LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 1er décembre 2009), que M.
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a contracté pour le compte de la SCI Carole (la SCI), dont il est le gérant, auprès du Comptoir des entrepreneurs, deux prêts " in fine " qu'il a rachetés au moyen de deux nouveaux prêts " in fine " contractés auprès de la société BNP Paribas (la banque) ; qu'il a également souscrit à titre personnel, un prêt pour l'acquisition d'un bien immobilier ; que soutenant que la banque avait conseillé le rachat de crédits plus onéreux et effectué un prélèvement sans autorisation, M.
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et la SCI l'ont assignée en responsabilité ;
Attendu que ces derniers font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action, alors, selon le moyen :
1°/ que la banque a le devoir d'informer un emprunteur non averti, même s'il s'agit d'un professionnel, sur les spécificités et la complexité du crédit proposé si bien qu'en se bornant à relever que M.
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et la SCI avaient antérieurement eu recours à ce type de financement et que M.
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était marchand de biens et disposait d'un important patrimoine immobilier pour les qualifier d'emprunteurs avertis, la cour d'appel qui n'a pas ainsi caractérisé une compétence quelconque qu'aurait eue les emprunteurs sur le mécanisme du crédit in fine, seule circonstance qui aurait pu éventuellement permettre de considérer que la fourniture d'information et de conseil par la banque était inutile, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que la banque a le devoir d'informer son client des risques encourus dans les opérations de crédit, même si ce dernier bénéficie de l'assistance d'un autre professionnel de sorte qu'en retenant, pour écarter toute obligation d'information et de conseil à la charge de la banque, que M.
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et la SCI avaient la possibilité de se faire assister d'un conseiller privé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que M.
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a fait valoir qu'outre l'obligation légale, la banque était contractuellement tenue à son égard d'une obligation d'information et de conseil plus étendue en vertu du mandat de gestion conclu et qu'elle avait méconnu cette obligation contractuelle engageant ainsi sa responsabilité de sorte qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que nul ne peut se constituer un titre à lui-même de sorte qu'en se fondant exclusivement sur un courrier électronique interne de la banque pour retenir l'existence d'un ordre de virement de M.
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autorisant le débit de son compte personnel au bénéfice d'un contrat de garantie souscrit par la SCI auprès de la banque, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
5°/ qu'il incombe à la banque d'établir l'existence de l'ordre de virement qu'elle invoque de sorte qu'en retenant qu "'à supposer que le courrier électronique dont se prévaut la banque n'ait aucune valeur et que cette répartition ne corresponde pas aux voeux de M.
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, celui-ci ne justifie de ce chef d'aucun ordre dans un sens différent ", la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 315 et 1937 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M.
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, dirigeant social de plusieurs sociétés directement impliqué dans l'activité économique de la gestion de biens immobiliers, ainsi que la SCI dont il est le gérant, avaient déjà la pratique depuis plusieurs années du crédit " in fine " pour avoir déjà financé par ce moyen de précédents investissements immobiliers, qu'ils savaient, l'un et l'autre, en souscrivant un nouveau crédit " in fine " couvrant le rachat des précédents, que dans cette formule, il n'est procédé, pendant la durée du prêt à aucun amortissement du capital, lequel est remboursé à la fin du contrat, que M.
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fait la démonstration qu'il était parfaitement à même, par l'expérience qu'il en avait déjà, de faire la différence entre un prêt " in fine " et un prêt amortissable, qu'il a eu recours à l'emprunt depuis 1994 sur la base de prévisionnel établi par lui-même et que ces éléments démontrent à suffisance que M.
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est rompu à la maîtrise de ses choix de gestion d'un patrimoine qu'il a toujours pérennisé par le recours au crédit banquier ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les emprunteurs étaient avertis, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que les deux crédits de rachat ont été consentis par la banque à des conditions d'intérêts plus avantageuses et que les pertes invoquées par M.
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ne sont pas établies de façon certaine, l'arrêt retient que ce dernier ne démontre pas le caractère fautif des interventions de la banque ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la banque avait satisfait à ses obligations nées du mandat de gestion, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir relevé qu'à supposer que le courrier électronique dont se prévaut la banque pour justifier de l'ordre de virement de M.
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n'ait aucune valeur et que la répartition des fonds opérée ne corresponde pas aux voeux de celui-ci, l'arrêt retient qu'il ne justifie d'aucun préjudice ; que par ce motif non critiqué, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M.
