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22/02/2011 | FRANCE | N°10-83767

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 2011, 10-83767


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Produits terre nature,- Mme Anne X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 8 avril 2010, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre elles pour exercice illégal de la pharmacie, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire ampliatif, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation

, pris de la violation des articles L. 4211-1, L. 4221-1, L. 4223-1, L. 5111-1, D...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Produits terre nature,- Mme Anne X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 8 avril 2010, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre elles pour exercice illégal de la pharmacie, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire ampliatif, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 4211-1, L. 4221-1, L. 4223-1, L. 5111-1, D. 4211-11 et D. 4211-12 du code de la santé publique, 2 et 16 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, 112-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, condamné solidairement Mme Y... et la SARL Produits terre nature à payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, et ordonné la publication du dispositif de cet arrêt ;
"aux motifs qu'il convient de rappeler les textes qui régissent la notion de médicament dont la commercialisation est réservée aux seuls pharmaciens ; que le monopole légal des pharmaciens, dont le fondement est la préservation de la santé publique, est consacré par l'article L. 4211-1 du code de la santé publique, au terme duquel sont réservés aux pharmaciens la préparation des médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine, la vente en gros, la vente au détail et la dispensation au public des médicaments, la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret ; que le médicament est défini par l'article L. 5111-1 du code de la santé publique qui dispose : "on entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales (première définition), ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'obtenir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique (deuxième définition)" ; qu'il ressort de cette double définition, elle même en conformité avec le droit communautaire (Directive 2004/27/CE du 31 mars 2004), qu'un produit peut être qualifié de médicament en considération de la présentation qui en est faite et/ou sur la base de la fonction qui peut lui être attribuée ; que la présentation consiste à inciter un consommateur moyennement avisé à acheter un produit auquel le fabricant va donner l'apparence d'un médicament ayant la propriété de prévenir ou de guérir les maladies, peu important, au demeurant, que cette propriété soit réelle ou illusoire et que la présentation des propriétés préventives ou curatives soit affirmée ou suggérée (présentation explicite ou présentation implicite) ; qu'ainsi, sera considéré comme médicament un produit explicitement présenté comme tel, dès lors que sont visés, même sous une forme déguisée, des états pathologiques ; que, de même, un produit sera implicitement présenté comme un médicament dès lors qu'un faisceau d'indices concordants permet de retenir que la présentation qui en est faite conforte les consommateurs dans l'idée qu'ils acquièrent un médicament (forme galénique, mode d'emploi assimilable à une posologie, utilisation d'une terminologie scientifique) ; que le médicament par fonction est défini par la deuxième partie du premier alinéa de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique comme "toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical on de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique" ; que la définition du médicament par fonction implique donc un produit dont le but est soit de provoquer une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, afin de modifier des fonctions physiologiques, soit d'établir un diagnostic médical ; qu'il convient, pour déterminer si un produit est susceptible d'avoir de telles propriétés, de se prononcer au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ; que l'article L. 5111-1 in fine du code de la santé publique précise : "lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament" ;que, s'agissant des plantes médicinales, la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée est réservée aux seuls pharmaciens en vertu de l'article L. 4211-1, 