LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'un jugement non exécutoire du 19 avril 2005, confirmé par un arrêt du 27 mars 2006, rendu à la demande de Marie X..., a notamment condamné la société Decons (la société) à réaliser sous peine d'une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision des travaux de mise aux normes préconisés par un expert ; que le pourvoi formé contre l'arrêt du 27 mars 2006 a été rejeté (2e Civ., 28 mai 2009, pourvoi n° 06-19. 027) ; qu'entre-temps, Mme Y..., agissant en qualité d'ayant droit de Marie X..., a demandé la liquidation de l'astreinte ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de Mme Y..., alors, selon le moyen :
1° / que l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que l'action de Mme Y... était recevable, alors qu'elle avait introduit l'instance en liquidation d'astreinte, en faisant valoir le préjudice de jouissance qu'elle subissait – lequel préjudice n'avait pas été souffert par Mme Y... qui n'avait jamais habité l'immeuble voisin de l'exploitation de la société Decons, ce dont il résultait qu'elle ne justifiait d'aucun intérêt à agir –, a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
2° / que l'astreinte a un caractère purement personnel qui interdit la transmission du droit à sa liquidation, notamment lorsque le créancier est décédé en cours d'instance, avant la fixation de l'obligation d'astreinte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que le droit à liquidation d'astreinte dont bénéficiait Marie X..., décédée en cours d'instance (avant la fixation de l'obligation d'astreinte), avait pu se transmettre à sa fille, Mme Y..., de sorte que l'intérêt à agir de celle-ci était établi, a violé les articles 31 du code de procédure civile et 36 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme Y... venait aux droits de sa mère décédée et que sa demande tendait à la liquidation de l'astreinte mise à la charge de la société pour la contraindre à exécuter certains travaux, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de déclarer l'action recevable ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 51 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
Attendu que l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire ;
Attendu que l'arrêt liquide l'astreinte à compter de la signification du jugement ayant fixé l'injonction assortie d'astreinte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'astreinte ne pouvait commencer à courir qu'à compter du jour où l'arrêt qui avait confirmé la condamnation sous astreinte était devenu exécutoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré Mme Y... recevable en son action, l'arrêt rendu le 5 août 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Decons
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable en son action en liquidation d'astreinte, intentée contre une entreprise (la société DECONS), l'héritière (Madame Y...) de la propriétaire de l'immeuble voisin,
AUX MOTIFS QUE le premier juge avait visé l'article 31 du code de procédure civile ; que cependant, en l'espèce, Madame Y... était subrogée dans les droits de sa mère et la demande qu'elle présentait ne portait pas sur l'indemnisation du trouble de jouissance, mais sur la liquidation de l'astreinte mise à la charge de la société DECONS pour la contraindre à exécuter certains travaux ; que Madame Y... était donc recevable en son action,
1° ALORS QUE l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande ; qu'en l'espèce, la cour, qui a estimé que l'action de Madame Y... était recevable, alors qu'elle avait introduit l'instance en liquidation d'astreinte, en faisant valoir le préjudice de jouissance qu'elle subissait – lequel préjudice n'avait pas été souffert par Madame Y... qui n'avait jamais habité l'immeuble voisin de l'exploitation de la société DECONS, ce dont il résultait qu'elle ne justifiait d'aucun intérêt à agir –, a violé l'article 31 du code de procédure civile,
2° ALORS QUE l'astreinte a un caractère purement personnel qui interdit la transmission du droit à sa liquidation, notamment lorsque le créancier est décédé en cours d'instance, avant la fixation de l'obligation d'astreinte ; qu'en l'espèce, la cour, qui a estimé que le droit à liquidation d'astreinte dont bénéficiait Madame X..., décédée en cours d'instance (avant la fixation de l'obligation d'astreinte), avait pu se transmettre à sa fille, Madame Y..., de sorte que l'intérêt à agir de celle-ci était établi, a violé les articles 31 du code de procédure civile et 36 de la loi du 9 juillet 1991.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir liquidé une astreinte, prononcée à la demande du propriétaire du terrain (Madame Y..., se trouvant aux droits de Madame X...), attenant au site exploité par une entreprise de recyclage (la société DECONS),
