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19/10/2010 | FRANCE | N°09-15244

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 octobre 2010, 09-15244


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Yang Ming Marine Transport Corporation (la société YM) a effectué le transport maritime sur le navire "San Pedro Bridge" d'un conteneur renfermant des cartons de cuisses de grenouilles congelées du port de Surabaya (Indonésie) à celui de Fos-sur-Mer ; que le 27 juin 2004, le conteneur a été déchargé et pris en charge par la société Seayard, entrepreneur de manutention, requis par la société YM ; que le conteneur a été remisé par la société YM sur u

n parc à conteneur dit "dry", groupe de réfrigération électrique non branché ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Yang Ming Marine Transport Corporation (la société YM) a effectué le transport maritime sur le navire "San Pedro Bridge" d'un conteneur renfermant des cartons de cuisses de grenouilles congelées du port de Surabaya (Indonésie) à celui de Fos-sur-Mer ; que le 27 juin 2004, le conteneur a été déchargé et pris en charge par la société Seayard, entrepreneur de manutention, requis par la société YM ; que le conteneur a été remisé par la société YM sur un parc à conteneur dit "dry", groupe de réfrigération électrique non branché ; que le 19 juillet 2004, la société Seayard a délivré la marchandise avariée à la société Sofrimar en raison de l'élévation de la température ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'entrepreneur de manutention fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au transporteur les sommes de 34 550,80 euros au titre des dommages subis par la marchandise, 28 055 euros au titre des frais engagés sur ladite marchandise, lesdites sommes avec intérêts au taux légal et capitalisés à compter de la demande en justice, alors, selon le moyen, que l'entrepreneur de manutention répond des dommages subis par la marchandise, sauf s'ils proviennent de faits constituant un événement qui ne lui est pas imputable de sorte qu'en ne répondant pas au moyen essentiel de l'entreprise de manutention, fondé sur une attestation versée au débat du gestionnaire du système informatique portuaire selon lequel le manutentionnaire ne pouvait connaître la nature de la marchandise contenue dans le conteneur litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'en application de l'article 53 b) et 2° de la loi du 18 juin 1966, l'entrepreneur de manutention, qui accomplit des opérations visées à l'article 51 de la même loi, est présumé avoir reçu la marchandise telle qu'elle a été déclarée par le déposant et répond des dommages subis par la marchandise, sauf s'ils proviennent de faits constituant un événement non imputable à l'entrepreneur, l'arrêt retient que la société Seayard pouvait procéder à un examen même sommaire du conteneur de type reefer qui était sous tension à son arrivée au port de débarquement et qui affichait à l'extérieur la température intérieure, que le procès-verbal de prise en charge du conteneur du 12 juillet 2004 mentionnait qu'il s'agissait d'un conteneur de type 4532, soit un conteneur reefer sous température dirigée ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a pu décider que l'entreprise de manutention avait échoué dans la démonstration de faits susceptibles de constituer le cas exonératoire invoqué ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 28 et 54 de la loi n°66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, ensemble l'article 4 § 5 a) de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée par le Protocole du 21 décembre 1979 ;
Attendu qu'en application du premier de ces textes, la responsabilité du transporteur n'est limitée que pour les pertes ou dommages subis par la marchandise ; que celle de l'entrepreneur de manutention, aux termes du deuxième, ne peut en aucun cas dépasser les mêmes limites ; qu'il s'ensuit que la limitation de responsabilité est applicable aux autres pertes et dommages lorsqu'ils sont imputables à l'entrepreneur de manutention ;
Attendu que pour condamner la société Seayard à payer à la société YM les sommes de 34 550,80 euros au titre des dommages subis par la marchandise et celle de 28 055 euros au titre des frais engagés sur ladite marchandise, l'arrêt retient que le bénéfice du plafond d'indemnisation ne peut être étendu au-delà ce que les textes prévoient et notamment aux dommages consécutifs ou annexes supportés par le transporteur qui a dû engager des frais de destruction de la marchandise, divers frais et faire face à des surestaries pour l'immobilisation du conteneur postérieurement à la date de sa remise au destinataire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement qui avait condamné la société Seayard à payer à la société Yang Ming Marine Transport Corporation les sommes de 34 550,80 euros au titre des dommages subis par la marchandise, 28 055 euros au titre des frais engagés sur ladite marchandise, lesdites sommes avec intérêts au taux légal et capitalisés à compter de la demande en justice, l'arrêt rendu le 12 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Yang Ming Transport Corporation aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Seayard la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par de la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la société Seayard
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société SEAYARD à payer à la société YANG MING les sommes de 34.550,80 euros au titre des dommages subis par la marchandise, 28.055 euros au titre des frais engagés sur ladite marchandise, lesdites sommes avec intérêts au taux légal et capitalisés à compter de la demande en justice,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société SEAYARD "était informée du fait que le conteneur 40' réfrigéré n° YMLU524379/5 était plein au moment du déchargement comme elle l'a indiqué au cours de l'audience de plaidoiries ; que, recevant un conteneur de type "reefer" plein, elle aurait du prendre la précaution de se renseigner sur la nature de la cargaison ; qu'au surplus, les informations figurant dans le système PROTIS, auquel la société SEAYARD avait accès, faisaient bien état de cuisses de grenouilles congelées ;
en outre, que l'attention de la société SEAYARD n'a pas davantage été attirée par le fait qu'un conteneur frigo, plein et plombé n'était pas branché sur son terminal ;
que le Tribunal de céans a déjà eu à statuer sur ce principe d'ailleurs repris par la doctrine (LAMY TRANSPORTS T 2 Ed. 2003 n° 513 sur décision TC Marseille du 14/06/02), le bon sens voulant que "quand on charge un conteneur frigo qui est plein, c'est pour le transporter à une certaine température de froid" ;
qu'en ne procédant à aucune vérification au cours des 22 jours pendant lesquels le conteneur 40' réfrigéré n° YMLU524379/5 était sous sa garde, la société SEAYARD porte seule la responsabilité des dommages",