5°, du code de la santé publique ; qu'à titre dérogatoire, seuls sont en vente libre les plantes listées à l'article D. 4211-11 du code de la santé publique sous certaines formes uniquement, s'agissant bien souvent de vente en l'état ; que le terme "vendues en l'état" signifie qu'elles ne doivent pas être mélangées entre elles ou à d'autres espèces, par d'autres personnes que des pharmaciens et des herboristes ; qu'en particulier, ces plantes médicinales ne doivent pas être présentées sous forme de gélules et de gouttes, qui sont des préparations et des compositions constituant des médicaments ; que, si les plantes ont subi des transformations pour être incorporées dans des produits, ces derniers doivent alors être qualifiés de médicaments ; que l'action thérapeutique des plantes médicinales, qui modifie les fonctions physiologiques, donne au produit qui le contient la qualification légale de médicament par fonction au sens du deuxième alinéa de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique ; que, parallèlement, certains produits sont susceptibles de bénéficier de la qualification de compléments alimentaires et, si tel est le cas, ceux ci échappent au monopole des pharmaciens ; qu'il convient donc de déterminer, avec le plus de précaution possible, ce qui constitue un complément alimentaire et ce qui s'analyse comme un médicament ; qu'à cet égard, avant l'entrée en vigueur de la Directive complément alimentaire 2002/46/CE du 10 juin 2002, les compléments alimentaires étaient définis comme "des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers" aux termes de l'article 15-2, deuxième alinéa, du décret du 15 avril 1912 modifié par l'article 1er du décret du 14 octobre 1997 ; que la Directive communautaire 2002/46/CE transposée en droit français aux termes d'un décret n° 2006-352 du 20 mars 2006, définit les compléments alimentaires comme "les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés" ; que la Directive communautaire exclut que les compléments alimentaires puissent être accompagnés d'allégations thérapeutiques puisque, selon son article 6. 2 "l'étiquetage des compléments alimentaires, leur présentation et la publicité qui en est faite n'attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, ni n'évoquent ces propriétés" ; que, s'il existe un doute sur la qualification de complément alimentaire, ce conflit de qualification doit être résolu au profit de la qualification de médicament, en application de la règle posée à l'article L. 5111-1 in fine du code de la santé publique ; que, pour s'opposer aux demandes du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, les prévenues font état de ce que les produits qu'elles commercialisent auraient été déclarés auprès de la DGCCRF et que l'administration les aurait autorisés en tant que compléments alimentaires ; qu'en réalité, et en premier lieu, les autorisations de la DGCCRF obtenues pour la mise sur le marché de certains des produits en cause en tant que compléments alimentaires sont postérieures de plusieurs années aux faits de la prévention ; que force est de constater que ces autorisations étant postérieures à la période de prévention, laquelle couvre les années 2003 à 2005, les prévenues ne sauraient se prévaloir d'une quelconque autorisation ; qu'en deuxième lieu et surtout, une autorité administrative ne peut permettre ce que la loi, norme supérieure, interdit ; qu'en conséquence, une autorisation administrative de la DGCCRF n'est pas de nature à exclure la qualification de médicament si les conditions légales d'une telle qualification sont réunies ; que par ailleurs, les prévenues ont fait valoir que la législation belge admettrait la commercialisation des produits vendus par la société Produits terre nature et qu'en conséquence, le principe de libre circulation et le principe de reconnaissance mutuelle des normes devaient conduire à ce que ces produits soient également autorisés à être librement vendus en France ; que, cependant, l'article 30 du Traité de Rome du 25 mars 1957 autorise des restrictions à la libre circulation édictée par l'article 28 du Traité, lorsque lesdites restrictions sont justifiées par la protection de la santé et de la vie des personnes ; que, dès lors, les Etats membres peuvent soumettre les personnes chargées de la distribution des médicaments à des exigences strictes, s'agissant notamment des modalités de commercialisation de ceux-ci ; que, lorsque des produits sont susceptibles de créer un danger pour la santé, ce sont aux Etats membres à décider quels