AUX MOTIFS QUE le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ; que la société DECONS soutenait avoir exécuté les travaux demandés et mettait en avant un rapport de visite établi le 29 juillet 2005 par un inspecteur de la DRIRE qui avait écrit : « les prescriptions imposées dans l'arrêté de mise en demeure du 7 septembre 2004 ont donc été réalisées » ; qu'il ressortait cependant de ce rapport très succinct que si certains travaux avaient été engagés, la DRIRE restait néanmoins très prudente, en mentionnant également : « Nous avons demandé à l'exploitant un plan actualisé des installations afin de visualiser les travaux effectués » ; qu'il résultait des pièces produites aux débats devant la cour que les travaux ordonnés par le tribunal de grande instance de Pau n'avaient pas effectivement été réalisés ; que si la DRIRE se référait à l'arrêté de mise en demeure du 7 septembre 2004, le jugement du 19 avril 2005 avait ordonné la réalisation « des travaux de mise aux normes préconisés par Monsieur Z... dans ses rapports en date des 15 octobre 2002 et 30 janvier 2004 », préconisations plus larges et surtout plus précises ; que, dans sa décision du 27 mars 2006, la cour avait noté que la société DECONS n'avait pas apporté la preuve de l'exécution des travaux préconisés qui n'étaient de surcroît que l'exécution de ses propres préconisations, en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter en causant le moins de trouble possible au voisinage, et en particulier à Madame X... ; que la société DECONS avait procédé à l'extension de l'activité existante, sans se préoccuper des nuisances nouvelles et spécifiques qu'elle causait, notamment en termes de pollutions diverses, de covisabilité et surtout de bruit ; que la cour avait souligné que « la mauvaise foi de la société DECONS est parfaitement établie » ; que la cour avait donc confirmé le jugement rendu le 19 avril 2005 par le tribunal de grande instance de Pau qui avait, entre autres, condamné la société DECONS à réaliser sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, les travaux de mise aux normes préconisés par Monsieur Z... dans ses rapports en date des 15 octobre 2002 et 30 janvier 2004 ; que, dans le cadre du pourvoi qu'elle avait interjeté, devant la Cour de cassation, soit fin 2006, la société DECONS avait fait valoir, selon l'ordonnance du 31 janvier 2007, « qu'elle a réglé la condamnation mise à sa charge, ce qu'admet Madame X... concernant la condamnation pécuniaire, mais qu'elle conteste concernant la réalisation des travaux ; que la société DECONS fait valoir, en réplique, que cette exécution aurait des conséquences manifestement excessives et qu'elle a démontré son intention de déférer à la décision en réglant une condamnation substantielle » ; que la Cour de cassation avait enfin indiqué : « attendu que pour fonder la non exécution concernant les travaux, la société DECONS avait exposé que l'exécution de la décision rendrait définitivement sans objet le pourvoi en cassation, le coût des travaux étant ainsi définitivement exposé ; que cette démonstration est dénuée de pertinence dans la mesure où elle condamne toute exécution de faire ordonnée par les juges du fond et où le refus d'exécution n'est fondé sur aucun motif pertinent » ; qu'ainsi, au 31 janvier 2007, il était établi – et aucune pièce produite par la société DECONS ne démontrait le contraire – que :- la société DECONS n'avait pas exécuté les travaux mis à sa charge sous astreinte ;- le refus d'exécution n'était fondé sur aucun motif pertinent et la société DECONS ne faisait valoir aucun empêchement ou contrainte qui ferait obstacle à l'exécution des décisions de justice ; que, compte tenu de ces éléments, il y avait lieu d'ordonner la liquidation de l'astreinte comme fixée par le juges du fond, soit au montant de 300 € par jour de retard à compter du 2 mai 2005, date de signification du jugement du 25 avril 2005 confirmé par l'arrêt de la cour du 27 mars 2006, jusqu'au 31 janvier 2007, soit 21 mois ; que la société DECONS devait donc être condamnée à payer à Madame Y... la somme de 21 x 300 €, soit 189. 000 €,
1° ALORS QUE l'astreinte ne peut être liquidée quand le créancier, qui en bénéficiait à titre personnel, est décédé avant le prononcé de l'arrêt d'appel fixant le principe de l'obligation d'astreinte ; qu'en l'espèce, la cour, qui a liquidé l'astreinte, alors que Madame X... était décédée avant le prononcé de l'arrêt d'appel ayant fixé, par une décision exécutoire, le principe de l'astreinte, a violé les articles 36 de la loi du 9 juillet 1991 et 51 du décret du 31 juillet 1992,
2° ALORS QUE l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire ; qu'en l'espèce, la cour, qui a liquidé l'astreinte, en fixant le point de départ de celle-ci au jour de signification du jugement de premier instance, quand celui-ci – qui n'était pas revêtu de l'exécution provisoire – avait été frappé d'appel, rien n'établissant d'ailleurs que l'arrêt d'appel avait été signifié, a violé l'article 51 du décret du 31 juillet 1992.