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02/12/2010 | FRANCE | N°09-68295

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 02 décembre 2010, 09-68295


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 mai 2009), que M. X..., salarié de la société d'intérim SFI, devenue société Creyf's intérim, mis à disposition de la société SEAS, aux droits de laquelle venait la société RDME, ayant été victime d'un grave accident du travail, a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société RDME et à la réparation de son préjudice ; que par jugement du 20

juillet 2001, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a, notamment, dit qu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 mai 2009), que M. X..., salarié de la société d'intérim SFI, devenue société Creyf's intérim, mis à disposition de la société SEAS, aux droits de laquelle venait la société RDME, ayant été victime d'un grave accident du travail, a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société RDME et à la réparation de son préjudice ; que par jugement du 20 juillet 2001, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a, notamment, dit que l'accident était dû à la faute inexcusable de la société RDME, ordonné avant dire droit une expertise médicale et condamné la société Creyf's intérim à payer à M. X... une provision à valoir sur son préjudice ; que la société Creyf's intérim, qui n'avait pas comparu devant les premiers juges, a interjeté appel de ce jugement et demandé à être garantie par la société RDME ; qu'un arrêt du 10 mars 2008 a déclaré cette demande irrecevable, comme nouvelle ; qu'entre-temps, l'expert désigné par le jugement du 20 juillet 2001 ayant déposé son rapport, l'instance avait été reprise devant le tribunal auquel la société Creyf's intérim a demandé la condamnation de la société RDME à la garantir contre les condamnations qui pourraient être mises à sa charge ; que la société RDME a soutenu l'irrecevabilité de cette demande ; qu'un jugement ayant, notamment, fixé à diverses sommes le préjudice subi par M. X... et condamné la société RDME à garantir la société Creyf's Intérim de l'intégralité des montants mis à sa charge au titre des dispositions de l'article L .452-1 du code de la sécurité sociale, la société RDME en a interjeté appel ;
Attendu que la société Vale manganèse France (société VMF), précédemment dénommée RDME, fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la société Creyf's intérim de l'intégralité des montants mis à sa charge au titre des dispositions de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, alors, selon le moyen :
1°/ que la demande présentée pour la première fois en appel et rejetée définitivement après épuisement des voies de recours ne peut être de nouveau présentée dans le cadre de la même instance, ensuite d'une reprise d'instance après dépôt d'un rapport d'expertise ; que la société Creyf's intérim, régulièrement convoquée, n'avait pas comparu devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras, lequel, par jugement du 20 juillet 2001 avait retenu le principe de sa condamnation en réparation du préjudice subi par M. X... ; que par arrêt du 10 mars 2008, statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel d'Amiens a définitivement exclu la possibilité de la mise en oeuvre de la garantie de la société Vale manganèse ; qu'en admettant la mise en oeuvre de la garantie de cette société, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel de Douai par son arrêt du 27 septembre 2002, et par un chef de dispositif non atteint par la cassation, avait "renvoyé l'affaire pour la liquidation du préjudice de M. X... devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras" ; que la saisine du tribunal, qui avait par ailleurs pour le surplus déjà tranché les questions dont il avait été initialement saisi, était donc limitée à cette seule question ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a derechef violé l'article 1351 du code civil ;
3°/ que le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale, par son jugement du 20 juillet 2001, avait dit que l'accident de M. X... était dû à la faute inexcusable de la société Rio Doce manganèse Europe, et avant dire droit pour le surplus, avait ordonné une expertise portant sur le préjudice de la victime ; qu'il était dès lors dessaisi de toute autre question ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 481 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé ; qu'il était constant que la société Creyf's intérim n'avait pas comparu en première instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras qui avait statué le 20 juillet 2001 par un jugement réputé contradictoire ; qu'en accueillant la demande en garantie de cette société après avoir relevé que le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras du 20 juillet 2001 n'avait aucunement autorité de la chose jugée quant à l'exercice de l'action en remboursement de la société Creyf's qui n'avait formulé aucune demande qui ait pu être rejetée par une disposition qui pourrait lui être opposée ; la cour d'appel a statué par un motif inopérant et derechef violé l'article 1351 du code civil ;
