LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Grégory X...,
- M. Kevin Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 1er avril 2010, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs, notamment, d'association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée et abus de biens sociaux, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 juin 2010, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation, en date du 13 octobre 2010, disant n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Grégory X... ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour M. X..., pris de la violation des articles 199, 591 à 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, à l'audience, en chambre du conseil le 1er février 2010 ont été entendus :M. Ollat, conseiller, en son rapport ;M. Allard, vice-procureur, placé auprès de M. le procureur général, en ses réquisitions ;Me Sur, avocat de M. Y..., personne mise en examen ;Me Leberquier, avocat de M. X..., personne mise en examen ;Les avocats des personnes mises en examen ont eu la parole en dernier ;Les autres avocats, bien que régulièrement avisés de la date d'audience, ne se sont pas présentés ;
"alors qu'en l'absence de toutes mentions relatives à l'audience du 18 mars 2010, à laquelle la chambre de l'instruction avait renvoyé l'affaire par un arrêt du 18 février 2010, notamment sur l'ordre de parole des parties et la constatation que les parties ou leurs avocats ont eu la parole en dernier, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la procédure" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet, pour M. Y..., pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 400 à 417, 458 à 461, 462, 486, 512, 513, 591 et 592 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué n'indique pas la date à laquelle la cause a été appelée et débattue ;
"alors que la décision d'une juridiction qui n'indique pas la date à laquelle la cause a été appelée et débattue, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; qu' il résulte de l'arrêt rendu le 18 février 2010, que la cour a ordonné, avant dire droit, le renvoi de l'examen de la cause à l'audience de la deuxième chambre de l'instruction à l'audience du 18 mars 2010 à 9 heures afin de mise en état du dossier et mise à disposition de la Cour et des parties des pièces de la procédure distincte, instruite par Roger Le Loire ; qu'au titre de la relation du déroulement des débats, il est uniquement fait mention dans l'arrêt attaqué d'une audience en chambre du conseil le 1er février 2010 ; qu'ainsi, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer à l'aide de cette seule énonciation qu'à l'audience du 18 mars 2010 les débats se sont déroulés, conformément aux prescriptions légales, si bien que l'arrêt ne satisfait pas aux conditions légales de son existence et est donc nul" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que les débats devant la chambre de l'instruction ont eu lieu le 18 mars 2010 et non pas, comme indiqué dans l'arrêt, le 1er février 2010 ;
Attendu toutefois qu'est inopérant le moyen qui invoque une erreur matérielle pouvant être réparée selon la procédure prévue par les articles 710 et 711 du code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour M. X..., pris de la violation des articles 6, 13, 32, 46 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du code de procédure pénale, les articles 1er, 2, 4, 6, 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que les articles 1er, 34 et 66 de la Constitution, les articles 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation de la garde à vue de M. X..., de l'ensemble des procès-verbaux dont elle est le support nécessaire ainsi que de la procédure subséquente ;
"aux motifs qu'à l'examen de la procédure, il est établi, et non contesté par la requête, que M. X... a été interpellé puis aussitôt placé en garde à vue à 6 heures 20 le 8 décembre 2009 ; qu'après avoir été informé, en français, langue qu'il comprend, de la nature de l'infraction, s'est vu notifier ses droits ; que l'intéressé a renoncé à faire prévenir une personne de son choix et à l'examen par un médecin, mais a déclaré qu'il souhaitait s'entretenir avec son avocat, Me A... ; que son avocat a été contacté à 6 heures 28 (message laissé sur son répondeur téléphonique) puis un avis a ensuite été donné à l'assistante de cet avocat, Mme B..., à 6 heures 30 (message également laissé sur son répondeur) ; que l'avocat