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18/06/2009 | FRANCE | N°08/06358

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 3, 18 juin 2009, 08/06358


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 3



ARRET DU 18 JUIN 2009



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/06358



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 6 juillet 2004 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS - Section A / Cabinet 2 - RG 02/43020 suivi de l'arrêt de la cour d'appel de PARIS - 24ème Chambre - Section A - RG 04/19517 cassé

par l'arrêt de la cour de cassation du 20 février 2008 N° V07-12.650









APPELANT

DEMANDEUR & DÉFENDEUR A LA SAISINE



Monsieur [I] [D]

N...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 3

ARRET DU 18 JUIN 2009

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/06358

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 6 juillet 2004 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS - Section A / Cabinet 2 - RG 02/43020 suivi de l'arrêt de la cour d'appel de PARIS - 24ème Chambre - Section A - RG 04/19517 cassé par l'arrêt de la cour de cassation du 20 février 2008 N° V07-12.650

APPELANT

DEMANDEUR & DÉFENDEUR A LA SAISINE

Monsieur [I] [D]

Né le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 11] (Etas Unis)

demeurant chez M. [J] [D]

[Adresse 5]

représenté par la SCP BLIN, avoués à la Cour

assisté de Me Basile YAKOVLEV, avocat au barreau de PARIS, toque : C 573

(Bénéficie de l'aide juridictionnelle totale numéro BAJ 2008/047561 du 10/11/2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

DEMANDERESSE ET DÉFENDERESSE A LA SAISINE

Madame [R] [T]

Née le [Date naissance 3]1965 à [Localité 10] (Hauts de Seine)

demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me Sophie TOUGNE du Cabinet de Me Véronique CHAUVEAU, avocat au barreau de PARIS, toque :B759,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 Mai 2009, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sylvie PERDRIOLLE, présidente chargée du rapport et Claire MONTPIED, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Sylvie PERDRIOLLE, présidente

Annick FELTZ, conseillère

Claire MONTPIED, conseillère

Greffière, lors des débats : Nathalie GALVEZ

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sylvie PERDRIOLLE, présidente et par Nathalie GALVEZ, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [I] [D], né le [Date naissance 7] 1963 à [Localité 11] (Etats Unis), et Mme [R] [T], née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 10], se sont mariés le [Date mariage 4] 1991 par devant l'officier d'état civil de [Localité 8] , et ce sans contrat de mariage préalable.

De cette union, sont nés 2 enfants :

- [X], née la [Date naissance 1] 1992,

- [V], née le [Date naissance 6] 1994.

Autorisé par ordonnance de non conciliation du 3 avril 2003, Mme [R] [T] a assigné son époux en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Par un jugement contradictoire rendu le 6 juillet 2004, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a :

- prononcé le divorce aux torts partagés des époux avec toutes les conséquences légales,

- dit qu'à titre de prestation compensatoire, M. [I] [D] devra payer à Mme [R] [T] la somme de 60.000 euros,

- dit que la fiscalité attachée à la prestation compensatoire incombera au bénéficiaire,

- dit que les parents exercent en commun l'autorité parentale avec résidence habituelle chez la mère et droit de visite et d'hébergement du père classique,

- fixé la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation des enfants à la somme de 1.000 euros, soit 500 euros par enfant, avec indexation,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

Monsieur [D] a interjeté appel de cette décision le 6 août 2004.

Par un arrêt en date du 9 novembre 2005, la 24ème chambre section A de la cour d'appel de Paris a :

- confirmé la décision déférée sauf sur le montant de la prestation compensatoire, le droit de visite et d'hébergement du père pendant les vacances scolaires et sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants à compter du 11 mars 2005

- réformant la décision de ces chefs,

- condamné Monsieur [I] [D] à payer à Madame [R] [T] la somme de 40.000 euros à titre de prestation compensatoire,

-dit que sauf meilleur accord des parents, Monsieur [I] [D] exercera, hors période scolaire, son droit de visite et d'hébergement :