sont ceux qui doivent relever du monopole pharmaceutique et ce, dans le souci d'assurer la protection de la santé des consommateurs ; que la loi française instituant un monopole pharmaceutique est tout à fait compatible avec la réglementation européenne et s'applique indistinctement aux produits importés des Etats membres de la CEE comme aux produits nationaux ; que la circonstance qu'un produit est qualifié d'alimentaire dans un Etat membre ne saurait interdire de lui reconnaître, dans l'Etat membre d'importation, la qualité de médicament, dès lors qu'il en présente les caractéristiques ; qu'en définitive, la réglementation applicable en Belgique est sans influence sur la solution du litige soumis à la cour ; que la société Produits terre nature a proposé à la vente des produits qui s'analysent indiscutablement en des médicaments de présentation, cette apparence résultant tant de leur aspect extérieur sous forme de gélule, que de leur appellation qui tend à faire naître une certitude de ses vertus thérapeutiques ; qu'ainsi, c'est à juste titre, que le tribunal correctionnel d'Angers a pu considérer que les spécialités dénommées "depur. sang", "laxanat", "circul. vein" et "hypertenflux" devaient être considérées comme des médicaments par présentation, le qualificatif "depur. sang" évoquant, sans ambiguïté, une épuration sanguine, une élimination des toxines ; celui de "laxanat" faisant directement référence à des effets laxatifs ; celui de "circul. vein" présentant le produit comme améliorant la circulation veineuse ; celui de "hypertenflux" évoquant directement la lutte contre l'hypertension ;que, s'agissant des autres produits mis en vente et qualifiés dans la citation de médicaments par fonction, il convient de déterminer si, pour chacun d'eux, ils réunissent les critères rappelés dans l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 5 mai 2009 ;
a) Sur la gélule à base d'harpagophytum : que la racine d'harpagophytum est une plante médicinale, inscrite à la pharmacopée française et non libéralisée aux termes de l'article D. 4211-1 du code de la santé publique ; que cette racine, en renfermant des principes actifs, notamment des iridoïdes, possède des propriétés anti-inflammatoires et antalgiques, d'où son utilisation en cas de douleurs articulaires ou musculaires, d'arthrite, d'arthrose et de rhumatismes chroniques ; que, selon l'AFSSAPS, l'harpagophytum a pour indications thérapeutiques "les manifestations articulaires douloureuses, tendinites et foulures", alors que l'agence européenne du médicament mentionne que l'harpagophytum fait partie des produits pouvant relever du statut de médicament traditionnel à base de plantes ; qu'ainsi, les consommateurs se tournent vers ce produit pour prévenir ou guérir des états pathologiques, tels que les douleurs articulaires et les rhumatismes, reconnus comme des maladies au sens de la classification internationale des maladies ; qu'en outre, les médicaments, identiques aux gélules litigieuses à base d'harpagophytum, sont mis sur le marché et sont autorisés en tant que tels : Harpadol Arkogélules, commercialisés par le laboratoire pharmaceutique Arkopharma ou des produits Harpagophytum Boiron, commercialisés par les laboratoires pharmaceutiques Boiron ; que deux produits similaires, également présents sur le marché, ne peuvent recevoir deux qualifications juridiques différentes, cette divergence de qualification devant se régler, conformément aux termes de l'article L. 5111-1 in fine du code de la santé publique, en faveur de la qualification de médicament, plus protectrice du consommateur ; qu'enfin, des effets toxiques ont été rapportés à fortes doses, ces produits étant ulcérogènes, d'une part, et susceptibles d'engendrer des interactions médicamenteuses avec les anticoagulants, d'autre part ;que, c'est ce qui explique qu'aux termes d'une décision rendue le 4 mars 2003, le directeur de l'AFSSAPS a suspendu l'utilisation, au sens large, de produits qualifiés de médicaments par fonction commercialisés par la société Equilibre Attitude, notamment le produit dénommé Chondrosteo à base d'harpagophytum, du fait du risque que représente leur usage pour la santé publique, en dehors de toute autorisation de mise sur le marché ; qu'il s'agit indiscutablement d'un médicament par fonction ;
