser à partir du 15 octobre 2010, sur cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure … ; qu'ainsi qu'il a déjà été exposé, les garanties de représentation du mis en examen sont d'une relativité telle que M. X... est soumis à l'interdiction de ne pas quitter le territoire national sans autorisation préalable ; que cette insuffisance justifie le principe du versement d'un cautionnement ; que, si les enquêteurs ont saisi des espèces au domicile du mis en examen et qu'il doit assumer la charge, non justifiée, de ses deux enfants qu'il élèverait seul, il résulte de la procédure que M. X... percevait 2 200 euros d'honoraires en espèces par immigré clandestin ; que les premières investigations à partir des noms de clients communiqués par M. Y... à M. X... permettaient d'évaluer les gains à 200 000 euros entre les mois de mai et septembre 2009, soit une moyenne de 20 000 euros par mois ; qu'enfin, les versements échelonnés pourront être honorés en l'absence de suspension effective de cet avocat jusqu'à ce jour et même future selon les termes du mémoire ; que, dès lors, le montant du cautionnement et ses modalités ont été fixés dans le respect du texte susvisé ;
" 1°) alors qu'il résulte des articles 138, alinéa 2, 12°, 139 du code de procédure pénale et de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, que le conseil de l'ordre a, seul, le pouvoir de prononcer une mesure d'interdiction provisoire de l'exercice de la profession d'un avocat placé sous contrôle judiciaire, ainsi que d'y mettre fin ; qu'après avoir pourtant relevé que, par décision du 3 novembre 2010, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, saisi par le juge d'instruction, avait dit n'y avoir lieu de prononcer, en l'état, à l'encontre du demandeur une mesure de suspension provisoire d'exercice de la profession d'avocat, la chambre de l'instruction qui, dans le cadre du contrôle judiciaire, interdit au demandeur, avocat inscrit au barreau de Paris et exerçant une activité dominante en droit des étrangers, de se rendre en toutes circonstances, dans les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, soit dans le ressort des tribunaux ayant la compétence territoriale des deux grands aéroports de la région Ile-de-France, a prononcé une mesure s'assimilant nécessairement à une interdiction au moins partielle d'exercer l'activité d'avocat, relevant dès lors exclusivement du conseil de l'ordre et, par là même, a excédé ses pouvoirs en méconnaissance des textes susvisés ;
" 2°) alors qu'il résulte des articles 138, alinéa 2, 12°, 139 du code de procédure pénale et de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, que le conseil de l'ordre a, seul, le pouvoir de prononcer une mesure d'interdiction provisoire de l'exercice de la profession d'un avocat placé sous contrôle judiciaire, ainsi que d'y mettre fin ; qu'après avoir pourtant relevé que, par décision du 3 novembre 2010, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Paris, saisi par le juge d'instruction, avait dit n'y avoir lieu de prononcer, en l'état, à l'encontre du demandeur, une mesure de suspension provisoire d'exercice de la profession d'avocat, la chambre de l'instruction qui, dans le cadre du contrôle judiciaire, fait interdiction au demandeur, avocat inscrit au barreau de Paris, de sortir sans autorisation préalable, des limites du territoire français, a prononcé une mesure s'assimilant nécessairement à une interdiction, au moins partielle, d'exercer l'activité d'avocat, relevant dès lors exclusivement du conseil de l'ordre et, par là même, a excédé ses pouvoirs en méconnaissance des textes susvisés ;
" 3°) alors que le montant et les délais de versement du cautionnement, dont peut être assorti le contrôle judiciaire de la personne mise en examen doivent être fixés compte tenu notamment des ressources et des charges de celle-ci ; que, pour confirmer l'ordonnance entreprise ayant prescrit au demandeur l'obligation de verser un cautionnement à hauteur de 50 000 euros en cinquante versements mensuels de 1 000 euros, la chambre de l'instruction, qui se borne à énoncer, pour conclure que le montant du cautionnement et ses modalités ont été fixés dans le respect du texte susvisé, que les premières investigations à partir des noms de clients communiqués par M. Y... à M. X... permettaient d'évaluer les gains nés de la prétendue infraction à une moyenne de 20 000 euros par mois, s'est ainsi déterminée sans s'expliquer sur les ressources et les charges du demandeur qui faisait précisément valoir qu'un tel montant était disproportionné et infondé au regard de ses facultés financières dès lors qu'il n'avait pas été en mesure de travailler depuis son interpellation le 11 octobre 2010, que les fonctionnaires de police avaient saisi l'ensemble de ses économies conservées en espèces à son domicile, qu'il devait faire face à d'importantes charges de famille comme étant veuf et élevant seul ses deux jeunes enfants âgés de 2 et 6 ans et hébergeant en outre à son domicile sa belle mère handicapée, et a violé les textes susvisés ;
