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19/01/2011 | FRANCE | N°09-67535

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2011, 09-67535


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Paris, 18 juin 2009), rendu en référé, que M. X..., employé par la société Servair (la société) depuis le 8 avril 1998, a été licencié pour faute grave le 10 mars 2008 ; qu'estimant que son licenciement avait été prononcé en raison de sa participation à des mouvements de grève entre 2005 et 2007 et de son appartenance au syndicat CGT, il a saisi la juridiction prud'homale en référé pour demander sa réintégration et le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier

moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Paris, 18 juin 2009), rendu en référé, que M. X..., employé par la société Servair (la société) depuis le 8 avril 1998, a été licencié pour faute grave le 10 mars 2008 ; qu'estimant que son licenciement avait été prononcé en raison de sa participation à des mouvements de grève entre 2005 et 2007 et de son appartenance au syndicat CGT, il a saisi la juridiction prud'homale en référé pour demander sa réintégration et le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration de M. X... sous astreinte, de la condamner à lui payer une indemnité au titre des salaires dus depuis la notification de son licenciement jusqu'à sa réintégration, une somme à titre de dommages-intérêts à l'Union locale CGT des syndicats de la zone aéroportuaire alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond sont tenus d'examiner chacun des griefs de licenciement mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait au salarié non seulement le vol et la consommation de denrées appartenant à des clients de l'entreprise, mais encore le fait d'avoir abandonné son véhicule sans surveillance au bord des pistes de l'aéroport Charles-de-Gaulle ; qu'en s'attachant seulement à examiner le premier grief et en omettant de dire en quoi le second grief n'était pas établi et suffisamment grave avant d'affirmer que le licenciement n'était pas fondé, et, partant, que l'activité syndicale du salarié et sa participation à des faits de grève étaient la cause déterminante du licenciement, quand l'employeur faisait précisément valoir que l'abandon du véhicule était incontestablement établi par les documents versés aux débats par le salarié lui-même et constituait une faute grave au regard du règlement intérieur de l'entreprise et plus encore de la réglementation en vigueur au sein de l'aéroport, la cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du code du travail ;
2°/ que lorsqu'un salarié a été licencié, sa réintégration ne peut être ordonnée par le juge que s'il constate au préalable que le licenciement est nul, ou sans cause réelle et sérieuse et, dans ce second cas, que l'employeur ne s'oppose pas au licenciement ; qu'en ordonnant en l'espèce la réintégration du salarié après avoir seulement affirmé que son licenciement aurait été illicite, sans constater qu'il était nul ou que, sans cause réelle et sérieuse, l'employeur aurait accepté la réintégration du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-4 et L.1235-3 du code du travail ;
3°/ que l'existence d'une discrimination syndicale ou pour fait de grève suppose non seulement une activité syndicale ou une participation à une grève connue de l'employeur, mais encore un lien entre le fait prétendument discriminatoire reproché à l'employeur et l'implication sociale du salarié ; qu'en retenant en l'espèce que la cause déterminante du licenciement aurait été l'activité syndicale et la participation du salarié à des faits de grève, après avoir relevé que le salarié avait une activité syndicale, qu'il avait participé à plusieurs mouvements de grève au cours des mois de septembre, octobre, novembre et décembre, qu'une première procédure disciplinaire avait été engagée septembre 2007 sans qu'il y soit donné suite cependant, et que le licenciement du 10 mars 2008 était prétendument infondé, l'employeur ne prouvant pas qu'il n'était pas discriminatoire, sans dire en quoi un lien pouvait exister entre le licenciement et les activités syndicales du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1132-2 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, examinant l'ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, a retenu que ceux-ci ne sont étayés par aucun élément probant ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel qui, après avoir constaté que le salarié établissait des faits laissant supposer une discrimination syndicale en rapport avec son activité syndicale, tels que sa participation à plusieurs mouvements de grève, sa convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction à laquelle il n'a pas été donné suite, et le prononcé de son licenciement pour des motifs qui ne sont pas sérieux et dont la réalité n'était pas établie, et qui a relevé que l'employeur n'apportait aucun élément objectif de nature à justifier que sa décision de licencier soit étrangère à toute discrimination, en a exactement déduit que le licenciement, prononcé en mars 2008 en méconnaissance des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-2 du code du travail, constituait un trouble manifestement illicite auquel il convenait de mettre fin en ordonnant la réintégration du salarié ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Servair aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Servair à payer à l'Union locale des syndicats CGT la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Servair
