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05/01/2011 | FRANCE | N°09-69035

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 janvier 2011, 09-69035


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juin 2009) que Mme X..., qui était employée depuis 1995 à Chartres par le "cabinet CSC", en qualité de secrétaire, est passée en 2003 au service de la société CSC Océania, constituée par son employeur et immatriculée au registre du commerce de Tahiti ; que le 10 septembre 2007 le tribunal mixte de commerce de Papeete a prononcé la liquidation judiciaire de cette société, Mme X... étant alors licenciée le 26 octobre suivant par le li

quidateur judiciaire, pour motif économique ; qu'elle a saisi la juridictio...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juin 2009) que Mme X..., qui était employée depuis 1995 à Chartres par le "cabinet CSC", en qualité de secrétaire, est passée en 2003 au service de la société CSC Océania, constituée par son employeur et immatriculée au registre du commerce de Tahiti ; que le 10 septembre 2007 le tribunal mixte de commerce de Papeete a prononcé la liquidation judiciaire de cette société, Mme X... étant alors licenciée le 26 octobre suivant par le liquidateur judiciaire, pour motif économique ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour être reconnue créancière de salaires, garantis par l'AGS ;
Attendu que l'AGS fait grief à l'arrêt de retenir sa garantie alors, selon le moyen :
1°/ que dans les relations entre particuliers, seuls les règlements communautaires peuvent avoir un effet direct ; qu'en revanche un particulier ne saurait invoquer devant les juridictions nationales une directive non transposée ou imparfaitement transposée en prétendant détenir ainsi un droit direct à l'égard d'un autre particulier, comme que cela a été plusieurs fois jugé par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE,14 juillet 1994, Paola Y...
Z..., Affaire C-91/92) ; qu'en affirmant purement et simplement que les directives européennes qui lient l'Etat français peuvent être invoquées par toute personne devant les juridictions nationales, et en faisant application d'une telle directive dans un litige opposant des particuliers, l'arrêt attaqué a méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article 249 du Traité instituant la Communauté européenne (ancien article 189 du Traité, devenu article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) et a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L. 940-1 du code de commerce ;
2°/ qu'en tout état de cause, il résulte de l'article 8 bis de la Directive européenne 2002/74/CE du 23 septembre 2002 que «lorsqu'une entreprise ayant des activités sur le territoire d'au moins deux Etats membres se trouve en état d'insolvabilité, l'institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l'État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail » ; qu'aux termes du second paragraphe de cet article, l'étendue des droits des salariés est alors déterminée par le droit régissant l'institution de garantie compétente ; que ces dispositions de droit international privé ne trouvent à s'appliquer que dans le seul cas où une entreprise a des activités sur le territoire d'au moins deux Etats membres différents ; qu'elle ne peuvent pas être invoquées par un salarié exerçant son activité sur le territoire métropolitain et dont l'employeur est domicilié en Polynésie française, territoire français ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas prétendre en faire application en l'espèce pas plus qu'elle ne pouvait interpréter les dispositions de l'article L. 940-1 du code de commerce à la lumière des dispositions sus-mentionnées de la Directive européenne 2002/74/CE du 23 septembre 2002 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L.940-1 du code de commerce tout en méconnaissant le sens et la portée des dispositions de l'article 8 bis de la Directive européenne 2002/74/CE du 23 septembre 2002 ;
Mais attendu que l'assurance prévue par l'article L. 3253-8 du code du travail est applicable dès lors, d'une part, que le salarié exerce ou exerçait habituellement son travail en France, sur le territoire métropolitain ou dans un département d'Outre-mer, et d'autre part, qu'une procédure collective d'apurement du passif de l'employeur est ouverte ou exécutoire en France ; qu'il en résulte que l'exclusion prévue par l'article L. 940-1 du code de commerce, pour le territoire de la Polynésie française, ne peut être opposée lorsque ces deux conditions sont réunies ;
Et attendu qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que Mme X... exerçait habituellement son travail en France métropolitaine et que son employeur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par une juridiction française, en sorte que la garantie de l'AGS devait lui bénéficier ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'AGS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour l'AGS et l'Unedic - CGEA d'Orléans
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253 et suivants du code du travail
AUX MOTIFS QUE la société employeur de Madame
X...
a son siège social à Papeete (Tahiti) en Polynésie française et a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par le tribunal mixte de commerce de Papeete ; que selon la combinaison des articles L 940-1 et L 621-132 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en 2007, la garantie de l'AGS CGEA telle que définie aux articles anciennement codifiés L.143-10 et suivants du code du travail ne peut s'appliquer aux employeurs domiciliés en Polynésie française ; que la directive européenne 2002/74/CE du 23 septembre 2002 modifiant la directive 80/987/CEE du 20 octobre 1980 sur l'insolvabilité des employeurs en vue d'améliorer la protection des salariés, désigne en son article 8 bis comme institution compétente pour garantir les salaires et indemnités dus par l'entreprise insolvable celle de l'Etat membre sur le territoire duquel les salariés exercent ou exerçaient habituellement leur travail ; que les directives européennes qui lient l'Etat français peuvent être invoquées par toute personne devant les juridictions nationales ; que ces normes communautaires, supérieures sur les lois nationales qui leur sont contraires, s'imposent aux juridictions françaises ; que Madame X... dont ni la qualité de salariée de la société CSC OCEANIA ni le lieu d'exercice de son travail sur le territoire métropolitain ne sont contestés, est fondée à poursuivre la garantie de l'AGS, le critère de son lieu de travail prévalant sur celui de l'établissement de l'employeur ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de l'AGS ;
ALORS D'UNE PART QUE, dans les relations entre particuliers, seuls les règlements communautaires peuvent avoir un effet direct ; qu'en revanche un particulier ne saurait invoquer devant les juridictions nationales une directive non transposée ou imparfaitement transposée en prétendant détenir ainsi un droit direct à l'égard d'un autre particulier, comme que cela a été plusieurs fois jugé par la Cour de Justice des communautés européennes (CJCE14 juillet 1994, Paola Y...
Z..., Affaire C-91/92); qu'en affirmant purement et simplement que les directives européennes qui lient l'Etat français peuvent être invoquées par toute personne devant les juridictions nationales, et en faisant application d'une telle directive dans un litige opposant des particuliers, l'arrêt attaqué a méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article 249 du Traité instituant la Communauté européenne (ancien article 189 du traité, devenu article 288 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) et a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L 940-1 du code de commerce,
ALORS D'AUTRE PART QU' en tout état de cause, il résulte de l'article 8 bis de la directive européenne 2002/74/CE du 23 septembre 2002 que « lorsqu'une entreprise ayant des activités sur le territoire d'au moins deux Etats membres se trouve en état d'insolvabilité, l'institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l'État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail » ; qu'aux termes du second paragraphe de cet article, l'étendue des droits des salariés est alors déterminée par le droit régissant l'institution de garantie compétente ; que ces dispositions de droit international privé ne trouvent à s'appliquer que dans le seul cas où une entreprise a des activités sur le territoire d'au moins deux Etats membres différents ; qu'elle ne peuvent pas être invoquées par un salarié exerçant son activité sur le territoire métropolitain et dont l'employeur est domicilié en Polynésie française, territoire français ; que la cour d'appel ne pouvait donc pas prétendre en faire application en l'espèce pas plus qu'elle ne pouvait interpréter les dispositions de l'article L940-1 du code de commerce à la lumière des dispositions sus- mentionnées de la directive européenne 2002/74/CE du 23 septembre 2002 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L940-1 du code de commerce tout en méconnaissant le sens et la portée des dispositions de l'article 8 bis de la directive européenne 2002/74/CE du 23 septembre 2002.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-69035
Date de la décision : 05/01/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Entreprise en difficulté - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Etendue