5°/ qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en méconnaissance des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant déclaré irrecevable une demande, comme formée pour la première fois en cause d'appel, n'interdit pas à son auteur de la présenter de nouveau devant les juges du premier degré, restés saisis d'une partie du litige ;
Qu'ayant relevé que la demande en garantie de la société Creyf's intérim n'avait été déclarée irrecevable par l'arrêt du 10 mars 2008 que parce qu'elle était nouvelle en cause d'appel et que le tribunal des affaires de sécurité sociale restait saisi d'une partie du litige, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'objet du litige, ni l'autorité de la chose jugée, a décidé à bon droit que ladite demande qui était une demande incidente était recevable devant ce tribunal ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Vale manganèse France aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société VMF
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Vale Manganèse France à garantir la société Creyf's Intérim de l'intégralité des montants mis à sa charge au titre des dispositions de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, en réparation des préjudices de souffrance physique et morale, esthétique, d'agrément et du fait de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle de M. X... ;
AUX MOTIFS QUE sur le recours de l'entreprise de travail temporaire à l'encontre de l'entreprise utilisatrice : selon l'article L.241-5-1 du code de la sécurité sociale, Pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à la disposition d'utilisateurs par les entreprises de travail temporaire, le coût de l'accident et de la maladie professionnelle définis aux articles L.411-1 et L.461-1 est mis, pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice si celle-ci, au moment de l'accident, est soumise au paiement des cotisations mentionnées à l'article L.241-5. En cas de défaillance de cette dernière, ce coût est supporté intégralement par l'employeur. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente, en fonction des données de l'espèce (…). Dans le cas où le salarié intérimaire engage une action en responsabilité fondée sur la faute inexcusable de l'employeur, sans qu'il y ait eu mise en cause de l'entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire est tenue d'appeler en cause l'entreprise utilisatrice pour qu'il soit statué dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d'une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable ; que de ces dispositions, il résulte que le juge doit statuer dans la même instance sur la demande du salarié intérimaire et sur la garantie des conséquences financières d'une reconnaissance éventuelle de faute inexcusable doit procéder, en fonction des données de l'espèce au partage des responsabilités entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice … ; qu'en l'espèce, la demande en garantie présentée par la société Creyf's Intérim, entreprise de travail temporaire à l'encontre de la SAS Rio Doce Manganèse Europe, entreprise utilisatrice devant la cour d'appel de céans saisie d'un appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras du 20 juillet 2001 a été définitivement jugée irrecevable par la cour d'appel d'Amiens qui a statué le 10 mars 2008 dans le même sens que la Cour de cassation qui s'est prononcée le 15 juin 2004 au visa de l'article 564 du code de procédure civile en rappelant que le droit d'intimer en appel tous ceux qui ont été partie en première instance n'emporte pas celui de présenter des prétentions à l'encontre des parties contre lesquelles l'appelant n'a pas conclu en première instance ; que cependant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras qui ne s'est pas prononcé sur la garantie des conséquences financières de la reconnaissance de faute inexcusable dans son jugement avant dire droit du 20 juillet 2001 est resté saisi de la partie du litige qu'il n'a pas lui-même tranchée, de sorte que la demande de garantie de l'entreprise de travail temporaire par l'entreprise utilisatrice qui n'était pas recevable devant la cour saisie de l'appel de ce jugement avant dire droit, restait recevable devant lui, le débat engagé en première instance devant se poursuivre sur la liquidation du préjudice, n'ayant aucunement été circonscrit par le tribunal à cette seule question ; que dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la demande en garantie présentée par la société Creyf's Intérim, entreprise de travail temporaire à l'encontre de la SAS Rio Doce Manganèse Europe, entreprise utilisatrice et condamné cette dernière, responsable à part entière de l'accident, à garantir la société Creyf's Intérim de l'intégralité des montants mis à sa charge au titre des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale ;
