LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches
Attendu que le centre hospitalier "Louis Giorgi" d'Orange, établissement public chargé de l'exécution d'un service public de santé, a donné à bail à la société ANTS, société commerciale de droit privé, un local à usage de boutique situé dans le hall de l'hôpital et un local à usage de rangement, avec faculté pour le preneur d'installer à l'extérieur du local des tables, chaises et meubles roulants d'exposition de journaux et de fleurs, destinés à l'exploitation du commerce de petite restauration et de presse et prévoyant que le preneur assurait la location de téléviseurs ; que le centre hospitalier ayant donné congé à la société ANTS, celle-ci l'a assigné devant la juridiction de l'ordre judiciaire en nullité de la résiliation et en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
Attendu que la société ANTS fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 juin 2009) d'accueillir l'exception d'incompétence soulevée par le centre hospitalier, alors, selon le moyen :
1°/ que le litige né de la résiliation d'un contrat qui n'a pas pour objet de faire participer le contractant personne privée à l'exécution d'un service public et qui ne comporte pas de clauses exorbitantes relève de la juridiction judiciaire ; que dès lors, la cour d'appel qui, tout en relevant que le contrat conclu entre la société ANTS, personne privée, et le centre hospitalier Louis Giorgi, personne publique, n'avait pas pour objet de faire participer le premier à l'exécution du service public administratif et ne comportait pas de clauses exorbitantes du droit commun, a néanmoins décidé que le contentieux de la résiliation de ce contrat relevait de la juridiction administrative, n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations et ainsi violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ qu'un bien immobilier appartenant à une personne publique, s'il n'est pas directement affecté à l'usage du public, ne relève du domaine public de celle-ci que s'il est affecté à un service public et, en ce cas, spécialement aménagé à cet effet ; qu'en retenant, pour juger que le bail commercial liant la société ANTS au centre hospitalier Louis Giorgi portait occupation du domaine public et relevait en conséquence de la compétence du juge administratif, que le fonds de commerce où la société ANTS exploitait son activité de vente de fleurs, d'articles de presse et de restauration était mis à la disposition directe du public, ce qui ne pouvait être le cas dès lors qu'elle relevait l'existence d'un exploitant, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en déduisant la domanialité publique des locaux où était exploité le fonds de commerce de ce que celui ci concourait à l'exécution d'une mission accessoire au service public hospitalier et répondait à certains besoins non desservis par l'établissement hospitalier, la cour d'appel, qui n'a pas ainsi constaté que ces locaux se trouvaient affectés à un service public, ce qu'excluait au contraire sa constatation suivant laquelle le contrat ne faisait pas participer l'exploitant à l'exécution du service public administratif, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 2111-1 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le centre hospitalier dans l'enceinte duquel étaient situés les locaux donnés à bail était entièrement affecté au service public hospitalier et que le contrat stipulait la soumission de la société ANTS à des contraintes horaires et à l'interdiction de fermeture hebdomadaire liées aux sujétions de ce service, la cour d'appel, par ces seuls motifs, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ANTS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ANTS à payer au centre hospitalier Louis Giorgi la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société ANTS
La société A.N.T.S. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli l'exception d'incompétence invoquée par le Centre hospitalier au profit de la juridiction administrative pour connaître du contentieux de la rupture du bail commercial conclu à effet du 1er janvier 1996, organisant une occupation du domaine public, et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE ce contrat n'a pas pour objet de faire participer la SARL A.N.T.S. à l'exécution du service public administratif et ne comporte pas de clauses exorbitantes du droit commun, même s'il comporte des particularités dans ses conditions d'exploitation liées à son emplacement, au sein même d'un hôpital dont l'immeuble est entièrement affecté au service public hospitalier ; mais, d'une part, que ce fonds de commerce, par son objet, sa situation et ses conditions d'exploitations spécifiques, est uniquement destiné à desservir les malades hospitalisés, leurs visiteurs