LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... a donné naissance, le 17 septembre 2004 à Sèvres, à un enfant, prénommé Mohamed, qu'elle a reconnu le 22 septembre 2004 ; que, par acte du 13 juin 2005, représentant son enfant mineur, elle a fait assigner M. Y... en recherche de paternité ; qu'après dépôt, le 27 septembre 2007, d'un rapport de carence, M. Y... n'ayant pas déféré aux convocations de l'expert désigné pour procéder à l'expertise génétique, le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement du 8 février 2008, l'a notamment déclaré père de l'enfant et a débouté la mère de sa demande en changement de nom ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il était le père de l'enfant ;
Attendu que, constatant, d'abord, que Mme X... avait épousé religieusement M. Y... le 2 janvier 2002, ensuite que le couple avait résidé ensemble pendant la période légale de conception de l'enfant entre novembre 2003 et mars 2004, enfin que M. Y... était présent lors des premiers contrôles médicaux de grossesse, la cour d'appel, relevant qu'aucun motif sérieux ne légitimait le refus de M. Y..., convoqué à cinq reprises par l'expert, de se soumettre à l'expertise génétique, a, se fondant sur ces éléments souverainement appréciés, estimé que ce dernier était le père de l'enfant ; qu'elle a légalement justifié sa décision ;
Mais, sur le second moyen :
Vu les articles 334-3 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour statuer sur la demande de changement de nom d'un enfant naturel, le juge doit prendre en considération les intérêts en présence ;
Attendu que pour accueillir la demande de Mme X... tendant à substituer le nom du père de son enfant au sien, la cour d'appel n'énonce aucun motif particulier ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur les intérêts en présence, et notamment sur l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que l'enfant Mohamed portera le nom de son père M. Y..., l'arrêt rendu le 7 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux conseils pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que monsieur Amar Y... était le père de Mohamed X... né le 17 septembre 2004, d'avoir rejeté la demande subsidiaire d'expertise formée par monsieur Y..., d'avoir dit que l'enfant porterait le nom de monsieur Y... et d'avoir condamné ce dernier à payer une pension alimentaire de 300 € par mois ;
AUX MOTIFS QUE madame X... a établi par les différents documents qu'elle a produits qu'elle s'était mariée religieusement avec monsieur Amar Y... le 2 janvier 2002 à la mosquée de Barbès à Paris, ainsi qu'il résultait du certificat de mariage religieux produit ; que pendant la période légale de conception de l'enfant, qui se situait entre novembre 2003 et mars 2004, monsieur Y... et madame Zohra X... ont résidé ensemble au domicile de monsieur Y... situé au foyer Sonacotra à Boulogne-Billancourt jusqu'au mois d'avril 2004, cette communauté de vie étant établie par deux attestations (…) ; qu'il apparaît que lors de contrôles de grossesse auxquels se rendait madame X... dans le service de gynécologie du centre hospitalier intercommunal Jean Rostand à Sèvres, monsieur Y... était présent, le docteur Z..., interne, ayant délivré, le 13 mai 2004, des ordonnances tant à madame X... qu'à monsieur Y... ; qu'une mesure d'expertise a été ordonnée comme moyen de preuve péremptoire de la paternité ou de la non paternité de l'enfant ; que monsieur Y... s'est soustrait à la mesure d'expertise, après que l'expert judiciaire l'eut convoqué à cinq reprises, sans qu'aucun motif sérieux ne légitime son refus ; que dans ces conditions, il ne saurait à titre subsidiaire, demander une nouvelle désignation du professeur A...(expert) ;
1°) ALORS QUE si le juge peut tirer un aveu implicite du refus opposé par le défendeur à se soumettre à une expertise biologique lorsque ce refus ne repose pas sur un motif légitime, il en va différemment lorsque le défendeur justifie par un motif d'ordre médical qu'il était dans l'impossibilité de se rendre à la convocation de l'expert ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée (concl., p. 4 § 5 à 9), s'il ressortait du certificat médical du 30 septembre 2007 produit par monsieur Y..., prescrivant un « repos absolu au lit » pendant 30 jours, et de son souhait clairement affirmé de se soumettre à l'expertise biologique dès son retour au terme d'une longue absence à l'étranger, que monsieur Y... justifiait d'un motif légitime de ne pas s'être présenté à la dernière convocation de l'expert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du Code de procédure civile, ensemble l'article 340 du Code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QUE l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; que l'empêchement géographique et médical justifié exclut d'opposer au demandeur à cette expertise son absence lors des précédentes convocations ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée (concl., p. 4 § 5 à 9), si l'empêchement tant géographique que médical dont faisait état monsieur Y... justifiait son absence aux convocations envoyées en exécution de la mesure initialement ordonnée, en sorte que la nouvelle demande d'expertise formée par celui-ci devait lui être accordée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 340 du Code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir jugé que l'enfant Mohamed porterait le nom de son père, monsieur Y... ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant du nom de l'enfant et de la contribution à son entretien et à son éducation, monsieur Y... ne peut pas valablement soutenir que seul le juge aux affaires familiales serait compétent en vertu de l'article L 213-3 du Code de l'organisation judiciaire, ces demandes s'inscrivant dans le cadre d'une action en recherche de paternité relevant de la compétence du tribunal de grande instance ;
ALORS QUE les juges du fond, lorsqu'ils statuent sur une demande de changement de nom d'un enfant naturel, doivent prendre en considération les intérêts de l'enfant ; qu'ils ne disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier ces intérêts qu'à condition de motiver leur décision ; que pour décider que l'enfant Mohamed porterait le nom de son père, monsieur Y..., la cour d'appel n'a énoncé aucun motif, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.