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18/01/2011 | FRANCE | N°09-17425

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 janvier 2011, 09-17425


Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 8 octobre 2009), que pour financer le prix d'acquisition d'un fonds de commerce de restaurant et le coût des travaux, la Banque San Paolo, devenue Banque Palatine (la banque), a consenti à la société Il Vicolo (la société), alors en cours de constitution, représentée par ses deux associés fondateurs, Mme X... et M. Y... (les associés), un prêt global de 4 100 000 francs (625 040, 97 euros), réparti en deux tranches, dont l'une de 3 000 000 francs (457 347, 05 euros), remboursable in fine en capital sur une durée de dix ans ; que

l'acte de prêt prévoyait outre le nantissement du fonds de co...

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 8 octobre 2009), que pour financer le prix d'acquisition d'un fonds de commerce de restaurant et le coût des travaux, la Banque San Paolo, devenue Banque Palatine (la banque), a consenti à la société Il Vicolo (la société), alors en cours de constitution, représentée par ses deux associés fondateurs, Mme X... et M. Y... (les associés), un prêt global de 4 100 000 francs (625 040, 97 euros), réparti en deux tranches, dont l'une de 3 000 000 francs (457 347, 05 euros), remboursable in fine en capital sur une durée de dix ans ; que l'acte de prêt prévoyait outre le nantissement du fonds de commerce, le cautionnement solidaire des associés, le blocage des comptes courants d'associés à hauteur de 200 000 francs (30 489, 80 euros), le placement des fonds des associés d'un montant total de 1 500 000 francs (228 673, 52 euros) sur deux contrats d'assurance-vie nantis au profit de la banque et la souscription de contrats d'assurance invalidité, incapacité et décès ; que la société et les associés en leur qualité de cautions ont assigné la banque en responsabilité en invoquant notamment un manquement à son obligation d'information et de conseil dans le montage de l'opération de financement de rachat du fonds de commerce ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour faute dans son obligation de conseil, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en jugeant que la société, représentée par ses associés fondateurs, n'était pas un emprunteur averti des conséquences de la souscription d'un prêt in fine destiné à l'acquisition et au réaménagement d'un fonds de restauration, aux motifs que « si M. Y... pouvait connaître, de par sa profession, les caractéristiques du prêt in fine, ce prêt étant surtout utilisé en matière de promotion immobilière, il ignorait toutefois l'économie de la restauration » et qu'il « n'est pas justifié par la banque que Mme X... était une femme d'affaires expérimentée, sa spécialité se trouvant exclusivement dans la pratique de la restauration », soit par des motifs établissant au contraire que la société était représentée par ses associés dont les compétences conjuguées faisaient d'elle un emprunteur averti tant en matière de prêt in fine qu'en matière d'économie de la restauration, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en jugeant que la banque aurait commis une faute lors de la conclusion du prêt en n'attirant pas l'attention de la société et de ses deux associés sur la supposée inadaptation du prêt consenti aux besoins de la société « si les résultats de la société ne s'avéraient pas aussi prometteurs que le laissait entrevoir l'analyse financière réalisée avant la signature du contrat », sans constater qu'elle n'aurait pas été mise en garde ni qu'il y aurait eu lieu de la mettre en garde au regard de ses capacités financières et de risques d'endettement né de l'octroi des prêts, le seul préjudice invoqué étant, pour la société, de s'être prétendument engagée à payer plus d'intérêts que ce qu'un autre montage aurait permis, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'en jugeant que le contrat de prêt conclu avait obligé la société à emprunter davantage que ce qu'elle aurait autrement emprunté compte tenu du fait que ses associés disposaient d'une somme de 1, 5 millions de francs qu'ils auraient pu verser en compte courant lors de l'acquisition du fonds et non placer en assurance vie comme ils l'ont fait, sans répondre aux écritures de la banque alléguant que le placement de la somme de 1, 5 millions de francs en assurance vie, plutôt que de l'avancer en compte courant à la société, était notamment justifié lors de la conclusion du contrat par des considérations fiscales, l'avance en compte courant ne permettant pas à la société de déduire de ses bénéfices les intérêts versés aux associés lorsque les avances excèdent une fois et demie le montant du capital social, conformément à ce que dispose l'article 212 du code général des impôts, et les mêmes intérêts ayant pour les associés le caractère de revenus de parts sociales, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en jugeant que le contrat de prêt in fine n'était pas justifié sans répondre aux écritures de la banque alléguant que ce prêt avait également pour finalité d'alléger les remboursements mensuels de l'emprunteur, qui selon la propre étude provisionnelle établie par l'expert-comptable de la société avant la conclusion du contrat se seraient élevés à la somme de 40 000 francs par mois et non à celle de 17 032 francs par mois retenue par le jugement entrepris, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que lors de la souscription du prêt, la société, en cours de constitution, n'avait aucune expérience et ses deux associés fondateurs étaient profanes l'un, en matière financière et l'autre, en matière d'économie de la restauration, de sorte qu'ils ne pouvaient, en l'absence de conseils justifiés de la banque, connaître les risques inhérents à cette opération financière si les résultats de la société, dans une activité à risque et fortement fluctuante, ne s'avéraient pas aussi prometteurs que le laissait entrevoir l'analyse financière ; qu'il relève encore que le montage de l'opération de financement, opéré à l'initiative de la banque, apparaît fort surprenant, la souscription de prêts remboursables in fine n'étant généralement proposée que dans les opérations qui se dénouent en totalité à la date du remboursement unique du prêt, alors qu'il n'était pas allégué que la société ait eu l'intention de céder le fonds de commerce à l'échéance et qu'il n'avait jamais été envisagé que les fonds nécessaires au remboursement seraient obtenus intégralement par le produit des deux contrats d'assurance-vie ; qu'il relève enfin que si la société avait utilisé les fonds des associés et souscrit un prêt amortissable d'un montant de 1 500 000 francs (228 673, 52 euros), les mensualités auraient été d'un montant pratiquement identique à celles résultant du prêt in fine de 3 000 000 francs (457 347, 05 euros), où le capital restait dû à l'échéance ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société était un emprunteur non averti et que, lors de la souscription de ce prêt in fine manifestement inadapté, la banque lui a fait prendre, sans la mettre en garde, un risque financier totalement inutile et excessif, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à la société et aux associés en leur qualité de cautions la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, alors, selon le moyen, que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision judiciaire équivaut à un défaut de motifs ; qu'en condamnant dans le dispositif de sa décision la banque à verser à la société, aux associés en leur qualité de cautions la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel après l'avoir uniquement condamnée, dans les motifs de ladite décision, à payer aux associés en leur qualité de cautions la somme de 1 000 euros à ce titre, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'erreur matérielle n'est pas un cas d'ouverture à cassation et ne peut être réparée que selon la procédure prévue par l'article 462 du code de procédure civile ; que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Banque Palatine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Banque Palatine

