LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée, le 2 avril 2000, en qualité d'employée familiale chargée de la garde des enfants par M. et Mme Y... ; qu'ayant été victime d'une agression physique en quittant le domicile des époux Y..., le 26 novembre 2004, elle a été placée en arrêt de travail ; que considérant qu'une lettre du 13 janvier 2005 marquait la rupture de son contrat de travail à l'initiative de ses employeurs, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement d'indemnités consécutives à cette rupture et de dommages et intérêts pour rupture abusive, ainsi qu'un rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... une somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés afférents inclus, alors, selon le moyen :
1°/ que les 48 heures hebdomadaires de Mme X... comprenant, selon la lettre d'engagement, des heures de travail effectif et des heures de présence responsable équivalant à 2/3 d'une heure de travail effectif en vertu de l'article 3 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur, la cour d'appel ne pouvait se prononcer sur les heures supplémentaires sans déterminer au préalable comment se répartissait la durée hebdomadaire de travail entre les heures de travail effectif et les heures de présence responsable et qu'elle n'a pas ainsi donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 15 de la convention collective précitée ;
2°/ qu'en énonçant que les bulletins de salaire versés aux débats attestaient la réalité des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 40e heure, la cour d'appel a dénaturé les bulletins de salaire produits au titre de l'année 2004 qui, à l'exception de celui de janvier, mentionnaient tous un nombre d'heures inférieur à 40 heures par semaine et qu'elle a par là même violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de travail prévoyait un horaire de travail de 48 heures hebdomadaires et fait ressortir qu'il ne distinguait pas entre heures de travail effectif et heures de présence responsable, la cour d'appel, qui a constaté hors toute dénaturation que les bulletins de salaire produits attestaient de la réalité des heures supplémentaires effectuées par la salariée, n'encourt pas les griefs du moyen ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que Mme Y... fait également grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... une somme au titre du licenciement abusif en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne pouvait pas reprocher à l'employeur, prenant acte de l'abandon de poste de la salariée à la fin de son arrêt maladie, de ne pas avoir engagé la procédure de licenciement, étant donné que l'employeur avait toujours manifesté la volonté de conserver son poste à l'intéressée jusqu'à son complet rétablissement, et que c'était la salariée qui, la première, avait pris acte de la rupture du fait de l'employeur en saisissant le conseil de prud'hommes avant même la fin de son arrêt maladie, que, dans ces circonstances il appartenait seulement à la cour d'appel de rechercher si les griefs invoqués par la salariée à l'appui de cette prise d'acte qui avait entraîné la rupture immédiate du contrat de travail étaient ou non fondés et qu'en imputant la responsabilité de la rupture à l'employeur sans se prononcer sur ce point, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ainsi que l'article L. 1235-5 du code du travail ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions de Mme Y... ni de la décision attaquée, qu'il ait été soutenu que la salariée avait pris acte de la rupture en saisissant la juridiction prud'homale ; que le premier grief du moyen est donc nouveau et, qu'étant mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1134 du code civil et L. 1235-5 du code du travail ;
Attendu que, pour condamner Mme Y... à payer à Mme X... une somme de 15 000 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents et une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, la cour d'appel, après avoir énoncé dans l'exposé des faits que Mme X... a été engagée le 2 avril 2000, retient que la cour considère en conséquence que la salariée rapporte la preuve d'avoir accompli des heures supplémentaires que l'employeur ne pouvait bien évidemment ignorer et dispose d'éléments lui permettant de fixer à 15 000 euros, congés payés inclus, le montant total des sommes dues à titre de rappel de salaires des cinq années d'ancienneté de Mme X..., et que compte tenu des éléments d'appréciation du préjudice subi par Mme X... du fait de la rupture abusive de son contrat de travail, notamment de son ancienneté, la somme de 15 000 euros lui sera allouée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de la lettre d'embauche que l'engagement de Mme X... au service des époux Y... avait pris effet le 2 avril 2002 et non le 2 avril 2000, la cour d'appel, qui l'a dénaturée, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Y... à payer à Mme X... une somme de 15 000 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés afférents inclus, et une somme de 15 000 euros à titre de licenciement abusif, l'arrêt rendu le 8 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'exposante à payer à Madame X... la somme de 15 000 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, congés payés afférents inclus,
