LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article R 1452-6 du code du travail ;
Attendu que la règle de l'unicité de l'instance résultant de ce texte n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé de la société ATB depuis le 31 octobre 2002 et licencié le 17 mars 2006, a saisi le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de demandes en paiement de salaires ; que par jugement du 20 avril 2006, le conseil de prud'hommes, constatant que la société ne faisait plus l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, un jugement l'ayant autorisée à continuer son activité, a prononcé la nullité de la procédure en raison de l'absence du préliminaire de conciliation et a invité le demandeur à saisir régulièrement le bureau de conciliation, ce qu'il a fait ; que par jugement du 3 mai 2007, le conseil de prud'hommes a fait droit partiellement à ses demandes ;
Attendu que pour infirmer le jugement et déclarer irrecevables les demandes formées par le salarié, l'arrêt retient que le jugement du 20 avril 2006 a dit que la procédure était nulle, que M. X... a renouvelé les mêmes demandes devant le conseil de prud'hommes, que s'il estimait que la cour d'appel pouvait procéder à la conciliation, il lui appartenait de faire appel du jugement du 20 avril 2006, et énonce que la seconde saisine du conseil de prud'hommes dérivant du même contrat de travail et tendant aux mêmes fins se heurte à la règle de l'unicité de l'instance, même si le jugement n'a pas statué sur le fond, mais s'est borné à annuler la procédure ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune décision sur le fond n'avait été rendue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 9 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la recevabilité des demandes ;
Dit que les demandes de M. X... étaient recevables,
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz pour qu'il soit statué au fond.
Condamne la société ATB aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 condamne la société ATB à payer à Me Ricard la somme de 2 500 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR infirmé le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'avoir déclaré irrecevables les demandes formées par le salarié
AUX MOTIFS QUE :
Attendu que selon l'article R1452-6 du Code du Travail, toutes les demandes dérivant du même contrat de travail doivent faire l'objet d'une seule instance, à peine d'irrecevabilité, à moins que le fondement des prétentions ne soit né postérieurement à la saisine du Conseil de Prud'hommes ;
Attendu que la règle de l'unicité de l'instance se traduisant par une fin de non-recevoir, les parties peuvent la soulever à tous les stades de la procédure y compris pour la première fois à hauteur d'appel ;
Attendu qu'en l'espèce, la S.A.R.L. ATB soutient que les demandes présentées par Monsieur X... devant le Conseil de Prud'hommes, et ayant donné lieu au jugement du 3 mai 2007, avaient déjà été tranchées dans un premier jugement du Conseil de Prud'hommes de Nancy en date du 20 avril 2006 et qu'en application du principe d'unicité de l'instance le salarié ne pouvait valablement saisir le Conseil de Prud'hommes des mêmes demandes le 27 juin 2006 ;
Attendu qu'il résulte du jugement du Conseil de Prud'hommes de Nancy du 20 avril 2006 que, le 26 janvier 2006, Monsieur X... avait attrait devant le Conseil la S.A.R.L. ATB, Maître Z... es qualités d'administrateur judiciaire et Maître A... es qualités de représentant des créanciers, aux fins d'obtenir sa reclassification au coefficient 550 et un rappel de salaire à ce titre, un rappel de salaire pour l'évolution de la durée de son travail, des dommages et intérêts pour dépassement de plus de 10% des heures complémentaires, des dommages et intérêts pour préjudice financier, la remise d'un certificat pour la caisse de congés payés rectifié et une somme au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que par jugement du 20 avril 2006, le Conseil de Prud'hommes a dit que la procédure était nulle au motif que Monsieur X... avait saisi directement le bureau de jugement au lieu du bureau de conciliation et Me Pierre RICARD - Avocat aux Conseils - Pourvoi n° N0970404 Page 5/16 ce alors que la S.A.R.L. ATB n'était plus en redressement judiciaire puisque le Tribunal de Commerce avait homologué le plan de continuation par jugement du 8 novembre 2005 ;
Qu'il n'a pas été relevé appel de cette décision devenue donc définitive ;
Que Monsieur X... a de nouveau saisi le Conseil de Prud'hommes de Nancy le 26 juin 2006 des mêmes demandes envers la S.A.R.L. ATB ; qu'il a ajouté de nouvelles demandes à savoir un rappel de maintien de salaire et un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre la remise de documents de fin de contrat rectifiés ;
Que cependant Monsieur X... a été licencié pour inaptitude par lettre du 17 mars 2006 ;
Que l'audience du Conseil de Prud'hommes dans le cadre de la décision rendue le 20 avril 2006 s'est déroulée le 23 mars 2006, soit postérieurement au licenciement ; qu'il s'ensuit que le fondement des prétentions exposées par Monsieur X... dans sa saisine du 26 juin 2006 n'est pas né ni ne s'est révélé postérieurement au premier jugement du 20 avril 2006 ;
