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20/10/2010 | FRANCE | N°09-41882

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2010, 09-41882


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Château Citran Médoc (la société) à compter du 1er novembre 1991 en qualité d'ouvrier agricole, prix faiteur à façon ; que celui-ci ayant été victime en 2000 d'un accident du travail, le médecin du travail a établi, à l'issue de la visite médicale de reprise du 16 janvier 2001, une fiche d'aptitude mentionnant une "aptitude limitée au poste de vigneron, sans gros effort ni manutention" ; qu'à partir de cette date, la société

l'a rémunéré à l'heure ; qu'à l'issue d'un examen périodique d'aptitude effectu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Château Citran Médoc (la société) à compter du 1er novembre 1991 en qualité d'ouvrier agricole, prix faiteur à façon ; que celui-ci ayant été victime en 2000 d'un accident du travail, le médecin du travail a établi, à l'issue de la visite médicale de reprise du 16 janvier 2001, une fiche d'aptitude mentionnant une "aptitude limitée au poste de vigneron, sans gros effort ni manutention" ; qu'à partir de cette date, la société l'a rémunéré à l'heure ; qu'à l'issue d'un examen périodique d'aptitude effectué le 17 décembre 2004, le médecin du travail a déclaré M. X... apte à son poste sans contre-indication à l'emploi ; que sur sa demande présentée à son employeur d'être à nouveau rémunéré au prix fait, le médecin du travail, saisi par la société, a, à l'issue de la visite effectuée le 14 février 2006, établi une nouvelle fiche d'aptitude mentionnant "apte au poste de vigneron avec rendement adapté et rythme modéré (pas de travail type "prix fait")" ; que sur le recours que M. X... a exercé, l'inspecteur du travail a, par décision du 30 août 2006, décidé qu'il était "apte, sans restriction, au poste de vigneron" ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de rappel de salaire, d'indemnité de congés payés correspondante et de dommages-intérêts en réparation de la suppression de sa rémunération au forfait, en précisant que l'employeur avait rétabli la rémunération au prix fait à compter du mois de décembre 2006 ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1134, 1142 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement de la somme de 27 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la suppression de sa rémunération au prix fait, l' arrêt retient que le non-paiement, par l'employeur, de salaires correspondant à des heures travaillées, fut-ce pendant plusieurs années, ne peut donner lieu à réparation indemnitaire au bénéfice du salarié, sauf s'il démontre un préjudice spécifique, indépendant de la perte des salaires ; "que si, pour la période du 16 janvier 2001 au 17 décembre 2004, le médecin du travail, par une fiche d'aptitude non contestée, a estimé qu'il avait une aptitude limitée à sa fonction, M. X... ne pouvait bénéficier d'une rémunération au prix fait et il ne justifie d'aucun préjudice spécifique" ; que même si, pour la période du 17 décembre 2004 au mois d'octobre 2006, il a été reconnu "apte, sans restriction, au poste de vigneron" et recevable à solliciter le versement d'une rémunération au prix fait, M. X..., qui déplore que le passage d'une rémunération au prix fait à une rémunération forfaitaire lui a créé une perte de revenu considérable et qui évalue le manque à gagner en calculant le salaire qu'il revendique, ne démontre aucun préjudice spécifique susceptible de justifier le versement de dommages-intérêts à ce titre ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait substitué au calcul de la rémunération contractuelle au prix fait, qui était plus avantageuse, une rémunération forfaitaire, selon un tarif horaire, établissant que M. X... avait été ainsi privé d'obtenir des gains plus importants, la cour d'appel , qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes à titre de rappel de salaire, et de congés payés afférents, l'arrêt retient que M. X... demande que son manque à gagner soit systématiquement calculé sur la base de 151,67 heures par mois ; que puisqu'il ne justifie pas, avec les bulletins de paie produits, avoir perçu, avant l'accident du travail, un salaire mensualisé sur la base d'un temps plein et qu'il a été réintégré dans une rémunération au prix fait, il a de la sorte été correctement indemnisé du préjudice qu'il avait subi et ne peut obtenir en sus un rappel de salaire supplémentaire sur la base d'un temps de travail mensualisé à temps plein ;
Qu'en se déterminant par ce motif inopérant quand il était constant qu'avant l'accident du travail, M. X... était rémunéré à prix fait, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si l'employeur ne devait pas respecter, pendant la période considérée, la mensualisation applicable aux salariés travaillant à l'heure ou à façon à temps plein, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a donné acte à la société Château Citran de ce qu'elle a rétabli la rémunération de M. X... au prix fait à compter du mois de décembre 2006, l'arrêt rendu le 18 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Condamne la société Château Citran Médoc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Château Citran Médoc à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par de la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande en paiement de la somme de 27.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la suppression de sa rémunération au prix fait ;
AUX MOTIFS QUE monsieur Mohamed X... a été engagé par la société Château Citran Médoc (la société) à compter du 1er novembre 1991 en qualité d'ouvrier agricole, prix faiteur à façon. Au cours de l'année 2000, il a été victime d'un accident du travail. Le 16 janvier 2001, il a fait l'objet d'une visite médicale de reprise et le médecin du travail du travail a établi une fiche d'aptitude mentionnant une «aptitude limitée au poste de vigneron, sans gros effort ni manutention». A partir de cette date, la société l'a rémunéré à l'heure. A l'issue d'un examen périodique d'aptitude effectué le 17 décembre 2004, le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste sans contre-indication à l'emploi. Sur sa demande présentée à son employeur d'être à nouveau rémunéré au prix fait, le médecin du travail, saisi par la société, a, à l'issue de la visite effectuée le 14 février 2006, établi une nouvelle fiche d'aptitude mentionnant «apte au poste de vigneron avec rendement adapté et rythme modéré (pas de travail type «prix fait»)» ;

