LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. David X...,- La société Hôtel Eiffel Ségur, civilement responsable,
contre l'arrêt n° 3 de cour d'appel de PARIS, chambre 4-11, en date du 1er décembre 2009 , qui, pour contravention d'hébergement ou de location sans déclaration par redevable de la taxe de séjour forfaitaire, a condamné le premier à 800 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2333-26, L. 2333-29, L. 2333-30, L. 2333-37, L. 2333-41 et R. 2333-62 du code général des collectivités territoriales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré M. X... coupable d'hébergement ou location sans déclaration par redevable de la taxe de séjour forfaitaire, l'a condamné à une amende de 800 euros, a déclaré la société Hôtel Eiffel Ségur civilement responsable, et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs adoptés que la délibération du conseil municipal, en date du 18 octobre 1993, précise en son article 1er qu'il est institué à Paris, à compter du 1er janvier 1994, une taxe forfaitaire au sens des articles L. 2333-41 à L. 2333-44 du code des communes ; que c'est vainement que le prévenu soutient que ledit document viserait tantôt « la taxe de séjour forfaitaire » tantôt « la taxe de séjour » empruntant de ce fait ses règles à chacune des deux taxes visées aux articles L. 2333-26 et L. 2333-46 du code général des collectivités territoriales alors que la taxe visée est, à l'évidence, la taxe de séjour forfaitaire et que les paragraphes suivant l'article 1er apportent des précisions sur le régime de ladite taxe ; qu'en effet, il est prévu au deuxième paragraphe de l'article 1er que la taxe de séjour forfaitaire est établie pour les logeurs qui hébergent les personnes visées à l'article L. 2333-29 c'est-à-dire « les personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune et n'y possèdent pas une résidence à raison de laquelle elles sont passibles de la taxe d'habitation » ; qu'en outre, au 3e paragraphe de ce même article le terme « taxe de séjour forfaitaire » est une fois encore employé et précise son mode propre de calcul, à savoir qu'elle est assise sur « la capacité d'accueil et le nombre de nuitées comprises dans la période d'ouverture de l'établissement » ; qu'au surplus, l'article 2 de cette même délibération fait référence à « la taxe de séjour forfaitaire » ; qu'enfin, les obligations incombant au logeur sont mentionnées dans l'article 3 de la délibération précitée et se réfèrent aux articles R. 2333-62 et R. 2333-64 lesquels sont relatifs à la déclaration de la « taxe de séjour forfaitaire », précisant que la période de perception débute le 1er janvier de chaque année jusqu'au 31 décembre et que le versement de cette taxe doit être effectué dans les vingt jours qui suivent la fin de la période de perception ; qu'ainsi, c'est de manière constante que la délibération du conseil municipal du 18 octobre 1993 se réfère à « la taxe de séjour forfaitaire » dont le régime ne peut être confondu avec celui de « la taxe de séjour » ; que les termes de cette délibération sont clairs et non équivoques et permettent au prévenu M. X... de connaître exactement la nature et la cause de l'infraction qui lui est reprochée ; qu'il y a donc lieu de rejeter l'exception d'illégalité soulevée ;
"1°) alors que les dispositions du code général des collectivités territoriales prévoient deux taxes distinctes ; que la « taxe de séjour » est établie, en application de l'article L. 2333-29 de ce code, sur les personnes non domiciliées dans la commune ; que la « taxe de séjour forfaitaire » est établie, en application de l'article L. 2333-41, sur les logeurs qui hébergent les personnes non domiciliées dans la commune ; qu'en considérant que les termes de la délibération du conseil municipal du 18 octobre 1993 étaient clairs et se référaient à la seule « taxe de séjour forfaitaire », tout en relevant qu'ils faisaient référence à l'article L. 2333-29 du code général des collectivités territoriales, la cour d'appel s'est contredite et n'a pas justifié sa décision ;