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BANQUE PALATINE à payer à la société IL VICOLO la somme de 80. 000 € à titre de dommages-intérêts pour faute dans son obligation de conseil ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « sur la faute alléguée dans le montage de l'opération de financement du fonds de commerce, il est constant que la Banque a proposé l'octroi de deux prêts :- un prêt remboursable sur huit ans, prêt classique,- un prêt remboursable in fine dans dix ans, les emprunteurs ne payant mensuellement que les intérêts et les fonds disponibles des deux associés étant placés dans deux contrats d'assurance vie ; qu'il est constant qu'aucune somme n'est en l'état due par la société, cette dernière étant à jour de ses mensualités ; que reste toutefois pour la société la part la plus importante à l'issue de l'expiration du délai de 10 ans soit la somme en capital due au titre du prêt in fine ; que les emprunteurs ont sans contestation possible contracté dans un but professionnel ; que force est de constater toutefois que la société était en cours de constitution ; que les personnes physiques Mme X... et M. Y... futurs associés de la société, étaient l'une chef de rang l'autre agent immobilier ; que si M. Y... pouvait connaître, de par sa profession, les caractéristiques du prêt in fine, ce prêt étant surtout utilisé en matière de promotion immobilière, il ignorait toutefois l'économie de la restauration ; que Mme X... et M. Y... ne pouvaient dès lors en l'absence de conseils justifiés de la Banque, connaître les risques inhérents à cette opération financière si les résultats de la société ne s'avéraient pas aussi prometteurs que le laissait entrevoir l'analyse financière réalisée avant la signature du contrat et alors qu'on se trouvait dans une activité à risque et fortement fluctuante comme la restauration ; qu'il est constant que la société connaît aujourd'hui des difficultés et que les emprunteurs, face à une situation comptable déficitaire, auront de sérieuses difficultés à s'acquitter du capital dû ; que la Banque ne conteste pas ne pas avoir mis en garde Mme X... et M. Y... les considérant, à la différence du Tribunal comme de la Cour, comme emprunteurs avertis ; qu'il ne peut être retenu par ailleurs qu'ils étaient assistés avant la signature du contrat par leur comptable, ce professionnel n'étant intervenu que postérieurement à la signature du contrat ; que dès lors en proposant ce prêt in fine sans justifier qu'elle a rempli à l'égard de Mme X... et de M. Y... son obligation de conseil en les informant des risques alors que Mme X... était profane en matière financière et M. Y... en matière d'économie de la restauration, la Banque a commis une faute dont elle doit réparation, d'autant que, comme l'a relevé à juste titre le Tribunal, il n'est aucunement allégué que la société Il Vicolo et ses associés avaient l'intention de céder leur fonds au bout de dix ans, ce qui leur aurait permis de rembourser l'emprunt en une seule fois et d'autant que la Banque a admis en cause d'appel, dans ses écritures, qu'il n'a jamais été envisagé que les fonds nécessaires au remboursement seraient obtenus intégralement par le produit des deux contrats d'assurance vie ; que ce prêt faisait courir un risque excessif aux emprunteurs qui n'en ont pas été avertis car il les obligeait à emprunter plus alors qu'ils disposaient d'une somme qu'ils auraient pu verser lors de l'acquisition du fonds et non placer, comme ils l'ont fait à la demande de la Banque et que le prêt in fine est très rarement utilisé pour financer l'achat d'un fonds de commerce et en outre manifestement inadapté » ;
