LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de ce qu'il se désiste de son pourvoi dirigé contre la Caisse de pévoyance et de retraite de la SNCF et la SNCF ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'article 53-I de la loi n° 2000- 1257 du 23 décembre 2000 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, qu'une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions ; que le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présente sa démission à son employeur ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de l'allocation, laquelle est allouée indépendamment de son état de santé, n'est pas fondé à obtenir réparation d'une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., atteint d'une maladie occasionnée par l'amiante, a démissionné de son emploi et perçu une allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'il a également présenté une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) qui lui a notifié une offre ; que, refusant cette offre, M. X... a engagé devant la cour d'appel, une action en contestation de cette décision du Fonds et a sollicité la réévaluation de son indemnisation ;
Attendu que pour condamner le Fonds à payer à M. X... une certaine somme en réparation du préjudice économique résultant de la réduction de ses revenus à la suite de son choix de demander le bénéfice de l'ACAATA, l'arrêt retient que la victime, en raison de manquements de son ou ses employeurs à leur obligation de sécurité de résultat, est atteinte de plaques pleurales qui justifient son incapacité permanente partielle et que c'est bien cette incapacité qui l'a conduite à solliciter et à obtenir le bénéfice de l'ACAATA ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 5 695,34 euros en réparation de son préjudice économique du 1er août 2006 au 31 décembre 2007, l'arrêt rendu le 28 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. X... de sa demande de ce chef ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
LE MOYEN fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR alloué à Monsieur Alain X... la somme de 5.695,34 € en réparation de son préjudice économique du 1er août 2006 au 31 décembre 2007, avec intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QU'« outre la réparation de son déficit fonctionnel permanent. M. X... demande au Fonds celle de son préjudice économique résultant de son choix de cessation anticipée d'activité de travailleur exposé à l'amiante en raison de la fixation à 65 % de son salaire de l'allocation perçue du 01er août 2006 au 31 décembre 2007, date à laquelle, ayant atteint l'âge de 55 ans, il a retrouvé ses droits à une retraite d'agent SNCF à taux plein ; que le Fonds soulève à titre principal l'irrecevabilité d'une telle demande présentée pour la première fois devant la cour sans l'avoir été devant lui et, à titre subsidiaire, le défaut de fondement de la demande d'une somme de 781.72 euros par mois pour toute la période de perception de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante représentant 65 % de son salaire brut, dès lors que cette cessation anticipée résulte d'abord du choix de M. X... avant de résulter de son exposition à l'amiante ; qu'en la forme, dès lors que M. X... n'a pas accepté l'offre d'indemnisation de son préjudice patrimonial que le Fonds lui avait notifiée le 08 octobre 2008 et qu'il a saisi la cour du recours actuellement examiné, il est recevable à présenter toute demande d'indemnisation d'un chef de préjudice trouvant sa source dans la contamination par l'amiante, notamment du chef de son préjudice économique qu'il n'avait pas soumis à l'examen préalable du Fonds ; que le FIVA, à titre subsidiaire, conteste le bien fondé de la demande de la victime dès lors que celle-ci, d'une part a fait seule le choix de cette retraite anticipée, d'autre part ne justifie pas qu'en raison de son état de santé, elle n'est plus apte à exercer son activité professionnelle ou une activité professionnelle ; que, toutefois, la victime, en raison des manquements de son ou ses employeurs à leur obligation de sécurité de résultat, est atteinte de plaques pleurales qui justifient son IPP, et c'est bien cette incapacité qui l'a conduite à solliciter et obtenir le bénéfice de l'ACATA, il en résulte pour elle un préjudice certain ; que dès lors qu'il n'est plus tenu d'effectuer son travail, son préjudice économique ne saurait être évalué à l'entière différence de 35 % existant entre 65 % et 100 % de son salaire, mais à 15 % de ce même salaire, de telle sorte qu'il reçoive pendant la période considérée au total 80 % de celui-ci ; que, son allocation trimestrielle de 4.355,28 € correspond à une pension mensuelle de 1.451,76 € égale à 65 % de son salaire ; que ce salaire mensuel est évalué à : 1.451.76 € x 100/65 = 2.233.47 € ; que son préjudice économique de 15 % représente donc : 2.233,47 € x 15 % = 335,02 € par mois ; que, pour les 17 mois écoulés du 01er août 2006 au 31 décembre 2007, date à laquelle il a retrouvé ses droits à retraite à taux plein, son préjudice représente : 335,02 € x 17 = 5.695,34 € ; qu'il n'y a pas lieu de déduire de ce montant le capital majoré de 2.896,84 €" servi à M. X... par son organisme de sécurité sociale au titre de l'incapacité permanente partielle puisque cette déduction a déjà été opérée pour déterminer la somme mise à la charge du Fonds pour l'indemniser de son déficit fonctionnel permanent; qu'en conséquence, la cour dispose des éléments suffisants sur le préjudice économique subi par M. X... du 1er août 2006 au 31 décembre 2007 pour le fixer à la somme de 5.695,34 € qui portera intérêts au taux légal à compter de ce jour » ;
1°/ ALORS, d'une part. QUE, selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, une allocation de cessation anticipée d'activité (dite ACAATA) est versée dès l'âge de cinquante ans aux personnes reconnues atteintes, au titre du régime général ou du régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés agricoles, d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêtés des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et de l'agriculture ; que le salarié qui est admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présente sa démission à son employeur ; qu'il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de l'allocation n'est pas fondé à obtenir du FIVA la réparation d'une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble les articles 53 I et 53 III de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale ;
2°/ ALORS, d'autre part. QUE (subsidiaire), le demandeur ne peut obtenir auprès du FIVA la réparation intégrale que des préjudices résultant de l'atteinte à son état de santé et ayant pour origine son exposition à l'amiante ; que, selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, une allocation de cessation anticipée d'activité (dite ACAATA) est versée dès l'âge de cinquante ans aux personnes reconnues atteintes, au titre du régime général ou du régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés agricoles, d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêtés des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et de l'agriculture ; qu'à supposer que le demandeur éprouve un préjudice économique du fait de son choix de bénéficier de l'ACAATA, il ne peut en demander la réparation auprès du FIVA que s'il rapporte que du fait de l'atteinte à son état de santé résultant de son exposition à l'amiante, il n'était plus en situation d'exercer une activité professionnelle ou une activité obtenue dans le cadre d'une procédure de reconversion ; qu'en refusant cependant de rechercher, comme elle y était invitée, si le demandeur du fait de son exposition à l'amiante a été dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 III de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.