LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 16 octobre 2008), que M. Victor X... exerce une activité de marchand ambulant consacrée à la fabrication et à la vente de gaufres, le siège principal de cette activité étant situé,... à Dijon ; que venant aux droits de son père, M. Y...
X..., dont il a repris l'activité en 1990, il dispose également d'un bail portant sur un local appartenant à Mme Z..., situé,... à Dijon ; que, par courrier du 2 avril 2005, Mme Z... a demandé à M. Y...
X... de libérer le local au plus tard pour le 31 décembre 2005, au motif que l'immeuble où se trouve le local avait été vendu à la commune de Dijon ; que, par lettre du 9 mars 2006, Mme Z... a informé M. Victor X... qu'il n'était plus son locataire depuis le 1er janvier 2006 ; que M. Victor X... a assigné Mme Z... pour faire constater qu'il bénéficie du statut des baux commerciaux pour le local accessoire loué nécessaire à ses activités et faire prononcer la nullité du congé délivré par la bailleresse ; que celle-ci s'est opposée à ces prétentions et a demandé reconventionnellement que M. Victor X... soit condamné à lui payer des loyers et une indemnité d'occupation ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1736 du code civil ;
Attendu que, pour valider le congé délivré par Mme Z..., l'arrêt retient que, s'agissant d'un bail civil fait sans écrit, le congé est soumis aux prescriptions de l'article 1736 du code civil, qu'un congé donné sur ce fondement n'est soumis en principe à aucune formalité et qu'il suffit qu'il exprime la volonté de celui qui le donne de mettre fin au bail lorsque ce dernier est fait sans limitation de durée, que M. X... lui-même a produit aux débats la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à M. Y...
X..., qu'il n'est pas contesté que le bail initial a été conclu verbalement entre Mme Z... et M. Y...
X... et qu'il ne saurait être reproché à cette dernière d'avoir adressé le congé à son cocontractant originaire en l'absence de preuve de formalités accomplies pour assurer la transmission du bail à M. Victor X..., que celui-ci ne peut cependant sérieusement prétendre que ce congé ne lui est pas opposable alors qu'il reconnait dans ses propres écritures qu'après avoir été retourné à son expéditeur avec la mention " NPAI ", il lui a été remis en mains propres et qu'il précise bien que les locaux devraient être libérés avant le 31 décembre 2005, soit un délai de plus de huit mois, lequel satisfait pleinement à l'exigence d'un délai de préavis raisonnable ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser à quelle date le congé avait été remis en mains propres à M. Victor X... et si ce congé avait été délivré en observant les délais fixés par l'usage des lieux, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1736 du même code ;
Attendu que pour condamner M. Victor X... à payer à Mme Z... une certaine somme à titre d'arriéré de loyers, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que M. Victor X... n'a pas contesté avoir cessé de payer son loyer depuis le 1er janvier 2006 et que le montant des loyers dus pour la période de janvier 2006 à mars 2007 s'élève à la somme de 2 850, 90 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait déclaré valable le congé donné à M. Victor X... par la bailleresse à effet du 1er janvier 2006, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les premier et troisième moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que le bail liant les parties était un bail à caractère civil et en ce qu'il a débouté M. Victor X... de sa demande en indemnisation pour trouble de jouissance, l'arrêt rendu le 16 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur le surplus, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande M. Victor X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le bail verbal conclu par Monsieur Victor X... et Madame Germaine Z... était un bail civil ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il ressort des débats et des pièces qui y ont été versées que c'est par de justes motifs que le jugement entrepris a retenu que même si l'immeuble litigieux a eu une destination commerciale, il n'est pas établi que la bailleresse ait eu connaissance, lors de la conclusion du bail liant Monsieur Victor X... et Madame Germaine Z..., de la destination future de l'immeuble » (arrêt, p. 5) ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE le champ d'application du statut des baux commerciaux est fixé par les articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce ; que l'article 9 du Code de procédure civile énonce qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, qu'aucune des parties n'a entendu se prévaloir de l'article 595 al. 4 du code civil ; qu'en l'espèce, il est établi que M X... exerce depuis le 5 juillet 1991 une activité d'artisan ambulant, consistant en la fabrication et la vente de crêpes et gaufres et que le siège principal de son activité est situé au... à Dijon ; que pour trancher le litige, il convient de déterminer si le local situé au... à Dijon a été donné en location par Mme Z..., en toute connaissance de cause a M X... pour que ce dernier utilise l'immeuble à titre d'accessoire indispensable a son activité commerciale ; que le tribunal, faisant abstraction des pièces de pure forme (courriers échangés, lettre de congé, contrat de location Opac extrait K-bis, etc) et des pièces émanant de la famille d'une partie (attestation de M. Joao Y...