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société SERVAIR à payer, à titre provisionnel, à Victor X..., les sommes de 44,11 euros à titre de retenues sur primes de 13ème et 14ème mois, 40,71 euros à titre de retenues sur la prime d'ancienneté, 63,41 euros à titre de retenues majorées d'heures de grève ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, à l'Union locale CGT des syndicats de la zone aéroportuaire de ROISSY, 2.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels et une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur la majoration du taux appliqué aux retenues pour cause de grève : considérant que, sur la différence de taux horaire pratiqué par la société SERVAIR, il résulte des feuilles de paie versées au débat, que celle-ci a effectivement appliqué deux taux distincts pour les heures de travail effectuées par le salarié et pour les heures de grève ; que cette distinction ne saurait se justifier par l'accord sur les 35 heures invoqué par l'intimée, cet accord ne prévoyant nullement une telle distinction et étant parfaitement étranger au débat ; que force est de constater que cette différence de taux applicable ne repose sur aucune disposition légale, revêt, à l'évidence un caractère discriminatoire et constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en faisant droit à la demande du salarié à ce titre ; Sur la prime d'ancienneté : considérant, sur la prime d'ancienneté qu'il ressort des feuilles de paie versées au débat que la société SERVAIR, jusqu'à fin septembre 2006, pratiqué une déduction sur la prime d'ancienneté dès lors qu'étaient comptabilisées des heures de grève au salarié ; que cette diminution de la prime d'ancienneté se cumulait avec la pratique d'un taux distinct entre les jours travaillés et les jours de grève et que l'affirmation de l'employeur selon laquelle la prime était intégrée au taux horaire ne résiste pas à l'examen ; qu'il sera, dès lors, fait droit à ce chef de demande, les pratiques de la société SERVAIR constituant également et à l'évidence un trouble manifestement illicite ; Sur les primes de treizième et quatorzième mois : considérant qu'en ce qui concerne les primes de treizième et de quatorzième mois, il résulte des pièces versées aux débats et notamment des feuilles de paie de l'appelant que seules les journées de grève ont donné lieu à réduction de ces primes, les absences pour autres motifs n'ayant pas donné lieu cette même réduction ; qu'il sera, dès lors, fait droit à la demande de ces chefs ; »
1) ALORS QUE l'employeur faisait valoir, et montrait précisément en cause d'appel, que loin d'avoir appliqué deux taux horaires distincts pour les heures de travail effectuées et pour les heures de grève, il avait appliqué le même taux, le chiffre mentionné sur les fiches de paie incluant cependant la proratisation de la prime d'ancienneté qui ne faisait pas l'objet d'une ligne de déduction spécifique ; qu'il ressort des propres constatations de la Cour d'Appel que postérieurement à septembre 2006, l'employeur n'a effectivement plus pratiqué de déduction distincte de la prime d'ancienneté pour les jours de grève, ce qui était de nature à confirmer sa thèse ; qu'en se contentant d'affirmer que « l'affirmation de l'employeur selon laquelle la prime était intégrée au taux horaire ne résiste pas à l'examen », et qu'il résulte des feuilles de paie versées aux débats que l'employeur aurait appliqué des taux distincts pour les heures travaillées et les heures de grève, sans rechercher précisément si, au moins pour la période postérieure à septembre 2006, le chiffre indiqué sur les fiches de paie pour les retenues du fait de grèves ne correspondait pas effectivement à l'application du taux horaire habituel majoré de la proratisation de la prime d'ancienneté, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R1455-6 et L.2511-1 du Code du travail ;
2) ALORS QU'il ne peut pas y avoir de discrimination sans différence de traitement injustifiée ; qu'ainsi, une discrimination au préjudice de salariés absents pour cause de grève suppose une différence avec le traitement réservé aux salariés absents pour une autre raison ; qu'en retenant en l'espèce que l'employeur avait commis une discrimination au préjudice des salariés grévistes sans constater une telle différence, la Cour d'appel a violé l'article L.2511-1 du Code du travail ;