Et, à les supposer adoptés, AUX MOTIFS QU' en l'espèce, la société de travail intérimaire est fondée à tous les stades de la procédure l'opposant à son salarié et même ultérieurement dans une instance autonome à agir contre l'auteur de la faute inexcusable pour le remboursement des obligations mises à sa charge en qualité d'employeur de droit de la victime ; que contrairement à ce que soutient la société Rio Doce Manganèse Europe, notre première décision n'a aucunement autorité de la chose jugée quant à l'exercice de l'action en remboursement de la société Creyf's qui n'avait formulé aucune demande qui ait pu être rejetée par une disposition qui pourrait lui être opposée ; que sa condamnation au paiement d'une provision n'est que l'application de la règle selon laquelle elle est tenue à indemniser en sa qualité d'employeur par application de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale et ne fait pas obstacle à son action en remboursement contre l'auteur de la faute inexcusable qui a été de manière particulièrement claire désigné au dispositif de notre premier jugement comme étant l'entreprise utilisatrice, la société Rio Doce Manganèse Europe ; qu'à ce stade de la procédure qui ne tend aucunement exclusivement à la liquidation du préjudice personnel les parties peuvent formuler à tout moment toutes demandes de notre compétence d'attribution dès lors qu'elles se rattachent par un lien suffisant avec l'objet initial de l'instance ;
1/ ALORS QUE la demande présentée pour la première fois en appel et rejetée définitivement après épuisement des voies de recours ne peut être de nouveau présentée dans le cadre de la même instance, ensuite d'une reprise d'instance après dépôt d'un rapport d'expertise ; que la société Creyf's Intérim, régulièrement convoquée, n'avait pas comparu devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras, lequel, par jugement du 20 juillet 2001 avait retenu le principe de sa condamnation en réparation du préjudice subi par M. X... ; que par arrêt du 10 mars 2008, statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel d'Amiens a définitivement exclu la possibilité de la mise en oeuvre de la garantie de la société Vale Manganèse ; qu'en admettant la mise en oeuvre de la garantie de cette société, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.
2/ ALORS QUE la cour d'appel de Douai par son arrêt du 27 septembre 2002, et par un chef de dispositif non atteint par la cassation, avait « renvoyé l'affaire pour la liquidation du préjudice de M. X... devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras » ; que la saisine du tribunal, qui avait par ailleurs pour le surplus déjà tranché les questions dont il avait été initialement saisi, était donc limitée à cette seule question ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a derechef violé l'article 1351 du code civil ;
3/ ALORS QUE le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale, par son jugement du 20 juillet 2001, avait dit que l'accident de M. X... était dû à la faute inexcusable de la société Rio Doce Manganèse Europe, et avant dire droit pour le surplus, avait ordonné une expertise portant sur le préjudice de la victime ; qu'il était dès lors dessaisi de toute autre question ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 481 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE subsidiairement, le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé ; qu'il était constant que la société Creyf's Intérim n'avait pas comparu en première instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras qui avait statué le 20 juillet 2001 par un jugement réputé contradictoire ; qu'en accueillant la demande en garantie de cette société après avoir relevé que le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras du 20 juillet 2001 n'avait aucunement autorité de la chose jugée quant à l'exercice de l'action en remboursement de la société Creyf's qui n'avait formulé aucune demande qui ait pu être rejetée par une disposition qui pourrait lui être opposée ; la cour d'appel a statué par un motif inopérant et derechef violé l'article 1351 du code civil ;
5/ ALORS QU'en se prononçant ainsi la cour d'appel a méconnu l'objet du litige en méconnaissance des articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-68295
Date de la décision : 02/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CHOSE JUGEE - Etendue - Détermination - Portée

CHOSE JUGEE - Portée - Limites - Demande déclarée irrecevable comme nouvelle en cause d'appel - Recevabilité devant le juge du premier degré resté saisi d'une partie du litige (oui)

L'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant déclaré irrecevable une demande, comme formée pour la première fois en cause d'appel, n'interdit pas à son auteur de la présenter de nouveau devant les juges du premier degré, restés saisis d'une partie du litige. Ayant relevé qu'une demande en garantie n'avait été déclarée irrecevable par une précédente décision que parce qu'elle était nouvelle en cause d'appel et que le juge du premier degré restait saisi d'une partie du litige, la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige ni l'autorité de chose jugée, décide à bon droit que ladite demande, qui était une demande incidente, était recevable devant ce juge


Références :

article 1351 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 02 déc. 2010, pourvoi n°09-68295, Bull. civ. 2010, II, n° 193
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, II, n° 193

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Mucchielli
Rapporteur ?: M. Moussa
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.68295
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