LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les productions, que M. X..., devenu propriétaire par héritage d'un terrain donné à bail commercial à la société Guiol et compagnie en 1972 pour une durée de quarante-neuf ans par sa mère donataire de ce bien, décédée en 1986, a appris, à l'occasion d'une instance en annulation de ce bail, dont il a été débouté, par jugement du 21 septembre 1998, que le preneur avait, sans son concours, sous-loué ce terrain à une autre société pour un loyer très supérieur à celui du bail principal ; qu'il a alors confié à M. Y..., avocat, la défense de ses intérêts en vue d'engager contre la société Guiol une action en réajustement du loyer du bail principal et en réparation du dommage causé par la sous-évaluation de ce loyer ; que M. X... et son avocat ont signé à cette occasion le 7 juin 1999 une convention d'honoraires prévoyant notamment un honoraire complémentaire de résultat ; que durant le cours de cette instance introduite par l'avocat le 27 juin 2001, et alors que par arrêt du 4 avril 2004, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi de la société Guiol et compagnie contre l'arrêt confirmatif de la cour d'appel déclarant l'action recevable et ordonnant avant dire droit une expertise, M. X... a trouvé un acquéreur auquel il a, par acte du 15 février 2007, vendu le terrain et cédé le bail principal, en concluant le même jour avec la société Guiol et compagnie un avenant fixant un nouveau prix du loyer ainsi que le montant d'un dédommagement de la sous-évaluation de ce loyer pour la période ayant couru du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2006 ; que l'instance introduite le 27 juin 2001 a fait l'objet d'un désistement constaté par jugement du 11 septembre 2007 ; que M. Y... ayant adressé le 23 mai 2007 à son client une note d'honoraires, M. X... l'a contestée en ce qu'elle incluait dans le calcul de l'honoraire complémentaire de résultat le prix de vente du terrain ; que l'avocat a saisi le bâtonnier de l'ordre de cette contestation ;
Attendu que pour fixer à la somme de 98 456,41 euros le montant des honoraires dus à M. Y..., incluant la somme de 79 837,84 euros au titre de l'honoraire complémentaire de résultat, l'ordonnance énonce qu'a été passée le 7 juin 1999 une convention d'honoraires prévoyant, outre un honoraire forfaitaire, un honoraire de résultat d'un montant de 8 % : soit de "toutes sommes encaissées au profit du demandeur", soit "de la valeur des biens immobiliers obtenus" ; que cette alternative démontre que le litige relatif à l'arriéré et à la revalorisation du loyer commercial n'était pas la seule mission de l'avocat, ce que confirme l'article 1er, alinéa 5, de la convention selon lequel il est donné mission à l'avocat " d'obtenir le dédommagement le plus large possible ou la restitution du terrain" ; que l'unique objet de la présente procédure est de déterminer si l'honoraire de résultat doit seulement porter sur le montant des loyers, ainsi que le soutient le requérant, ou s'il doit également porter sur le prix de vente du terrain, ainsi que le prétend l'avocat ; que si M. Y... n'avait pas pour mission de vendre le terrain et qu'il est d'ailleurs resté étranger à la transaction, il n'est cependant pas sérieusement contestable que le prix de cession obtenu par M. X... a été nécessairement plus élevé qu'il ne l'aurait été si la procédure ne s'était pas soldée par un succès, même dans le cadre d'une transaction, succès qui n'est pas contesté par le client puisqu'il a réglé l'honoraire de résultat correspondant à la revalorisation du loyer commercial et que le prix de vente doit donc être inclus dans l'assiette de l'honoraire de résultat, faisant partie des "sommes encaissées" par M. X... grâce à l'intervention de l'avocat ;
Qu'en étendant ainsi l'application de l'honoraire complémentaire de résultat à la vente du terrain après avoir constaté que l'avocat n'avait apporté son concours ni à cette vente ni à l'avenant transactionnel au bail y incluant l'augmentation du prix du loyer et le dédommagement dû pour le loyer antérieur sous-évalué, et alors que la convention n'autorisait un tel honoraire complémentaire qu'au résultat des seules actions en recouvrement d'arriérés de loyers, en réajustement du loyer primitif et en réparation du dommage consécutif à la sous-évaluation de ce loyer, pour lesquelles l'avocat avait été mandaté, le premier président a violé le premier des textes susvisés et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du second ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 10 juin 2009, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour M. X...