X... ; photographies prises à une date incertaine montrant un local indéterminé), constate que les pièces de fond présentées par M. X... au soutien de ses prétentions sont :
- d'une part, une attestation établie le 18 janvier 2007 par un salarié ou un dirigeant de la SAS Brailly (pièce n018), qui « déclare effectuer des livraisons de glaces et produits surgelés à l'adresse suivante... 21 000 Dijon » ;
- d'autre part, un procès-verbal de constat dressé le 03 avril 2006 par Me Thomas C..., huissier de justice, qui a notamment constaté dans le local la présence d'un compteur électrique, d'un interrupteur et de congélateurs contenant différentes denrées périssables ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE ces deux pièces démontrent que l'immeuble loué par M. X... à Mme Z... constitue objectivement un local accessoire indispensable à son activité de marchand ambulant, dans la mesure où il est prouvé que M. X... y a entreposé des marchandises indispensables à son métier, et ce même si l'adresse de ce local ne figure pas sur l'extrait K-bis du registre des métiers ; ceci étant, dans la mesure où un contrat de bail nécessite l'accord du bailleur sur la destination des lieux, conformément aux dispositions des articles 1101, 1102, 1709 et 1714 du Code civil, M. X... doit prouver que Mme Z... savait, dès l'origine, que les lieux loués auraient un usage commercial annexe à son activité commerciale ; que l'examen des pièces présentées aux parties ne permet pas au tribunal de considérer que Mme Z... ait su, de manière indubitable, qu'elle avait connaissance de l'usage des lieux :
- la date de conclusion du bail verbal entre Mme Z... et M. Victor X... est inconnue ;- la date de versement du premier loyer n est pas précisée ;- la date d'emménagement dans les lieux est indéterminée-aucun témoin ne certifie que Mme Z... ait connu la destination des lieux lors de la conclusion du bail verbal ;- aucune pièce ne permet d'établir que Mme Z..., née en 1919 et âgée de 72 ans en 1991 se soit rendue sur les lieux à cette date ou postérieurement pour connaître usage fait des lieux par son locataire ;- n'est pas prouve que me Z... ait aménagé les lieux de façon telle qu'elle ne pouvait ignorer que ces lieux devaient ou pouvaient servir à une activité commerciale ;- il n'est pas absurde d'imaginer que M. X... ait pu ponctuellement ou durablement, sous-louer l'immeuble a un tiers ou utiliser l'immeuble pour y entreposer des meubles personnels ou son véhicule personnel ne servant pas à son fonds de commerce ; qu'ainsi, Il résulte de ces éléments que même si l'immeuble a eu une destination commerciale, M. X... ne prouve pas que Mme Z... ait connu, lors de la conclusion du contrat de bail, la destination future de l'immeuble ; si bien que le tribunal doit juger que le bail a un caractère civil et non commercial ;
ALORS QUE D'UNE PART la nature civile ou commerciale d'un bail verbal est déterminée notamment par l'utilisation faite des locaux loués, sa durée qui a nécessairement postulé des renouvellements, la destination habituelle ou normale des lieux et l'emploi que le locataire a fait du local sans la moindre opposition du bailleur qui a accepté les loyers et l'utilisation telle qu'elle se fit pendant des années ; qu'en faisant dépendre la qualification du bail civil ou commercial de la seule connaissance par le bailleur au moment de la conclusion de l'accord verbal initial qui d'ailleurs n'a pas été déterminée par les juges du fond, la Cour méconnait son office au regard de l'article 12 du Code de procédure civile, ensemble au regard de l'article L 145 – 1 du de commerce ;
ALORS QUE D'AUTRE PART en cas de bail verbal, il n'y a aucune présomption au profit du bailleur d'un bail civil ; qu'en décidant le contraire nonobstant une utilisation en fait depuis plus de 15 ans du local loué à des fins commerciales, la Cour qui institue une présomption qui n'existe pas méconnait les exigences de l'article 6 – 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ET ALORS ENFIN QUE la Cour ne tient pas compte comme elle se devait de le faire de l'usage effectif des lieux pendant des années, de l'existence d'un renouvellement générateur d'un nouveau bail, se concentrant uniquement sur le bail initial, violant de plus fort ce que postule l'article 12 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt infirmatif sur ce point d'avoir jugé valable le congé donné au preneur à effet du 1er janvier 2006 tout en ayant condamné ce dernier à verser au bailleur en deniers ou en quittances la somme de 2. 850 € au titre des loyers dus pour la période ayant couru de janvier 2006 à mai 2007 ;
AUX MOTIFS QUE le bail litigieux n'entrant pas, à la lumière des éléments versés aux débats, dans les prévisions énoncées par l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 modifiée est donc soumis aux prescriptions des articles 1714 du Code civil, et plus spécialement à celles de l'article 1736, lequel dispose « Si le bail a été fait sans écrit, l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux » ; qu'il est ainsi désormais admis qu'un congé donné sur ce fondement juridique n'est soumis en principe à aucune formalité et il suffit qu'il exprime la volonté de la part de celui qui le donne de mettre fin au bail, lorsque ce dernier est fait sans limitation de durée ; qu'en l'espèce, Monsieur Victor X... produit lui-même aux débats la lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 2 avril 2005 adressée à « Monsieur Y...
