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04/11/2010 | FRANCE | N°09-16206

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 novembre 2010, 09-16206


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 juin 2009), que M. X..., salarié de la société Alstom Atlantique, dénommée aujourd'hui Alstom Bergeron (la société), de 1954 à 1984 en qualité de soudeur, a adressé, le 18 décembre 2002, à la caisse primaire d'assurance maladie de Nantes (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical faisant état de "petits épaississements pleuraux plus ou moins calcifiés, un petit syndrome intersti

tiel sus pleural et un syndrome aux EFR" ; que la caisse a, le 5 mars 2003, re...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 juin 2009), que M. X..., salarié de la société Alstom Atlantique, dénommée aujourd'hui Alstom Bergeron (la société), de 1954 à 1984 en qualité de soudeur, a adressé, le 18 décembre 2002, à la caisse primaire d'assurance maladie de Nantes (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical faisant état de "petits épaississements pleuraux plus ou moins calcifiés, un petit syndrome interstitiel sus pleural et un syndrome aux EFR" ; que la caisse a, le 5 mars 2003, refusé de prendre en charge cette affection au titre de la législation professionnelle au motif que, les conditions médicales du tableau n° 30 des maladies professionnelles n'étaient pas remplies ; que M. X... a contesté cette décision ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale, après avoir ordonné une expertise médicale qui a conclu qu'il était atteint d'une maladie visée au tableau n° 30 des maladies professionnelles, a ordonné, au visa de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale une mesure d'instruction confiée à Monsieur le Directeur régional des affaires sanitaires et sociales et portant sur les conditions de travail de M. X... au sein de la société de 1954 à 1984, puis un complément d'enquête par jugement du 25 mai 2007 ; que la cour d'appel a décidé que la maladie déclarée par M. X... le 18 décembre 2002 doit être prise en charge à titre de maladie professionnelle, et déclaré la décision de la caisse opposable à la société Alstom Bergeron ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) peut recueillir tous éléments d'information auprès du directeur régional des affaires sanitaires sociales mais peut également ordonner un complément d'instruction et notamment prescrire une enquête ou une consultation ; que lorsque le TASS ne se contente pas de recueillir auprès du directeur régional des affaires sanitaires et sociales des informations dont il dispose, mais lui confie une véritable mission d'investigation, cette mesure constitue une mesure d'instruction soumise aux dispositions des articles 143 et suivants du code de procédure civile ; que les parties doivent, dans une telle hypothèse, être mises en mesure de suivre l'exécution de la mesure d'instruction, de formuler des observations et des demandes tout au long de la mesure d'instruction ; qu'au cas présent, le TASS de Nantes avait, dans son jugement avant dire droit du 17 février 2006, estimé qu' « en l'absence de renseignement sur les conditions de travail de M. X... entre 1954 et 1984, il y a lieu d'ordonner une enquête qui sera confiée au directeur régional des affaires sanitaires et sociales par application de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale » ; que, dans un nouveau jugement avant dire droit du 13 novembre 2006, le TASS a constaté que l'inspecteur de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) n'avait auditionné ni l'employeur, ni aucun des collègues de travail de M. X... et s'était contenté d'attestations écrites et a, en conséquence, ordonné un « complément d'enquête » pour décrire « de façon plus détaillée et plus motivée » les conditions dans lesquelles M. X... a exercé son activité professionnelle et « dit qu'à cet effet, notamment, tout témoin pourra être entendu ainsi que tout représentant de l'employeur » ; qu'il résultait de ces décisions de justice que le TASS de Nantes avait confié au directeur régional des affaires sanitaires sociales une véritable mesure d'instruction et que la société devait pouvoir prendre connaissance des éléments recueillis par l'inspecteur de la DRASS et être entendue sur ces éléments avant le dépôt du rapport ; qu'en écartant cette prétention et en décidant que le caractère professionnel de la maladie, décidé sur le fondement des éléments recueillis au cours de l'enquête, avait été légalement établi à l'égard de la société, au motif que la mesure d'information ordonnée dans le cadre de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale ne serait pas soumise dans son déroulement au principe du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles R. 142-22 du code de la sécurité sociale, 10, 16 et 143 du code de procédure civile ;
