La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2010 | FRANCE | N°10-80297

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 novembre 2010, 10-80297


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme Corinne X..., épouse Y...,
- La société Camille et Lucie,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2009, qui, dans la procédure suivie contre elles du chef d'infractions au code de la propriété intellectuelle, a prononcé sur une requête en liquidation d'astreinte ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demanderesses, et le mémoire en défens

e produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par un ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Mme Corinne X..., épouse Y...,
- La société Camille et Lucie,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2009, qui, dans la procédure suivie contre elles du chef d'infractions au code de la propriété intellectuelle, a prononcé sur une requête en liquidation d'astreinte ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demanderesses, et le mémoire en défense produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par un précédent arrêt en date du 19 juin 2008, devenu définitif le 30 juin 2009, la cour d‘appel de Pau, prononçant sur l'action civile exercée par la société Chanel, a notamment condamné, sous peine d'astreinte, Mme Y... et la société Camille et Lucie à publier la décision sur deux sites Internet ; que, le 30 mars 2009, la société Chanel a saisi les juges composant la chambre correctionnelle d'une requête aux fins de liquidation de l'astreinte et de condamnation à nouvelle astreinte ; que, faisant partiellement droit à la requête, les juges, constatant que la condamnation avait été tardivement exécutée, ont liquidé l'astreinte ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 591, 593, 707 à 710 du code de procédure pénale et 35 de la loi du 9 juillet 1991 relatifs aux procédures d'exécution, défaut de base légale ;

"en ce que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Pau s'est déclarée compétente pour statuer sur la demande de liquidation de l'astreinte prononcée précédemment par elle, à titre de réparation civile, et présentée par la société Chanel ;

"aux motifs qu'à l'audience, les défenderesses ont renoncé au moyen tendant à voir la cour se déclarer incompétente au profit du juge de l'exécution ; qu'en tout état de cause, il résulte de la combinaison des articles 33 et 34 de la loi du 9 juillet 1991, relative aux procédures civiles d'exécution, d'une part, et de l'article 710 du code de procédure pénale, d'autre part, que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour liquider l'astreinte prononcée par une juridiction pénale, laquelle est compétente pour régler toutes difficultés d'exécution dont l'astreinte ; que la cour d'appel de Pau est donc bien compétente pour statuer sur la demande de liquidation de l'astreinte présentée par la S.A. Chanel ; qu'il sera néanmoins donné acte à Mme Y... et à la SARL Camille et Lucie de ce qu'elles ont renoncé à cette exception d'incompétence ;

"1°) alors que la compétence étant une question d'ordre public, il ne peut y être dérogé que dans les seuls cas expressément prévus par la loi ; que les articles 707 et suivants du code de procédure pénale ne s'appliquent qu'aux condamnations pénales ; que l'exécution forcée des condamnations civiles relève de la procédure civile et qu'aucune disposition de la loi ne permet de déroger à cette règle d'ordre public ni en vertu d'une renonciation des parties ni en vertu d'une décision du juge ;

"2°) alors qu'aux termes de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991 dont les dispositions sont dépourvues d'ambiguïté, l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir et qu'il résulte des mentions de l'arrêt du 19 juin 2008 soumis à l'examen de la Cour de cassation, dont la société Chanel a indûment demandé à la juridiction correctionnelle l'exécution forcée à son profit que ladite juridiction, qui se trouvait dessaisie de l'affaire par l'effet du pourvoi en cassation, ne s'était pas réservé le pouvoir de liquider l'astreinte qu'elle avait prononcée" ;

Attendu que le moyen, qui soutient que seul le juge de l'exécution était compétent pour connaître de la requête et liquider l'astreinte ne peut être admis ;