"2°) alors qu'il résulte de l'article 1er, deuxième paragraphe, de la délibération du 18 octobre 1993 que « cette taxe est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune» ; qu'en considérant que cet article 1er, deuxième paragraphe, de cette délibération mentionnait que la taxe était établie sur les logeurs hébergeant les personnes non domiciliées, la cour d'appel a dénaturé les termes de cette délibération et n'a pas justifié sa décision" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2 du code pénal, R. 2333-68 du code général des collectivités territoriales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré M. X... coupable d'hébergement ou location sans déclaration par redevable de la taxe de séjour forfaitaire, l'a condamné à une amende de 800 euros, a déclaré la société Hôtel Eiffel Ségur civilement responsable, et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs que, outre que le prévenu de par sa qualité de gérant de la SARL entre bien dans la catégorie des personnes visées à l'article R. 2333-68 du code général des collectivités territoriales que la défense ne saurait faire grief au choix procédural, bénéfique pour elle, de la ville de Paris dès lors aux termes de l'article 121-2 du code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques et qu'il lui était possible de poursuivre la personne morale non en qualité de civilement responsable mais d'auteur concomitamment du chef des mêmes faits juridiques et de la même infraction et les voir condamner aux mêmes peines et indemnités ;
"alors que l'article R. 2333-68 du code général des collectivités territoriales dispose que ne peut être poursuivie pour défaut de déclaration que la personne « assujettie » à la taxe ; que le prévenu soutenait qu'il n'est pas assujetti à la taxe dès lors qu'il n'exploitait pas l'hôtel et que seule la personne morale exploitant l'hôtel était susceptible d'y être assujettie ; qu'en énonçant que le prévenu, de par sa qualité de gérant de la SARL, entrait dans la catégorie des personnes visées, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les moyens, qui se bornent à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 2333-68 du code général des collectivités territoriales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré M. X... coupable d'hébergement ou location sans déclaration par redevable de la taxe de séjour forfaitaire, l'a condamné à une amende de 800 euros, a déclaré la société Hôtel Eiffel Ségur civilement responsable, et a statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs propres que le tribunal a fait une juste application de la loi pénale, les faits étant établis par la procédure et les débats à l'encontre de M. X..., gérant de la SARL ;
"et aux motifs adoptés qu'il est suffisamment établi par les débats et les pièces versées à la procédure que les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis ; qu'il y a lieu de déclarer M. X... coupable des faits qui lui sont reprochés ;
"alors qu'en se bornant à énoncer qu'il résulte des débats et des pièces versées à la procédure que les faits sont établis et sont bien imputables à M. X... en s'abstenant d'une quelconque énonciation relative aux faits et aux éléments de l'infraction, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, R. 2333-68 du code général des collectivités territoriales, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré M. X... coupable d'hébergement ou location sans déclaration par redevable de la taxe de séjour forfaitaire, l'a condamné à une amende de 800 euros, a déclaré la société Hôtel Eiffel Ségur civilement responsable, et a condamné M. X... solidairement avec la société Hôtel Eiffel Ségur à payer à la ville de Paris la somme de 12 472,05 euros pour le préjudice financier ;
"aux motifs adoptés qu'il n'est pas contesté que M. X... n'a pas déposé pour son hôtel Eiffel Ségur avant le 1er décembre 2006 sa déclaration au titre de la taxe de séjour forfaitaire pour l'année 2007, malgré une lettre simple de rappel, en date du 10 avril 2007 et une mise en demeure par lettre recommandée, en date du 30 mai 2007 ; qu'en ne respectant pas l'obligation légale lui incombant, le prévenu a commis une faute car le défaut de déclaration n'a pas permis à la ville d'émettre un titre de recette ; que le receveur municipal n'a donc pas pu percevoir la taxe de séjour forfaitaire ; qu'il convient de rappeler que le produit de cette taxe doit être affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune aux termes de l'article L. 2333-27 du code général des collectivités territoriales ; que c'est à tort