*pour les années scolaires débutant par les années impaires (2005/2006...) :

pendant la deuxième moitié des vacances de Noël, la totalité des vacances de Pâques, la deuxième moitié des vacances d'été,

*pour les années scolaires débutant les années paires (2006/2007 ....) :

pendant la totalité des vacances de la Toussaint, la première moitié des vacances de Noël, la totalité des vacances de février, la première moitié des vacances d'été,

- condamné Monsieur [I] [D] à payer à Madame [R] [T] au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, à compter du 11 mars 2005, la somme de 150 euros par mois et par enfant, et lui donne acte de son offre de régler, rétroactivement à compter de cette date, dès la liquidation de la communauté, 100 euros de plus par mois et par enfant, soit la somme de 250 euros par mois et par enfant au titre de cette contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, avec indexation,

- rejeté toutes demandes contraires ou plus amples des parties,

-laissé à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

M. [I] [D] a saisi la cour d'appel de Paris le 10 avril 2008 et Mme [R] [T], le 14 avril 2008, suite à un arrêt en date du 20 février 2008 rendu par la première chambre civile de la cour de cassation qui a cassé l'arrêt d'appel au motif suivant :

'Attendu que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et à celles de tous officiers publics ou ministériels dont la procédure requiert le concours ; que cette assistance doit constituer un droit concret et effectif '

'M. [F]..., titulaire de l'aide juridictionnelle accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Paris par décision du 19 septembre 2005 n 2005/19835, a été représenté à l'instance par la SCP Ribaut, avoué à la Cour '

'En cause d'appel, la présence d'un avoué assurant la représentation du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle dans l'accomplissement des actes de la procédure n'est pas exclusive de l'assistance d'un avocat, et que M. [I] [D], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, avait demandé le renvoi de l'affaire dans l'attente de la désignation d'un avocat, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés'.

Par ordonnance rendue sur incident, la cour d'appel de Paris a, le 23 octobre 2008 :

- supprimé à compter du 17 juin 2008 la pension alimentaire due à madame [T] au titre du devoir de secours,

-fixé à compter du 17 juin 2008, à la somme de 250 euros par enfant la contribution mensuelle à l'entretien des enfants,

- entériné l'accord des parties selon lequel maître [E], notaire, est autorisé à prélever et à payer à madame [T] sur la part de monsieur [D] dans le prix de vente séquestré chez lui les pensions arriérées et à venir qui seront dues en vertu de cette décision,

-dit qu'à compter de cette décision, le droit de visite de monsieur [D] à l'égard des enfants [X] et [V] s'exerce librement, en accord avec celles-ci.

Vu les conclusions de M. [I] [D] en date du 3 avril 2009 demandant à la cour de :

- recevoir M. [I] [D] en son appel et le déclarer bien fondé,

- débouter Mme [R] [T] de son appel incident,

- infirmer purement et simplement le jugement entrepris,

- déclarer irrecevable au vu de l'article 259-1 du code civil les courriels obtenus par fraude par Mme [T] sur lesquels elle prétend démontrer la liaison de M. [B] [D] avec Mme [H] et les écarter des débats,

- prononcer aux torts exclusifs de Mme [R] [T] le divorce,

- dire et juger que l'article 246 du code civil est inapplicable et rejeter la demande subsidiaire de Mme [R] [T] fondée sur cet article,

- dire et juger que le devoir de secours a pris fin au plus tard avec la signature le 26 juillet 2005 du bail commun avec M. [G] par application de l'article 283 ancien du code civil,

- condamner Mme [R] [T] à payer à M. [I] [D] la somme de 12.250 euros en remboursement des pensions perçues au titre du devoir de secours du 26 juillet 2005 au 17 juin 2008,

- dire et juger en conséquence, par application de l'article 280-1 ancien du code civil, que Mme [R] [T] ne peut prétendre à une prestation compensatoire,

- dire et juger en tout état de cause, après analyse des critères de l'article 274 du code civil, qu'il n'y a pas lieu d'allouer à Mme [R] [T] une quelconque prestation compensatoire,