mais sur le recours qu'il a exercé contre cet avis, l'inspecteur du travail a, par décision du 30 août 2006, décidé qu'il était «apte, sans restriction, au poste de vigneron». Il a saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande en paiement de rappel de salaire, d'indemnité de congés payés correspondante et de dommages et intérêts en réparation de la suppression de sa rémunération au forfait, en précisant que l'employeur avait rétabli la rémunération au prix fait à compter du mois de décembre 2006 (cf. arrêt p. 3 § 1) ; le non-paiement, par l'employeur, de salaires correspondant à des heures travaillées, fut-ce pendant plusieurs années, ne peut donner lieu à réparation indemnitaire au bénéfice du salarié, sauf s'il démontre un préjudice spécifique, indépendant de la perte des salaires ;
que si, pour la période du 16 janvier 2001 au 17 décembre 2004, le médecin du travail, par une fiche d'aptitude non contestée, a estimé qu'il avait une aptitude limitée à sa fonction par une fiche d'aptitude, monsieur X... ne pouvait bénéficier d'une rémunération au prix fait et il ne justifie d'aucun préjudice spécifique ; que même si, pour la période du 17 décembre 2004 au mois d'octobre 2006, il a été reconnu "apte, sans restriction, au poste de vigneron" et recevable à solliciter le versement d'une rémunération au prix fait, monsieur X..., qui déplore que le passage d'une rémunération au prix fait à une rémunération forfaitaire lui a créé une perte de revenu considérable et qui évalue le manque à gagner en calculant le salaire qu'il revendique, ne démontre aucun préjudice spécifique susceptible de justifier le versement de dommages et intérêts à ce titre ; qu'en conséquence, au vu de ces constatations, la cour infirme le jugement et rejette la demande de monsieur X... (cf. arrêt p. 5) ;
1°) ALORS QUE toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ; que le salarié peut obtenir des dommages-intérêts compensant le préjudice subi du fait de l'inexécution par l'employeur du contrat de travail aux conditions initialement convenues ; qu'en retenant que le refus par l'employeur, à compter du 16 janvier 2001, d'exécuter le contrat de travail aux conditions initialement prévues, en modifiant unilatéralement le mode de rémunération de monsieur X..., ne pouvait donner lieu à des dommages-intérêts visant à réparer le préjudice financier causé à monsieur X..., la cour appel a violé les articles 1142 et 1147 du code civil ;
2°) ALORS QUE (subsidiairement) le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en écartant la demande de monsieur X... en paiement de la somme de 27.000 euros en raison de la perte de revenu provoquée par son passage en 2001 d'une rémunération au prix fait à une rémunération forfaitaire au motif que le non-paiement par l'employeur de salaires correspondant à des heures travaillées ne pouvait donner lieu à des dommages-intérêts, sans requalifier ladite demande en rappel de salaire, la cour appel n'a pas rempli son office en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE (subsidiairement) en relevant d'office le moyen selon lequel le non-paiement, par l'employeur, de salaires correspondant à des heures travaillées ne pouvait donner lieu à des dommages-intérêts, sans inviter préalablement les parties à fournir leurs explications, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE l'avis d'aptitude partielle du salarié à son emploi rendu par le médecin du travail n'autorise pas l'employeur à modifier unilatéralement son mode de rémunération ; qu'en écartant la demande de dommages-intérêts de monsieur X... pour la période du 16 janvier 2001 au 17 décembre 2004, fondée sur la suppression unilatérale du mode de rémunération au prix fait, en raison de l'avis d'aptitude partielle rendu par le médecin du travail le 16 janvier 2001, la cour appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de ses demandes en paiement de 4.021, 21 euros à titre de rappel de salaire, et de 402,12 euros au titre des congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de ses explications que monsieur X... demande que son manque à gagner soit systématiquement calculé sur la base de 151,67 heures par mois ; que puisqu'il ne justifie pas, avec les bulletins de paie produits, avoir perçu, avant l'accident du travail, un salaire mensualisé sur la base d'un temps plein et qu'il a été réintégré dans une rémunération au prix fait, il a de la sorte été correctement indemnisé du préjudice qu'il avait subi et ne peut obtenir en sus un rappel de salaire supplémentaire sur la base d'un temps de travail mensualisé à temps plein.
ALORS QUE pour débouter monsieur X... de sa demande de rappel de salaire pour la période 2001-2005, la cour d'appel a retenu que le salarié ne justifiait pas avoir perçu avant l'accident du travail un salaire mensualisé sur la base d'un temps plein ; qu'en statuant par ce motif inopérant quand il était constant qu'avant l'accident du travail, monsieur X... était rémunéré à prix fait, la cour d'appel qui n'a pas vérifié si l'employeur ne devait pas respecter, pendant la période considérée, la mensualisation applicable aux salariés travaillant à l'heure ou à façon à temps plein, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-41882
Date de la décision : 20/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 18 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2010, pourvoi n°09-41882


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.41882
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