que M. X... soutient que le préjudice allégué n'est réel que si la ville de Paris prouve qu'elle affecte le produit de la taxe aux actions favorisant le développement touristique de la ville en communiquant à la juridiction pénale le « compte administratif annuel de fonctionnement et d'investissement pour l'année considérée » ; que, cependant, le préjudice direct, réel et certain lié à l'infraction reprochée et qui peut être retenu au sens de l'article 2 du code de procédure pénale, résulte simplement du fait que l'absence de déclaration par la société Hôtel Eiffel Ségur n'a pas permis à la ville de recouvrer à la date prévue, la taxe de séjour forfaitaire qui était due ; que la faute commise par le prévenu a causé un préjudice direct à la ville de Paris et, qu'en conséquence, l'intérêt à agir de la ville n'est pas contestable ; que sa constitution de partie civile est donc recevable ;
"alors que la cour d'appel a confirmé la décision des premiers juges en adoptant ses motifs qui énonçaient que le prévenu avait commis une faute en s'abstenant de faire une déclaration, que le produit de la taxe était affecté aux dépenses touristiques et qu'ainsi, le préjudice résultait de l'absence de déclaration ; que, cependant, le prévenu faisait valoir, dans ses conclusions déposées devant la cour d'appel, que le préjudice subi par la ville de Paris ne découlait pas de l'absence de déclaration mais des lacunes de la législation ne permettant pas à la commune de percevoir cette taxation d'office ; qu'en se bornant à confirmer la décision des premiers juges, la cour d'appel n'a pas répondu à cet argument péremptoire et n'a pas motivé sa décision" ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 2333-68 du code général des collectivités territoriales, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré M. X... coupable d'hébergement ou location sans déclaration par redevable de la taxe de séjour forfaitaire, l'a condamné à une amende de 800 euros, a déclaré la société Hôtel Eiffel Ségur civilement responsable, et a condamné M. X... solidairement avec la société Hôtel Eiffel Ségur, à payer à la ville de Paris la somme de 12 472,05 euros pour le préjudice financier ;
"aux motifs qu'en réponse à un attendu du tribunal que le prévenu estime à 30% le nombre de personnes susceptibles de ne pas payer la taxe de séjour forfaitaire car domiciliées sur la commune et redevables de la taxe d'habitation ; que, cependant, d'une part, pour l'évaluation de son préjudice en considération des critères de calcul, la ville de Paris a tenu compte d'un abattement légal et d'un abattement communal et ainsi justifié ses modalités de calcul ; que le prévenu, d'autre part, pas plus qu'en première instance, ne produit aucune information sur le nombre de personnes susceptibles de ne pas payer la taxe de séjour forfaitaire et par voie de conséquence, outre la réalité de l'argumentation, le dépassement des abattements appliqués ;
"1°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité sans pouvoir donner lieu à un quelconque enrichissement de la partie civile ; que les juges du fond ont constaté que n'étaient pas comprises dans le calcul de la taxe, les sommes dues par les personnes domiciliées dans la commune ; qu'en condamnant néanmoins M. X... et la société Hôtel Eiffel Ségur à la somme fixée par la partie civile sans déduction de la somme due par les personnes domiciliées dans la commune, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"2°) alors que les juges du fond ne pouvaient, sans se contredire, énoncer qu'ils disposaient d'éléments suffisants pour apprécier le préjudice de la partie civile résultant directement de l'infraction et tout à la fois constater ne pas disposer de l'information relative au nombre de personnes susceptibles de ne pas payer la taxe ;
"3°) alors qu'il résulte des conclusions régulièrement déposées par M. X... et la société Hôtel Eiffel Ségur, l'information relative au nombre de personnes hébergées dans l'hôtel et domiciliées dans la commune ; qu'en considérant que l'information n'avait pas été donnée, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments l'infraction dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 000 euros la somme que M. X... devra payer à la ville de Paris au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.