2°/ que le caractère équitable du procès s'apprécie au regard de la procédure dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été administrée ; qu'il en résulte que la procédure ne présente pas un caractère équitable dès lors que le juge confie à un tiers une mesure d'instruction dont les résultats peuvent s'avérer déterminants dans la résolution du litige, et que les parties ne disposent pas de la possibilité de faire valoir contradictoirement leurs observations au cours de la mesure d'instruction ; qu'en estimant que la reconnaissance du caractère professionnel fondée sur les rapports de la DRASS pouvait être opposée à l'employeur au motif inopérant que celui-ci avait eu la possibilité de contester ces rapports au cours des débats devant le TASS, la cour d'appel a méconnu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que la société avait fait valoir dans ses conclusions que le refus du directeur de la DRASS d'entendre son avocat et de lui communiquer en temps utile un exemplaire du rapport constituait une atteinte directe au droit pour toute partie de se faire assister ou représenter dans un contexte contentieux par un avocat tel que le prévoit les articles 4 et 5 de la loi du 31 décembre 1971 et qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la personne qui se voit confier par le juge une mission en vue de l'éclairer et lui permettre de trancher un litige entre plusieurs parties doit accomplir sa mission avec objectivité et impartialité ; qu'au cas présent, l'inspecteur de la DRASS avait, dans son premier rapport, indiqué que : « M. X... a été employé au sein de la société de mai 1954 à novembre 1984, soit pendant plus de trente ans, en qualité de soudeur, ce que précise une attestation de l'employeur en date de mai 2003. Curieusement, ladite attestation mentionne que « compte tenu des éléments en notre possession, nous ne sommes pas en mesure de pouvoir préciser s'il y a eu ou non exposition aux risques asbestoses ». Il paraît en effet étonnant qu'au cours de 30 années, on ne puisse dire si OUI ou NON il y a eu risque. En ce cas le doute ne peut que profiter au requérant » ; que, pour se dispenser de procéder à l'audition de l'employeur et des collègues de M. X... demandée par le TASS, l'inspecteur avait dans son second rapport indiqué : « Le dossier paraît simple et clair. … Il convient d'insister sur les points suivants : - la mesure d'instruction confiée au DRASS n'étant ni une expertise, ni une enquête, l'enquêteur n'est nullement tenu au principe du contradictoire ; - la société, qui reconnaît bien avoir employé M. X..., écrit (voir enquête précédente) qu'elle n'est pas en mesure « de pouvoir préciser si il y a eu ou non exposition aux risques d'asbestoses ». A la lecture de cet écrit, l'on peut à juste titre se demander l'intérêt d'entendre l'employeur. Il serait en effet pour le moins étonnant que ne pouvant apporter de précisions sur l'exposition en mai 2003, il puisse le faire trois ans plus tard sauf à vouloir prolonger la procédure. Faut-il une fois encore rappeler que l'arrêté du 7 juillet 2000 indique … soudeur dans la liste des métiers… » ; qu'il résultait des termes clairs et précis que l'inspecteur de la DRASS, qui n'avait procédé à aucune audition, avait considéré, dès le départ, que la société était de mauvaise foi ; qu'en déclarant cependant que « rien ne permettait d'établir la partialité » dudit inspecteur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale tant au regard de l'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale que des articles 237 et 238 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la mesure d'information ordonnée dans le cadre de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable et confiée par le tribunal au directeur régional des affaires sanitaires et sociales, qui ne tend qu'à obtenir de simples renseignements, n'est pas soumise aux règles du code de procédure civile ;
Et attendu que l'arrêt relève que la société a été invitée le 17 novembre 2006 par la DRASS à présenter ses observations, qu'il lui était donc possible au mois de décembre 2006 de lui adresser un rapport sur les conditions de travail de M. X... et son éventuelle exposition aux poussières d'amiante, que le rapport de l'inspecteur ayant été déposé au greffe du tribunal le 5 janvier 2007, l'employeur avait jusqu'au 25 mai 2007, date de l'audience, et lors des débats devant le tribunal, la possibilité de faire valoir son point de vue et d'apporter des éléments objectifs permettant de prouver que M. X... n'avait pas été exposé aux poussières d'amiante, ce qu'elle n'a pas fait, que rien ne permet d'établir que l'inspecteur de la DRASS ait fait preuve en effectuant sa mission de partialité et que la prise en charge par la caisse de la pathologie dont souffre M. X... au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles n'était pas remise en cause ;