X...,... à 21000 DIJON » ; qu'il n'est pas contesté que le bail initial a été verbalement conclu entre Madame Germaine Z... et Monsieur Y...
X..., père de l'appelant et que ces derniers n'établissent pas avoir accompli officiellement le minimum de formalités auprès de Madame Germaine Z... destinées à assurer la transmission du bail en qualité de locataire à Monsieur Victor X... ; qu'il ne saurait donc être reproché au bailleur d'avoir adressé le congé à son cocontractant originaire ; que ce congé dont Monsieur Victor X... ne saurait sérieusement prétendre qu'il ne lui est pas opposable dès lors qu'il reconnaît dans ses propres écritures qu'après avoir été retourné à son expéditeur avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » il lui a été remis en mains propres précise que les locaux devaient être libérés avant le 31 décembre 2005, soit un délai de plus de huit mois, lequel satisfait pleinement à l'exigence d'un délai de préavis convenable ; qu'elle lui a en outre précisé que le motif de ce congé était la vente de l'ensemble immobilier incluant le local litigieux à la ville de Dijon ; qu'il ne résulte par ailleurs d'aucun texte que la bailleresse lui soit, en l'espèce, redevable d'une quelconque indemnité d'éviction, en sorte que le jugement entrepris qui avait retenu que la bailleresse n'avait pas respecté les formes minimales requises en la matière doit être infirmé en ce qu'il a dit que le congé délivré par Madame Germaine Z... est irrégulier et a prononcé sa nullité, en sorte qu'il convient de dire et juger valable le congé donné à Monsieur Victor X... à effet du 1er janvier 2006 ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a, à juste titre, Monsieur Victor X... à verser à Madame Germaine Z..., en deniers ou quittances, la somme de 2. 850 € au titre des loyers dus pour la période de janvier 2006 à mai 2007, ainsi qu'une indemnité d'occupation mensuelle de 167, 70 € à compter du 1er juin 2007 ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier moyen, entraînera par voie de conséquences l'annulation de l'arrêt s'agissant de la validité du congé délivré, et ce, en application des dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, en affirmant que Monsieur Victor X... avait bénéficié d'un délai de préavis supérieur à huit mois, ce dont il résultait que ce délai avait été raisonnable, sans toutefois relever avec précision la date exacte à laquelle le congé avait été effectivement remis en mains propres au preneur, la Cour prive sa décision de base légale au regard de l'article 1736 du Code civil, violé ;
ET ALORS ENFIN QUE la contradiction de motifs et entre les motifs et le dispositif d'un jugement s'analyse en un défaut de motifs ; qu'en jugeant valable le congé donné à Monsieur Victor X... à effet au 1er janvier 2006 tout en condamnant ce dernier à verser à la bailleresse, en deniers ou quittances, la somme de 2. 850 € à titre de loyers dus pour la période de janvier 2006 à mai 2007, la Cour méconnaît les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile, violé.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'indemnisation de Monsieur Victor X... pour son trouble de jouissance ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Victor X... sera débouté de sa demande en indemnisation du trouble de jouissance qu'il soutient avoir subi sans toutefois en établir la réalité, ne versant aux débats aucun élément de nature à corroborer ses allégations » (arrêt ? p. 6) ;
ALORS QU'en jugeant que Monsieur Victor X... ne produisait aucune preuve de la réalité de son trouble de jouissance, cependant que ce dernier citait et analysait dans ses conclusions et versait aux débats un acte d'huissier du 3 avril 2006, qui constatait la coupure du courant électrique ainsi que la perte de l'ensemble des denrées entreposées dans le local pris à bail, et contenues dans plusieurs appareils de conservation frigorifique, la Cour méconnaît les termes du litige dont elle était saisie, et partant viole l'article 4 du Code de procédure civile.