LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 15 et 135 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un arrêt d'une cour d'appel a infirmé un jugement assorti de l'exécution provisoire ayant résilié le bail consenti par la société civile immobilière du 8 rue du Général Guilhem (la société) à M. et Mme X... et a ordonné la réintégration de ces derniers dans les lieux loués ; que M. et Mme X... ont fait assigner la société devant un tribunal d'instance aux fins de paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leur demande de rejet des pièces et conclusions déposées par la société le 8 janvier 2009, jour de l'ordonnance de clôture, et condamner la société à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que M. et Mme X... qui avaient obtenu, le 7 janvier 2009, le renvoi de l'affaire à l'audience du 13 mai 2009 n'ont pas mis à profit le délai écoulé depuis la date de la clôture pour solliciter sa révocation alors qu'ils étaient à l'origine de la sommation de communication des pièces versées le jour de la clôture ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants à établir que les pièces et conclusions litigieuses avaient été déposées par la société en temps utile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société civile immobilière du 8 rue du Général Guilhem aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. et Mme X... et de la société civile immobilière du 8 rue du Général Guilhem ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, rejetant toutes les autres demandes, rejeté la demande de M. et Mme Philippe X... tendant au rejet des débats des conclusions et pièces déposées le 8 janvier 2009, jour même de l'ordonnance de clôture, par la société civile immobilière du 8 rue du général Guilhem et D'AVOIR débouté la demande M. et Mme Philippe X... tendant à la condamnation de la société civile immobilière du 8 rue du général Guilhem à leur payer des dommages et intérêts, en ce que cette demande portait sur une somme excédant celle de 1 529 euros ;
AUX MOTIFS QUE « les époux X... ont déposé leurs dernières conclusions le 3 décembre 2008. / Le même jour et à nouveau le 31 décembre 2008 ils ont signifié une sommation de communiquer des pièces à la Sci 9 rue du général Guilhem. / Cette dernière a communiqué le 8 janvier 2009 avant l'ordonnance de clôture les pièces demandées et des conclusions. La clôture a été prononcée ce même jour, l'audience étant fixée au 15 janvier 2009. / Le 7 janvier 2009 les époux X... ont demandé le renvoi de l'affaire, ce qui a été accordé pour le 13 mai 2009. Ils n'ont formulé aucune demande de révocation de clôture entre le 8 janvier et le 13 mai 2009 date de renvoi de l'affaire alors qu'ils sont à l'origine de la sommation de communication des pièces versées le 8 janvier 2009 par la Sci. / La demande de rejet des écritures et des pièces formulée par les appelants à l'encontre de l'intimée sera rejetée » (cf. arrêt attaqué p. 3 et 4) ;
ALORS QUE, de première part, la demande tendant à opposer l'irrecevabilité de conclusions ne comportant pas d'appel incident ou de pièces de dernière heure n'est pas subordonnée à une demande de révocation de l'ordonnance de clôture ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de M. et Mme Philippe X... tendant au rejet des débats des conclusions, par lesquelles n'était pas formé un appel incident, et des pièces déposées le jour de l'ordonnance de clôture par la société civile immobilière du 8 rue du général Guilhem, que M. et Mme Philippe X... n'avaient formulé aucune demande de révocation de ladite ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, de deuxième part, les conclusions et productions de dernière heure doivent être écartées des débats dès lors qu'elles sont déposées et communiquées trop peu de temps avant la clôture pour que la partie adverse dispose du temps suffisant pour y répondre ; qu'en refusant d'écarter des débats les conclusions et les pièces déposées le jour même de l'ordonnance de clôture au motif, inopérant, que M. et Mme Philippe X... avaient eux-mêmes sollicité, plusieurs semaines auparavant, la production des pièces litigieuses, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;
ALORS QU'enfin et en tout état de cause, les conclusions et productions de dernière heure doivent être écartées des débats dès lors qu'elles sont déposées et communiquées trop peu de temps avant la clôture pour que la partie adverse dispose du temps suffisant pour y répondre ; qu'en rejetant, dès lors, la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions et pièces déposées le jour même de l'ordonnance de clôture par la société civile immobilière du 8 rue du général Guilhem sans rechercher si M. et Mme Philippe X... avaient disposé d'un temps suffisant pour y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la demande M. et Mme Philippe X... tendant à la condamnation de la société civile immobilière du 8 rue du général Guilhem à leur payer des dommages et intérêts, en ce que cette demande portait sur une somme excédant celle de 1 529 euros ;
