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02/03/2011 | FRANCE | N°10-11957

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 mars 2011, 10-11957


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 novembre 2009), que M. X..., qui avait été engagé le 1er avril 2005 en qualité de vendeur débutant par la société par actions simplifiées Courir France, a été, après mise à pied conservatoire, licencié le 10 mai 2007 pour faute grave en raison notamment d'injures et menaces à l'égard de sa responsable de magasin ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses sommes au titre de la rupture ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de null...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 novembre 2009), que M. X..., qui avait été engagé le 1er avril 2005 en qualité de vendeur débutant par la société par actions simplifiées Courir France, a été, après mise à pied conservatoire, licencié le 10 mai 2007 pour faute grave en raison notamment d'injures et menaces à l'égard de sa responsable de magasin ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses sommes au titre de la rupture ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité de la procédure de licenciement et de paiement de dommages-intérêts subséquents, alors, selon le moyen, que l'article L. 227-6 du code de commerce confie au président de la société par actions simplifiée le pouvoir de licencier ; que celui-ci peut déléguer statutairement ce pouvoir au directeur général ou au directeur délégué ; que la méconnaissance de cette exigence légale constitue la violation d'une formalité substantielle qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en constatant que la lettre de licenciement de M. X..., salarié de la société par actions simplifiée Courir, a été notifiée par une personne incompétente pour ce faire, le directeur régional, puis en en déduisant que cette absence de qualité pour agir s'analysait en une simple irrégularité de forme ne rendant pas le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte précité ;
Mais attendu que si, selon l'article L. 227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président et, si ses statuts le prévoient, par un directeur général ou un directeur général délégué dont la nomination est soumise à publicité, cette règle n'exclut pas la possibilité, pour ces représentants légaux, de déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés tel que celui d'engager ou de licencier les salariés de l'entreprise ; que, par ailleurs, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ; qu'enfin, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement ;
Attendu que l'arrêt a relevé que toute la procédure de licenciement avait été menée par le directeur régional, supérieur hiérarchique du salarié, et que la société soutenait la validité et le bien-fondé du licenciement ; qu'il en résulte que le licenciement de l'intéressé a été régulièrement notifié ; que par ce motif de pur droit substitué au motif erroné en vertu de l'article 620 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui n'est pas de nature à permanence l'admission du pourvoi :

REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande de nullité de la procédure de licenciement et de dommages et intérêts afférents ainsi que de sa demande subsidiaire, d'allocation d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE ; « « L'article L. 1232-6 du code du travail indique que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre RAR.
La notification du licenciement doit émaner de l'employeur ou de son représentant ayant reçu délégation à cet effet.
En l'espèce, la société COURIR étant une société par actions simplifiées, c'est à dire une SAS, il convient de se reporter à l'article L. 227-6 du code de commerce pour décider quelle personne de cette société est compétente pour notifier une lettre de licenciement.
Cet article indique notamment :
« La société (par actions simplifiées) est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.
Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.
Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers. »
Au regard de cet article, c'est le président ou le directeur général délégué qui détient la compétence de notifier le licenciement à un salarié d'une SAS, le salarié étant un tiers de celle-ci.
Il est établi en l'espèce que la lettre de licenciement de M. X... est signée par M. Jean-Loic Y..., directeur régional, qui n'est ni le président de la SAS, ni le directeur général, ni le directeur général délégué.
Il est également établi que la société COURIR ne justifie nullement, dans la présente instance, d'une délégation de pouvoir de son président au directeur général ou directeur général délégué à la date de notification de la lettre de licenciement et postérieurement à celle-ci. Elle ne produit pas en effet ses statuts.
Il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que la lettre de licenciement a été notifiée par une personne incompétente pour le faire au sein de la société COURIR, et non par une personne morale qui n'était pas l'employeur de M. X....
Les pièces du dossier mettent en effet en évidence que M. X... connaissait bien M. Y... et ne contestait pas son pouvoir de direction au sein de la société avant la présente instance puisqu'il l'a cité au cours de la vive discussion du 2 avril 2007, l'opposant à sa responsable de magasin et que M. Y... a conduit pour l'employeur l'entretien préalable au licenciement de M. X.... Les deux lettres de convocation à un entretien préalable ont d'ailleurs été signées par M. Y... à qui M. X... a écrit directement le 15 mai 2007 pour contester les griefs décrits dans sa lettre de licenciement.