D'où il suit que la cour d'appel, qui n'a méconnu ni le principe de la contradiction ni le droit à un procès équitable, a légalement justifié sa décision de déclarer opposable à la société la prise en charge de l'affection déclarée par M. X... au titre de la législation professionnelle ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alstom Bergeron aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Alstom Bergeron ; la condamne à verser à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Alstom Bergeron.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir confirmé le jugement qui lui était déféré ayant dit que la maladie déclarée par Monsieur X... le 18 décembre 2002 doit être prise en charge à titre de maladie professionnelle et d'avoir dit que la décision de la Caisse primaire de prendre en charge la pathologie dont souffre Monsieur X... au titre de la législation professionnelle (Tableau 30) est opposable à la société ALSTOM BERGERON avec toutes les conséquences de droit qui en découlent ;
AUX MOTIFS QUE « le tribunal en confiant à la DRASS de Loire Atlantique une enquête en vue d'établir si Monsieur X... soudeur dans l'exercice de sa profession au sein de la société ALSTOM avait été régulièrement exposé au risque des poussières d'amiante, n'a fait qu'appliquer les dispositions de l'alinéa 1 de l'article R.142-22 du code de la sécurité sociale ; or il appartient à la société d'établir que l'enquêteur lors de sa mission a fait preuve d'une impartialité (sic), manifeste au mépris des dispositions des articles 237 et 238 du code de procédure civile et a volontairement refusé d'entendre l'employeur ; que la mesure d'information ordonnée dans le cadre de l'article R.141-22 confiée au directeur de la DRASS n'étant ni une enquête ni une expertise au sens de la loi et n'ayant pour objet que d'obtenir de simples renseignements complémentaires, sur les conditions de travail du salarié au sein de l'entreprise ALSTOM, elle n'est pas soumise dans son déroulement au principe du contradictoire qui peut s'exercer lors des débats devant la juridiction qui a ordonné cette mesure ; que rien ne permet d'établir que l'inspecteur de la DRASS en effectuant sa mission ait fait preuve d'impartialité (sic), alors que la société ALSTOM a été invitée le 17 novembre 2006 par la DRASS à présenter ses observations, il lui était donc possible au mois de décembre 2006 de lui adresser un rapport sur les conditions de travail de Monsieur X... et son éventuelle exposition aux poussières de l'amiante, d'autre part le rapport de l'inspecteur ayant été déposé au greffe du tribunal le 5 janvier 2007 l'employeur jusqu'au 25 mai 2007 date de l'audience et lors des débats devant le tribunal avait la possibilité de faire valoir son point de vue et d'apporter des éléments objectifs permettant d'apporter la preuve que Monsieur X... dans l'exercice de sa fonction de soudeur n'avait pas été exposé aux poussières d'amiante, ce qu'elle n'a pas fait ; que la prise en charge par la Caisse primaire de la pathologie dont souffre Monsieur X... au titre du tableau 30 des maladies professionnelles n'étant pas remise en cause, le jugement en date du 25 mai 2007 doit être confirmé, que s'agissant du moyen soulevé par la société ALSTOM BERGERON tendant à déclarer la décision de prise en charge de la caisse inopposable à l'employeur, il sera rejeté » ;
AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' « Il a été précédemment mentionné dans le jugement du 17 février 2006 le fait que la pathologie dont souffre M. X... relève du tableau 30 des maladies professionnelles. Dès lors subsistait la question de déterminer si le demandeur justifiait avoir été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante. La disparition des archives de l'employeur dans un incendie n'est imputable à aucune des parties et ne peut davantage leur faire grief. Il convient dès lors de se référer aux indices recueillis au cours de l'enquête et on complément exécutés à la demande du Tribunal. S'agissant des griefs présentés par la Société ALSTHOM sur la régularité de l'enquête de la DRASS, il convient de rappeler que les modalités de cette enquête résultent de la mission fixée par le Tribunal et que chargé de recueillir des éléments propres à déterminer la décision du Tribunal, l'enquêteur se devait à la plus grande objectivité sans qu'à aucun moment sa mission consiste à dé lacer sur le terrain un débat contradictoire en cours devant le Tribunal. L'employeur a été à même de faire valoir ses observations au