- fixer le droit de visite et d'hébergement de M. [I] [D] en alternance les vacances de Noel et de Pâques et la totalité des grandes vacances,

- dire et juger qu'en raison de sa situation, il n'y a pas lieu de condamner M. [I] [D] à payer une quelconque participation à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants mineurs,

- condamner Mme [R] [T] à rembourser à M. [I] [D] les pensions perçues de ce chef, soit 43.003,66 euros quitte à parfaire,

- ou subsidiairement si la cour faisait droit à la demande de Mme [R] [T] et fixait à 250 euros par enfant la somme de 24.000 euros du 6 juillet 2004 au 17 juin 2008,

- donner acte à M. [I] [D] de ce qu'il s'engage à faire fixer cette contribution à l'entretien dès que sa situation financière se sera améliorée et en tout état de cause jusqu'à la date de majorité des enfants,

- ordonner la mention du divorce en marge de l'acte du mariage dressé le 21 mai 1991 à la mairie de [Localité 8] ainsi qu'en marge des actes de naissance de chacun des époux,

- ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,

- désigner Monsieur le Président de la chambre interdépartementale du notaire de Paris pour procéder à cette délégation et le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en cas de difficulté,

- condamner Mme [R] [T] à verser à M. [I] [D] la somme de 50.000 euros pour avoir abusivement écarté ses enfants de lui et de sa famille,

- condamner Mme [R] [T] à verser la somme de 30.000 euros en remboursement des frais irrépétibles engagés par M. [I] [D] avant qu'il n'obtienne l'aide judiciaire en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] [T] en tous les dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions de Mme [R] [T] en date du 09 avril 2009 demandant à la cour de :

- dire que l'appel de M. [I] [D] est recevable mais particulièrement mal fondé,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts partagés des époux,

A titre subsidiaire,

- dire que si par extraordinaire le divorce n'était pas prononcé sur le fondement de l'article 242 du code civil, il le serait pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement des articles 238, 246 du code civil et 33 II de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce,

Sur la prestation compensatoire,

- condamner M. [I] [D] à verser une prestation compensatoire de 40.000 euros à Mme [R] [T] en capital,

-dire et juger que ce capital pourra être prélevé sur les deniers communs consignés en l'étude de Maître [E], notaire à [Localité 15],

Concernant les enfants

- dire que le droit de visite et d'hébergement de M. [I] [D] s'exercera en accord avec les enfants âgés de 15 et 16 ans,

- rejeter les demandes d'élargissement du droit de visite et d'hébergement de M. [I] [D] en constatant que depuis l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 octobre 2008 aucun élément nouveau n'est survenu et en se référant à l'audition des enfants au cours de la mise en état,

- dire et juger que la contribution à l'entretien et à l'éducation est fixée à 250 euros pas mois et par enfant soit 500 euros au total,

- rejeter la demande de M. [I] [D] en remboursement des pensions alimentaires versées pour l'entretien et l'éducation des enfants en constatant que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 octobre 2008 a autorité de la chose jugée, qu'aucun élément nouveau ne justifie cette demande, que M. [I] [D] ne justifie pas de l'impossibilité de la payer,

- rappeler à M. [I] [D] que l'obligation alimentaire des parents envers leurs enfants ne cesse pas à leur majorité mais dure tant que leur état de besoin existe,

- indexer la pension alimentaire sur l'indice des prix à la consommation

- confirmer le jugement de divorce en toutes ses autres dispositions,

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [I] [D] non conforme,

- rejeter expressément la demande de M. [I] [D] visant à voir écarter les courriels, M. [I] [D] ne rapportant pas la preuve d'une fraude dans l'obtention de la pièce établissant son adultère,

- dire que l'article 283 du code civil est inapplicable en la cause et rejeter la demande de M. [I] [D] en paiement de la somme de 12.250 euros en remboursement des pensions alimentaires trop perçues au titre du devoir de secours en constatant que l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 octobre 2008 a autorité de la chose jugée,

- condamner M. [I] [D] à verser à Mme [R] [T] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] [D] en tous les dépens de première instance et d'appel.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 avril 2009 ;

CELA ETANT EXPOSÉ

Sur la procédure 

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. Les pièces du dossier ne font apparaître aucune fin de non recevoir susceptible d'être soulevée d'office.

