LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, ci-après annexé :
Attendu que Reine F...veuve X... est décédée le 22 décembre 2000, en laissant pour lui succéder ses deux enfants, Mme Bernadette X..., épouse Y... et M. Géry X... ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 8 juin 2009), d'avoir dit que M. X... avait droit à une créance de salaire différé calculée sur une période de huit années ;
Attendu qu'après avoir à bon droit énoncé qu'il appartenait à M. X..., qui revendiquait la créance de salaire différé, de prouver que sa mère avait la qualité d'exploitante agricole, qu'il avait effectivement participé à son exploitation agricole et qu'il n'avait perçu aucune indemnisation et n'était pas associé aux bénéfices ou aux pertes, c'est sans inverser la charge la preuve et souverainement que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur chacune des attestations produites, a estimé, d'une part, que Reine F...veuve X..., qui, depuis les années 60, cultivait sur ses terres des légumes et des fleurs, élevait des volailles, et vendait ces produits, ainsi que le miel provenant de l'activité d'apiculture de son mari, sur le lieu de production, par port à domicile, et sur les marchés, avait la qualité d'exploitante agricole, d'autre part, que M. X... avait participé à cette activité agricole dès la sortie de son école d'horticulture, à sa majorité en septembre 1968, et jusqu'à son mariage en juillet 1977, à l'exception d'une période d'un an correspondant à son service militaire, soit pendant huit années, enfin, que celui-ci n'avait reçu en contrepartie aucune rémunération ; que de ces énonciations et constatations, elle a pu déduire que les conditions d'attribution d'un salaire différé étaient réunies, peu important le nombre d'années de cotisations réglées par ses soins lors de son affiliation à la mutualité sociale agricole en 1978, et a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmant sur ce point le jugement entrepris, d'avoir dit que M. Géry X... avait droit à une créance de salaire différé qui sera calculée sur une durée de huit années ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, il n'est pas contesté que Mme Reine X... ait vendu des volailles, légumes, miel (provenant de l'activité de son époux qui élevait des abeilles) et fleurs sur divers marchés ; que contrairement aux affirmations de Mme Bernadette X..., et bien que Mme Reine X... n'ait jamais été immatriculée à la MSA et n'ait jamais déclaré les revenus provenant de ce travail, cette activité ne s'est pas limitée à la vente de quelques volailles ; qu'en effet, il résulte des attestations produites par M. X... que :- Madame Reine X... comme son époux étaient issus du milieu agricole, travaillant énormément et valorisant la production qu'ils pouvaient faire sur les terres qu'ils possédaient, en vendant les produits sur le lieu de production par port à domicile de clients mais également sur les marchés ;- Madame Z... atteste ainsi que c'est Madame X... qui gérait cette activité, son fils la conduisant en voiture sur les marchés (elle n'avait pas son permis de conduire) ;- Madame A... se rappelle que Mme X... venait en vélo chez ses parents apporter une fois par semaine des légumes, du miel, des volailles et des fleur ;- Monsieur B... André situe ces ventes faites à son domicile à la période 1960-1970, de même que Mme C... ;- Monsieur D... connaissant la famille depuis longtemps confirme que Mme X... exerçait une activité agricole que Madame Reine X... a fait des marchés entre 1968 et 1977 en tant que commerçante de fleurs, et son mari écrivait d'ailleurs en 1973 qu'« elle m'a encore vendu 6 300 F de fleurs » ; que les attestations de Mme Berthe X... et de Madame E... selon lesquelles Madame Reine X... était mère au foyer ne permettent pas de remettre en cause cette activité décrite par de nombreux témoignages ; qu'il apparaît donc que Mme Reine X... exerçait une véritable activité agricole et qu'elle ne se contentait pas de produire la consommation familiale de légumes ou fleurs ; que cette activité n'a pas été crée par M. Géry X... mais était antérieure puisque existant dès les années 1960, Monsieur Géry X... étant âgé à cette époque d'une dizaine d'années ; que le fait 91105 BP que dans ses déclarations de revenus à M. Arthur X... ait indiqué, en 1971, que les revenus provenant de l'apiculture étaient ceux de son fils, est sans incidence sur cette situation ; qu'en effet, M. et Mme F... ont omis pour cette année, toute déclaration complémentaire de revenus et il résulte des écritures des deux parties que c'était bien M. Arthur X... qui s'occupait des abeilles ; que de même, le fait que la déclaration au comité national interprofessionnel