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et la SCI Carole aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller doyen faisant fonction de président en l'audience publique du huit mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour la société Carole et autre
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur
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et la SCI CAROLE de leur action en responsabilité à l'encontre de la BNP PARIBAS,
AUX MOTIFS PROPRES QUE " s'ils le dénient, Monsieur
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et la SCI CAROLE n'en sont pas moins des emprunteurs avertis, spécialement en ce qui concerne la technique du crédit'in fine'dont ils avaient déjà la pratique depuis plusieurs années pour avoir déjà financé par ce moyen de précédents investissements immobiliers ; ils savaient l'un et l'autre, en souscrivant un nouveau crédit'in fine'couvrant le rachat des précédents, que dans cette formule il n'est procédé, pendant la durée du prêt à aucun amortissement du capital, lequel est remboursé à la fin du contrat ; Monsieur
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fait lui-même la démonstration qu'il était parfaitement à même, par l'expérience qu'il en avait déjà, de faire la différence entre un prêt'in fine'et un prêt amortissable puisqu'outre les prêts'in fine'souscrits auprès du CDE en 1994, il fait valoir qu'il avait également souscrit un prêt amortissable BNP de 470 000 francs sur 120 mois, trois prêts amortissables accordés à la SCI EVELYNE pour des montants de 400 000 francs, 900 000 francs et 200 000 francs et deux prêts amortissables accordés à la SCI MAXIME pour des montants de 213 428 francs et 900 000 francs.
Si le contrat d'assurance vie la Fédération Continentale de 1 600 000 francs du 15 avril 1994 nanti au profit de la BNP ne couvrait que la moitié de l'un des deux prêts du 11 juillet 2001, Monsieur
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disposait par ailleurs d'un patrimoine largement suffisant pour garantir ses engagements ; l'appelant ne caractérise aucune faute de la BNP dans l'octroi des concours qu'elle lui a consentis tant à titre personnel que pour son activité de marchand de biens.
La BNP ne s'est pas appropriée la somme de 90 866 € que Monsieur
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lui reproche d'avoir prélevée sur son compte ; cette somme a été employée à un placement pour lequel elle explique qu'à la suite du dépôt d'un chèque de 120 886 €, il en avait ventilé le montant sur deux contrats, l'un ouvert en 1995 l'autre en 2006 ; à supposer que le courrier électronique dont se prévaut la banque n'ait aucune valeur et que cette répartition ne corresponde pas aux voeux de Monsieur
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, celui-ci ne justifie de ce chef d'aucun ordre dans un sens différent ni d'un quelconque préjudice ; par ailleurs, il n'y a aucune faute à prélever sur le compte de l'emprunteur les intérêts du prêt, telle la somme de 13 992, 65 €
prélevée à ce titre sur le compte de la SCI CAROLE.
C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont débouté Monsieur
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et la SCI CAROLE de leur action ",
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE " si le banquier est tenu vis-à-vis de l'emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde à l'occasion de la souscription d'un contrat de prêt au regard de ses capacités financières et du risque de l'endettement, cette obligation générale de mise en garde cède lorsque l'emprunteur est averti sauf pour ce dernier à démontrer que le dispensateur de crédit avait sur sa propre situation financière des informations qu'il ignorait.
La preuve de l'exécution de cette obligation n'incombe à la banque qu'à l'égard de l'emprunteur profane et que tel n'est pas le cas de M. Serge
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qui doit être considéré comme un professionnel averti en contemplation de sa qualité de marchand de biens et de dirigeant social directement impliqué dans l'activité économique de la gestion de biens immobiliers ;
En effet, M.
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qui se définit lui-même comme un marchand de biens dans le fichier de renseignement est à la tête d'un important patrimoine immobilier valorisé à hauteur de 3 200 000 € dans sa déclaration I. S. F de 2005 ; il est le gérant de la SCI CAROLE, propriétaire de sept biens immobiliers à CANNES, AVIGNON, ISLE SUR LA SORGUE et MONTFAVET, de SCI SERGE, propriétaire d'un immeuble de 300 m2 à CAUMONT, de la SCI MAXIME, propriétaire d'un immeuble de 600 m2 à SAINT SATURNIN LES AVIGNON, de la SCI EVELYNE dont le patrimoine comprend une villa à AVIGNON, un immeuble de 5 appartements dans cette même localité et trois appartements à SORGUES ; ces biens immobiliers ont été acquis depuis 1994 par le recours à l'emprunt sur la base de prévisionnel établi par lui-même ainsi que le démontre un courrier adressé à la banque pour la SCI CAROLE :
" Prévisions SCI CAROLE pour 2001
Estimations d'un prêt SMC juin 2001 ci-joint décompte
Augmentation du loyer du local commercial ...(4 000 frs)
Négociation avec MIDAS pour reprendre une partie du local centre commercial CAP SUD
Location envisagée de la partie reprise par la SCI CAROLE 20 000 FRF HT mensuel
Déjà négocié un terrain de 450 m2 pour exploiter un lavage haute pression : 12 000 FRF HT ci-joint accord.