b) Sur la gélule à base de millepertuis : que le millepertuis est une plante médicinale inscrite à la pharmacopée dont la vente n'a pas été libéralisée, aux termes de l'article D. 4211-1 du code de la santé publique ; que ce produit, composé de substances susceptibles d'entraîner une action antidépressive due à la présence de flavonoïdes, entre dans la composition des médicaments de phytothérapie autorisés par l'AFSSAPS, destinés à lutter contre les états de lassitude accompagnés de perte d'élan vital et de troubles du sommeil ; que le millepertuis est utilisé dans plusieurs spécialités pharmaceutiques, telles que Arkogélules Millepertuis, Elusanes Millepertuis, Mildac, Procalmil et Prosoft ; qu'enfin, le millepertuis n'est pas sans risque pour la santé publique, à telle enseigne qu'un communiqué de presse de l'AFSSAPS du 1er mars 2000, affirme qu'il "paraît raisonnable de ne pas associer de millepertuis à tout autre traitement médicamenteux, étant donné le risque d'interaction médicamenteuse pouvant se traduire par une baisse d'efficacité des médicaments associés", ce communiqué ajoutant que "les patients recevant un traitement médicamenteux et prenant du millepertuis ne doivent pas interrompre brutalement la prise de millepertuis sans avis médical" ; que le 2 avril 2001, l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA) a formulé un avis défavorable à l'utilisation du millepertuis ou de ses extraits dans les compléments alimentaires et a estimé que les produits contenant cette plante devaient être strictement considérés comme des médicaments au vu des risques liés à leur utilisation ; qu'il s'agit donc d'un médicament par fonction ;
c) Sur le produit à base de gingko biloba : que le gingko biloba est une plante médicinale inscrite à la pharmacopée dont la vente n'a pas été libéralisée, aux termes de l'article D. 4211-1 du code de la santé publique ; qu'en effet, certains constituants de la feuille de gingko biloba possèdent des propriétés vaso-régulatrices sur l'ensemble de l'arbre vasculaire, exerçant notamment "une activité vasodilatatrice sur les artérioles et vasoconstrictrice sur les veines" ; que des essais cliniques ont mis en évidence l'efficacité du gingko biloba dans l'insuffisance cérébrale chez les personnes âgées (troubles de la mémoire, confusion) ; que, dès lors, ce produit, qui se présente sous forme de gélules, est destiné à prévenir ou guérir des états pathologiques, tels que notamment les troubles circulatoires, reconnus comme des maladies à la classification internationale des maladies ; que le gingko biloba entre dans la composition d'un certain nombre de spécialités pharmaceutiques dotées d'une autorisation de mise sur le marché (cf Tanakan commercialisé par les laboratoires IPSEN) ; qu'enfin, l'utilisation de ce produit n'est pas sans risques pour la santé, des cas d'hématomes sous-duraux ayant été identifiés lors de traitement à base de gingko biloba ; qu'en conséquence, la qualification de médicament par fonction ne fait aucun doute ;
d) Sur le produit à base de marron d'Inde : que le marronnier d'Inde est une plante médicinale inscrite à la pharmacopée dont la vente n'a pas été libéralisée et, à ce titre, sa vente est réservée aux seuls pharmaciens ; que, selon l'AFSSAPS, ce produit est "traditionnellement utilisé en vue de diminuer les sensations de jambes lourdes" ; que le marronnier d'Inde est une plante à coumarine stimulant le système réticulo-endothélial et a le pouvoir de protéolyse des macrophages ; que le marronnier d'Inde contient également de l'esculétol, connu pour augmenter la résistance des parois capillaires ;que ce produit, qui se présente sous forme de gélules, a pour objet et pour effet de prévenir ou de guérir des états pathologiques, tels que les pathologies circulatoires des membres inférieurs, comme les varices, reconnues comme des maladies à la classification internationale des maladies ; qu'enfin, ce produit qui entre dans la composition d'un certain nombre de spécialités pharmaceutiques dotées d'une autorisation de mise sur le marché (cf la spécialité Arkogélules marronnier d'Inde) n'est pas sans risques pour la santé, la coumarine pouvant être à l'origine d'hépatites ; que, dès lors, la qualification de médicament par fonction de ce produit n'est pas sérieusement contestable ;