3) ALORS QUE lorsqu'une prime d'ancienneté est calculée sur le salaire de base mensuel, elle est un élément de salaire payé en contrepartie du travail effectué et l'employeur est fondé à opérer une retenue sur salaire au titre de cette prime en cas d'absence du salarié pour cause de grève notamment ; qu'en l'espèce, il était constant que la prime d'ancienneté accordée aux salariés de la société SERVAIR était calculée proportionnellement au salaire de base mensuel brut de chaque salarié ; qu'en jugeant illégale la déduction opérée par l'employeur au titre de la prime d'ancienneté aux motifs inopérants qu'elle « se cumulait avec la pratique d'un taux distinct entre jours travaillés et les jours de grève et que l'affirmation de l'employeur selon laquelle la prime était intégrée au taux horaire ne résiste pas à l'examen », sans dire en quoi l'employeur n'aurait pas été fondé à opérer une retenue au titre de la prime d'ancienneté au prorata de l'absence du salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord d'entreprise précisant les conditions d'octroi de la prime d'ancienneté, ensemble l'article R1455-6 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR ordonné la réintégration de Monsieur X... sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification et d'AVOIR condamné la société SERVAIR à payer, à titre provisionnel, à Victor X..., les sommes de 44,11 euros à titre de retenues sur primes de 13ème et 14ème mois, 40,71 euros à titre de retenues sur la prime d'ancienneté, 63,41 euros à titre de retenues majorées d'heures de grève, une indemnité correspondant au montant des salaires qui lui aurait été dus pour la période comprise entre la date de la notification de son licenciement et sa réintégration effective à son poste de travail ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, à l'Union locale CGT des syndicats de la zone aéroportuaire de ROISSY, 2.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels et une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « les motifs du licenciement de Victor X... tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement sont les suivants : "Le 8 février 2008, votre vacation commençait à 6h00 et devait se terminer à I4h40. Vous aviez le camion nº 1625. Vers 11 h, alors que vous vous trouviez au point de parking Fox 20, vous avez fait l'objet d'un contrôle par la Gendarmerie des transports aériens. A l'occasion de ce contrôle, vous ne vous trouviez pas dans votre camion, mais dans celui de l'un de vos collègues, Monsieur Y..., en compagnie de deux autres salariés d'une autre entreprise. Les gendarmes ont ainsi constaté que vous vous trouviez dans la caisse du camion nº 1626, en train de consommer des produits sous vide appartenant à nos clients, et notamment du chocolat en poudre et du lait. Les gendarmes nous ont immédiatement informés de ces faits graves et vous ont convoqué afin de fournir vos explications. De tels faits sont totalement prohibés par le Règlement Intérieur qui précise, en son article 17,2 que : « il est strictement interdit de prélever, d'utiliser ou de consommer et/ou d'emporter des produits, matériels ou des biens appartenant à l'établissement ou à ses fournisseurs ou à ses clients. Le non-respect de ces dispositions peut entraîner une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. » Il apparaît en outre que vous avez abandonné votre véhicule, pendant votre temps de travail, pour vous livrer à des occupations personnelles n'ayant aucun lien avec l'exercice de vos fonctions. Ces agissements constituent ainsi une violation grave du règlement intérieur et de vos obligations contractuelles. Vous ne pouvez en outre ignorer que le fait de consommer des biens appartenant à l'entreprise ou à ses clients constitue une faute d'une particulière gravité. Lors de notre entretien du 8 février dernier, vous avez reconnu que vous ne vous trouviez pas dans votre camion, et que vous étiez au contraire dans le camion de votre collègue, en compagnie d'autres personnes. Vous nous avez également fait part du contrôle de la gendarmerie, mais vous avez nié avoir consommé des produits. Vos déclarations, notamment en ce qu'elles sont contraires aux constatations de la Gendarmerie des Transports Aériens, ne nous permettent pas de modifier notre interprétation des faits. En conséquence, nous vous informons par la présente, de notre décision de vous licencier pour faute grave, sans préavis ni indemnité de licenciement. " ; Considérant que l'appelant soutient que ces motifs ne constituent qu'un prétexte pour le licencier alors qu'il avait participé à plusieurs mouvements de grève, entre 2005 et 2007 et que la société SERVAIR tente de construire, au travers d'une fausse représentation de la réalité, un motif dont elle prétend qu'il constituerait une cause objective au licenciement ; qu'il indique qu'il est syndiqué à la CGT depuis 2005, que les salariés de SERVAIR se sont mis en grève à plusieurs reprises pour, selon lui, combattre les mauvaises conditions de travail et la précarité institutionnalisée dans l'entreprise et que les salariés grévistes subissent une répression systématique, ainsi que le démontre sa convocation, le 25 septembre 2007 à un entretien préalable à sanction suite à sa participation à un mouvement de grève ; qu'en ce qui concerne les faits allégués à son encontre, il soutient qu'alors il qu'il n'a jamais subi le moindre reproche de la part de son employeur, celui-ci a modifié son attitude dès lors qu'il s'est syndiqué et a fait grève, qu'il n'a jamais reconnu les faits qui lui sont imputés