La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2010 | FRANCE | N°09-13149

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2010, 09-13149


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2008), que la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) a souscrit auprès des Mutuelles du Mans un contrat d'assurance collective de prévoyance couvrant notamment les risques invalidité de ses salariés ; que plusieurs de ses salariés ont été placés en arrêt de travail puis classés en invalidité 2e catégorie ; que, considérant que ces salariés auraient dû alors être licenciés pour inaptitude et que dans ce cas l

e contrat de prévoyance dispose que l'assiette de calcul de la rente d'invalidité...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2008), que la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) a souscrit auprès des Mutuelles du Mans un contrat d'assurance collective de prévoyance couvrant notamment les risques invalidité de ses salariés ; que plusieurs de ses salariés ont été placés en arrêt de travail puis classés en invalidité 2e catégorie ; que, considérant que ces salariés auraient dû alors être licenciés pour inaptitude et que dans ce cas le contrat de prévoyance dispose que l'assiette de calcul de la rente d'invalidité est la rémunération nette des salariés, la société Quatrem, venant aux droits des Mutuelles du Mans, a modifié l'assiette de calcul des prestations qu'elle leur servait ; que les salariés ont saisi le tribunal de grande instance à l'effet d'obtenir la condamnation de la société Quatrem à leur payer des prestations calculées sur la base de leur salaire brut et non de leur salaire net ; que la société Quatrem a appelé en garantie la SNCM ;
Attendu que la société Quatrem fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée des demandes qu'elle avait formées à l'encontre de la SNCM, alors, selon le moyen, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et que constitue un acte anormal de gestion le fait de maintenir dans une entreprise plusieurs salariés inaptes à toute activité professionnelle ; qu'il appartient à l'employeur d'assumer les conséquences financières de cet acte sans pouvoir les reporter sur un tiers ; que la société Quatrem faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la SNCM s'était abstenue de faire constater par le médecin du travail l'inaptitude à tout emploi de ses salariés classés en invalidité 2e catégorie et de mettre ainsi fin à la période de suspension du contrat de travail en procédant à leur licenciement, dans le seul but de ne pas nuire au climat social de l'entreprise et d'être dispensée de verser aux salariés invalides une indemnité de licenciement ; qu'en retenant que la SNCM n'avait pas manqué à l'obligation de bonne foi qui pèse sur tout cocontractant en s'abstenant de tirer les conséquences de l'inaptitude avérée de ses salariés invalides, au motif qu'elle n'était pas tenue de les licencier ni de préserver les intérêts de la société Quatrem, sans rechercher si, en s'abstenant de mettre en oeuvre la procédure susceptible d'aboutir au licenciement des salariés invalides, la SNCM n'avait pas sacrifié, à son seul profit, les intérêts de l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3 et 1135 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'au cours de la suspension du contrat de travail l'employeur n'était pas tenu de faire constater l'inaptitude du salarié et qu'une déclaration d'inaptitude même à tout emploi n'avait pas nécessairement pour conséquence le licenciement du salarié concerné, la cour d'appel, qui en a justement déduit qu'aucun manquement contractuel de la SNCM envers son assureur n'était caractérisé, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Quatrem aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Quatrem à payer à la Société nationale maritime Corse Méditerranée la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Quatrem.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société QUATREM des demandes qu'elle avait formées à l'encontre de la SNCM ;
