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15/12/2010 | FRANCE | N°09-15915

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 décembre 2010, 09-15915


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme Marie-Jeanne X... est née le 19 février 1958 à Marseille du mariage de M. Moussa X... né en 1929 à Kaalack au Sénégal et de Marie Y... née le 12 décembre 1933 à Saïgon (Cochinchine) de M. Alassane Y... né au Sénégal et de Mme F...
Z... ; que le greffe du tribunal d'instance lui ayant refusé la délivrance d'un certificat de nationalité française, elle a fait assigner le procureur de la République devant le tribunal de grande instance pour voir dire qu'el

le était française par filiation maternelle et voir constater qu'elle avait t...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme Marie-Jeanne X... est née le 19 février 1958 à Marseille du mariage de M. Moussa X... né en 1929 à Kaalack au Sénégal et de Marie Y... née le 12 décembre 1933 à Saïgon (Cochinchine) de M. Alassane Y... né au Sénégal et de Mme F...
Z... ; que le greffe du tribunal d'instance lui ayant refusé la délivrance d'un certificat de nationalité française, elle a fait assigner le procureur de la République devant le tribunal de grande instance pour voir dire qu'elle était française par filiation maternelle et voir constater qu'elle avait toujours eu, comme sa mère, la possession d'état de française ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 4 juin 2009) d'avoir décidé qu'elle n'avait pas la nationalité française et d'avoir rejeté sa demande visant à la délivrance d'un certificat de nationalité française, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 24 du code de la nationalité, tel que résultant de l'ordonnance du 19 octobre 1945, " " Est français (…) 1) l'enfant légitime né en France d'une mère qui y est elle-même née ", et que l'article 25 disposait : " Les articles 23 et 24 sont applicables à l'enfant né en France d'un parent né aux colonies " ; qu'ayant relevé que Mme Marie-Jeanne X... était née en France, pour être née à Marseille le 19 février 1958, et que sa propre mère, Mme Marie Y... était née le 12 décembre 1933 à Saïgon (Cochinchine) alors colonie française, il en résultait nécessairement que Mme Marie-Jeanne X... était française par application des articles 23, 24 et 25 du code de la nationalité ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 23, 24 et 25 du code de la nationalité tels qu'applicables lors de la naissance de l'intéressée et durant sa minorité ;
Mais attendu que les articles 23, 24 et 25 du code de la nationalité française, tels que modifiés par la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, ne sont pas applicables à l'enfant né en France avant l'accession à l'indépendance du territoire dont ses parents sont originaires ; que Mme X... étant née le 19 février 1958 avant que le Sénégal ne devienne indépendant le 20 juin 1960, elle a suivi, en sa qualité d'enfant mineure légitime, la condition de son père dont il n'est pas contesté que domicilié au Sénégal au moment de l'indépendance et n'ayant pas souscrit la déclaration prévue par la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960, il n'a pas conservé la nationalité française ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé que Mme Marie-Jeanne X... n'avait pas la nationalité française et rejeté sa demande visant à la délivrance d'un certificat de nationalité française ;
AUX MOTIFS propres QUE « Mme X..., qui est née en France le 19 février 1958, revendique la nationalité française d'origine, du fait de la nationalité française de l'un de ses parents ; qu'en effet, si la demanderesse ne conteste pas que son père, M. Moussa X..., né en 1929 à Kaalack au Sénégal, n'a pas conservé la nationalité française à l'indépendance du Sénégal survenue le 20 juin 1960 et a été transféré le juillet 1960 de l'armée française où il servait depuis 1950 à l'armée du Mali en exécution d'un accord franco-malien, elle soutient en revanche que sa mère avait conservé la nationalité française ; que cette dernière, Mme Marie Y..., est née le 12 décembre 1933 à Saïgon en Cochinchine de M. Alassane Y..., né au Sénégal, et de Mme F...
Z... ; qu'elle était titulaire d'une carte nationale d'identité française délivrée le 22 avril 1958 à Marseille avec indication de son domicile ..., et est décédée le 24 février 2003 à Marseille selon les mentions portées en marge de son acte de naissance ; que cette domiciliation à Marseille, alors que son mari M. Moussa X... était alors engagé dans l'armée française et en garnison dans cette ville avant d'être affecté en mai 1958 à Dakar puis transféré à l'armée du Mali, n'établit cependant pas le maintien du domicile de la mère de la demanderesse en France et la conservation par celle-ci de la nationalité française lorsque le Sénégal est devenu indépendant ; que la demanderesse ne fournit à cet égard aucun élément sur la situation de sa mère et sur la domiciliation de celle-i entre 1958 et 2003, le livret de famille produit en annexe 13 de Mme X... n'apportant pas d'information sur ce point, aucune carte d'identité française délivrée en juin 2001 à sa mère n'étant en outre versée aux débats, contrairement aux indications de l'appelante (ni ne figure sur son bordereau de pièces) ; qu'il s'agit en l'espèce de la CNI de la demanderesse ; qu'en outre cette absence de tout élément de preuve sur la situation de la mère de Mme X...