ALORS en premier lieu QU'en jugeant que la société IL VICOLO, représentée par ses associés fondateurs Monsieur Y... et Madame X..., n'était pas un emprunteur averti des conséquences de la souscription d'un prêt in fine destiné à l'acquisition et au réaménagement d'un fonds de restauration, aux motifs que « si M. Y... pouvait connaître, de par sa profession, les caractéristiques du prêt in fine, ce prêt étant surtout utilisé en matière de promotion immobilière, il ignorait toutefois l'économie de la restauration » (arrêt, p. 6 § 2) et qu'il « n'est pas justifié par la Banque que Mme X... était une femme d'affaires expérimentée, sa spécialité se trouvant exclusivement dans la pratique de la restauration » (ibid.), soit par des motifs établissant au contraire que la société IL VICOLO était représentée par ses associés dont les compétences conjuguées faisaient d'elle un emprunteur averti tant en matière de prêt in fine qu'en matière d'économie de la restauration, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1147 du Code civil ;
ALORS en deuxième lieu QU'en jugeant que la société BANQUE PALATINE aurait commis une faute lors de la conclusion du prêt en n'attirant pas l'attention de la société IL VICOLO et de ses deux associés sur la supposée inadaptation du prêt consenti aux besoins de la société IL VICOLO « si les résultats de la société ne s'avéraient pas aussi prometteurs que le laissait entrevoir l'analyse financière réalisée avant la signature du contrat » (arrêt, p. 6 § 2), sans constater qu'elle n'aurait pas été mise en garde ni qu'il y aurait eu lieu de la mettre en garde au regard de ses capacités financières et de risques d'endettement né de l'octroi des prêts, le seul préjudice invoqué étant, pour la société IL VICOLO, de s'être prétendument engagée à payer plus d'intérêts que ce qu'un autre montage aurait permis, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS en troisième lieu QU'en jugeant que le contrat de prêt conclu avait obligé la société IL VICOLO à emprunter davantage que ce qu'elle aurait autrement emprunté compte tenu du fait que ses associés disposaient d'une somme de 1, 5 millions de francs qu'ils auraient pu verser en compte courant lors de l'acquisition du fonds et non placer en assurance vie comme ils l'ont fait, sans répondre aux écritures de la société BANQUE PALATINE alléguant que le placement de la somme de 1, 5 millions de francs en assurance vie, plutôt que de l'avancer en compte courant à la société IL VICOLO, était notamment justifié lors de la conclusion du contrat par des considérations fiscales, l'avance en compte courant ne permettant pas à la société de déduire de ses bénéfices les intérêts versés aux associés lorsque les avances excèdent une fois et demie le montant du capital social, conformément à ce que dispose l'article 212 du Code général des impôts, et les mêmes intérêts ayant pour les associés le caractère de revenus de parts sociales (conclusions, p. 13), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS en quatrième lieu QU'en jugeant que le contrat de prêt in fine n'était pas justifié sans répondre aux écritures de la société BANQUE PALATINE alléguant que ce prêt avait également pour finalité d'alléger les remboursements mensuels de l'emprunteur, qui selon la propre étude provisionnelle établie par l'expert-comptable de la société IL VICOLO avant la conclusion du contrat se seraient élevés à la somme de 40. 000 F par mois et non à celle de 17. 032 F par mois retenue par le jugement entrepris (conclusions, p. 14), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la BANQUE PALATINE à verser à la SARL IL VICOLO, à Madame X... et à Monsieur Y... la somme de 1. 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « l'équité commande d'allouer aux consorts X...-Y... la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel » ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision judiciaire équivaut à un défaut de motifs ; qu'en condamnant dans le dispositif de sa décision la BANQUE PALATINE à verser à la SARL IL VICOLO, à Madame X... et à Monsieur Y... la somme de 1. 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel après l'avoir uniquement condamnée, dans les motifs de ladite décision, à payer aux consorts X...-Y... la somme de 1. 000 € à ce titre, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-17425
Date de la décision : 18/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 jan. 2011, pourvoi n°09-17425


Composition du Tribunal
Président : Mme Pinot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.17425
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