s'est présenté dans les locaux de la garde à vue, pour un entretien qui s'est déroulé de 14 heures 17 à 14 heures 40, aucune observation n'ayant été formulée à l'issue ; que la première audition de M. X... a débuté le même jour à compter de 16 heures 00 ; que, dès la notification de la prolongation de sa garde à vue, il a été informé de ses droits, a souhaité être examiné par un médecin (examen médical qui a été suivi d'une consultation au service des urgences psychiatriques de l'hôpital Henri Mondor de Créteil) et a demandé à s'entretenir de nouveau avec son avocat, ce qu'il a fait le 9 décembre de 11 heures 15 à 11 heures 35 ; qu'il a été mis fin à la garde à vue, le 10 décembre à 4 heures 30 ; que les dispositions des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, dont l'application n'est pas remise en cause dans la requête, ont été respectées ; qu'à titre liminaire, si en vertu des dispositions de l'article 46 de la Convention européenne des droits de l'homme, « les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties », les arrêts invoqués au soutien de la requête condamnent la Turquie et la Russie et ne concernent pas la France ; que, par ailleurs, les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, qui n'ont qu'une valeur déclaratoire, n'ont pas force exécutoire sur la validité des normes juridiques internes ; que, si l'article 6 § 3 c de la Convention énonce que tout accusé a droit notamment à « se défendre lui même ou avec l'assistance d'un défenseur » et que la Cour ajoute que ce droit figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable, ce texte ne précise pas les conditions de mise en oeuvre du droit qu'il consacre et que les Etats contractants ont « le choix des moyens propres à permettre à leur système de le garantir », la Cour recherchant au cas particulier de chaque requête si « la voie empruntée cadre avec les exigences d'un procès équitable » ; que la législation française pose le principe de l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue ; qu'à ce stade de la procédure, enquête puis instruction préparatoire, le droit français ne saurait être considéré comme contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, dès lors que les motifs de la décision éventuelle de condamnation sont par hypothèse ignorés et qu'il n'est nullement avéré que le requérant sera, s'il est renvoyé devant le juge du fond et s'il est condamné, retenu dans les liens de la prévention sur ses seules déclarations recueillies en garde à vue sans l'assistance d'un conseil ; que la procédure étant à sa phase d'instruction, il paraît pour le moins prématuré de conclure que les déclarations faites par les demandeurs seront utilisées pour fonder leur condamnation ; qu'il y a lieu de rappeler que la procédure repose pour l'essentiel sur les constatations faites par les enquêteurs ; qu'en l'espèce, l'implication éventuelle des requérants et la nécessité de les placer en garde à vue a été révélée par les investigations antérieures conduites à leur égard ; qu'ils ont ensuite été mis en examen à la lumière de l'ensemble des indices graves ou concordants réunis qui apparaissaient dans toute la procédure, leur garde à vue n'en constituant qu'un aspect ; que les mises en examen de M. Y... et de M. X... sont intervenues après que leurs avocats respectifs ont pu consulter le dossier de la procédure et s'entretenir librement avec eux ; que l'absence d'un avocat au cours des auditions de garde à vue dans les conditions susévoquées, lesquelles ne sont pas critiquées sur le plan du droit interne, n'est pas, en l'espèce, contraire aux dispositions conventionnelles alléguées ; qu'en conséquence, l'application régulière et non contestée des dispositions des articles 63 et suivants du code de procédure pénale n'est pas, au cas d'espèce, contraire aux dispositions de l'article 6 § 3 c de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
"1°) alors que les dispositions des articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du code de procédure pénale, relatives à la garde à vue, sont contraires aux droits de la défense, au droit à une procédure juste et équitable, au droit à la liberté individuelle, au droit de ne pas faire l'objet d'arrestations d'une rigueur non nécessaire, au droit à l'égalité devant la loi et devant la justice, droits garantis par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, par les articles 1er, 2, 4, 6, 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que par les articles 1er, 34 et 66 de la Constitution en ce qu'ils autorisent l'interrogatoire de la personne placée en garde à vue sans l'assistance d'un avocat, dont l'intervention est limitée à un entretien de 30 minutes, et sans accès possible au dossier ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, l'arrêt attaqué se trouvera dépourvu de fondement juridique ;
