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24/11/2010 | FRANCE | N°09-69327

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 novembre 2010, 09-69327


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 mai 2009), qu'à la suite du décès de leurs parents, Mme Nicole X... et Mme Michèle Y... se sont vu attribuer, chacune, la moitié indivise de parcelles données à bail aux époux Z... ; que Mme Michèle Y... a fait donation à sa fille, Mme Béatrice Y..., de sa part indivise ; que Mme Nicole X... a cédé à Mme Béatrice Y..., sa nièce, sa part indivise par acte de vente ; que les époux Z... ont assigné Mme Nicole X... et Mme Béatrice Y... en nullité de ce

tte vente intervenue au mépris de leur droit de préemption ;
Sur le premier ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 13 mai 2009), qu'à la suite du décès de leurs parents, Mme Nicole X... et Mme Michèle Y... se sont vu attribuer, chacune, la moitié indivise de parcelles données à bail aux époux Z... ; que Mme Michèle Y... a fait donation à sa fille, Mme Béatrice Y..., de sa part indivise ; que Mme Nicole X... a cédé à Mme Béatrice Y..., sa nièce, sa part indivise par acte de vente ; que les époux Z... ont assigné Mme Nicole X... et Mme Béatrice Y... en nullité de cette vente intervenue au mépris de leur droit de préemption ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux Z... font grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen, qu'est frauduleuse l'opération qui a pour but de faire échec au droit de préemption du preneur ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme Béatrice Y... s'est vue consentir par sa mère une donation portant sur les parts indivises du fonds sur lequel les époux Z... exerçaient leur droit au bail, puis a acquis trois mois plus tard le reste des parts indivises que détenait sa tante dans l'indivision ; que comme le faisaient valoir les époux Z..., ce montage juridique était destiné à permettre à Mme Béatrice Y... d'être introduite dans l'indivision afin que la cession du fonds puisse être réalisée en fraude du droit de préemption que les époux Z... détenaient en vertu de l'article L. 412-1 du code rural ; que dans ces conditions, en refusant d'annuler la vente conclue en fraude des droits des époux Z..., la cour d'appel a violé l'article L. 412-1 du code rural ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions d'appel des époux Z... que ceux-ci aient soutenu que la vente entre Mme X... et Mme Y... revêtait un caractère frauduleux ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant, irrecevable ;
Sur le second moyen, après avis donné aux avocats :
Attendu que les époux Z... font grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 815-14 du code civil institue un droit de préemption au profit des indivisaires lorsque est envisagée par l'un d'entre eux la vente de ses parts au profit d'un tiers à l'indivision ; qu'en se fondant sur ce texte pour décider que Mme Béatrice Y... bénéficiait d'un droit de préemption prioritaire par rapport à celui des locataires, alors qu'aucune cession de parts indivises n'avait été envisagée en faveur d'un tiers à l'indivision et qu'elle ne bénéficiait donc d'aucun droit de préemption, la cour d'appel a violé l'article 815-14 du code civil ensemble l'article L. 412-1 du code rural ;
2°/ que l'acquisition par un indivisaire, non héritier de la succession, des parts de ses coïndivisaires est un acte à titre onéreux ouvrant droit à la préemption du preneur en place ; qu'en refusant de constater la nullité de la vente des parts indivises conclue en violation du droit de préemption institué par l'article L. 412-1 du code rural, la cour d'appel a violé ce texte ;
Mais attendu qu'une cession entre coïndivisaires d'une partie des droits indivis portant sur un fonds de terre ou un bien rural ne constitue pas une aliénation à titre onéreux ouvrant droit de préemption au preneur en place ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Z... à payer à Mmes Y... et X..., ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des époux Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande en nullité de la vente conclue entre Mesdames X... et Y... en fraude du droit de préemption des époux Z... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE «l'article L 412-1 du code rural pose en son alinéa premier le principe d'un droit de préemption au profit du preneur lorsque le propriétaire bailleur d'un bien rural décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux ; qu'ainsi toute aliénation à titre onéreux ouvre le droit de préemption du preneur ; que l'alinéa 2 de ce texte écarte le droit de préemption lorsqu'il s'agit de biens dont l'aliénation est consentie à des parents ou alliés du propriétaire jusqu'au 3ème degré inclus ; que ce même alinéa pose également une contre-exception à cette dernière si l'exploitant preneur en place est lui-même parent ou allié du propriétaire jusqu'au même degré ; qu'au soutien de leur appel les époux Z... font valoir que la contre-exception