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE
"au fond (…) en application de l'article 53 b) et 2° de la loi du 18 juin 1966, l'entreprise de manutention qui accomplit des opérations visées à l'article 51 de la même loi (il s'agit des autres opérations que les opérations de manutention stricto sensu) "est présumée avoir reçu la marchandise telle qu'elle a été déclarée par le déposant" et "répond des dommages subis par la marchandise, sauf s'ils proviennent des faits constituant un événement non imputable à l'entrepreneur" ;
(…) il appartient à la SAS SEAYARD de renverser la présomption de responsabilité pesant sur elle en établissant, comme elle le soutient, que le défaut de branchement du conteneur à l'origine des avaries aux marchandises est dû à un manque d'instructions de la part de la société YANG MING MARINE TRANSPORT CORPORATION quant à la nécessité de brancher ledit conteneur ;
(…) la SAS SEAYARD échoue dans la démonstration de faits susceptibles de constituer le cas exonératoire invoqué ; (…) elle n'établit pas avec précision le contenu des procédures mises en place "par les différentes entreprises de manutention portuaires" imposant aux armateurs "d'avertir l'acconier avant le déchargement du numéro des conteneurs pour lesquels il convient de prendre des mesures spécifiques (tel les brancher ou conteneurs hors gabarit)" ; (…) il n'est produit aucun document recensant précisément les procédures à suivre et les obligations des armateurs d'information de leur acconier ; (…) selon la SAS SEAYARD "ces informations et instructions sont codifiées dans des documents informatiques transmis à l'acconier" ;
(…) l'origine des documents versés au débat par la SAS SEAYARD : - le fichier BAPLIE qui mentionne un code 42GO identifiant un conteneur dry (qui n'a pas à être branché) et – le listing édité le 26 juin 2004 mentionnant le même code pour le conteneur litigieux, n'est pas établie avec certitude, la société YANG MING MARINE TRANSPORT CORPORATION objectant que ces documents sont "anonymes" ; (…) il n'est pas allégué par la SAS SEAYARD que le "container terminal contract" qu'elle a conclu avec la société YANG MING MARINE TRANSPORT CORPORATION oblige le transporteur à donner à l'acconier, selon des modalités déterminées précisément, des instructions sur la nature des marchandises renfermées dans les conteneurs, (leur nature conditionnant les opérations de déchargement et de stockage sur le terminal) ; (…) la SAS SEAYARD n'établit pas que la société YANG MING MARINE TRANSPORT CORPORATION avait l'obligation en suivant des modalités précises, d'informer son acconier de la nécessité de brancher le conteneur litigieux ; (…) la SAS SEAYARD indique d'ailleurs dans ses conclusions que cette information pour "organiser les opérations de déchargement" incombe "aux manutentionnaires du port d'escale précédent, en l'espèce, les manutentionnaires italiens (de l'escale de Naples) transmettent à SEAYARD la liste des conteneurs sous une codification spécifique qui permet à SEAYARD de connaître le régime reefer (frigo) ou dry (normal) du conteneur" ; (…) cette obligation, selon les conclusions de l'appelante, n'incombe pas à la société YANG MING MARINE TRANSPORT CORPORATION ;
(…) surabondamment, (…) le système PROTIS en fonctionnement au moment des faits permettait à la SAS SEAYARD d'avoir accès aux informations figurant sur le BAD (Bon à délivrer) ; (…) la visualisation d'un BAD édité le 21 juillet 2004 lors de la remise de la marchandise au destinataire permet de constater que la mention de la nature des marchandises y figurait à savoir : "cuisses de grenouilles congelées" ; (…) bien plus, un BAD tiré à partir du système PROTIS le 29 juin 2004 mentionne le type de conteneur 4532 donc sous tension nécessitant un branchement électrique et également la nature de la marchandise : "cuisses de grenouilles congelées" ; (…) la SAS SEAYARD pouvait accéder à ses informations et pouvait procéder à un examen même sommaire du conteneur de type reefer qui était sous tension à son arrivée au port de débarquement et qui affichait à l'extérieur la température intérieure ; (…) enfin le procès verbal de prise en charge du conteneur litigieux (document intitulé EIR) en date du 12 juillet 2004, édité à partir du système PROTIS mentionne également qu'il s'agit d'un conteneur de type 4532 soit un conteneur reefer sous température dirigée ;
(…) les dispositions de l'article 54 de la loi du 18 juin 1966 édictant que "la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les montants fixés à l'article 28 et par le décret prévu à l'article 45" ne s'appliquent qu'aux "pertes ou dommages subis par les marchandises" transportées ; (…) le bénéfice de ce plafond d'indemnisation ne peut être étendu au-delà de ce que les textes prévoient et notamment aux dommages consécutifs ou annexes supportés par la société YANG MING MARINE TRANSPORT CORPORATION qui a dû engager des frais de destruction de la marchandise avariée, divers frais et faire face à des surestaries pour l'immobilisation du conteneur postérieurement à la date de sa remise au destinataire soit 28.055 euros selon le décompte retenu très exactement par les premiers juges au vu des justificatifs produits ; (…) les surestaries du 1er au 22ème jour ont, très justement, été laissées à la charge de la société YANG MING MARINE TRANSPORT CORPORATION par les premiers juges pour un motif qu'il convient d'approuver",
ALORS QUE, D'UNE PART, l'entrepreneur de manutention répond des dommages subis par la marchandise, sauf s'ils proviennent de faits constituant un événement qui ne lui est pas imputable de sorte qu'en ne répondant pas au moyen essentiel de la société SEAYARD, fondé sur une attestation versée au débat du gestionnaire du système informatique portuaire selon lequel le manutentionnaire ne pouvait connaître la nature de la marchandise contenue dans le conteneur litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS QUE D'AUTRE PART, la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les montants fixés par l'article 4 § 5 a) de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée par le Protocole de 1979, quel que soit le dommage considéré, qu'il s'agisse de pertes ou dommages subis par les marchandises ou de dommages consécutifs ou annexes si bien qu'en considérant que la limitation de la responsabilité du manutentionnaire ne s'appliquerait qu'aux pertes et dommages subis par les marchandises transportées, la cour d'appel a violé les articles 54 et 28 de la loi n°66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, ensemble l'article 4 § 5 a) de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée par le Protocole de 1979.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-15244
Date de la décision : 19/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Acconier - Responsabilité - Limitation - Domaine d'application - Définition