qui ne sont nullement prouvés ; qu'il soutient qu'il n'y a jamais eu de constat des autorités de police et que le rappel à la loi du Procureur de la République n'a aucune valeur juridictionnelle et ne fait aucunement preuve des faits prétendus ; que tant la consommation de produits appartenant aux clients de la société (une dosette de chocolat et de lait en poudre) que le prétendu abandon de son véhicule ne sont nullement démontrés par les attestations produites au débat ; qu'il précise qu'il effectuait une courte pause entre la livraison de deux avions et qu'il est toujours resté à proximité de son camion ; que la société SERVAIR soutient l'incompétence du juge des référés pour connaître de la demande de l'appelant ; qu'elle soutient que les faits reprochés à celui-ci ont été constatés par les services de gendarmerie qui l'en ont avisée ; qu'elle fait valoir que la loi exige, seulement, de l'employeur qu'il démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et qu'en l'espèce, elle rapporte bien la preuve par les éléments qu'elle verse au dossier, des faits qu'elle impute à Victor X... et qui sont étrangers à des faits de grève ; Considérant qu'en application de l'article R.1455- 6 du Code du travail, la formation de référé, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; Considérant, par ailleurs, qu'aux termes des articles L. 113 2-1 et L. 113 2-2 du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure disciplinaire, directe ou indirecte, en raison de ses activités syndicales ou de l'exercice normal du droit de grève ; Qu'aux termes de l'article 1134-1 du même code, lorsqu'un litige survient en raison de la méconnaissance des dispositions susvisées, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'appelant a une activité syndicale et a participé à plusieurs mouvements de grève au cours des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2007 ; qu'il a été convoqué en septembre 2007, ainsi que d'autres collègues de travail, à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction, sans autre précision et qu'il n'a pas été donné suite à cet entretien ; Qu'en ce qui concerne les faits qui lui sont reprochés, force est de constater qu'il n'est produit aucun procès-verbal de la Gendarmerie Nationale constatant les faits en cause et notamment la consommation de produits appartenant à la société SERVAIR et l'abandon de son véhicule par Victor X... ; que le seul procès-verbal versé au débat est celui de l'audition de Monsieur Z..., responsable de la sûreté au sein de la société SERVAIR, rédigé dans ces termes : "Je me présente dans les bureaux de votre unité suite aux faits que vous m'avez rapportés à l'encontre de Monsieur X... Victor. Cette personne travaille pour notre société depuis neuf ans. Suite à votre contrôle survenu ce jour à 11heures en fox 20 de la zone réservée de l'aéroport de Roissy CDG, vous avez découvert l'intéressé en train de consommer des produits appartenant à notre société à des fins personnelles. Les biens et produits que l'intéressé a ouvert qui sont du chocolat en poudre et du lait, sont des biens sous vide qu'il doit restituer à la fin de son service pour qu 'ils soient triés et réutilisés... Je désire porter plainte à l'encontre de Monsieur X... Victor pour abus de confiance" ; que ce document qui n'est que l'audition du responsable hiérarchique de l'appelant n'apporte nullement la preuve de la prétendue faute de celui-ci mais fait uniquement état du fait que Victor X... a été contrôlé sur la zone réservée de Roissy CDG en train de consommer des produits qui seraient la propriété de la société SERVAIR, à savoir une dosette de chocolat et du lait ; Que de même, il est versé par la société intimée un avis de classement sans suite de la plainte de la société SERVAIR par le Parquet du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY en date du 25 février 2008 avec la précision qu'un avertissement solennel a été donné à l'auteur de l'infraction ; que néanmoins, ce rappel à la loi qui ne décrit nullement l'infraction précise qui aurait été reprochée à l'appelant et est, en tout état de cause, dépourvu de force probante quant à la matérialité des faits invoqués et n'est nullement de nature à démontrer la faute grave reprochée à Victor X... ; qu'enfin, la seule attestation produite par la société SERVAIR est celle de Monsieur Z... dont les termes n'apportent pas plus de précision que le procès-verbal susvisé ; que ces documents établissent manifestement le peu d'importance qu'ont attaché les autorités policières et judiciaires aux faits dont elles ont eu connaissance et qu'il convient, d'ailleurs, de s'interroger sur l'absence de production par la société SERVAIR du procès-verbal constatant lesdits faits (dont elle pouvait parfaitement avoir communication) si celui-ci présentait un intérêt, ainsi qu'elle le soutient, pour rapporter la preuve des griefs qu'elle invoque ; Considérant qu'en revanche, l'appelant produit au débat trois attestations de collègues se trouvant avec lui, lors du contrôle de la Gendarmerie qui tous, contestent la consommation par celui-ci de quelles que denrées que se soient ; qu'ils précisent uniquement qu'ils ont