Que, pour s'opposer au principe d'unicité de l'instance, le salarié ne peut soutenir qu'il n'y ait pas identité des parties alors qu'il a toujours formulé ses demandes à l'encontre de son employeur la S.A.R.L. ATB et que les mandataire liquidateur, représentant des créanciers, commissaire à l'exécution du plan et CGEA-AGS ne sont que des organes représentant la S.A.R.L. ATB dans le cadre de la procédure collective qui ne modifient en rien l'identité du défendeur ; qu'il en résulte que les parties étaient les mêmes dans les deux instances, Monsieur X... et la S.A.R.L. ATB ; que ce moyen est donc inopérant ;
Que sur le second moyen, le fait que la S.A.R.L. ATB n'ait soulevé aucune irrégularité lors de l'audience de conciliation du Conseil de Prud'hommes du 7 septembre 2006 est sans emport puisqu'en vertu du principe de l'oralité des débats la S.A.R.L. ATB peut soulever la fin de non-recevoir tirée de l'unicité de l'instance à hauteur de Cour ; qu'en outre si Monsieur X... estime que la Cour d'Appel pouvait procéder à la tentative de conciliation, il lui appartenait de faire appel de la décision du Conseil de Prud'hommes du 20 avril 2006 ayant déclaré sa requête nulle pour défaut de saisine du bureau de conciliation ; que ce moyen est également inopérant ;
Qu'en conséquence, la seconde saisine du Conseil de Prud'hommes dérivant du même contrat de travail et tendant aux mêmes fins se heurtait à la règle de l'unicité de l'instance, alors même que le jugement intervenu n'avait pas statué sur le fond mais annulé la procédure ;
Qu'il convient donc de faire droit à la fin de non-recevoir de la S.A.R.L. ATB et de déclarer irrecevables les demandes de Monsieur X... ;
Que le jugement entrepris sera infirmé ;
ALORS QUE le jugement qui se borne à annuler la procédure et à inviter le demandeur à saisir régulièrement le bureau de conciliation n'atteint pas la requête introductive d'instance et n'emporte que la radiation ou la suspension de l'instance ; que la régularisation de la procédure par la saisine du bureau de conciliation n'est donc pas en ce cas une nouvelle instance mais la continuation de la même instance ; qu'en retenant qu'il appartenait au salarié de faire appel de la décision du Conseil de Prud'hommes, au lieu de saisir le bureau de conciliation comme il y avait cependant été invité, la cour d'appel a violé les articles 377, 381 et 537 du code de procédure civile ;
ALORS QUE les jugements qui, sans mettre fin à l'instance, statuent sur une exception de procédure, une fin de nonrecevoir ou tout autre incident, ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi ; que pour déclarer la seconde saisine du salarié irrecevable, l'arrêt retient que celle-ci relevait du même contrat de travail et se heurtait par conséquent à la règle de l'unicité de l'instance et qu'il appartenait au salarié de faire appel du premier jugement du Conseil de Prud'hommes qui avait annulé la procédure et invité le demandeur à saisir le bureau de conciliation ; qu'en se prononçant ainsi, quand ce premier jugement n'avait nullement statué au fond et n'avait pas mis fin à l'instance, la cour d'appel a violé ensemble l'article 544 du code de procédure civile et l'article R. 1452-6 du Code du travail.
ALORS QUE la circonstance qu'un salarié voit la procédure qu'il a engagée annulée en raison d'une erreur de forme ne peut faire définitivement obstacle à ce que sa cause soit entendue sur le fond ; qu'en jugeant que la seconde saisine du Conseil de Prud'hommes dérivant du même contrat de travail et tendant aux mêmes fins se heurtait à la règle de l'unicité de l'instance, quand cette seconde saisine résultait de l'invitation du juge lui-même, et que la voie de l'appel se trouvait fermée lorsque la fin de non-recevoir tirée de l'unicité de l'instance avait été soulevée, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE la réitération devant le bureau de conciliation des demandes déjà portées devant le bureau de jugement du même Conseil de prud'hommes, afin de se conformer à l'invitation du juge de respecter les règles de procédure prévues par l'article R. 1452-1 du Code du travail, n'emporte pas davantage méconnaissance du principe de l'unicité de l'instance que ne le ferait le désistement des demandes déjà portées devant le bureau de jugement ou l'appel du jugement qui s'est borné à déclarer la procédure nulle, et à inviter le demandeur à saisir le bureau de conciliation, sans statuer au fond ; que le principe de sécurité juridique s'oppose en revanche à ce qu'il soit ultérieurement reproché au demandeur d'avoir, comme il y avait été invité, réitéré ses demandes devant le bureau de conciliation plutôt que d'avoir relevé appel ; qu'en jugeant dès lors irrecevable cette seconde saisine en un temps où la voie de l'appel se trouvait atteinte de forclusion, privant ainsi le demandeur de tout droit d'accès au juge, la cour d'appel a violé ensemble, le principe de sécurité juridique, le principe de loyauté des débats, l'article 4 du code civil, et par fausse application le principe de l'unicité de l'instance.