prévue par le 3ème alinéa de l'article L 412-1 du code rural a vocation à s'appliquer, la venderesse étant la soeur du preneur ; qu'en l'espèce, il a été mis fin à l'indivision successorale entre les frères et soeurs ouverte aux décès des parents par acte de partage dressé par Maître A... le 27 février 1997 ; que la seule indivision en cause est celle existant entre Michèle Z..., épouse Y... et Nicole Z... épouse X... ; que par acte de donation Michèle Y... a transmis à sa fille Béatrice Y... le 29 novembre 2002 la pleine-propriété de ses parts dans ladite indivision ; que la vente contestée est intervenue à titre onéreux au profit de la co-indivisaire et que cette cession des droits indivis entraîne mutation du bien à un seul propriétaire ; qu'en cas de cession de droits indivis, les indivisaires jouissent d'un droit de préemption (article 815-14 du code civil) ; que le litige porte sur la primauté de ces deux textes l'un par rapport à l'autre ; qu'il est constant que l'article 815-14 du code civil concerne la cession de droits indivis et que l'article L 412-1 du Code rural vise quant à lui l'aliénation d'un bien rural ; que dans la première hypothèse, la propriété n'étant pas vendue, s'agissant d'une simple modification dans les propriétaires, le droit de préemption du co-indivisaire ne pourrait primer celui du preneur ; mais attendu qu'en l'espèce, il s'agit d'une cession totale de droits indivis entraînant une mutation du bien à un seul propriétaire, le droit de préemption du coïndivisaire doit primer celui du preneur en place ; que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux Z... de leur demande en nullité de la vente, au motif que le droit de préemption de la coïndivisaire prime celui du preneur en place ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU' aux termes de l'article L412-1 alinéas 1 et 2 du Code rural, le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide de l'aliéner à titre onéreux ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place sous réserve de l'exception de parenté qui peut être invoquée en cas de vente de la nue-propriété ou de l'usufruit ; qu'en l'espèce, s'il est exact que la vente à des parents ou alliés demeure soumise au droit de préemption si le preneur est lui-même parent ou allié du propriétaire jusqu'au troisième degré ce qui est le cas en l'espèce puisque Michèle Z... épouse Y... et Claude Z... sont frère et soeur, il convient de tenir compte des dispositions de l'article 815-14 du Code civil, lequel prévoit que le droit de préemption des indivisaires prime celui du preneur puisque le droit de préemption de celui-ci est écarté lors de toute cession totale ou partielle de droits indivis entre indivisaires ; qu'en effet, à la suite de la donation des parts indivises de Michèle Z... épouse Y... au profit de sa fille, Nicole Z... et Béatrice Y... avaient la qualité de coïndivisaires lors de la vente ; que dès lors, le droit de préemption de Béatrice Y... prime celui du preneur ;
ALORS QU'est frauduleuse l'opération qui a pour but de faire échec au droit de préemption du preneur ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Madame Béatrice Y... s'est vue consentir par sa mère une donation portant sur les parts indivises du fonds sur lequel les exposants exerçaient leur droit au bail, puis a acquis trois mois plus tard le reste des parts indivises que détenait sa tante dans l'indivision ; que comme le faisaient valoir les exposants, ce montage juridique était destiné à permettre à Madame Béatrice Y... d'être introduite dans l'indivision afin que la cession du fonds puisse être réalisée en fraude du droit de préemption que les époux Z... détenaient en vertu de l'article L412-1 du Code rural ; que dans ces conditions, en refusant d'annuler la vente conclue en fraude des droits des époux Z..., la Cour d'appel a violé l'article L412-1 du Code rural.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande en nullité de la vente conclue entre Mesdames X... et Y... en fraude du droit de préemption des époux Z... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE «l'article L 412-1 du code rural pose en son alinéa premier le principe d'un droit de préemption au profit du preneur lorsque le propriétaire bailleur d'un bien rural décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux ; qu'ainsi toute aliénation à titre onéreux ouvre le droit de préemption du preneur ; que l'alinéa 2 de ce texte écarte le droit de préemption lorsqu'il s'agit de biens dont l'aliénation est consentie à des parents ou alliés du propriétaire jusqu'au 3ème degré inclus ; que ce même alinéa pose également une contre-exception à cette dernière si l'exploitant preneur en place est lui-même parent ou allié du propriétaire jusqu'au même degré ; qu'au soutien de leur appel les époux Z... font valoir que la contre-exception prévue par le 3ème alinéa de l'article L 412-1 du code rural a vocation à s'appliquer, la venderesse étant la soeur du preneur ; qu'en l'espèce, il a été mis fin à l'indivision successorale