Bénéfice sur ces deux accords : 18 000 FRF HT mis dont recettes supplémentaires sur la SCI CAROLE 32 000 FRF HT mois dont recettes supplémentaires sur la SCI CAROLE 32 000 FRF HT mensuel. Gain annuel : 384 000 FRF HT.
SCI EVELYNE : la situation ne changera pas pour l'année 2001.
Signé : M.
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".
Ces éléments démontrent à suffisance que M.
X...
est rompu à la maîtrise de ses choix de gestion d'un patrimoine qu'il a toujours pérennisé par le recours au crédit bancaire et le banquier n'a pas à s'immiscer dans la gestion de son client étant observé qu'en l'espèce M.
X...
était parfaitement en mesure de se faire assister d'un conseiller privé ;
M.
X...
ne démontre pas le caractère fautif des interventions de la banque puisque les deux crédits de rachat en 2001 sont consentis par la BNP à des conditions d'intérêt bien plus avantageuses (5, 4 % au lieu de 8, 25 %) et que les pertes qu'il invoque ne sont pas établies de façon certaine, étant encore observé que c'est à tort qu'il soutient avoir " bradé " l'appartement de GRAVEL puisque le prix de vente a dégagé une plus value de 2 456 € ;
C'est encore en vain qu'il soutient que la banque a sans autorisation prélevé la somme de 90 866 € alors qu'il a de sa propre décision lors de la remise du chèque de 120 866 € représentant le prix de vente de cet immeuble, ventilé la somme de 90 866 € sur le contrat multiplacement " mail du 27/ 10/ 2006 ;
En définitive, M. X... ne saurait reprocher à la BNP aucun manquement à un devoir de mise en garde et les préjudices qu'il invoque ne sont que d'ordre éventuel liés aux aléas des placements financiers ayant servi de gage aux crédits litigieux et qu'il convient de le débouter de sa demande ",
ALORS, D'UNE PART, QUE la banque a le devoir d'informer un emprunteur non averti, même s'il s'agit d'un professionnel, sur les spécificités et la complexité du crédit proposé si bien qu'en se bornant à relever que Monsieur
X...
et la SCI CAROLE avaient antérieurement eu recours à ce type de financement et que Monsieur
X...
était marchand de biens et disposait d'un important patrimoine immobilier pour les qualifier d'emprunteurs avertis, la Cour d'appel qui n'a pas ainsi caractérisé une compétence quelconque qu'aurait eue les emprunteurs sur le mécanisme du crédit in fine, seule circonstance qui aurait pu éventuellement permettre de considérer que la fourniture 91596/ THG/ DG d'information et de conseil par la banque était inutile, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la banque a le devoir d'informer son client des risques encourus dans les opérations de crédit, même si ce dernier bénéficie de l'assistance d'un autre professionnel de sorte qu'en retenant, pour écarter toute obligation d'information et de conseil à la charge de la banque, que Monsieur
X...
et la SCI CAROLE avaient la possibilité de se faire assister d'un conseiller privé, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil,
ALORS EN OUTRE QUE Monsieur
X...
a fait valoir qu'outre l'obligation légale, la banque était contractuellement tenue à son égard d'une obligation d'information et de conseil plus étendue en vertu du mandat de gestion conclu et qu'elle avait méconnu cette obligation contractuelle engageant ainsi sa responsabilité de sorte qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS DE SURCROÎT QUE nul ne peut se constituer un titre à lui-même de sorte qu'en se fondant exclusivement sur un courrier électronique interne de la banque pour retenir l'existence d'un ordre de virement de Monsieur X...autorisant le débit de son compte personnel au bénéfice d'un contrat de garantie souscrit par la SCI CAROLE auprès de la banque, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil,
ALORS ENFIN QU'il incombe à la banque d'établir l'existence de l'ordre de virement qu'elle invoque de sorte qu'en retenant qu "'à supposer que le courrier électronique dont se prévaut la banque n'ait aucune valeur et que cette répartition ne corresponde pas aux voeux de Monsieur
X...
, celui-ci ne justifie de ce chef d'aucun ordre dans un sens différent ", la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 et 1937 du Code civil.