En application de l'article 28 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes, la responsabilité du transporteur n'est limitée que pour les pertes ou dommages subis par la marchandise. Celle de l'entrepreneur de manutention, aux termes de l'article 54 de la même loi, ne peut en aucun cas dépasser les mêmes limites. Il s'ensuit que la limitation de responsabilité est applicable aux autres pertes et dommages lorsqu'ils sont imputables à l'entrepreneur de manutention. Viole en conséquence les textes susvisés, la cour d'appel qui, pour condamner l'entrepreneur de manutention à payer au transporteur maritime la totalité des frais engagés sur la marchandise, retient que le bénéfice du plafond d'indemnisation ne peut être étendu au-delà ce que les textes prévoient et notamment aux dommages consécutifs ou annexes supportés par le transporteur qui a dû engager des frais de destruction de la marchandise, divers frais et faire face à des surestaries pour l'immobilisation du conteneur postérieurement à la date de sa remise au destinataire


Références :

articles 28 et 54 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 février 2009

Dans le même sens que :Com., 29 novembre 1994, pourvoi n° 92-21021, Bull. 1994, IV, n° 360 (rejet). En sens contraire :Com., 15 février 1994, pourvois n° 92-13.707 et n° 92-15.052, Bull. 1994, IV, n° 66 (1), (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 oct. 2010, pourvoi n°09-15244, Bull. civ. 2010, IV, n° 157
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 157

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Lecaroz
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.15244
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