e) Sur le produit à base de bourdaine : que la bourdaine est une plante médicinale inscrite à la pharmacopée dont la vente n'a pas été libéralisée aux termes de l'article D. 4211-1 du code de la santé publique et sa vente est réservée aux seuls pharmaciens ; que, selon l'AFSSAPS, l'écorce de bourdaine est un puissant laxatif du fait des hétérosides anthracéniques qu'elle contient ; que, le 23 mai 2005, l'AFSSAPS décidait de suspendre la fabrication, l'exploitation et l'exportation, la distribution en gros, le conditionnement et la mise sur le marché des produits commercialisés par la société Euroflor diffusion, au motif suivant : "les gélules de bourdaine et de séné folioles sont des médicaments par fonction du fait des propriétés des drogues qu'ils contiennent , en effet, l'écorce de bourdaine et la foliole de séné, plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, sont de puissants laxatifs du fait des hétérosides anthracéniques qu'elles contiennent" ; que ce produit, qui se présente sous forme de gélule, a pour objet et pour effet de prévenir ou de guérir des états pathologiques, tels que la constipation reconnue comme une maladie à la classification internationale des maladies ; que la bourdaine entre dans la composition d'un certain nombre de spécialités pharmaceutiques dotées d'une autorisation de mise sur le marché, telles que la spécialité pharmaceutique Bourdaine Boiron ou encore Dragées Fuca ; qu'enfin, l'utilisation de ce produit n'est pas sans risques pour la santé puisque, selon l'inspection de la pharmacie, "le séné, comme la bourdaine, appartient à la classe des laxatifs irritants. L'utilisation prolongée et sans avis médical ou pharmaceutique est susceptible de provoquer la survenue de deux séries de troubles : la maladie des laxatifs avec colopathie fonctionnelle sévère, mélanose recto colique, anomalies électrolytiques avec hypokaîiémie, une situation de dépendance avec besoin régulier de laxatifs, nécessité d'augmenter la posologie et constipation sévère en cas de sevrage ;que les contre-indications de ce produit sont également listées au Vidal ; qu'au vu de tout ce qui précède, il s'agit d'un médicament par fonction ;
f) Sur le produit à base de boldo : que le boldo est une plante médicinale inscrite à la pharmacopée dont la vente n'a pas été libéralisée aux termes de l'article D. 4211-1 du code de la santé publique ; que le boldo est une plante contenant des alcaloïdes qui lui confèrent, entre autres, des propriétés capables de modifier les fonctions physiologiques ; qu'en effet, la boldine a un effet protecteur sur les cellules du foie et un effet relaxant sur le muscle lisse qui compose, entre autres, le tube digestif en interférant directement avec le système cholinergique, mécanisme qualifié de pharmacologique ; que ces deux actions confèrent au boldo son utilisation dans le traitement d'appoint des troubles dyspeptiques et dans celui des brûlures oesophagiennes ; que le boldo entre dans la composition d'un certain nombre de spécialités pharmaceutiques dotées d'une autorisation de mise sur le marché, telles que la spécialité pharmaceutique Arkogélules Boldo ; que le produit litigieux, en ce qu'il tend à prévoir ou guérir des états pathologiques appartient à la catégorie des médicaments par fonction ;
g) Sur le produit à base de ballote : que la ballote est une plante médicinale inscrite à la pharmacopée dont la vente n'a pas été libéralisée aux termes de l'article D. 4211-1 du code de la santé publique ; que la ballote est considérée comme antispasmodique, antitussif, sédatif et anxiolytique et ce produit est susceptible de prévenir ou guérir des états pathologiques, tels que le stress, reconnu comme maladie à la classification internationale des maladies ; que la ballote, qui présente des risques d'hépatoxicité, entre dans la composition d'un certain nombre de spécialités pharmaceutiques dotées d'une autorisation de mise sur le marché, telles que la spécialité pharmaceutique Euphytose ; qu'il s'agit donc là d'un médicament par fonction ;
h) Sur le produit à base de gui : que la feuille de gui contient des lectines fortement cytotoxiques sur les cellules cancéreuses en culture ; qu'à doses plus faibles, non toxiques, elle stimule la sécrétion de tumor necrosis factor par les cellules monocytaires (action immunostimulante) ; qu'en clinique, chez des patients cancéreux, les préparations de gui entraînent une augmentation du nombre et de l'activité des cellules immunocompétentes, une augmentation de la sécrétion de cytokines et de bêta-endorphine ; que ces propriétés lui confèrent la qualité de médicament par fonction ; qu'en conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la qualification de médicament pour les produits visés à la prévention ; que l'infraction d'exercice illégal de la pharmacie est donc bien établie à l'égard de la SARL Produits terre nature et Mme Y... en ses éléments matériels et intentionnel ;
