LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., affilié au régime général puis, de décembre 1999 à janvier 2005, à la caisse des Français de l'étranger, a demandé à la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie (la caisse) le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; que cette caisse ayant déterminé le montant de l'allocation sur la base des salaires perçus par l'intéressé de novembre 1998 à novembre 1999, celui-ci a saisi une juridiction de sécurité sociale en demandant que soient pris en compte les salaires perçus au cours de sa dernière année d'activité ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 41 II de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu que selon ce texte, l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante est calculée en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire ;
Attendu que pour rejeter le recours de M. X..., l'arrêt retient que la caisse des Français de l'étranger ne contribue pas au financement de cette allocation ; que le régime de cette caisse, facultatif et volontaire, est totalement indépendant du régime général de la sécurité sociale ; qu'elle est financée par les seules cotisations de ses adhérents ; que M. X... n'a donc pas cotisé au régime général de la sécurité sociale lorsqu'il travaillait à l'étranger ; que dès lors, les salaires qu'il a perçus durant la période où il était affilié à la caisse des Français de l'étranger ne devaient pas être pris en compte dans le calcul de son allocation de cessation anticipée d'activité ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par M. X... au titre du manque à gagner qu'il aurait subi du fait de l'erreur de droit commise par la caisse quant au calcul de ses droits à l'allocation, l'arrêt retient qu'il n'avait formulé aucune demande indemnitaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et que sa nouvelle demande doit être jugée irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, puisqu'elle n'a pas pour objet d'opposer compensation, de faire écarter des prétentions adverses ni de faire juger une question née de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette demande constituait l'accessoire de celle soumise au tribunal, de sorte qu'elle était recevable bien que formulée pour la première fois en cause d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Fabrice X... de sa demande tendant à voir prise en considération, pour le calcul de son allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le salaire moyen des douze derniers mois de son activité salariée, eût-elle été déployée à l'étranger et donné lieu au paiement de cotisations à la Caisse des Français à l'étranger, et non au régime général ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas contesté que M. X... avait droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévue à l'article 41-I de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; que le paragraphe II de ce même article prévoit que le montant de cette allocation est calculé en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire ; que le paragraphe III de cet article mentionne que les ressources du Fonds chargé de financer cette allocation sont constituées d'une fraction du produit du droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts, d'une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnels du régime général de la sécurité sociale et d'une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime des salariés agricoles ; que la Caisse des Français à l'Etranger ne contribue pas au financement de cette allocation ; que le régime de cette Caisse, facultatif et volontaire, est totalement indépendant du régime général de la sécurité sociale ; qu'elle est financée par les seules cotisations de ses adhérents ; que M. X... n'a donc pas cotisé au régime général de la sécurité sociale lorsqu'il travaillait à l'étranger ; que dès lors, les salaires qu'il a perçus durant la période où il était affilié à la Caisse des Français à l'Etranger ne devaient pas être pris en compte dans le calcul de son allocation de cessation anticipée d'activité ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. X... ne conteste pas qu'il avait le statut de travailleur expatrié à partir de décembre 1999 jusqu'au mois de janvier 2005, tant qu'il travaillait au Nigéria et en Ethiopie pour le compte de la société Matex, société de droit français ; que l'article 2 du décret du 29 mars 1999 pris en application de la loi du 23 décembre 1998 relative au financement de la sécurité sociale pour 1999 dispose que : « le salaire de référence servant de base à la détermination de l'allocation … est fixé d'après les rémunérations visées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale perçues par l'intéressé au cours de ses douze derniers mois d'activité salariée » ; que l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale définit l'assiette des cotisations du régime général des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales ; que la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, relative au financement de la sécurité sociale pour 1999 dispose, en son paragraphe III : « il est créé un fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, chargé de financier l'allocation visée au paragraphe I. Ces ressources sont constituées d'une fraction égale à 0,31 % du produit du droit de consommation prévue à l'article 575 du code général des impôts, d'une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale et d'une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime des salariés agricoles dont le montant est fixé chaque année par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture » ; que la Caisse des français à l'étranger est un régime facultatif d'assurance volontaire différent du régime général, auquel M. X... n'a pas cotisé durant la période litigieuse puisqu'il était soumis au régime des travailleurs expatriés ; qu'il résulte de l'article précité que le fonds créé, afin de permettre le versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, est financé exclusivement par des recettes fiscales, par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale et par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime des salariés agricoles ; que la Caisse des français de l'étranger ne contribue donc pas financièrement au fonds de garantie ; qu'en conséquence, M. X..., qui n'a pas cotisé au régime général de la sécurité sociale durant sa dernière année d'activité, ne peut se voir accorder par extension ou assimilation des droits dont le financement est assuré par d'autres régimes que celui auquel il était affilié ;
ALORS QUE l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante est calculée en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze derniers mois d'activité salariée, quel que soit le régime auquel l'intéressé a été affilié au cours de cette même période ; qu'en conséquence, devaient être pris en considération, pour le calcul de l'allocation due à M. X..., les revenus que lui avaient procurés les douze derniers mois de l'activité salariée qu'il avait déployée, peu important que pendant cette période de référence, il ait été détaché à l'étranger par son employeur et assujetti en conséquence, non point au régime général, mais au régime des travailleurs salariés expatriés et affiliés comme tels à la Caisse des français à l'étranger et peu important également que cette Caisse ne figure pas au nombre des organismes sociaux qui alimentent le fonds chargé de financer l'allocation ; qu'en décidant le contraire, la cour viole, par refus d'application, l'article 41-II de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. Fabrice X... irrecevable en sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE M. X... n'avait formulé aucune demande indemnitaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que sa nouvelle demande doit être jugée irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, puisqu'elle n'a pas pour objet d'opposer compensation, de faire écarter des prétentions adverses, ni de faire juger une question née de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;
ALORS QUE les parties peuvent toujours, en cause d'appel, ajouter aux prétentions soumises aux premiers juges toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément ; qu'en déclarant irrecevable la demande indemnitaire formée par M. X... pour obtenir réparation du manque à gagner qu'il subissait du fait de l'erreur de droit commise par la Caisse régionale d'assurance maladie de Normandie quant au calcul de ses droits à l'allocation, quand cette demande constituait tout à la fois l'accessoire, la conséquence et le complément de la demande principale, déjà soumise aux premiers juges, tendant à avoir calculer l'allocation de cessation anticipée d'activité à laquelle il pouvait prétendre sur la base du salaire brut moyen qu'il avait perçu au cours de ses douze derniers mois d'activité salariée, la cour viole, par refus d'application, les articles 12 et 566 du code de procédure civile et, par fausse application, l'article 564 du même code.