cours de l'enquête sans qu'aucune obligation n'incombe à l'enquêteur de lui communiquer des pièces. La Société ALSTHOM fait également librement valoir aujourd'hui ses arguments. Celui de l'irrégularité formelle de l'enquête sera donc rejeté. Il convient de rappeler brièvement sur ce point parfaitement tranché par une jurisprudence constante que les textes applicables en matière de maladie professionnelle sont ceux en vigueur à la date à laquelle est fait le diagnostic de cette maladie. En conséquence, tout argument invoqué par l'employeur sur le fondement d'une inapplicabilité des textes législatifs et réglementaires devra être rejeté. Comme il est indiqué supra la seule question est de déterminer si M. X... a été ou non exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions susceptibles de provoquer la pathologie litigieuse. Le classement de la Société ALSTHOM dans la liste des établissements où était utilisée l'amiante ne constitue pas une preuve mais un simple indice de cette utilisation et de l'éventualité d'une possible exposition. S'ajoute à ce premier indice celui des attestations d'anciens collègues de M. X... sur les conditions dans lesquelles ils exerçaient leur profession au sein de l'entreprise. A ce sujet les quatre documents produits attestent de l'utilisation systématique et classique à l'époque de toiles et matelas d'amiante pour effectuer certaines opérations de soudage et du dégagement de nombreuses particules d'amiante lors de la manipulation de ces objets. L'enquête et son complément apportent un dernier indice qui affirme de façon nette que la maladie dont souffre M. X... n'a pu être contractée par lui que lors de son emploi par la Société ALSTHOM. Le demandeur satisfait donc à l'obligation qui lui incombe de rapporter la preuve de son exposition au risque dont résulte la maladie. L'employeur n'affirme aucun fait contraire et n'en rapporte encore moins la preuve ; il ne saurait invoquer l'impossibilité dans laquelle il se trouve de le faire pour faire obstacle aux droits légitimes de M. X.... Il convient donc de faire droit à la demande de prise en charge de la maladie de M. X... au titre des maladies professionnelles. Compte tenu du délai écoulé depuis le recours devant la commission de recours amiable et de la résistance opiniâtre des défendeurs à la demande, il légitime d'accorder les intérêts de droit à compter du refus de la commission recours amiable. Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge du demandeur les frais irrépétibles qu'il a dû exposer pour la présente procédure ; il lui sera en accordé à ce titre la somme de 1.500 €. Compte tenu de l'ancienneté du litige et de l'importance de la pathologie de M. X..., le Tribunal estime justifié d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de R.142-22 du Code de la sécurité sociale, le TASS peut recueillir tous éléments d'information auprès du Directeur régional des affaires sanitaires sociales mais peut également ordonner un complément d'instruction et notamment prescrire une enquête ou une consultation ; que lorsque TASS ne se contente pas de recueillir auprès du Directeur régional des affaires sociales des informations dont il dispose, mais lui confie une véritable mission d'investigation, cette mesure constitue une mesure d'instruction soumise aux dispositions des articles 143 et suivants du Code de procédure civile ; que les parties doivent, dans une telle hypothèse, être mises en mesure de suivre l'exécution de la mesure d'instruction, de formuler des observations et des demandes tout au long de la mesure d'instruction ; qu'au cas présent, le TASS de NANTES avait, dans son jugement avant dire droit du 17 février 2006, estimé qu' « en l'absence de renseignement sur les conditions de travail de Monsieur X... entre 1954 et 1984, il y a lieu d'ordonner une enquête qui sera confiée au directeur régional des affaires sanitaires et sociales par application de l'article R.142-22 du Code de la sécurité sociale » (Jugement p. 4) ; que, dans un nouveau jugement avant dire droit du 13 novembre 2006, le TASS a constaté que l'inspecteur de la DRASS n'avait auditionné ni l'employeur, ni aucun des collègues de travail de Monsieur X... et s'était contenté d'attestations écrites (Jugement p. 4) et a, en conséquence, ordonné un « complément d'enquête » pour décrire « de façon plus détaillée et plus motivée » les conditions dans lesquelles Monsieur X... a exercé son activité professionnelle et « dit qu'à cet effet, notamment, tout témoin pourra être entendu ainsi que tout représentant de l'employeur » ; qu'il résultait de ces décisions de justice que le TASS de NANTES avait confié au Directeur régional des affaires sanitaires sociales une véritable mesure d'instruction et que la société ALSTOM BERGERON