Qu'en effet les incidents contentieux relatifs à l'exécution d'une décision prononcée par une juridiction pénale doivent être portés devant celle-ci ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 569, alinéa 1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les insertions ordonnées par la chambre des appels correctionnels le 19 juin 2008 étaient des condamnations civiles qui devaient faire l'objet d'une exécution immédiate nonobstant le pourvoi en cassation contre cet arrêt et a, par voie de conséquence, condamné Mme Y... et la société Camille et Lucie à payer à la société Chanel une astreinte sanctionnant le défaut de diffusion in extenso sur le site internet www.camille-lucie.com de la décision pénale du 19 juin 2008 pendant la période de l'examen, par la Cour de cassation, du pourvoi inscrit contre cette décision, c'est-à-dire, du 5 juillet 2008, date de sa signification, au 30 juin 2009, date de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation ;

"1°) alors que le droit à l'effet suspensif du pourvoi qui concerne les décisions pénales et qui est un élément essentiel du procès équitable et est notamment destiné à garantir la présomption d'innocence, implique que le dispositif d'une décision pénale et les motifs qui lui servent de soutien ne puissent faire l'objet d'aucune divulgation aux tiers tant qu'il n'a pas été statué par la Cour de cassation sur les mérites du pourvoi ;

"2°) alors que la mesure de publication de sa décision ordonnée par une juridiction correctionnelle, notamment lorsque, comme en l'espèce, elle est la conséquence d'une condamnation pénale du chef de contrefaçon, a, par définition, un caractère mixte puisqu'elle peut être ordonnée soit à titre de peine complémentaire, soit à titre de réparation civile et que, dès lors, dans les deux cas, l'introduction du pourvoi doit suspendre tant son exécution que celle de l'astreinte qui en est l'accessoire ;

"3°) alors que le respect de la présomption d'innocence s'impose à la partie civile au même titre qu'au ministère public ; que lorsque le ministère public a obtenu d'une cour d'appel une mesure de publication à titre de peine complémentaire, il ne peut pas l'exécuter pendant le délai d'examen du pourvoi ; que la partie civile ne saurait se voir accorder davantage de droits que le ministère public en la matière et que, dès lors, la circonstance que la mesure de publication figurant dans l'arrêt du 19 juin 2008 ait été ordonnée à titre de réparation civile, et non à titre de peine complémentaire, ne pouvait légalement justifier que son exécution par les demanderesses, aurait dû être immédiate ;

"4°) alors qu'il s'ensuit que si l'article 569, alinéa 1er, du code de procédure pénale devait être interprété comme autorisant la partie civile à exiger sous astreinte la publication immédiate des motifs et du dispositif d'une décision pénale frappée de pourvoi, publication qui vide de sa substance la présomption d'innocence, il devrait être déclaré incompatible avec les dispositions tant des articles 6 § 1 et 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme que de l'article préliminaire du code de procédure pénale" ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenues selon laquelle elles ne pouvaient être tenues de publier l'arrêt qui les condamnaient avant que leurs pourvois soient rejetés, l'arrêt attaqué énonce que la mesure de publication a été prononcée à titre de réparation civile et que, selon l'article 569, premier alinéa, du code de procédure pénale, le pourvoi ne suspend l'exécution que des seules condamnations pénales ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 1 500 euros la somme que Mme Y... et la société Camille et Lucie devront solidairement payer à la société Chanel au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Arnould, Le Corroller, Nunez, Mme Radenne, M. Moignard conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Roth, Mme Moreau conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Zientara-Logeay ;

Greffier de chambre : Mme Villar ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-80297
Date de la décision : 16/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CASSATION - Pourvoi - Effet suspensif - Exclusion - Condamnations civiles - Cas - Publication de la décision à titre de réparation

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Affichage et publication - Nature civile de la condamnation - Portée

Fait l'exacte application de l'article 569, premier alinéa du code de procédure pénale, la cour d'appel, qui, pour rejeter l'argumentation des prévenus, selon laquelle l'astreinte ne pouvait courir qu'à compter du rejet de leur pourvoi contre l'arrêt les condamnant et ordonnant la publication de la décision, énonce que cette mesure a été prononcée à titre de réparation civile et que le pourvoi ne suspend l'exécution que des condamnations pénales


Références :

article 569, alinéa 1er, du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 12 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 nov. 2010, pourvoi n°10-80297, Bull. crim. criminel 2010, n° 181
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 181

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : Mme Zientara-Logeay
Rapporteur ?: M. Palisse
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.80297
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award