aux motifs que la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, applicable aux employés de maison, prévoit en son article 15 que la durée du travail effectif des salariés à temps complet est de 40 heures par semaine, les heures supplémentaires commençant à partir de la 41ème heure, qu'en application de l'article L 3171-4 du Code du travail, la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombe ni à l'une ni à l'autre partie, que si l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier doit d'abord fournir des éléments pour étayer sa demande, que le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par chacune des parties, qu'en l'espèce, le contrat de travail de Mme X... prévoit une rémunération de 1183,20 euros sur une base de 48 heures hebdomadaires, que les bulletins de salaire produits viennent attester la réalité des heures de travail effectuées par la salariée au-delà de la 40ème heure : soit 36 heures mensuelles au taux majoré de 25 %, équivalant à la somme de 332,77 euros, que la Cour considère en conséquence que la salariée rapporte la preuve d'avoir accompli des heures supplémentaires que l'employeur ne pouvait bien évidemment ignorer et dispose d'éléments lui permettant de fixer à 15 000 euros congés payés inclus le montant total des sommes dues à titre de rappel de salaires des cinq années d'ancienneté de Mme X...,
1°) alors que les 48 heures hebdomadaires de Mme X... comprenant, selon la lettre d'engagement, des heures de travail effectif et des heures de présence responsable équivalant à 2/3 d'une heure de travail effectif en vertu de l'article 3 de la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur, la Cour d'appel ne pouvait se prononcer sur les heures supplémentaires sans déterminer au préalable comment se répartissait la durée hebdomadaire de travail entre les heures de travail effectif et les heures de présence responsable et qu'elle n'a pas ainsi donné de base légale à sa décision au regard des articles 3 et 15 de la convention collective précitée,
2°) alors qu' en énonçant que les bulletins de salaire versés aux débats attestaient la réalité des heures supplémentaires effectuées au-delà de la 40ème heure, la Cour d'appel a dénaturé les bulletins de salaire produits au titre de l'année 2004 qui, à l'exception de celui de janvier, mentionnaient tous un nombre d'heures inférieur à 40 heures par semaine et qu'elle a par là même violé l'article 1134 du Code civil,
3°) alors qu' en retenant que Madame X... avait été engagée le 2 avril 2000 et totalisait ainsi cinq années d'ancienneté, la Cour d'appel a dénaturé la lettre d'engagement et les écritures des parties dont il résultait que le contrat de travail de Madame X... avait pris effet le 2 avril 2002 et qu'elle a par là même violé les articles 1134 du Code civil et 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi reproche encore à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'employeur à payer 15 000 € au titre du licenciement abusif en application de l'article L 1235-5 du Code du travail,
aux motifs que l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail ou le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement, qu'à défaut la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que ne saurait, par ailleurs constituer une démission, faute de volonté non équivoque le fait pour un salarié d'être absent sans qu'il y ait eu de mise en demeure de la part de l'employeur, ou le fait de ne pas reprendre son travail suite à un arrêt de travail lié à un accident du travail, qu'en l'espèce, s'il n'est pas contesté que Mme X... n'a pas repris son travail à l'issue de son dernier arrêt maladie en date du 3 mai 2005, Monsieur et Madame Y..., en l'absence de nouvelles de leur salariée n'ont pas pris l'initiative d'organiser les indispensables visites médicales de reprise, n'ont pas adressé à cette dernière de mise en demeure de reprendre son poste ni engagé une procédure de licenciement à son encontre et ce, malgré les griefs - notamment de non transmission des arrêts de travail - invoqués dans une lettre du 13 janvier 2005 adressée à leur employée, qu'en outre, il résulte des conclusions mêmes des appelants que la rupture du contrat de travail de Mme X... était consommée du fait de l'abandon de son poste et que la lettre du 13 janvier 2005 ne notifiait pas le licenciement de la salariée, qu'en considérant l'abandon de poste de Mme X..., sans qu'aucune démission claire et non équivoque ne puisse être constatée, les employeurs n'ont pas respecté leur obligation de mettre en oeuvre une procédure de licenciement en notifiant des griefs justifiant la rupture du contrat à l'encontre de leur salariée, la laissant ainsi dans l'expectative,
1°) alors que la Cour d'appel ne pouvait pas reprocher à l'employeur, prenant acte de l'abandon de poste de la salariée à la fin de son arrêt maladie, de ne pas avoir engagé la procédure de licenciement, étant donné que l'employeur avait toujours manifesté la volonté de conserver son poste à l'intéressée jusqu'à son complet rétablissement, et que c'était la salariée qui, la première, avait pris acte de la rupture du fait de l'employeur en saisissant le conseil de prud'hommes avant même la fin de son arrêt maladie, que, dans ces circonstances il appartenait seulement à la Cour d'appel de rechercher si les griefs invoqués par la salariée à l'appui de cette prise d'acte qui avait entraîné la rupture immédiate du contrat de travail étaient ou non fondés et qu'en imputant la responsabilité de la rupture à l'employeur sans se prononcer sur ce point, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ainsi que l'article L 1235-5 du Code du travail,
et au motif que c'est à cette somme que doit être estimé le préjudice subi par Madame X... du fait de la rupture abusive de son contrat de travail, compte tenu notamment de ses cinq années d'ancienneté,
2°) alors qu'en retenant que Madame X... avait été engagée le 2 avril 2000 et totalisait ainsi cinq années d'ancienneté, la Cour d'appel a dénaturé la lettre d'engagement et les écritures des parties dont il résultait que le contrat de travail de Madame X... avait pris effet le 2 avril 2002 et qu'elle a par là-même violé les articles 1134 du Code civil et 4 du Code de procédure civile.