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Employeur étranger - Procédure collective - Garantie des salaires - Condition

La garantie des créances salariales prévue par l'article L. 3253-8 du code du travail est applicable dès lors que le salarié exerce ou exerçait habituellement son travail en France, sur le territoire métropolitain ou dans un département d'Outre-mer, et qu'une procédure collective d'apurement du passif de l'employeur est ouverte ou exécutoire en France. En conséquence, l'exclusion de la garantie de l'AGS résultant, pour la Polynésie française, de l'article L. 940-1 du code de commerce, ne peut être opposée lorsque ces deux conditions sont réunies. Justifie donc légalement sa décision une cour d'appel qui retient que la garantie de l'AGS est acquise à une salariée exerçant habituellement son travail en métropole, pour le compte d'un employeur ayant transféré ses activités en Polynésie et placé dans ce territoire en liquidation judiciaire


Références :

article L. 3253-8 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 23 juin 2009

Sur le principe selon lequel l'institution compétente pour le paiement des créances salariales est celle de l'Etat sur le territoire duquel les salariés d'un employeur étranger exercent habituellement leur activité salariée, à rapprocher : Soc., 3 juin 2003, pourvoi n° 01-41697, Bull. 2003, V, n° 183 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jan. 2011, pourvoi n°09-69035, Bull. civ. 2011, V, n° 2
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, V, n° 2

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Cavarroc
Rapporteur ?: M. Bailly
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.69035
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