devait pouvoir prendre connaissance des éléments recueillis par l'inspecteur de la DRASS et être entendue sur ces éléments avant le dépôt du rapport ; qu'en écartant cette prétention et en décidant que le caractère professionnel de la maladie, décidé sur le fondement des éléments recueillis au cours de l'enquête, avait été légalement établi à l'égard de la société ALSTOM BERGERON, au motif que la mesure d'information ordonnée dans le cadre de l'article R.142-22 du Code de la sécurité sociale ne serait pas soumise dans son déroulement au principe du contradictoire, la Cour d'appel a violé les articles R.142-22 du Code de la sécurité sociale, 10, 16 et 143 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le caractère équitable du procès s'apprécie au regard de la procédure dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été administrée ; qu'il en résulte que la procédure ne présente pas un caractère équitable dès lors que le juge confie à un tiers une mesure d'instruction dont les résultats peuvent s'avérer déterminants dans la résolution du litige, et que les parties ne disposent pas de la possibilité de faire valoir contradictoirement leurs observations au cours de la mesure d'instruction ; qu'en estimant que la reconnaissance du caractère professionnel fondée sur les rapports de la DRASS pouvait être opposée à l'employeur au motif inopérant que celui-ci avait eu la possibilité de contester ces rapports au cours des débats devant le TASS, la Cour d'appel a méconnu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales, ensemble l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la Société ALSTOM avait fait valoir dans ses conclusions (p. 13 et 14) que le refus du Directeur de la DRASS d'entendre son avocat et de lui communiquer en temps utile un exemplaire du rapport constituait une atteinte directe au droit pour toute partie de se faire assister ou représenter dans un contexte contentieux par un avocat tel que le prévoit l'article 4 et 5 de la loi du 31 décembre 1971 et qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS, ENFIN, QUE la personne qui se voit confier par le juge une mission en vue de l'éclairer et lui permettre de trancher un litige entre plusieurs partie doit accomplir sa mission avec objectivité et impartialité ; qu'au cas présent, l'inspecteur de la DRASS avait, dans son premier rapport, indiqué que : « Monsieur X... a été employé au sein de la société ALSTHOM ATLANTIQUE de mai 1954 à novembre 1984 soit pendant plus de trente ans, en qualité de soudeur, ce que précise une attestation de l'employeur en date de mai 2003. Curieusement, la dite attestation mentionne que « compte tenu des éléments en notre possession, nous ne sommes pas en mesure de pouvoir préciser s'il y a eu ou non exposition aux risques asbestoses ». Il paraît en effet étonnant qu'au cours de 30 années, on ne puisse dire si OUI ou NON il y a eu risque. En ce cas le doute ne peut que profiter au requérant » ; que, pour se dispenser de procéder à l'audition de l'employeur et des collègues de Monsieur X... demandée par le TASS, l'inspecteur avait dans son second rapport indiqué : « Le dossier paraît simple et clair. … Il convient d'insister sur les points suivants : - la mesure d'instruction confiée au DRASS n'étant ni une expertise, ni une enquête, l'enquêteur n'est nullement tenu au principe du contradictoire ; - la société ALSTHOM, qui reconnaît bien avoir employé Monsieur X..., écrit (voir enquête précédente) qu'elle n'est pas en mesure « de pouvoir préciser si il y a eu ou non exposition aux risques d'asbestoses ». A la lecture de cet écrit, l'on peut à juste tire se demander l'intérêt d'entendre l'employeur. Il serait en effet pour le moins étonnant que ne pouvant apporter de précisions sur l'exposition en mai 2003, il puisse le faire trois ans plus tard sauf à vouloir prolonger la procédure. Faut-il une fois encore rappeler que l'arrêté du 7 juillet 2000 indique … soudeur dans la liste des métiers… » ; qu'il résultait des termes clairs et précis que, l'inspecteur de la DRASS, qui n'avait procédé à aucune audition avait considéré, dès le départ, que la société ALSTOM BERGERON était de mauvaise foi ; qu'en déclarant cependant que « rien ne permettait d'établir la partialité » dudit inspecteur la Cour d'Appel a privé sa décision de toute base légale tant au regard de l'article L.142-2 du Code de la Sécurité Sociale que des articles 237 et 238 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-16206
Date de la décision : 04/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 10 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 nov. 2010, pourvoi n°09-16206


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.16206
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