"2°) alors que les droits de la défense impliquent une assistance effective de l'avocat tout au long de la garde à vue, ce qui suppose que l'avocat puisse assister la personne gardée à vue pendant ses interrogatoires, après avoir pu consulter le dossier de la procédure ; que, dès lors, en refusant d'annuler la garde à vue de M. X..., dont l'avocat n'avait pas pu l'assister lors des interrogatoires, ni consulter le dossier de la procédure, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
"3°) alors que, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme a condamné un Etat contractant pour une norme nationale contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, tous les Etats qui conservent dans leur ordre juridique une ou des normes nationales similaires à celle qui a été déclarée contraire à la Convention sont tenus de respecter la jurisprudence de la Cour sans attendre d'être attaqué devant la Cour européenne des droits de l'homme ; que, dès lors, en refusant de faire droit à la demande de nullité de la garde à vue de M. X..., en opposant le caractère non obligatoire des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme concernant la Turquie et la Russie, la chambre de l'instruction a violé les textes et les principes susvisés ;
"4°) alors que la personne mise en examen doit disposer d'un recours effectif pour faire annuler une garde à vue contraire aux droits de la défense, quelles que soient les suites procédurales ; qu'en refusant d'examiner la requête en nullité de la garde à vue de M. X..., en retenant qu'il n'est nullement avéré que le requérant sera, s'il est renvoyé devant le juge du fond et s'il est condamné, retenu dans les liens de la prévention sur ses seules déclarations recueillies en garde à vue sans l'assistance d'un conseil, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet, pour M. Y..., pris de la violation des articles 62, 63, 63-4, 77 et 706-73 du code de procédure pénale, des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des droits de la défense, au droit à l'égalité devant la loi et devant la justice, aux droits garantis par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, par les articles 1er, 2, 4, 6, 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que par les articles 1er, 34 et 66 de la Constitution ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D. 608 ;
"aux motifs que « Kévin Y... a été interpellé puis placé en garde à vue à compter de 8 heures 45 le 8 décembre 2009 ; qu'après avoir été informé, en française, langue qu'il comprend, de la nature de l'infraction, s'est vu notifier ses droits ; que l'intéressé a renoncé à faire prévenir une personne de son choix et à l'examen par un médecin, mais a déclaré qu'il souhaitait s'entretenir avec son avocat, Me D... ; que son avocat a été contacté à 8 heures 50 (message laissé sur son répondeur) ; que ce dernier a contacté, à 10 heures 45, les enquêteurs pour les prévenir de sa visite en fin de matinée ; que l'avocat s'est présenté dans les locaux de la garde à vue, pour un entretien qui s'est déroulé de 13 heures à 13 heures 30, aucune observation n'ayant été formulé à l'issue ; que la première audition de M. Y... a débuté le même jour à 15 heures 30 ; que, dès la notification de la prolongation de sa garde à vue, il a été informé de ses droits, n'a pas souhaité être examiné par un médecin mais a demandé à s'entretenir de nouveau avec son avocat, ce qu'il a fait le 9 décembre de 13 heures 10 à 13 heures 40 ; qu'il a été mis fin à la garde à vue, le 10 décembre à 4h30 ; que les dispositions des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, dont l'application n'est pas remise en cause dans la requête, ont été respectées ; que si, en vertu des dispositions de l'article 46 de la Convention européenne des droits de l'homme, « les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties », les arrêts invoqués au soutien de la requête condamnent la Turquie et la Russie et ne concernent pas la France ; que, par ailleurs, les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, qui