La loi du 26 mai 2004 relative au divorce est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 ; les dispositions transitoires prévoient que l'appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables lors du prononcé de la décision de première instance ; en l'espèce, l'assignation ayant été délivrée antérieurement au 1er janvier 2005, ce sont les règles anciennes qui sont applicables.

Sur la communication des pièces 

Monsieur [D] demande que soient déclarés irrecevables les courriels imprimés le 4/1/2003 par lesquels madame [T] entend démontrer la liaison de monsieur [D] avec madame [H] au motif qu'ils ont été obtenus par fraude.

Il soutient à l'appui de sa demande que madame [T] a obtenu ces courriels en violation de la confidentialité des correspondances personnelles, et met en cause leur véracité.

Madame [T] s'oppose à cette demande au motif que ces courriels se trouvaient dans la mémoire de l'ordinateur familial auquel elle avait accès.

Monsieur [D] soutient que ces courriels lui étaient adressés à son adresse personnelle, madame [T] affirme qu'elle les a trouvés sur l'ordinateur se trouvant à leur domicile, auquel chaque membre de la famille avait librement accès.

Si ces courriels ont été adressés à monsieur [D] à son adresse personnelle, celui-ci ne rapporte pas la preuve que ces courriels ont été obtenus par fraude par madame [T], sur un ordinateur qui ne serait pas libre d'accès au domicile familial. D'autre part, l'envoi à monsieur [D] de ces messages sur son ordinateur personnel tend à établir leur exactitude. Sa demande sera rejetée.

Sur la demande de divorce 

Selon l'ancien article 242 du code civil, il appartient à chaque époux qui sollicite le divorce de prouver les faits imputables à l'autre qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérables le maintien de la vie commune.

Monsieur [D] allègue principalement le fait que madame [T] a quitté le domicile conjugal en 2003 et s'est installée avec monsieur [G], avocat sollicité pour leur divorce. Il conteste l'existence de liaisons entretenues par lui, telles que le soutient madame [T], et le harcèlement moral allégué par celle-ci.

Madame [T] reconnaît une liaison avec monsieur [G], avec qui elle vit depuis 2003, affirme avoir rencontré ce dernier au moment de leur séparation. Elle allègue principalement le fait que monsieur [D] avait eu une liaison avec madame [H], collègue de travail de ce dernier, ce qui a provoqué son départ, puis avec madame [L], le harcèlement psychologique dont il a fait preuve à son égard tout au long du mariage, ainsi que l'abandon de sa famille depuis leur séparation, celui-ci ne payant pas les contributions alimentaires dues.

Madame [T] reconnaît vivre avec monsieur [G] depuis 2003. Ce grief sera retenu.

Les échanges de courriels entre monsieur [D] et madame [H] entre le 23/12/2002 et le 3/1/2003 établissent l'existence d'une relation amoureuse entre ceux-ci. Les attestations de madame [A] et de monsieur [K], collègues de travail dans la même entreprise, font état de leurs sentiments qu'une liaison existait entre ceux-ci dès l'année 2001, ce qui corrobore les échanges de courriels.

En conséquence, ces faits suffisent à établir, sans qu'il soit utile d'examiner les autres griefs allégués, une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune par chacun des époux, et justifiant le prononcé du divorce aux torts partagés.

Sur la prestation compensatoire 

Selon l'ancien article 270 du code civil, sauf lorsqu'il est prononcé pour rupture de la vie commune, le divorce met fin au devoir de secours, mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives ; cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible.

Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération, notamment, l'âge et l'état de santé des époux, la durée du mariage, le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants, leur qualification et leur situation professionnelle au regard du marché du travail, leurs droits existants et prévisibles leur situation respective en matière de pension de retraite et leur patrimoine tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial.

