LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... sont propriétaires d'une maison d'habitation à Sassenage, jouxtant une parcelle sur laquelle la société International Services (la société) a entrepris au cours de l'année 2003 une activité de stockage de bouteilles de gaz, et installé une cuve d'azote liquide ; que se plaignant de troubles anormaux de voisinage provenant de cette exploitation, M. et Mme X..., après expertise obtenue en référé, ont fait assigner la société devant un tribunal de grande instance afin de la voir condamner à cesser son activité ;
Attendu que l'arrêt infirme le jugement ayant condamné la société à interrompre son activité de stockage de gaz liquéfié et condamne la société à exécuter les préconisations de l'expert ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de M. et Mme X..., dont la société se bornait à solliciter le rejet, tendait exclusivement à obtenir la suppression totale de l'activité de stockage de gaz, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé la disposition du jugement condamnant la société International Services à verser 4 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. et Mme X..., l'arrêt rendu le 30 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société International Services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société International Services à payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'exploitant d'une activité industrielle (la société INTERNATIONAL SERVICES) à exécuter diverses préconisations de l'expert judiciaire encadrant son activité de stockage de produits dangereux exercée en limite de la propriété de ses voisins (M. et Mme X..., les exposants), déboutant de la sorte ces derniers de leur demande tendant exclusivement à la cessation totale de cette activité ;
AUX MOTIFS QUE l'expert n'avait relevé la présence d'aucun gaz toxique mais celle de gaz inflammables, voire explosifs en mélange dans l'air ou à haute température, et qu'il précisait qu'ils représentaient un danger non négligeable de par leur stockage en commun, surtout à l'occasion d'un incendie ; qu'il soulignait que les progrès dans les conditions de stockage des gaz dangereux, indéniables, apparaissaient cependant fragiles dans la durée, que la probabilité de survenance d'un accident, très limitée, n'était pas à écarter, qu'en dépit d'un facteur minorant du danger, lié à l'existence de poteaux incendie en nombre et en pression suffisants, il existait des facteurs aggravants dudit danger à savoir : le manque de professionnalisme de l'exploitant au regard de la connaissance de la maîtrise des risques et l'extrême exiguïté des lieux ; que le fait pour les époux X... d'être exposés à un risque grave était constitutif d'un trouble anormal de voisinage ; qu'il convenait de condamner la société INTERNATIONAL SERVICES à exécuter les préconisations de l'expert : regroupement du stockage d'acétylène et déplacement de ce stockage au nord du bâtiment, assentiment écrit de l'entreprise ACMF, voisin immédiat, au nouvel emplacement du stockage de gaz GPL, diminution sensible de la quantité maximale desdits gaz stockés, poste d'eau équipé en permanence, formation du personnel de la société INTERNATIONAL SERVICES (arrêt attaqué, p. 5, 2ème à 10ème al.) ;
ALORS QUE, saisi d'une demande expresse de cessation d'une activité de stockage dont il admet qu'elle est constitutive d'un trouble anormal de voisinage, le juge ne peut transgresser les données du débat en ordonnant de simples mesures, non demandées, d'aménagement ou de réparation, dudit trouble ; qu'en l'espèce, les exposants avaient saisi la juridiction du second degré d'une demande tendant exclusivement à la suppression totale de l'activité de stockage de gaz dangereux constitutive d'un trouble anormal de voisinage, l'auteur du trouble s'étant, quant à lui, borné à conclure à son rejet ; qu'en décidant que ledit trouble devait être «limité» par diverses mesures, lesquelles n'étaient pas demandées, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.