1°) "alors que, un médicament par fonction est un produit pouvant être administré à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques de manière significative en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ; que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, le juge doit procéder au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques de ce produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ; qu'en se bornant à évoquer les éventuelles propriétés pharmacologiques de la feuille de gui et du boldo, pour en déduire que les produits litigieux à base de ces plantes seraient des médicaments par fonction, sans tenir compte de l'ensemble des caractéristiques de ces produits, et sans se prononcer, en particulier, sur leurs modalités d'emploi, l'ampleur de leur diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que pourrait entraîner leur utilisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
2°) "alors que, un médicament par fonction est un produit pouvant être administré à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques de manière significative en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ; que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, le juge doit procéder au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques de chaque produit, dont notamment sa composition y compris son dosage en substances actives, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ; que le seul fait qu'une ou plusieurs plantes médicinales entrent dans la composition d'un produit ne suffit pas pour conclure qu'il s'agit d'un médicament par fonction ; qu'en jugeant que les produits litigieux à base d'harpagophytum, de millepertuis, de gingko biloba, de marron d'Inde, de bourdaine et de ballote constituaient des médicaments par fonction, aux motifs qu'ils étaient composés de plantes médicinales, et que ces plantes auraient certaines propriétés pharmacologiques et pourraient être utilisées dans des spécialités pharmaceutiques, sans rechercher concrètement si, compte tenu notamment de leur dosage en substances actives et dans des conditions normales d'emploi, les produits litigieux pouvaient être administrés à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques de manière significative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
3°) alors que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, le juge doit procéder au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques de chaque produit, dont notamment le risque que peut entraîner son utilisation ; que ce risque doit s'apprécier concrètement, compte tenu du dosage du produit en substances actives, et dans des conditions normales d'emploi ; qu'en jugeant que les produits litigieux à base d'harpagophytum, de millepertuis, de gingko biloba, de marron d'Inde, de bourdaine et de ballote constituaient des médicaments par fonction, aux motifs qu'ils étaient composés de plantes médicinales, et que ces plantes pourraient présenter un risque pour la santé, sans se prononcer sur le dosage en substances actives des produits susvisés, et sans rechercher si, compte tenu de ce dosage et dans des conditions normales d'emploi, ces produits pouvaient présenter un risque réel pour la santé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
4°) alors que, un médicament par présentation est un produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard de maladies humaines ; qu'un complément alimentaire est commercialisé sous forme de doses et notamment de gélules ; qu'en jugeant que les produits litigieux "depur. sang", "laxanat", "circul. veine" et "hypertenflux" constituaient des médicaments par présentation, au motif inopérant qu'ils étaient vendus sous forme de gélules, sans caractériser ainsi une présentation différente de celle de compléments alimentaires et faisant état de propriétés curatives ou préventives à l'égard de maladies humaines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
5°) alors que, un médicament par présentation est un produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard de maladies humaines ; qu'en jugeant que les produits litigieux "depur. sang", "laxanat", "circul. veine" et "hypertenflux" constituaient des médicaments par présentation, aux motifs que leurs appellations auraient évoqué certains effets physiologiques bénéfiques pour la santé, sans caractériser le fait que ces produits auraient été présentés comme possédant des propriétés "curatives ou préventives" à l'égard de "maladies humaines" clairement déterminées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
