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11/01/2011 | FRANCE | N°09-87842

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2011, 09-87842


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Benoît X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 2009, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale, contradiction de motifs, défaut de motifs et manqu

e de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable d'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Benoît X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 2009, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 485 et 593 du code de procédure pénale, contradiction de motifs, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré M. X... coupable d'avoir, à Saint-Euphraise-et-Clairizet, le 10 octobre 2000, causé par imprudence, inattention ou négligence, en ne procédant pas à la vérification et à la remise en état du système de blocage de la rotation de la nacelle avant sa location à M. Y..., causé involontairement le décès, survenu dans la nuit du 10 au 11 novembre 2003, de M. Z..., l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement et l'a déclaré responsable des préjudices subis par les parties civiles ;
"aux motifs qu'il résulte de la procédure et des débats que le 10 octobre 2000, sur le territoire de la commune de Gueux (Marne), un ensemble routier conduit par M. Y..., transportant une nacelle automotrice, circulait sur la route départementale 980 ; que dans un virage à droite, le bras télescopique de la nacelle se déportait sur sa gauche et venait heurter, à hauteur du pavillon, une voiture circulant en sens inverse conduite par M. Z... avec son épouse à ses cotés ; qu'il ressort en particulier de l'expertise médico-légale ordonnée le 7 février 2005 que M. Z... a subi, lors de la collision, une contusion frontale et une hémorragie méningée, dont il est ensuite résulté un syndrome frontal et une hémiplégie ; que ce syndrome frontal a eu pour conséquence des troubles de la déglutition, lesquels ont entraîné des « fausses routes » fréquentes, génératrices de broncho-pneumopathies à répétition, nécessitant de nombreuses hospitalisations, dont la dernière en novembre 2003 ; que M. Z... est décédé le 11 novembre 2003 d'une insuffisance respiratoire aiguë en rapport avec une broncho-pneumopathie purulente bilatérale ; que l'expert considère que cette pathologie est la conséquence de l'évolution de celle provoquée par l'accident de la voie publique du 10 octobre 2000 ; que les constatations des services de gendarmerie, portant notamment sur les débris de verre provenant du heurt et répandus sur la chaussée, permettaient d'établir que le point de choc se trouvait dans le couloir de la circulation des époux Z... ; que M. A..., expert près la cour d'appel de Rennes, requis par les services de gendarmerie, sur instruction du procureur de la République de Reims, était chargé de déterminer et de décrire les circonstances et les causes de la collision ; que dans ses conclusions, l'expert énonce que l'accident est la conséquence de l'orientation accidentelle, qui a pu être amplifiée par le fait que la partie télescopique du bras était sortie de 1,65 m, était due pour l'essentiel à l'absence de bridage du bras de la nacelle sur le porteur, soit à l'aide de l'axe de verrouillage de l'orientation prévu à cet effet, soit à l'aide de sangles, comme précisé dans la notice d'instruction du fabricant ; qu'il impute ce défaut de bridage à M. Y..., qui avait placé la nacelle télescopique sur le porte engins pour la ramener aux établissements Laho auxquels il l'avait louée ; que l'expert a encore précisé que l'axe de verrouillage du mouvement d'orientation de la nacelle n'était pas dans un état permettant une utilisation normale et aisée lorsque l'engin avait été mis à la disposition de M. Y..., au début de la location, par les établissements Laho ; que cette déficience avait été constatée au retour de la location précédente, mais que les établissements Laho n'avaient procédé à aucune vérification ni a fortiori remise en état de cette nacelle avant de la confier à M. Y... ; qu'il ressort également des constatations de l'expert qu'il existait une notice d'utilisation de la nacelle qui prévoyait, lors de son chargement sur un porte engin, l'arrimage du bras par sangle ; que M. Y... a contesté lors de ses premières auditions qu'une telle notice lui ait été remise par le loueur, mais qu'un gendarme ayant procédé aux constatations a affirmé que la notice se trouvait bien dans