entre les frères et soeurs ouverte aux décès des parents par acte de partage dressé par Maître A... le 27 février 1997 ; que la seule indivision en cause est celle existant entre Michèle Z..., épouse Y... et Nicole Z... épouse X... ; que par acte de donation Michèle Y... a transmis à sa fille Béatrice Y... le 29 novembre 2002 la pleine-propriété de ses parts dans la dite indivision ; que la vente contestée est intervenue à titre onéreux au profit de la coïndivisaire et que cette cession des droits indivis entraîne mutation du bien à un seul propriétaire ; qu'en cas de cession de droits indivis, les indivisaires jouissent d'un droit de préemption (article 815-14 du code civil) ; que le litige porte sur la primauté de ces deux textes l'un par rapport à l'autre ; qu'il est constant que l'article 815-14 du code civil concerne la cession de droits indivis et que l'article L 412-1 du Code rural vise quant à lui l'aliénation d'un bien rural ; que dans la première hypothèse, la propriété n'étant pas vendue, s'agissant d'une simple modification dans les propriétaires, le droit de préemption du coïndivisaire ne pourrait primer celui du preneur ; mais attendu qu'en l'espèce, il s'agit d'une cession totale de droits indivis entraînant une mutation du bien à un seul propriétaire, le droit de préemption du coïndivisaire doit primer celui du preneur en place ; que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux Z... de leur demande en nullité de la vente, au motif que le droit de préemption de la coïndivisaire prime celui du preneur en place ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU' aux termes de l'article L412-1 alinéas 1 et 2 du Code rural, le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide de l'aliéner à titre onéreux ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place sous réserve de l'exception de parenté qui peut être invoquée en cas de vente de la nue-propriété ou de l'usufruit ; qu'en l'espèce, s'il est exact que la vente à des parents ou alliés demeure soumise au droit de préemption si le preneur est lui-même parent ou allié du propriétaire jusqu'au troisième degré ce qui est le cas en l'espèce puisque Michelel Z... épouse Y... et Claude Z... sont frère et soeur, il convient de tenir compte des dispositions de l'article 815-14 du Code civil, lequel prévoit que le droit de préemption des indivisaires prime celui du preneur puisque le droit de préemption de celui-ci est écarté lors de toute cession totale ou partielle de droits indivis entre indivisaires ; qu'en effet, à la suite de la donation des parts indivises de Michèle Z... épouse Y... au profit de sa fille, Nicole Z... et Béatrice Y... avaient la qualité de coïndivisaires lors de la vente ; que dès lors, le droit de préemption de Béatrice Y... prime celui du preneur ;
ALORS D'UNE PART QUE l'article 815-14 du code civil institue un droit de préemption au profit des indivisaires lorsque est envisagée par l'un d'entre eux la vente de ses parts au profit d'un tiers à l'indivision ; qu'en se fondant sur ce texte pour décider que Madame Béatrice Y... bénéficiait d'un droit de préemption prioritaire par rapport à celui des locataires, alors qu'aucune cession de parts indivises n'avait été envisagée en faveur d'un tiers à l'indivision et qu'elle ne bénéficiait donc d'aucun droit de préemption, la Cour d'appel a violé l'article 815-14 du Code civil ensemble l'article L412-1 du Code rural ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'acquisition par un indivisaire, non héritier de la succession, des parts de ses coïndivisaires est un acte à titre onéreux ouvrant droit à la préemption du preneur en place ; qu'en refusant de constater la nullité de la vente des parts indivises conclue en violation du droit de préemption institué par l'article L412-1 du Code rural, la Cour d'appel a violé ce texte.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-69327
Date de la décision : 24/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

INDIVISION - Indivisaire - Droits - Cession de ses droits dans les biens indivis - Droit de préemption - Titulaire - Détermination

BAIL RURAL - Bail à ferme - Préemption - Domaine d'application - Cession entre co-indivisaires d'une partie des droits indivis portant sur un fonds de terre ou un bien rural (non)

Une cession entre coïndivisaires d'une partie des droits indivis portant sur un fonds de terre ou un bien rural ne constitue pas une aliénation à titre onéreux ouvrant droit de préemption au preneur en place


Références :

article 815-14 du code civil

article L. 412-1 du code rural

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 13 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 nov. 2010, pourvoi n°09-69327, Bull. civ. 2010, III, n° 207
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, III, n° 207

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Laurent-Atthalin
Rapporteur ?: Mme Pic
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.69327
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