n'ont qu'une valeur déclaratoire, n'ont pas force exécutoire sur la validité des normes juridiques internes ; que si l'article 6 § 3 c de la Convention énonce que tout accusé a droit notamment à « se défendre lui même ou avec l'assistance d'un défendeur » et que la cour ajoute que ce droit figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable, ce texte ne précise pas les conditions de mise en oeuvre du droit qu'il consacre et que les Etats contractants ont « le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire, de le garantir », la Cour recherchant au cas particulier de chaque requête si « la voie qu'ils ont empruntée cadre avec les exigences d'un procès équitable » ; que la législation française pose le principe de l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue ; qu'à ce stade de la procédure, enquête puis instruction préparatoire, le droit français ne saurait être considéré comme contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, dès lors que les motifs de la décision éventuelle de condamnation sont par hypothèse ignorés et qu'il n'est nullement avéré que le demandeur sera, s'il est renvoyé devant le juge du fond et s'il est condamné, retenu dans les liens de la prévention sur ses seules déclarations recueillies en garde à vue sans l'assistance d'un conseil ; que la procédure étant en sa phase d'instruction, il paraît pour le moins prématuré de conclure que les déclarations faites par les requérants seront utilisées pour fonder leur condamnation ; qu'il y a lieu de rappeler que la procédure repose pour l'essentiel sur les constatations faites par les enquêteurs ; qu'en l'espèce, l'implication éventuelle des requérants et la nécessité de les placer en garde à vue a été révélée par les investigations antérieures conduites à leur égard ; qu'ils ont ensuite été mis en examen à la lumière de l'ensemble des indices graves et concordants réunis qui apparaissaient dans toute la procédure, leur garde à vue n'en constituant qu'un aspect ; que les mises en examen de M. Y... et de M. X... sont intervenues après que leurs avocats respectifs aient pu consulter le dossier de la procédure et s'entretenir librement avec eux ; que l'absence d'un avocat au cours des auditions de garde à vue dans les conditions sus-évoquées, lesquelles ne sont pas critiquées sur le plan du droit interne, n'est pas, en l'espèce, contraire aux dispositions conventionnelles alléguées ; qu'en conséquence, l'application régulière et non contestée des dispositions des articles 63 et suivants du code de procédure pénale n'est pas, au cas d'espèce, contraire aux dispositions de l'article 6-3 c de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire du code de procédure pénale » ;
"alors que l'accès à un avocat doit être garanti lorsque les déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation ; que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme demeure suffisamment concret et effectif que si l'accès à un avocat est consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police ; que l'accès à un avocat doit être spécialement garanti lorsque les déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit ; que l'article 63-4 du code de procédure pénale limite l'accès à l'avocat à un ou deux entretiens de trente minutes qui interviennent, dans le meilleur des cas, dès la première heure de la garde à vue ou de son renouvellement, sans consultation préalable du dossier ; que les dispositions de ce texte ne sont pas compatibles avec le principe d'un procès équitable ; qu'ainsi, en l'espèce, lors des deux premières auditions et de la troisième audition qui s'est déroulée de 23h30 le 8 décembre à 0 heures 45 le 9 décembre, M. Y... a nié les faits et que lors de sa quatrième audition qui a commencé à 10 heures le 9 décembre, M. Y... a reconnu les faits comme l'indique la motivation du juge de la liberté et de la détention qui indique que « Kévin Y... a reconnu lui aussi son implication dans les faits qui lui sont reprochés tout en mettant en cause M. X... ; que personne ne peut savoir ce qui s'est passé le 9 décembre entre 0 heures 45 et 10 heures ; qu'en jugeant que l'absence d'un avocat au cours des auditions de garde à vue dans les conditions sus-évoquées n'est pas contraire aux dispositions conventionnelles alléguées, la chambre de l'instruction a méconnu lesdites dispositions" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... a été placé en garde à vue du 8 décembre 2009 à 6 heures 20 au 10 décembre 2009 à 4 heures 30 ; que M. Y... a été placé en garde à vue du 8 décembre 2009 à 8 heures 45 jusqu'au 10 décembre 2009 à 4 heures 30 ; que l'un et l'autre ont pu s'entretenir confidentiellement avec leur avocat à deux reprises ; que, mis en examen, ils ont demandé l'annulation des actes accomplis durant la garde à vue et des actes subséquents au motif qu'ils n'avaient pas bénéficié de l'assistance d'un avocat au cours des interrogatoires de garde à vue ;