un tube plastique monté sur un côté du châssis de la nacelle ; que M. Y... prétend encore que cette notice aurait été incomplète, mais qu'il reconnaît cependant qu'elle comportait copie des pages relatives au chargement et à l'arrimage ; que pour les faits dont a été victime M. Z..., M. Y... et M. X... sont poursuivis sur le fondement de l'article 221-6 du code pénal, lequel renvoie aux conditions et distinctions prévues à l'article 121-3 du même code ; que, comme précédemment rappelé, aucune indication précise n'a été donnée, tout au long des procédures, sur l'obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement qui aurait été délibérément violée par les prévenus ; qu'il y a donc lieu de requalifier l'infraction d'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence reprochée aux deux prévenus, en délit d'homicide involontaire ; qu'il est établi par le rapport de M. A... que M. Y..., qui a placé la nacelle télescopique sur le porte engin, n'a pas respecté les consignes d'arrimage figurant dans la notice du fabricant de l'engin, en ne rentrant pas intégralement la partie télescopique du bras supportant la nacelle, et en ne sanglant pas ce bras sur le plateau ; qu'il n'a d'ailleurs pas même simplement remis en place le dispositif qui existait lorsqu'il a pris le matériel au sein des établissements Laho, au début de la période de location ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'il affirme, M. Y... n'a pas correctement bloqué la nacelle avant de partir, le 10 octobre 2000 ; qu'il n'a pas non plus, contrairement à ce qu'il prétend, mis en place correctement l'axe de verrouillage de la partie tournante de la nacelle, puisque l'expert a constaté qu'en dépit de l'important mouvement rotatif qui s'est produit, et qui a conduit au heurt du véhicule des époux Z..., cet axe de verrouillage ne portait aucune trace, ce qui prouvait qu'il n'avait pas été sollicité ; que ces inattentions et négligences cumulées ont été directement à l'origine de la collision et du dommage subi par M. Z... ; que l'expert A... a par ailleurs constaté que l'axe de verrouillage du mouvement d'orientation de la nacelle n'était pas dans un état permettant une utilisation normale ; que cet axe aurait dû, en fonctionnement normal, descendre par gravité dans son logement, sans qu'il soit nécessaire de forcer ce mouvement, mais qu'il avait été constaté au retour de la location précédente, le septembre 2000, soit immédiatement avant que l'engin ne soit confié à M. Y..., que cela n'était pas le cas, les plus grandes difficultés étant rencontrées pour retirer cet axe ; qu'il n'a pas été procédé à une remise en état entre les deux locations ; que ce dispositif de sécurité n'était donc pas en état de fonctionnement correct, ce qui explique au moins partiellement que l'axe ne se soit pas trouvé correctement en place lors du transport de la nacelle du 10 octobre 2000 ; que ce défaut de remise en état constitue une négligence ayant directement contribué à la survenance de la collision et à la réalisation du dommage subi par M. Z... ; qu'il y a donc lieu de déclarer M. Y... et M. X... coupables d'homicide involontaire sur la personne de M. Z... ; que les peines prononcées le 17 septembre 2007 par le tribunal correctionnel de Reims sont adaptées, eu égard aux circonstances de la cause et à la personnalité des prévenus, et seront donc reprises par la cour ;
"1°) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que le défaut de remise en état de l'axe de verrouillage reproché à M. X... avait eu un rôle causal dans la survenance du dommage, en relevant tout à la fois, d'une part, que l'axe de verrouillage n'avait pas été sollicité lors de l'accident puisqu'il ne portait aucune trace du choc, ce dont il résultait que l'axe n'avait pas été mis dans son logement, d'autre part, que l'axe n'était pas correctement en place lors du transport de la nacelle le jour de l'accident, ce dont il résultait qu'il était dans son logement ;
"2°) alors que, subsidiairement, le lien de causalité entre la faute et le décès ne peut être qualifié de direct que lorsque la faute reprochée est soit la cause unique ou exclusive, soit la cause immédiate ou déterminante de l'atteinte à l'intégrité de la personne ; qu'en l'espèce, le lien de causalité entre le prétendu défaut de remise en état de l'axe de verrouillage et le décès de la victime était indirect puisque la cour d'appel a relevé que M. Y... n'avait pas mis correctement en place le système de verrouillage, qu'il n'avait pas rentré complètement le bras télescopique et qu'il n'avait pas sanglé la nacelle, contrairement aux consignes d'arrimage du fabricant ; qu'il résulte de ces constatations qu'à supposer avérée la faute reprochée à M. X..., celui-ci a tout au plus créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, de sorte que le lien de causalité entre la faute reprochée et le dommage était indirect ; que c'est à tort que les juges d'appel ont affirmé le contraire ;