Cette incompétence est une simple irrégularité de forme ne rendant pas le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et non une irrégularité de fond provoquant la nullité du licenciement. La sanction de cette incompétence ne peut être que l'allocation d'une indemnité en réparation du préjudice subi de ce fait, ce que ne demande pas M. X....
Le jugement du conseil est donc infirmé de ce chef.
La lettre de licenciement et la procédure de licenciement n'étant pas annulés, il convient d'examiner les griefs invoqués par la société COURIR à l'appui du licenciement, griefs contestés par M. X.... »
ALORS QUE l'article L. 227-6 du Code de commerce confie au président de la SAS le pouvoir de licencier ; que celui-ci peut déléguer statutairement ce pouvoir au directeur général ou au directeur délégué ; que la méconnaissance de cette exigence légale constitue la violation d'une formalité substantielle qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en constatant que la lettre de licenciement de Monsieur X..., salarié de la SAS COURIR, a été notifiée par une personne incompétente pour ce faire, le directeur régional, puis en en déduisant que cette absence de qualité pour agir s'analysait en une simple irrégularité de forme ne rendant pas le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte précité.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une faute grave et débouté en conséquence ce dernier de ses demandes en paiement de salaires pour la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de remise de documents sociaux sous astreinte,
AUX MOTIFS QUE ; « La lettre de licenciement notifiée à Monsieur X..., qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes :
« Nous faisons suite à notre entretien préalable qui s'est déroulé en date du 23 avril 2007, en présence de Frédéric Z..., directeur régional, et au cours duquel vous n'avez pas souhaité être assisté.
Nous vous confirmons les faits qui vous sont reprochés et qui vous ont été exposés lors de l'entretien, à savoir :
Le 24 mars 2007, votre Responsable de magasin vous a reproché de consacrer beaucoup trop de temps à des discussions personnelles pendant votre temps de travail. Vous avez alors cru bon de lui répondre que vous vous en foutiez.
Nous vous rappelons que si nous pouvons comprendre que vous saluiez vos connaissances, nous ne saurions pour autant tolérer que vous passiez ainsi de nombreuses minutes avec eux, sur notre surface de vente, alors que vous êtes planifié.
Par ailleurs, le 30 mars dernier, vous avez pris votre poste avec retard, avant de partir précipitamment sans en informer votre RM ou votre Assistant et alors même que vous êtiez en train de vous occuper d'un client !
Enfin, le 2 avril 2007 vous vous êtes permis de tenir des propos déplacés à l'égard de votre responsable qui vous demandait simplement de faire votre travail pleinement en proposant des semelles aux clients lors des ventes. Vous lui avez alors demandé si elle comptait vous saouler encore longtemps, avant de renchérir de la manière suivante : tu me fais chier, tu n'est rien pour moi et tu ne me fais pas peur du tout, je ne crains personne, pas même Jean-Loic (moi-même).
Postérieurement vous avez refusé d'accomplir une mission que nous vous donnions.
Lorsque votre responsable de magasin a souhaité vous prendre en entretien informel en présence d'un autre membre de l'équipe du magasin, William A..., vous avez reconnu les paroles et faits sus-cités en vous permettant de surcroît d'insulter une nouvelle fois votre RM.
Au cours de l'entretien préalable, vous avez alors précisé que les faits du 24 mars 2007 étaient totalement faux avant d'indiquer que vous n'aviez pris que quelques secondes pour saluer vos connaissances et que ces reproches étaient purement inventés.
Par ailleurs vous avez nié également être arrivé en retard le 30 mars 2007.
Toutefois, vous avez reconnu avoir insulté votre responsable de magasin le 2 avril précédent, en précisant que vous aviez agi sous le coup de la colère et de la pression, alors que cette dernière ne vous demandait que de faire votre travail.
En effet, vous prétendez subir des pressions sur les ventes complémentaires, alors que ces dernières font partie intégrantes de vos fonctions : vendre nos produits et proposer des articles complémentaires systématiquement.