Attendu que, pour rejeter la requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure, l'arrêt retient notamment que la jurisprudence de la Cour europénne des droits de l'homme invoquée par les mis en examen concerne la Turquie et la Russie mais non la France, qu'en tout état de cause les décisions de cette juridiction "qui n'ont qu'une valeur déclaratoire n'ont pas force exécutoire sur la validité des normes juridiques internes", que l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ne prévoit pas les modalités de l'assistance de l'avocat et que "le droit français ne saurait être considéré comme contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dès lors que les motifs de la décision éventuelle de condamnation sont par hypothèse ignorés et qu'il n'est nullement avéré que le requérant sera, s'il est renvoyé devant le juge du fond et s'il est condamné, retenu dans les liens de la prévention sur ses seules déclarations recueillies en garde à vue sans l'assistance d'un conseil" ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, dont il résulte que, sauf exceptions impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ;
Attendu que, toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que ces règles de procédure ne peuvent, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice, s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en oeuvre ;
Que ces règles prendront effet lors de l'entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou au plus tard le 1er juillet 2011 ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour M. X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1351 du code civil, 173-1, 174, 174-1, 175, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D. 608 ;
"aux motifs que les conseils des requérants soutiennent que la procédure distincte, instruite par M. Le Loire, juge d'instruction, sous le numéro 2292106114, dont sont issus des procès verbaux versés dans la présente procédure, est entachée de multiples irrégularités ; que, cependant la chambre de l'instruction a déjà examiné la régularité de cette procédure, ainsi qu'il résulte des mentions de l'arrêt rendu le 17 décembre 2008, coté D 2277 ; que les pièces versées dans la présente procédure sont toutes antérieures à cette date ; qu'à la date où la chambre de l'instruction a ainsi statué, elle a écarté les moyens de nullité qui lui étaient soumis et procédant, au jour où elle statuait, à l'examen d'office de l'ensemble de la procédure a considéré « qu'aucune autre cause de nullité d'un acte ou de la procédure n'a pu être trouvée » ; qu'en se prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a déclaré régulière les pièces provenant d'une procédure distincte, instruite par Mme Vaubaillon, juge d'instruction, sous le numéro 2998/02/5 ; qu'en application des dispositions de l'article 174 du code de procédure pénale, les parties ne sont plus recevables à invoquer des moyens de nullité, qui sont nécessairement compris dans l'examen d'office déjà opéré, l'autorité de la chose jugée faisant obstacle à ce que soit remis en cause la décision ayant jugé régulière la procédure ; qu'en conséquence, les moyens relatifs à la régularité de la procédure distincte, instruite par Mme Vaubaillon et la demande subsidiaire, de versement de cette procédure aux fins de procéder au contrôle de sa régularité, seront rejetés ;
"1°) alors que la personne mise en examen est recevable à proposer à la chambre de l'instruction des moyens de nullité pris de l'irrégularité d'actes accomplis dans une information à laquelle elle n'a pas été partie et qui sont versés dans la procédure soumise à la juridiction, lorsque cette personne invoque une atteinte à l'un de ses droits qui aurait été commise dans la procédure distincte ou que les éléments versés dans l'information dans laquelle elle est mise en examen sont susceptibles d'avoir été illégalement recueillis ; que dès lors en refusant d'examiner la régularité des procès-verbaux versés dans la procédure, issus d'une procédure distincte, instruite par M. Le Loire, juge d'instruction, sous le numéro 2292/06/14, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