AUX MOTIFS QUE la société QUATREM reproche à la SNCM des agissements contraires, selon elle, aux dispositions des articles 1134 alinéa 3 et 1135 du Code civil, notamment en ce que, alors que les salariés concernés sont manifestement inaptes à l'exercice d'une profession quelconque, elle ne provoque pas une visite du médecin du travail et ne procède pas à leur licenciement, auquel cas les prestations versées reposeraient sur une rémunération nette et non plus brute ; que l'appelante ne prétend pas que la SNCM n'aurait pas respecté les obligations de son contrat, notamment celles prévues au titre 5 concernant la transmission à l'assureur des documents nécessaires au calcul de la rente servie aux salariés ; qu'elle critique en réalité des agissements de son cocontractant extérieurs à la convention qui les lie et qui ne sont pas de nature à rendre son exécution plus difficile ; qu'au demeurant, au cours de la suspension du contrat de travail, l'employeur n'est pas tenu de faire constater l'inaptitude du salarié ; qu'en outre, aucun élément ne permet d'affirmer que le salarié concerné serait déclaré inapte à tout emploi en cas de visite par la médecine du travail ; que surtout, en admettant même que les salariés en cause soient déclarés effectivement inaptes à tout emploi dans l'entreprise, cette situation ne suffirait pas pour justifier en soi leur licenciement ; qu'enfin, une telle décision, qui relève de l'appréciation de la SNCM, ne saurait être guidée par le seul souci de préserver les intérêts de l'assureur ; que celui-ci, en signant son contrat avec la SNCM, ne pouvait ignorer que le classement d'un salarié en 2ème catégorie n'avait pas nécessairement pour conséquence sa radiation des effectifs de la société ; qu'il s'ensuit que la faute reprochée à la SNCM n'est pas caractérisée et que le recours formé par la société QUATREM à son encontre doit être rejeté, comme l'a justement décidé le Tribunal ;
ALORS QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi et que constitue un acte anormal de gestion le fait de maintenir dans une entreprise plusieurs salariés inaptes à toute activité professionnelle ; qu'il appartient à l'employeur d'assumer les conséquences financières de cet acte sans pouvoir les reporter sur un tiers ; que la société QUATREM faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la SNCM s'était abstenue de faire constater par le médecin du travail l'inaptitude à tout emploi de ses salariés classés en invalidité 2ème catégorie et de mettre ainsi fin à la période de suspension du contrat de travail en procédant à leur licenciement, dans le seul but de ne pas nuire au climat social de l'entreprise et d'être dispensée de verser aux salariés invalides une indemnité de licenciement ; qu'en retenant que la SNCM n'avait pas manqué à l'obligation de bonne foi qui pèse sur tout cocontractant en s'abstenant de tirer les conséquences de l'inaptitude avérée de ses salariés invalides, au motif qu'elle n'était pas tenue de les licencier ni de préserver les intérêts de la société QUATREM, sans rechercher si, en s'abstenant de mettre en oeuvre la procédure susceptible d'aboutir au licenciement des salariés invalides, la SNCM n'avait pas sacrifié, à son seul profit, les intérêts de l'assureur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 alinéa 3 et 1135 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-13149
Date de la décision : 06/10/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance de groupe - Assurance couvrant les risques d'invalidité des salariés d'une société - Salarié classé en invalidité 2ème catégorie - Licenciement - Défaut - Portée

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Exécution - Manquement - Défaut - Cas CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie du salarié - Suspension du contrat de travail - Obligations de l'employeur - Constat de l'inaptitude - Exclusion CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie du salarié - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude au travail - Déclaration d'inaptidue à tout emploi - Portée

Ayant retenu qu'au cours de la suspension du contrat de travail l'employeur n'était pas tenu de faire constater l'inaptitude du salarié et qu'une déclaration d'inaptitude même à tout emploi n'avait pas nécessairement pour conséquence le licenciement du salarié concerné, la cour d'appel, qui en a justement déduit qu'aucun manquement contractuel de l'employeur envers son assureur, auprès duquel il avait souscrit un contrat d'assurance collective couvrant les risques invalidité de ses salariés, n'était caractérisé, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ne pas condamner l'employeur à garantir l'assureur des conséquences pour lui de l'absence de licenciement de salariés classé en invalidité 2ème catégorie


Références :

articles 1134 et 1135 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2010, pourvoi n°09-13149, Bull. civ. 2010, V, n° 212
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 212

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : Mme Taffaleau
Rapporteur ?: M. Frouin
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13149
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award