6°) alors que, aux termes de l'article L. 4211-1 du code de la santé publique : sont réservées aux pharmaciens : "la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret" ; que la violation du monopole des pharmaciens est pénalement sanctionnée ; que l'article D. 4211-12 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-839 du 22 août 2008, dispose que "lorsque l'emploi de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée a été autorisé dans les compléments alimentaires en application du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, ces compléments alimentaires peuvent être vendus par des personnes autres que des pharmaciens" ; que le décret du 22 août 2008, ayant ainsi réduit l'étendue du monopole des pharmaciens, et donc restreint le champ d'application des textes sanctionnant l'exercice illégal de la pharmacie, devait être regardé comme plus favorable aux demanderesses ; que ces derniers pouvaient donc s'en prévaloir, compte tenu notamment du principe de rétroactivité des textes répressifs moins sévères ; qu'en jugeant toutefois que la société Produits terre nature et Mme Y... n'auraient pu invoquer des autorisations données pour utiliser des plantes médicinales dans des compléments alimentaires, et en empêchant ainsi les demanderesses de se prévaloir des dispositions plus favorables introduites par le décret susvisé du 22 août 2008, au prétexte que les faits reprochés avaient eu lieu entre 2003 et 2005, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un contrôle effectué par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la société Produits terre nature et Mme Y..., qui en est la gérante, ont été citées devant le tribunal correctionnel pour répondre, notamment, du chef d'exercice illégal de la pharmacie pour avoir, courant 2003, 2004 et jusqu'au 31 mai 2005, fabriqué et distribué, d'une part, des gélules de poudre de ballote, de boldo, de bourdaine, de gingko biloba, de gui, d'harpagophytum, de marron d'Inde et de millepertuis, constituant des médicaments par fonction et, d'autre part, des gélules "depur. sang", "laxanat", "circulveine" et "hypertenflux" constituant des médicaments par présentation pour le Conseil national de l'ordre des pharmaciens ; qu'après avoir été condamnées par les premiers juges, elles ont été relaxées par la cour d'appel ; que, par arrêt, en date du 5 mai 2009, la Cour de cassation a cassé cette décision ; que, statuant sur renvoi, la cour d'appel a confirmé le jugement du 25 janvier 2007 ;
Attendu que, d'une part, pour décider que les produits à base d'harpagophytum, de millepertuis, de gingko biloba, de marron d'Inde, de bourdaine, de boldo, de gui et de ballote constituent des médicaments par fonction, l'arrêt se prononce, au cas par cas, sur la situation de ces produits en tenant compte de l'ensemble de leurs caractéristiques ; que, notamment, les juges examinent leur composition, à base de plantes médicinales, leur modalité d'emploi et soulignent leurs propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, en relevant ainsi leurs propriétés anti-inflammatoires et antalgiques, anti-dépressives, vaso-régulatrices ou antispasmodiques, dont ils déduisent que ces produits sont capables de restaurer, corriger ou modifier les fonctions physiologiques de manière significative, écartant ainsi la qualification de complément alimentaire ; que les juges mentionnent également les risques résultant de leur utilisation, tels ceux liés à des effets toxiques ou à des risques d'interaction avec d'autres médicaments ;
Attendu que, d'autre part, pour décider que les produits "depur. sang", "laxanat", "circul. veine" et "hypertenflux" constituent des médicaments par présentation, les juges relèvent tant leur aspect extérieur, notamment leur conditionnement sous forme galénique, que le fait que ces produits soient présentés en des termes évoquant une élimination des toxines, des effets laxatifs, une amélioration de la circulation véneuse et une lutte contre l'hypertension, faisant ainsi naître une certitude de leurs vertus thérapeutiques ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que Me Y... et la société Produits terre et nature devront payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-83767
Date de la décision : 22/02/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 08 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 fév. 2011, pourvoi n°10-83767


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Tiffreau et Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.83767
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