AUX MOTIFS QUE « conformément à l'article 1142 du code civil, toute obligation de faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur. / Le bien ayant fait l'objet d'une location par la Sci peu après l'expulsion des époux X..., le 6 juillet 2000, l'obligation de restitution mise à la charge du bailleur par la cour d'appel le 10 mai 2001 ne pouvait plus être exécutée. Il y a lieu d'examiner le préjudice des époux X.... / Le 10 février 1999, un constat établi par Maître Y..., huissier, a permis de constater que les deux logements loués par les époux X... tant celui du 6ème étage que celui du 1er étage, objet du litige, n'étaient plus occupés par eux depuis huit années. Ces derniers ayant leur adresse principale dans une rue proche et le bien du 1er étage étant à cette époque loué à une nièce de Mme X.... / C'est sur la base de ce document que la société Adage Invest a saisi le tribunal d'instance qui a prononcé la résiliation du bail pour inoccupation personnelle des lieux et jugé que la loi du 6 juillet 1989 était inapplicable, le bien n'étant pas la résidence principale des locataires contrairement à l'objet du contrat. / L'expulsion a eu lieu le 21 avril 2000. La cour d'appel a jugé que le bail avait été renouvelé selon les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et qu'aucune obligation de résider personnellement dans les lieux ne figurait au contrat et a ordonné à la Sci de remettre les lieux à la disposition des locataires. / Le bien n'était pas occupé à usage d'habitation principale servant en réalité à loger des membres de la famille lors du constat d'huissier ou selon les propres déclarations des époux X... à être utilisé pour déjeuner le midi en annexe à un local commercial ou à faire de la comptabilité ou à loger leur fils ce qui s'agissant de cette dernière allégation n'avait nullement été soutenu devant la cour d'appel en 2001. / Cependant les époux X... propriétaires de deux autres bien situés à proximité et loués ne justifient nullement de ce qu'ils auraient dû reprendre une location pour compenser la perte du bien. De plus leur appartement principal est situé tout près (à une minute) tant de leur ancien commerce restitué en février 2004 en contrepartie d'une indemnité d'éviction que de celui pris plus récemment en 2004 (situé à 30 mètres). / S'agissant de leur fils, ils ne justifient nullement que ce dernier résidait dans l'appartement du 1er étage lors de l'expulsion alors même que la cour d'appel le 10 mai 2001 a refusé d'assortir la demande de remise des lieux d'une astreinte en l'absence de résidence des preneurs. Cette décision est définitive. / D'ailleurs, ce dernier en août 2001 dans le cadre de l'assignation délivrée devant le juge de l'exécution était domicilié chez ses parents et non pas dans un de leur studio comme ils le prétendent. De plus ils ne justifient nullement de ce qu'ils auraient délivré un congé pour reprise à leurs locataires pour loger leur fils alors même que les baux de leurs deux locations datées de 1994 et 1999 sont versés au dossier. / Compte tenu de tous ces faits, la cour a les éléments permettant de leur octroyer la somme de 1 529 euros au titre de leur préjudice moral lié à la perte de l'appartement » (cf. arrêt attaqué p. 5) ;
ALORS QUE l'exécution est poursuivie aux risques et périls du créancier qui, si le titre est ultérieurement modifié, devra restituer le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent ; que le preneur, qui a été expulsé des lieux loués par le bailleur en exécution d'une décision de justice ultérieurement infirmée, subit nécessairement, lorsqu'il n'est pas, par la suite, rétabli dans son droit de jouissance des lieux loués, un préjudice matériel, tenant à la privation de son droit de jouissance des lieux loués ; qu'en limitant, dès lors, l'indemnisation de M. et Mme Philippe X... à un simple préjudice moral lié à la perte de l'appartement qu'ils louaient et dont ils ont été expulsés par la société civile immobilière du 8 rue du général Guilhem en application de l'exécution provisoire attachée au jugement prononçant la résiliation du bail, sans avoir été rétablis dans leur droit de jouissance de l'appartement loué, en raison de sa relocation à un tiers par la société civile immobilière du 8 rue du général Guilhem qui a rendu impossible l'exécution en nature de l'arrêt infirmatif, rendu le 10 mai 2001 par la cour d'appel de Paris, ordonnant au bailleur de remettre les lieux à disposition des locataires, aux motifs, inopérants, que M. et Mme Philippe X... n'occupaient pas l'appartement à titre d'habitation principale et ne justifiaient ni qu'ils avaient dû reprendre une location pour compenser la perte du bien, ni que leur fils résidait dans l'appartement litigieux, la cour d'appel, qui n'a pas restitué M. et Mme Philippe X... dans leurs droits équivalents à ceux résultant du bénéfice du contrat de bail, a violé les dispositions des articles 31, alinéa 2, de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991et 1142, 1147 et 1149 du code civil.