Madame [T] soutient avoir suivi son mari lors de ses différents changements professionnels durant dix années, alors qu'elle avait fait les mêmes études que lui aux Etats Unis, et obtenu un double MBA, et s'être principalement consacrée à l'éducation des enfants. Ce dernier a eu une vie professionnelle ponctuée d'incessants changements et déménagements, ce qui l'a contrainte à renoncer à toute activité professionnelle. Elle a notamment suivi son mari en Italie, ce dernier ayant la double nationalité américaine et italienne. Elle n'a repris un emploi qu'au moment où elle a entamé une procédure de divorce, commençant comme vendeuse dans un magasin de vêtements Yohji Yamamoto, puis faisant une carrière dans cette entreprise avant de changer d'employeur pour intégrer le groupe Adidas.

Elle soutient que monsieur [D] qui est contrôleur de gestion et trilingue, peut retrouver une activité professionnelle sans difficulté contrairement à ses allégations, et que, certainement, ainsi que l'établit son site internet, il doit avoir une activité de consultant, mais organise son insolvabilité en raison de cette procédure.

Elle expose qu'elle fait partie d'une fratrie de trois enfants, que ses parents leur ont donné la nue propriété de leur maison située en Charentes à leurs enfants, que ces derniers ne sont pas soumis à l'ISF. Elle déclare que la mère de monsieur [D] est propriétaire à [Localité 12] d'un immeuble ayant appartenu à [C] et estimé à 1.200.000 euros. Son père est chirurgien esthétique à [Localité 14], possède des immeubles à [Localité 14], dont un appartement sur la 6ème avenue où loge celui-ci.

Monsieur [D] s'oppose à cette demande. Il expose que madame [T] n'a pas sacrifié sa carrière mais a accepté l'investissement professionnel de son mari, et n'a pas recherché d'emploi après son licenciement en 1992.

Il explique qu'il lui a été difficile de retrouver un emploi salarié aux Etats Unis, après avoir vécu en Europe, qu'au contraire c'est madame [T] qui aujourd'hui a développé une carrière professionnelle. S'il a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 64.702 euros bruts, il a du rembourser une somme de 27.200 euros aux Assedic, et rembourser ses dettes.

Il déclare n'avoir aucun revenu à ce jour, ainsi qu'en atteste le comptable de sa société, avoir une retraite qui va être plus faible vu son absence de revenus depuis 2006, et n'avoir aucun patrimoine, à ce jour, les espérances successorales ne pouvant être prises en compte.

Il souligne que madame [T] vit avec monsieur [G] avec qui elle dit vouloir se remarier.

Le mariage a duré 18 ans. Monsieur [D] est né en 1963, madame [T] en 1965, ils ont deux enfants. Madame [T] et monsieur [D] ont communiqué une déclaration sur l'honneur.

Monsieur [D] et madame [T], qui se sont rencontrés à [Localité 14] lors de leurs études et ont le même niveau de qualification universitaire, sont venus en France en 1990, se sont mariés en 1991. Madame [T] qui était consultante junior a fait l'objet d'un licenciement économique en 1992.

Monsieur [D] a travaillé dans le cabinet Ernst et Youg, puis chez Thomson Multimedia, comme auditeur interne. En septembre 1994, il a été muté à [Localité 13] où il a déménagé avec sa famille, est revenu en juin 1996 à [Localité 15], sa famille s'installant en attendant en Charente, puis est reparti en août 1996 à [Localité 9] avec sa famille, sur un nouvel emploi, pour revenir en France en aout 1998. Il dit être parti à [Localité 14] rechercher un emploi, puis revenu à [Localité 15] où il a travaillé à compter d'août 2000 chez Géosport. Licencié en janvier 2002, il tentait de créer une société.

Il ressort des pièces communiquées que madame [T] a déclaré des revenus annuels d'un montant de 51.909 euros en 2007, de 63.600 euros en 2008. Elle déclare être nue propriétaire en indivision familiale d'une maison sise en Charente, estimée à la somme de 58.000 euros, d'un appartement à [Localité 15] avec son père à hauteur de 25%, soit un montant de 50.000 euros.