IL EST REPROCHE A L'ORDONNANCE CONFIRMATIVE ATTAQUEE D'AVOIR fixé à la somme de 98.456,41 € TTC le montant des honoraires dus par M. X... à Me Y...,
AUX MOTIFS PROPRES QUE M. X... ayant un litige avec un locataire commercial avait confié à Me Y... la défense de ses intérêts ; que, dans ce cadre, avait été passée le 7 juin 1999 une convention d'honoraires prévoyant, outre un honoraire forfaitaire, un honoraire de résultat d'un montant de 8% HT soit « de toutes sommes encaissées au profit du demandeur » soit « de la valeur des biens immobiliers obtenus » ; que cette alternative démontrait que le litige relatif à l'arriéré et à la revalorisation du loyer commercial n'était pas la seule mission de l'avocat, ce que confirmait l'article 1e r alinéa 5 de la convention selon lequel il était donné mission à l'avocat « d'obtenir le dédommagement le plus large possible ou la restitution du terrain » ; qu'à l'issue d'une longue procédure l'affaire avait été radiée, le client ayant finalement transigé en vendant son terrain ; que l'unique objet de la présente procédure était de déterminer si l'honoraire de résultat devait seulement porter sur le montant des loyers ou s'il devait également porter sur le prix de vente du terrain ; qu'à cet égard, si Me Y... n'avait pas pour mission de vendre le terrain de M. X... et qu'il était d'ailleurs resté étranger à la transaction, le prix de cession obtenu par M. X... avait été nécessairement plus élevé qu'il ne l'eût été si la procédure engagée par l'avocat ne s'était pas soldée par un succès, même dans le cadre d'une transaction, succès qui n'était du reste pas contesté par le client puisqu'il avait réglé l'honoraire de résultat correspondant à la revalorisation du loyer commercial ; que le prix de vente devait donc être inclus dans l'assiette de l'honoraire de résultat, faisant partie des « sommes encaissées » par M. X... grâce à l'intervention de l'avocat ;
et AUX MOTIFS ADOPTES QUE le but poursuivi était de récupérer le terrain de M. X... libéré d'un bail commercial de 49 ans, qui devait courir jusqu'en 2021 et qui le privait de toute valeur ; que, si le loyer avait été apprécié à 170.000 € pour le passé, le bail continuait à courir jusqu'en 2021 ; que M. X... avait vendu son bien par acte de vente en date du 16 mai 2007 pour un prix de 827.500 € ; que son adversaire avait renoncé à son droit de préférence et cédé son droit au bail à l'acquéreur ; que la compréhension des termes de la convention d'honoraires devait trouver son sens au regard de la situation et des objectifs recherchés en 1999 lors de sa signature : par l'examen de la mission confiée, soit obtenir « le dédommagement le plus large possible, ou la restitution de son terrain », l'issue à ce stade n'ayant pu être mieux déterminée, et par la définition de l'assiette de l'honoraire de résultat qui, par conséquence, correspondait aux objectifs fixés à la mission confiée, soit les sommes encaissées ou valeur des biens immobiliers obtenus ; qu'il ne pouvait en être autrement, le résultat final également n'ayant pu être déterminé plus précisément à la signature de la convention ; que les deux objectifs ayant été atteints, ce que ne contestait pas M. X..., qui avait pu vendre son terrain libre et obtenir la résiliation du bail au titre d'un désistement de procédure, l'assiette de l'honoraire de résultat au titre des sommes encaissées par M. X... était bien constituée par l'arriéré de loyer et le prix de vente du terrain ; que les honoraires étaient dus à même hauteur en cas de transaction, ; que M. Y... était donc bien fondé dans sa demande de fixation d'honoraire selon les détails suivants : honoraire fixe 20 heures 2.426,56 €, honoraire de résultat 8% de l'arriéré de loyer et du prix de vente du terrain soit 8% de 997.913,12 € : 79.837,84 € HT, frais : 59,91 €, total HT 82.324,32 €,
ALORS TOUT D'ABORD QUE le montant de l'honoraire de résultat conventionnellement prévu est fonction, d'une part, de la mission confiée et accomplie par l'avocat et, d'autre part, de l'assiette de cet honoraire ; qu'en l'espèce, la convention d'honoraire du 7 juin 1999 stipulait expressément qu'après avoir appris fortuitement que son locataire louait lui-même le bien à un tiers, M. X... avait donné la mission à son avocat d'obtenir le dédommagement le plus large possible ou la restitution de son terrain et que les honoraires seraient calculés sur la base d'un taux de 8% de toutes les sommes encaissées au profit de M. X... ou 8% de la valeur des biens immobiliers obtenus ; qu'après avoir expressément exclu qu'ait été confiée à Me Y... la mission de vendre le bien de M. X..., son client, dont celui-ci s'était d'ailleurs chargé personnellement, les juges du fond se sont fondés exclusivement sur les bénéfices retirés par ce dernier non seulement de la mission accomplie par son avocat et limitée à la récupération des loyers mais également de la vente de son bien à laquelle ils avaient pourtant retenu expressément que l'avocat était totalement étranger ; que ce faisant, en étendant l'application de la convention d'honoraire pour le calcul de l'honoraire de résultat à une situation qu'elle excluait expressément, ils ont refusé d'appliquer la convention qui limitait l'honoraire à l'un ou à l'autre en fonction de la mission accomplie ; qu'ils ont donc violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971,
ALORS ENSUITE QUE la convention stipulait expressément que les honoraires de résultat seraient calculés sur la base d'un taux de 8% de toutes les sommes encaissées au profit de M. X... ou 8% de la valeur des biens immobiliers obtenus ; que les termes clairs et précis de la convention stipulaient sans équivoque qu'il s'agissait là de deux branches alternatives et non cumulatives ; qu'en retenant toutefois que, sur la base de cette convention, l'assiette de l'honoraire de résultat comprenait cumulativement toutes les sommes encaissées au profit de M. X... et la valeur des biens immobiliers obtenus, les juges du fond ont dénaturé les termes clairs et précis de ladite convention et violé les mêmes textes.