- et notamment sa domiciliation-lorsque l'indépendance du Sénégal a été acquise, puis par la suite, jusqu'à son décès en 2003 qui, bien que survenu à Marseille, ne vaut preuve que pour le jour où il a été constaté, ne permet pas de démontrer que la mère de la demanderesse a joui de façon constante de la possession d'état de Français ; que quant à la possession d'état de Français de Mme X... épouse B...elle-même, qui ne pourrait être dissociée de la même possession d'état de sa mère pour établir sa nationalité française, elle n'est pas plus démontrée par la seule délivrance d'une carte d'immatriculation consulaire par le Consulat général de France à Abidjan ou par le livret de famille établi au Consulat général de France à Dakar (mentionnant son mariage et la naissance de ses enfants à Dakar) ; que ces documents ne peuvent fournir d'indication sur les éléments qui ont permis à ces autorités consulaires d'admettre l'état de Français de la demanderesse, les attestations de M. C...et de M. D...relatives à leur « séjour » en Côte d'Ivoire (à une date ignorée) et évoquant « l'intégration de Mme X... à la communauté française », apparaissant insuffisantes à cet égard compte tenu de leur laconisme et de leur imprécision ; que quant à la prise en charge à Strasbourg de la demanderesse dans le cadre du dispositif C. H. R. S. du C. E. F. R., elle est pratiquement concomitante à sa demande aux fins de délivrance d'un certificat de nationalité française et ne peut valoir preuve d'une possession d'état de Français (…) » (arrêt, p. 4 et 5) ;
Et AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QU'« en application de l'article 30 du Code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui ou celle dont la nationalité française est en cause, étant souligné qu'en l'espèce Mme Marie-Jeanne Aissatou Mireille X... n'est personnellement titulaire d'aucun certificat de nationalité française ; que la carte d'identité de la mère qui est produite n'établit pas le domicile de nationalité de cette dernière après l'indépendance de son pays, puisque les parents de Mme X..., en tant qu'originaires du Sénégal, ancien territoire d'outre mer de la République, sont français avant l'indépendance ; que la demanderesse doit justifier qu'après l'indépendance ses parents ont conservé la nationalité française ; que dès lors, elle doit rapporter la preuve qu'ils ont conservé la nationalité française nonobstant l'accession à l'indépendance du Sénégal survenue le 20 juin 1960 ; que Mme X... ne justifie pas de la conservation de la nationalité française de ses parents ; qu'en effet, les pièces produites à l'appui de sa demande de nationalité française ne rapportent pas l'existence au 20 juin 1960 d'une résidence effective, ayant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales ; qu'au contraire, il ressort des états de service militaire de Moussa X..., père de la demanderesse, qu'il était sur le territoire du Sénégal du 2 mai 1958 au 15 juillet 1960 et qu'il a servi sur le territoire français du 21 avril 1955 au 25 avril 1958, ce qui explique la naissance de ses deux filles, le 26 avril 1956 pour la soeur demanderesse et le 19 février1958 pour la demanderesse elle-même ; qu'il est en outre précisé sur son état de service qu'il a été transféré à l'armée du Mali en exécution de l'accord franco-malien et a cessé d'appartenir à l'armée française à compter du 16 juillet 1960 ; que par conclusions visées le 6 septembre 2006, Mme X... affirme avoir des éléments en possession d'état par un faisceau d'indices ; qu'à l'appui de cette affirmation elle ne produit qu'un livret de famille datée du 16 décembre 1997, sur lequel figure inscrit le mariage de ses parents à Dakar ; que les naissances inscrites sur ce livret de leurs enfants, dont la naissance de l'intéressée à Marseille, ne viennent pas justifier d'une résidence en France au moment de l'indépendance du Sénégal ; que de surcroît, si le livret de famille ou la carte d'immatriculation consulaire délivrés par le consulat de France à Dakar, montrent que les parents de Mme X... ont pu être considérés comme français par le Consulat, il appartient à la demanderesse de produire les éléments qui ont permis au Consulat de les considérer comme tels, ce qu'elle s'abstient de faire alors qu'elle à la charge de la preuve en application de l'article 30 du Code civil ; qu'elle ne met donc pas en mesure le tribunal de statuer favorablement à sa demande ; que de plus, cette considération d'état de français par le Consulat peut s'expliquer par le fait que son père a servi notamment sur le territoire français du 21 avril 1955 au 25 avril 1958, ce qui explique la naissance de Mme X... en France, mais ne justifie ni de l'installation en France de la famille après l'indépendance du Sénégal, ni d'une possession d'état de français après l'indépendance du Sénégal ; que faute de rapporter que la résidence de la famille était en France le 20 juin 1960, et de rapporter la preuve de sa possession d'état de française, Mme Marie-Jeanne Aissatou Mireille X... épouse B...sera par conséquent déboutée de l'ensemble de ses demandes ; que cette possession d'état ne résulte en effet nullement des documents produits, des attestations de soutien et de la scolarité réussie en France de l'aîné de ses enfants ; qu'à cet égard, il n'est pas inutile de relever que Mme X... n'avait pas de résidence stable sur le territoire français avant décembre 2005 » ;
ALORS QU'aux termes de l'article 24 du Code de la nationalité, tel que résultant de l'ordonnance du 19 octobre 1945, « Est français (…) 1°) l'enfant légitime né en France d'une mère qui y est elle-même née », et que l'article 25 disposait : « Les articles 23 et 24 sont applicables à l'enfant né en France d'un parent né aux colonies » ; qu'ayant relevé que Mme Marie-Jeanne X... était née en France, pour être née à MARSEILLE le 19 février 1958, et que sa propre mère, Mme Marie Y... était née le 12 décembre 1933 à SAÏGON (Cochinchine) alors colonie française, il en résultait nécessairement que Mme Marie-Jeanne X... était française par application des articles 23, 24 et 25 du Code de la nationalité ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 23, 24 et 25 du Code de la nationalité tels qu'applicables lors de la naissance de l'intéressée et durant sa minorité.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-15915
Date de la décision : 15/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