Monsieur [D] a déclaré un revenu annuel d'un montant de 97.989 euros en 2001, de 59.069 euros en 2004, madame [T] de 19.743 euros en 2001, de 24.649 euros en 2003, de 25.336 euros en 2004. Celui-ci a perçu des allocations de retour à l'emploi d'un montant de 59.069 euros en 2004, a perçu des indemnités suite à son licenciement d'un montant total de 70.606,68 euros suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 13/1/2005.

Madame [T] a un loyer d'un montant de 1.630 euros dont elle partage les charges, monsieur [D] habite dans un appartement dont son père est propriétaire.

Les époux étaient propriétaires en commun d'un appartement dont le solde de vente est estimé à la somme de 143.000 euros pour chacun. Il ne sera pas tenu compte des espérances successorales, celles-ci étant par définition imprévisibles.

Quels que soient les motifs qui ont entraîné les successions d'emploi de monsieur [D], raisons économiques ou personnelles, il convient de retenir que madame [T], qui avait le même niveau de qualification professionnelle que monsieur [D], a consacré son temps à l'éducation des enfants et à sa famille de 1992 à 2001, acceptant l'investissement professionnel de son mari, ainsi que le dit celui-ci dans ses écritures. Cette décision commune aura des conséquences sur ses droits à la retraite.

Il sera aussi retenu que si madame [T] a à ce jour de nouveau des revenus correspondant à sa qualification professionnelle, elle a recommencé une carrière en débutant comme vendeuse avec un salaire trois fois moindre.

Monsieur [D] produit les attestations de monsieur [J] [D], son père, qui certifie l'héberger chez lui, vu son absence de revenus, et une attestation comptable de monsieur [S] qui certifie qu'il n'a pas eu de revenus de la société Chokti Inc. en 2006 et 2007.

Cependant le profil publié par celui-ci sur internet fait état du fait qu'il a été consultant indépendant. Alors qu'il s'est déclaré sans ressources en 2005 et a perçu les allocations de revenu minimum et de solidarité, les photographies publiées sur internet de décembre 2006 et janvier 2007 montrent qu'il participait à diverses manifestations à [Localité 14] dans un cadre requérant des ressources financières importantes. Le train de vie qu'il affiche sur les différents sites internet implique des ressources importantes, quelle que soit leur origine.

En conséquence, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle constate que le divorce crée une disparité dans les conditions de vie respectives au détriment de madame [T]. Monsieur [D] devra payer à ce titre la somme de 40.000 euros à madame [T].

Sur le devoir de secours 

Monsieur [D] demande la suppression du devoir de secours à compter 26 juillet 2005.

Cette demande sera rejetée, le divorce mettant fin au devoir de secours, la cour n'est pas compétente pour statuer de ce chef. Il sera rappelé que par ordonnance d'incident du 23 octobre 2008, le conseiller de la mise en état a supprimé à compter du 17 juin 2008 la pension alimentaire due au titre du devoir de secours.

Sur l'exercice du droit d'hébergement 

Aux termes des articles 371 et suivants du code civil, les père et mère, qu'ils soient séparés ou non, exercent en commun l'autorité parentale, ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant, destiné à le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

A défaut d'accord entre les parents, le juge doit organiser les modalités d'exercice de l'autorité parentale, en prenant en considération les différents éléments énumérés, de façon non limitative, par l'article 373-2-11 du code civil, à savoir la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues par l'article 388-1 du code civil, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre parent, et les renseignements fournis par les expertises et enquêtes effectuées.

Monsieur [D] demande que son droit de visite et d'hébergement soit fixé les vacances de Noel et de Pâques en alternance et la totalité des grandes vacances scolaires. Il expose qu'il n'a pas revu ses filles depuis plusieurs années et que les enfants ont été instrumentalisées par leur mère.

Madame [T] demande que ce droit de visite et d'hébergement s'exerce de manière libre compte tenu de l'âge des enfants. Elle expose qu'il leur a peu rendu visite en 2005 alors qu'il habitait encore en France, et qu'elle même souhaitait qu'il soit plus présent à leur égard, qu'il les a gardés en 2005 à [Localité 14] au-delà du temps prévu, ce qui a créé pour les enfants un vrai traumatisme.