"2°) alors que l'autorité de chose jugée nécessite une identité de cause, d'objet et de parties ; qu'ainsi, en jugeant que l'autorité de chose jugée fait obstacle à ce que soit remise en cause la décision du 17 décembre 2008 ayant jugé régulière la procédure instruite par M. Le Loire, juge d'instruction, sous le numéro 2292/06/14, dans laquelle M. X... n'était pourtant pas partie, la chambre de l'instruction a violé les textes et le principe susvisés ;
"3°) alors qu'en refusant d'examiner l'intégralité des moyens présentés par M. X... à l'appui de sa requête, y compris ceux qui n'avaient pas été invoqués par les parties à l'encontre de la procédure instruite par M. Le Loire, juge d'instruction, sous le numéro 2292/06/14, au seul motif que l'arrêt du 17 décembre 2008 comporterait une formule type selon laquelle « aucune autre cause de nullité d'un acte ou de la procédure n'a pu être trouvée », la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet, pour M. Y..., pris de la violation des articles 170, 171, 172, 173, 174 du code de procédure pénale, des principes relatifs à l'autorité de la chose jugée, violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D. 608 ;
"aux motifs que les conseils des requérants soutiennent que la procédure distincte, instruite par M. Le Loire, juge d'instruction, sous le numéro 2292/06/14, dont sont issus des procès-verbaux dans la présente procédure, est entachée de multiples irrégularités ; que cependant la chambre de l'instruction a déjà examiné la régularité de cette procédure, ainsi qu'il résulte des mentions de l'arrêt rendu le 17 décembre 2008, coté D 2277 ; que les pièces versées dans la présente procédure sont toutes antérieures à cette date ; qu'à la date où la chambre de l'instruction a ainsi statué, elle a écarté les moyens de nullité qui lui étaient soumis et procédant, au jour où elle statuait, à l'examen d'office de l'ensemble de la procédure a considéré « qu'aucune autre cause de nullité d'un acte ou de la procédure n'a pu être trouvée » ; qu'en se prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a déclaré régulières les pièces provenant d'une procédure distincte, instruite par Mme Vaubaillon, juge d'instruction, sous le numéro 2298/02/5 ; qu'en application des dispositions de l'article 174 du code de procédure pénale, les parties ne sont plus recevables à invoquer des moyens de nullité, qui sont nécessairement compris dans l'examen d'office déjà opéré, l'autorité de la chose jugée faisant obstacle à ce que soit remis en cause la décision ayant jugé régulière la procédure ; qu'en conséquence, les moyens relatifs à la régularité de la procédure distincte instruite par Mme Vaubaillon et la demande subsidiaire, de versement de cette procédure aux fins de procéder au contrôle de sa régularité, seront rejetés ;
"1°) alors que le droit au procès équitable impose, au titre des droits de la défense, que les parties à qui est opposé un élément de preuve qu'il estime avoir été entaché de multiples irrégularités puisse en contester l'utilisation et accéder à un juge en mesure, le cas échéant, d'écarter cette pièce des débats ; qu'en refusant d'examiner les moyens relatifs à la régularité de la procédure distincte au seul motif que la régularité des actes de procédure accomplis dans le cadre de ladite procédure distincte de celle dans laquelle M. Y... est en cause, a déjà fait l'objet d'un arrêt rendu le 17 décembre 2008, la chambre de l'instruction a privé M. Y..., qui n'a jamais pu exercer de recours dans cette procédure distincte puisqu'il n'y était pas partie, du droit de faire juger de l'irrégularité de la procédure distincte dont sont issus des procès-verbaux versés dans la présente procédure et, partant, a porté une atteinte légitime aux droits de la défense et d'accès à une pleine juridiction et a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"2°) alors qu'en tout état de cause le droit au respect de la vie privée et la nécessité qui en résulte d'assurer un contrôle efficace des mesures visant à l'interception des correspondances émises par voie de télécommunication, imposent à une juridiction d'instruction, saisie d'une demande de nullité d'une procédure distincte dont sont issus des procès-verbaux versés dans la présente procédure, d'apprécier la régularité