"3°) alors que, subsidiairement, à supposer que la cour d'appel n'ait retenu qu'un lien de causalité indirect, lorsque le prévenu n'a fait que contribuer à la situation ayant permis la réalisation du dommage, sa responsabilité pénale ne peut être retenue que si les juges caractérisent une faute qualifiée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que M. X... avait commis une négligence en ne procédant pas à la remise en état de l'axe de verrouillage, la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi ce dernier aurait violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 121-3 du code pénal ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 10 octobre 2000, un accident de la circulation est survenu entre l'ensemble routier conduit par M. Y... et l'automobile, conduite par M. Z... et dans laquelle se trouvait, son épouse ; que le bras de la nacelle élévatrice transportée par M. Y..., qui était mal arrimée, s'est déporté dans un virage et a heurté le véhicule des époux Z... qui venait en sens inverse ; que ceux-ci ont été blessés et qu'André Z... est décédé le 11 novembre 2003 des suites de ses blessures ; que M. Y..., ainsi que M. X..., responsable de l'agence de l'entreprise de location de matériel, dans laquelle le premier avait pris possession de la nacelle, ont été poursuivis du chef d'homicide et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence ; que les premiers juges les ont déclaré coupables ;
Attendu que, pour disqualifier les faits et déclarer M. X... coupable d'homicide et blessures involontaires par imprudence, l'arrêt retient qu'il avait été constaté, après la précédente location, que l'axe de verrouillage du bras de la nacelle était difficile à mettre en place, mais qu'aucune réparation n'a été faite avant que l'engin soit confié à M. Y..., que ceci explique, au moins partiellement, que l'axe n'était pas en place lors de l'accident et que ce défaut a directement contribué à la survenance de la collision ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle relevait que M. Y... avait commis plusieurs fautes, dont celle de ne pas mettre correctement en place l'axe de verrouillage, en sorte que la faute imputée à M. X... n'était pas la cause directe du dommage et sans rechercher si cette faute était caractérisée et exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 27 mai 2009, mais en ses seules dispositions relatives à M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Lien de causalité - Causalité indirecte - Faute caractérisée - Nécessité

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Lien de causalité - Causalité indirecte - Cas

Se contredit et ne justifie pas sa décision, la cour d'appel qui, pour déclarer le loueur d'un engin de chantier coupable d'homicide involontaire retient, à sa charge, un défaut d'entretien rendant le verrouillage d'un bras de l'engin plus difficile, à la charge du locataire, l'omission du verrouillage de ce bras et qui énonce que la faute du loueur est la cause directe de l'accident sans rechercher si cette faute était caractérisée


Références :

article 121-3 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 27 mai 2009

Sur la nécessité d'établir une faute caractérisée imputable à l'auteur indirect pour que soit caractérisé le délit d'homicide ou de blessures involontaires, à rapprocher :Crim., 5 décembre 2000, pourvoi n° 00-82108, Bull. crim. 2000, n° 363 (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 11 jan. 2011, pourvoi n°09-87842, Bull. crim. criminel 2011, n° 5
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2011, n° 5
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Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : Mme Zientara-Logeay
Rapporteur ?: M. Palisse
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 11/01/2011
Date de l'import : 25/11/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09-87842
Numéro NOR : JURITEXT000023494648 ?
Numéro d'affaire : 09-87842
Numéro de décision : C1100188
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2011-01-11;09.87842 ?
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