discuté à l'abri du froid, dans le camion de l'un d'eux pendant leur période de pause ; Considérant qu'au vu de ces éléments, force est de constater, l'inanité des griefs invoqués à l'encontre de l'appelant qui non seulement ne sont étayés par aucun élément probant mais ne résistent pas à l'examen pour justifier de l'existence d'une faute grave ; Qu'il convient, en conséquence de considérer, au regard de ce qui précède, que Victor X... apporte les éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination à raison de son appartenance syndicale et de sa participation à des faits de grève dans des conditions licites ; que la société SERVAIR, quant à elle, ne produit aucun élément objectif pertinent de nature à justifier que sa décision de licencier l'appelant est étrangère à toute discrimination ; qu'il doit s'en déduire que c'est bien l'activité syndicale revendiquée par l'appelant et sa participation à plusieurs mouvements de grève qui sont la cause déterminante de son licenciement et qu'en conséquence, celui-ci, intervenu dans de telles conditions, doit être considéré comme illicite au regard des dispositions susvisées ; qu'il y a lieu dans ces conditions, eu égard au trouble manifestement illicite constitué, d'ordonner la réintégration de Victor X... dans son poste de travail sous astreinte, et de condamner la société SERVAIR à payer à celui-ci, par provision, une indemnité correspondant au montant de ses salaires dus à compter de son licenciement et jusqu'à son retour effectif à son poste de travail ; Sur l'intervention volontaire de l'Union locale CGT Considérant sur l'intervention volontaire de l'Union Locale CGT, qu'elle sera déclarée recevable en ce qu'elle est fondée sur 1' article L.2132-3 du Code du travail et la défense de l'intérêt collectif de la profession ; qu'en l'espèce, dans la mesure ou les pratiques de l'employeur constituent des mesures discriminatoires pour faits de grève, cette intervention doit être déclarée bien fondée et qu'il y a lieu de faire droit a la demande en allouant à titre provisionnel, à celle-ci une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts » ;
1) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner chacun des griefs de licenciement mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur reprochait au salarié non seulement le vol et la consommation de denrées appartenant à des clients de l'entreprise, mais encore le fait d'avoir abandonné son véhicule sans surveillance au bord des pistes de l'aéroport Charles de Gaulle ; qu'en s'attachant seulement à examiner le premier grief et en omettant de dire en quoi le second grief n'était pas établi et suffisamment grave avant d'affirmer que le licenciement n'était pas fondé, et partant que l'activité syndicale du salarié et sa participation à des faits de grève étaient la cause déterminante du licenciement, quand l'employeur faisait précisément valoir que l'abandon du véhicule était incontestablement établi par les documents versés aux débats par le salarié lui-même et constituait une faute grave au regard du règlement intérieur de l'entreprise et plus encore de la réglementation en vigueur au sein de l'aéroport, la Cour d'Appel a violé l'article L.1232-6 du Code du travail ;
2) ALORS en outre QUE lorsqu'un salarié a été licencié, sa réintégration ne peut être ordonnée par le juge que s'il constate au préalable que le licenciement est nul, ou sans cause réelle et sérieuse et, dans ce second cas, que l'employeur ne s'oppose pas au licenciement ; qu'en ordonnant en l'espèce la réintégration du salarié après avoir seulement affirmé que son licenciement aurait été illicite, sans constater qu'il était nul ou que sans cause réelle et sérieuse l'employeur aurait accepté la réintégration du salarié, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-4 et L.1235-3 du Code du travail ;
3) ALORS enfin QUE l'existence d'une discrimination syndicale ou pour fait de grève suppose non seulement une activité syndicale ou une participation à une grève connue de l'employeur, mais encore un lien entre le fait prétendument discriminatoire reproché à l'employeur et l'implication sociale du salarié ; qu'en retenant en l'espèce que la cause déterminante du licenciement aurait été l'activité syndicale et la participation du salarié à des faits de grève après avoir relevé que le salarié avait une activité syndicale, qu'il avait participé à plusieurs mouvements de grève au cours des mois de septembre, octobre, novembre et décembre, qu'une première procédure disciplinaire avait été engagée septembre 2007 sans qu'il y soit donné suite cependant, et que le licenciement du 10 mars 2008 était prétendument infondé, l'employeur ne prouvant pas qu'il n'était pas discriminatoire, sans dire en quoi un lien pouvait exister entre le licenciement et les activités syndicales du salarié, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1132-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-67535
Date de la décision : 19/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jan. 2011, pourvoi n°09-67535


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.67535
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