de cette procédure distincte et, le cas échéant, de l'annuler ; qu'en refusant d'examiner les moyens relatifs à la régularité de la procédure distincte dont sont issus des procès-verbaux versés dans la présente procédure, la chambre de l'instruction a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"3°) alors que ne sont pas irrecevables, au sens de l'article 174 du code de procédure pénale, des moyens de nullité relatifs à une procédure distincte dont sont issus des procès-verbaux qui n'ont été versés au dossier que postérieurement à un arrêt ayant statué sur la régularité de cette procédure distincte et dans laquelle le requérant n'a jamais pu présenter de moyens de nullité puisqu'il n'était pas partie à cette procédure distincte ; que, pour rejeter les moyens relatifs à la régularité de la procédure distincte, la chambre de l'instruction, après avoir rappelé qu'elle a déjà statué sur la régularité de la procédure distincte par un arrêt rendu le 17 décembre 2008 et qu'elle a écarté les moyens de nullité qui lui étaient soumis et a considéré qu'aucune autre cause de nullité d'un acte ou de la procédure n'a pu être trouvée, énonce qu'en application de l'article 174, les parties ne sont plus recevables à invoquer des moyens de nullité, qui sont nécessairement compris dans l'examen d'office déjà opéré, l'autorité de la chose jugée faisant obstacle à ce que soit remis en cause la décision ayant jugé régulière la procédure ; que, toutefois, postérieurement à l'arrêt du 17 décembre 2008, le juge d'instruction s'est fait communiquer par soit transmis du 22 octobre 2009 des pièces et actes de la procédure distincte dont sont issus des procès-verbaux versés dans la présente procédure ; que M. Y... n'a jamais pu présenter de moyens de nullité de procédure fondés sur l'éventuelle irrégularité de la procédure distincte puisqu'il n'était pas partie à cette procédure ; qu'ainsi, en rejetant la requête, sans examiner les moyens de nullité, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de l'article 174 du code de procédure pénale ;
"4°) alors que l'autorité de la chose jugée suppose une triple identité d'objet, de cause et de partie ; qu'en l'espèce, M. Y... n'était pas partie à la procédure distincte qui a fait l'objet d'un arrêt rendu le 17 décembre 2008 ; que la condition d'identité des parties n'étaient pas remplies ; que, faute d'explication sur les moyens de nullité invoqués dans cette procédure distincte, la chambre de l'instruction, qui a considéré que l'autorité de la chose jugée faisait obstacle à ce que soit remis en cause la décision ayant jugé régulière la procédure, n'a pas caractérisé la moindre identité d'objet, de cause et de partie" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ;
Attendu que le demandeur à la nullité est recevable à proposer des moyens tirés de l'irrégularité d'actes accomplis dans une information à laquelle il n'est pas partie et qui ont été versés à la procédure lorsqu'il invoque une atteinte à l'un de ses droits qui aurait été commise dans la procédure distincte ou que les pièces versées sont susceptibles d'avoir été illégalement recueillies;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le juge d'instruction a versé à la procédure des pièces, en particulier des procès-verbaux d'écoutes téléphoniques, extraites du dossier d'une information distincte dans laquelle MM. X... et Y... ne sont pas parties ; que, dans le cadre de cette information, la 3ème chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 17 décembre 2008, rejeté une requête en annulation dont elle était saisie et relevé qu'aucune autre cause de nullité d'un acte ou de la procédure n'avait pu être trouvée ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation, présentée par MM. X... et Y..., des pièces versées au dossier, l'arrêt, ayant constaté que ces pièces étaient antérieures au 17 décembre 2008, énonce que "les parties ne sont plus recevables à invoquer des moyens de nullité qui sont nécessairement compris dans l'examen d'office déjà opéré, l'autorité de la chose jugée faisant obstacle à ce que soit remise en cause la décision ayant jugé régulière la procédure";
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée ne peut être opposée à MM. X... et Y... qui ne sont pas parties à la procédure ayant donné lieu à la décision du 17 décembre 2008, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 1er avril 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;