[X] et [V] ont été entendues par le conseiller chargé de la mise en état préalablement à la décision du 23/10/2008. Elles n'ont pas de relation avec leur père depuis août 2006, date à laquelle un incident les a opposées à leur père au cours duquel celui-ci leur aurait fait écrire qu'elles ne voulaient plus le voir.

Au regard de l'âge des enfants, et de l'absence de relation entretenue avec leur père depuis 2006, il sera dit que le droit d'hébergement de monsieur [D] sera fixé librement, en accord avec celles-ci.

Sur la contribution à l'entretien des enfants 

En vertu de l'article 371-2 du code civil, chaque parent doit participer à l'entretien et à l'éducation des enfants en fonction de ses ressources, de celles de l'autre parent et des besoins de l'enfant. Cette obligation subsiste tant que l'enfant n'est pas capable de subvenir seul à ses besoins.

Monsieur [D] demande la suppression de la contribution et la restitution des sommes perçues par madame [T], et à titre subsidiaire la rétroactivité de la diminution de son montant.

Madame [T] s'oppose à ces demandes, au motif qu'il ne démontre pas qu'il n'a pas de revenus à ce jour, et rappelle qu'il possède un patrimoine, soit la moitié du solde de la vente de l'appartement commun.

Au regard des besoins des enfants et des revenus, patrimoine et charges respectifs rappelés ci-dessus, il sera dit que monsieur [D] doit la somme de 250 euros par mois, par enfant, ce à compter du 17 juin 2008, date de la demande de monsieur [D] devant le conseiller de la mise en état.

Sur la demande de dommages et intérêts 

Monsieur [D] demande la somme de 50.000 euros au motif que madame [T] l'a écarté abusivement de ses enfants.

Madame [T] produit des courriers de 2004 et 2005 établissant qu'elle a fait des propositions quant à l'organisation des vacances scolaires, et n'a pas fait obstacle à l'exercice du droit de visite.

Si monsieur [D] communique une attestation, celle de madame [Z], et des courriels établissant qu'il se soucie du devenir de ses enfants et leur porte attention, il ne communique pas de pièces à l'appui de ses dires et ne rapporte pas la preuve que madame [T] l'aurait écarté volontairement des enfants et lui aurait ainsi créé un préjudice. Sa demande sera en conséquence rejetée.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera ses dépens d'appel, compte tenu du caractère familial du litige.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Confirme les dispositions de la décision déférée, à l'exception des dispositions relatives au montant de la prestation compensatoire, au montant de la contribution à l'entretien des enfants, à l'exercice du droit d'hébergement,

Statue de nouveau dans cette limite,

Dit que monsieur [D] doit payer la somme de 40.000 euros à madame [T] au titre de la prestation compensatoire, et le condamne en tant que de besoin, au paiement de cette somme,

Dit que monsieur [D] exerce son droit de visite et d'hébergement librement sur [X] et [V], en accord avec ces dernières,

Dit que monsieur [D] doit payer la somme de 250 euros par enfant, à compter du 17/6/2008, au titre de la contribution mensuelle à leur entretien, et à leur éducation, et l'y condamne en tant que de besoin,

Dit que cette pension sera due jusqu'à la majorité de l'enfant et en cas d'études jusqu'à la fin de celles-ci à charge d'en justifier chaque année,

Dit que cette pension variera d'office ou sera automatiquement révisée le 1er juillet de chaque année en fonction des variations de l'indice des prix à la consommation pour l'ensemble des ménages, hors tabac, publié mensuellement par l'INSEE, et pour la première fois le 1er juillet 2010,

Rejette les autres demandes,

Laisse à chaque partie les dépens d'appel exposés par elle.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 08/06358
Date de la décision : 18/06/2009

Références :

Cour d'appel de Paris E3, arrêt n°08/06358 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-06-18;08.06358 ?
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