" 4°) alors que la fixation du montant et des délais de versement du cautionnement dont le contrôle judiciaire peut être assorti, doit tenir compte des charges et ressources du mis en examen ; que, pour fixer le montant du cautionnement à 50 000 euros en considération d'une évaluation des « gains » et du produit des prétendues infractions, la chambre de l'instruction qui n'a manifestement tenu aucun compte, au jour de la fixation du cautionnement, de l'indisponibilité des fonds saisis au domicile personnel du mis en examen et représentant, ainsi qu'il l'avait fait valoir « l'ensemble de ses économies » et de la privation de tout revenu professionnel « le mis en examen n'(ayant) pas travaillé depuis son interpellation le 11 octobre 2010 », a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
" 5°) alors que la fixation du montant et des délais de versement du cautionnement dont le contrôle judiciaire peut être assorti, doit tenir compte des charges et ressources du mis en examen ; que, pour fixer le montant du cautionnement à 50 000 euros, en cinquante versements mensuels, la chambre de l'instruction, qui affirme que les versements échelonnés pourront être honorés en l'absence de suspension effective de cet avocat jusqu'à ce jour et même future, sans tenir aucun compte, au jour du cautionnement, de la privation d'une part substantielle pour l'avenir des revenus professionnels liée à l'interdiction de se rendre dans le département de Seine-Saint-Denis, impliquant précisément, ainsi qu'elle l'a au demeurant relevé, l'impossibilité pour le demandeur d'exercer son activité devant les tribunaux de Bobigny et Créteil, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
" 6°) alors enfin et en tout etat de cause que la contradiction de motifs équivaut à son absence ; que, pour confirmer l'ordonnance entreprise ayant prescrit au demandeur l'obligation de verser un cautionnement à hauteur de 50 000 euros en cinquante versements mensuels de 1 000 euros, la chambre de l'instruction, qui retient tour à tour, qu'une étude à partir des noms de clients communiqués par M. Y... à M. X... permettait d'évaluer les gains du duo à 200 000 euros entre les mois de mai et septembre 2009, puis que les premières investigations à partir des noms de clients communiqués par M. Y... à M. X... permettaient d'évaluer les gains à 200 000 euros entre les mois de mai et septembre 2009, soit une moyenne de 20 000 euros par mois, s'est prononcée par des motifs contradictoires quant aux revenus et au produit des prétendues infractions au seul regard desquels elle a entendu fixer le montant du cautionnement et a privé sa décision de motifs " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., avocat, mis en examen des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les étrangers en bande organisée et association de malfaiteurs, a été placé, par le juge d'instruction, sous contrôle judiciaire avec obligations de ne pas sortir sans autorisation du territoire français, de ne pas se rendre dans les départements de la Seine Saint-Denis et du Val-de-Marne et de verser un cautionnement de 50 000 euros en cinquante versements mensuels de 1 000 euros chacun ; que le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République en application de l'article 137-4 du code de procédure pénale, a dit que cette ordonnance du juge d'instruction sortirait son plein et entier effet ;
Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, et dès lors que l'interdiction, faite à l'avocat, de se rendre dans des lieux situés hors du ressort du barreau où il est inscrit, prononcée en application de l'article 138, 3°, du code de procédure pénale, ne constitue pas une mesure s'assimilant à l'interdiction d'exercer l'activité d'avocat, prévue au 12° du même article et relevant exclusivement du conseil de l'ordre, les juges ont justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Rognon, Mme Nocquet, M. Couaillier, Mme Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit conseillers de la chambre, Mmes Labrousse, Moreau conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;