de l'horticulture ait été faite en 1973 au nom de M. Géry X... ne suffit pas à conclure que sa mère n'avait pas d'activité agricole, et ce d'autant qu'en 1973, M. Géry X... effectuait son service militaire et ne pouvait donc pas travailler sur les terres de ses parents ; qu'enfin, M. X... a, selon les diverses attestations versées aux débats, participé à cette activité agricole dès la sortie de son école d'horticulture, à sa majorité en septembre 1968 et ce jusqu'à son mariage en juillet 1977, à l'exception d'une période d'un an entre le 2 décembre 1972 et le 22 novembre 1973, correspondant à sa période de service militaire, soit pendant 8 années ; qu'il ressort des attestations produites qu'il n'était pas rémunéré pour cette activité, devant demander « son dimanche pour sortir » ; que par ailleurs sa mère affirmait qu'il aurait sa rémunération lors du partage, tel que cela ressort des différentes attestations produites ; que cette situation est confirmée par les termes du testament de M. Arthur X..., lequel écrit que « Géry a travaillé avec ses parents sans solde jusqu'à l'âge de 26 ans » ; que les conditions d'attribution d'un salaire différé sont donc réunies, que le notaire chargé des opérations de liquidation de la succession de Mme Reine X... devra calculer le montant dû pour les 8 années de salaire différé, selon le montant du SMIC au jour du partage ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le bénéfice d'une créance de salaire différé n'est réservé qu'aux descendants d'un exploitant agricole ; que la qualité d'exploitant agricole implique d'exercer une activité de production végétale ou animale, au sens de l'article L. 311-1 du Code rural, permettant de dégager un revenu suffisant pour faire vivre la famille de l'exploitant, et de considérer ce dernier comme un professionnel ; qu'en l'espèce, en statuant comme elle l'a fait, tout en se bornant à constater que Mme Reine X... avait seulement vendu des volailles, des légumes et du miel, n'avait jamais été immatriculée à la MSA, n'avait jamais déclaré les revenus provenant de ce travail, était issue du milieu agricole et valorisait la production qu'elle pouvait faire avec son mari sur les terres qu'ils possédaient, en vendant des produits sur le lieu de production, et était par ailleurs mère au foyer cependant que ces éléments n'étaient pas, en eux-mêmes, de nature à établir l'existence d'une véritable 91105 BP exploitation agricole mise en valeur par Mme Reine X..., la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 311-1 et L. 321-13 du Code rural ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se déterminant encore comme elle l'a fait, la Cour d'appel, qui a mis à la charge de Madame Y... le soin d'établir que sa mère n'avait aucune activité agricole, cependant qu'il appartenait à M. Géry X... de rapporter la preuve que Mme Reine X... avait exercé une activité agricole, la Cour d'appel qui a constaté que M. Arthur X... n'avait fait aucune déclaration de revenus, avait en revanche fait état des revenus agricoles de son fils et encore relevé que ce dernier avait rempli une déclaration au titre de son activité d'horticulteur, a méconnu les articles 1315 du Code civil et L. 321-13 du Code rural ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE c'est au bénéficiaire du salaire différé qu'il appartient d'apporter la preuve qu'il a participé directement et effectivement à l'exploitation familiale sans être associé aux bénéfices ni aux pertes et sans recevoir le salaire en argent en contrepartie de sa collaboration ; qu'en se bornant à retenir pour statuer comme elle l'a fait que selon les diverses attestations versées aux débats et produites, M. Géry X... avait participé à l'activité agricole de ses parents dès la sortie de son école d'horticulture, n'était pas rémunéré pour cette activité sans même procéder à une analyse même sommaire des attestations qui lui étaient soumises et sur lesquelles elle s'était fondée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 321-13 et suivants du code rural ;
ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse, qu'il résultait des pièces versées aux débats que M. Géry X... avait été affilié à la Caisse de Mutualité Sociale Agricole du NORD en qualité de chef d'exploitation à compter du 1er décembre 1973, de sorte que cette qualité était exclusive de celle d'aide familial ayant vocation à bénéficier d'une créance de salaire différé ; que dès lors, en fixant à huit années la période de salaire différé, cependant que celle-ci ne pouvait, en toute hypothèse, excéder quatre années, compte tenu de la période de service national, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 321-13 et L. 321-17 du Code rural.