Lorsque vous nous avez demandé d'expliquer pourquoi les autres collaborateurs arrivaient à réaliser des performances sur ces ventes et que vous-même, vous n'enregistriez que de biens maigres résultats, vous avez répondu que vous essayez mais en vain.
A nul moment, votre supérieur hiérarchique ne s'est permise de vous formuler une remarque sur un ton déplacé ou autre et, quand bien même vous vous êtes fortement énervé et avez manqué de respect à son égard à plusieurs reprises, ce qui est gravissime.
En conséquence, nous avons décidé de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs énoncés dans le présent courrier.
Cette mesure prendra effet à compter de ce jour »
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Sur les trois griefs reprochés à M. X..., à savoir des faits qui se sont déroulés les 24 mars, 30 mars et 2 avril 2007, seul le dernier est établi par l'attestation de Melle B..., responsable du magasin, et directement concernée par l'altercation qui s'est produite avec M. X... ainsi que par l'attestation de M. William A....
Celui-ci atteste en effet ainsi les faits auxquels il a assisté le 2 avril 2007 :
« Sandrine B... demande à Julien X... de lui répéter les faits et dires de ce matin en ma présence. Julien X... dit à Sandrine B... que il faut qu'elle aille se faire foutre et « tu fermes ta gueule ». Puis il part dans le magasin et revient 2 minutes plus tard et menace Sandrine B... en lui disant : « que si elle aurait été un garçon, je t'explose la gueule contre le mur, et fait attention à toi parce que moi je ne vais pas rigoler ».
M. X... invoque, pour justifier ses propos, le harcèlement de Melle B... à son égard et la pression qu'il a subi de sa part. Mais, il ne produit aucune pièce à l'appui de ses déclarations, présumant un tel harcèlement et prouvant une telle pression. Bien au contraire, la société COURIR produit plusieurs attestations d'anciens ou actuels salariés, tels Mrs Stéphane C..., D..., François E... et J. M. F..., du magasin Courir où travaillaient M. X... et Melle B... qui indiquent qu'ils n'ont jamais subi de pression de la part de cette dernière au cours de leur travail, et n'ont pas été harcelés par elle.
Les faits établis à l'encontre de M. X... constituent une faute grave, justifiant le licenciement prononcé par l'employeur, en raison de la violence et de la grossièreté des propos tenus par le salarié à l'égard de sa responsable de magasin et des menaces qu'il a proférées contre elle. Ces faits constituent une violation grave des obligations du salarié découlant de ses relations de travail avec son employeur. Ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il suit que M. X... est débouté de toutes ses demandes en paiement résultant de ce licenciement, c'est à dire de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'in indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il est également débouté de sa demande de remise de documents sociaux sous astreinte. »,
ALORS QU'aux termes de l'article L. 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en se fondant, pour retenir l'existence d'une faute grave imputable au salarié, sur l'attestation de Monsieur A... qui relatait les faits auxquels il avait assisté le 2 avril 2007, faits qui n'étaient absolument pas ceux expressément visés par l'employeur dans la lettre de licenciement du 10 mai 2007 à l'appui du grief imputant la tenue de propos déplacés du salarié à l'égard de son supérieur hiérarchique à cette date, la Cour a méconnu les dispositions de l'article précité.
ALORS QU'aux termes de l'article L. 1234-9 du Code du travail, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; en retenant la faute grave sur le seul fondement de l'altercation survenue le 2 avril 2007 entre Monsieur X... et sa supérieure hiérarchique au cours de laquelle le salarié a tenu les propos suivants : « tu me fais chier, tu n'es rien pour moi et tu ne me fais pas peur du tout, je ne crains personne, pas même Jean-Loic » qui constitue pourtant un acte peu répréhensible et isolé, en l'absence de tout antécédent disciplinaire du salarié qui jouissait d'une ancienneté de deux ans, la Cour n'a pas caractérisé une faute grave et partant, a violé l'article précité.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-11957
Date de la décision : 02/03/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 25 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 mar. 2011, pourvoi n°10-11957


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.11957
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