et le personnel hospitalier, c'est à dire qu'il est ainsi mis à la disposition directe du public usager de l'hôpital et du personnel affecté à l'exécution de la mission de service public ; qu'il concourt ainsi à l'exécution d'une mission accessoire à ce service public, et non indépendante et distincte de celui-ci, en proposant à ses usagers et personnels affectés, à l'occasion même de l'exécution du service public hospitalier, des prestations complémentaires à celles offertes par l'établissement public seul et pour partie nécessaires ; qu'il permet ainsi, au-delà de la simple notion de confort évoquée et applicable à la possibilité d'acquérir des fleurs, la presse ou de louer un téléviseur sur place, d'assurer aussi la restauration des visiteurs des personnes hospitalisées, des patients traités en ambulatoire et du personnel de l'hôpital, qui n'est pas prise en charge par la cuisine de l'hôpital, réservée aux seuls malades hospitalisés pendant une nuit ; que par ailleurs il est exact que la circonstance qu'il autorise le preneur à occuper des locaux spécialement aménagés à cet effet dans l'hôpital n'a pas, à lui seul, pour effet de lui conférer la nature d'un contrat d'occupation du domaine public au sein duquel ce local se trouve néanmoins situé ; mais que le local loué a été aménagé de façon spécifique pour permettre l'accomplissement de prestations concourant accessoirement au service public assuré dans le bâtiment affecté à celui-ci, telle la restauration d'une partie des usagers et du personnel hospitalier, par l'installation de systèmes de réfrigération et de cuisine adaptés prévus au contrat, d'une part ; que, d'autre part, les conditions mêmes de son exploitation traduisent les exigences du service public, en imposant une plage horaire d'ouverture et une absence de fermeture hebdomadaire ; que ces éléments confèrent donc à ce local la nature de domaine public ; que dès lors ces conditions particulières d'occupation des locaux relevant de l'établissement public hospitalier et situés en son sein, donnés à bail pour exploiter un fonds de commerce spécialement aménagé pour desservir les usagers du service public hospitalier et répondre à certains besoins non remplis par l'établissement public, confèrent au contrat de bail commercial de ceux-ci la nature d'un contrat d'occupation du domaine public ; qu'en conséquence le contentieux de la résiliation de ce contrat d'occupation du domaine public relève bien de la compétence invoquée de la juridiction administrative ;
ALORS QUE le litige né de la résiliation d'un contrat qui n'a pas pour objet de faire participer le contractant personne privée à l'exécution d'un service public et qui ne comporte pas de clauses exorbitantes relève de la juridiction judiciaire ; que dès lors, la cour d'appel qui, tout en relevant que le contrat conclu entre la société A.N.T.S., personne privée, et le Centre hospitalier Louis Giorgi, personne publique, n'avait pas pour objet de faire participer le premier à l'exécution du service public administratif et ne comportait pas de clauses exorbitantes du droit commun, a néanmoins décidé que le contentieux de la résiliation de ce contrat relevait de la juridiction administrative, n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, et ainsi violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III ;
ALORS QU'un bien immobilier appartenant à une personne publique, s'il n'est pas directement affecté à l'usage du public, ne relève du domaine public de celle-ci que s'il est affecté à un service public et, en ce cas, spécialement aménagé à cet effet ; qu'en retenant, pour juger que le contrat de bail commercial liant la société A.N.T.S. au Centre hospitalier Louis Giorgi portait occupation du domaine public et relevait en conséquence de la compétence du juge administratif, que le fonds de commerce où la société A.N.T.S. exploitait son activité de vente de fleurs, d'articles de presse et de restauration était «mis à la disposition directe du public», ce qui ne pouvait être le cas dès lors qu'elle relevait l'existence d'un exploitant, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS QU'en déduisant la domanialité publique des locaux où était exploité le fonds de commerce de ce que celui-ci concourait à l'exécution d'une mission accessoire au service public hospitalier et répondait à certains besoins non desservis par l'établissement hospitalier, la cour d'appel, qui n'a pas ainsi constaté que ces locaux se trouvaient affectés à un service public, ce qu'excluait au contraire sa constatation suivant laquelle le contrat ne faisait pas participer l'exploitant à l'exécution du service public administratif, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 2111-1 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor an III.