NATIONALITE - Nationalité française - Conservation - Conditions - Conditions relatives aux originaires des anciens territoires d'Outre-mer de la République française - Territoires devenus indépendants - Enfant né en France de parents nés sur un tel territoire - Naissance antérieure à l'accession à l'indépendance - Portée

Les articles 23, 24 et 25 du code de la nationalité française, tels que modifiés par la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, n'étant pas applicables à l'enfant né en France avant l'accession à l'indépendance du territoire dont ses parents sont originaires, une enfant née à Marseille en 1958, avant que le Sénégal ne devienne indépendant le 20 juin 1960, suit, en sa qualité d'enfant mineure légitime, la condition de son père qui, domicilié au Sénégal au moment de l'indépendance et n'ayant pas souscrit la déclaration prévue par la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960, n'a pas conservé la nationalité française


Références :

articles 23, 24 et 25 du code de la nationalité française, tels que modifiés par la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973

loi n° 60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalité

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 04 juin 2009

Dans le même sens que :1re Civ., 6 mai 2003, pourvoi n° 00-21455, Bull. 2003, I, n° 107 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 déc. 2010, pourvoi n°09-15915, Bull. civ. 2010, I, n° 266
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 266

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Rapporteur ?: M. Pluyette
Avocat(s) : Me Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.15915
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