La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2010 | FRANCE | N°10-84003

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 septembre 2010, 10-84003


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Levent Y...,
- M. Selvet Y...,
- M. Giuseppe X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 18 mai 2010, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, de proxénétisme aggravé, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 2 août 2010, prescrivant l'examen immédiat du pourv

oi ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Levent Y...,
- M. Selvet Y...,
- M. Giuseppe X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 18 mai 2010, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, de proxénétisme aggravé, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 2 août 2010, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 80, 82, 175, 177, 178, 179, 181, 184, 385, 593 du code de procédure pénale, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 34 de la Constitution manque de base légale, défaut de motifs ;

"il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la requête en nullité des consorts Y...-X... et d'avoir en conséquence ordonné le retour de la procédure au juge d'instruction ;

"au motif qu'il résulte de l'article 385 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 4 janvier 1993, que le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge dinstruction ou la chambre de l'instruction ; qu'à ce principe nouveau, le législateur a cependant prévu diverses exceptions auxquelles il a été rajouté par la loi du 23 juin 1999 la règle selon laquelle lorsque l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction a été rendue sans que les conditions prévues par l'article 175 aient été respectées, les parties demeurent recevables, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, à soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure ; que se pose essentiellement ici la question des modalités de renvoi de la procédure après annulation de l'ordonnance par un tribunal correctionnel ; que, saisi par l'ordonnance annulée du magistrat instructeur, le tribunal, dans le jugement du 28 septembre 2009, a dit : «renvoie le ministère public à mieux se pourvoir », le magistrat instructeur ne se trouvant donc pas ressaisi directement de la procédure ; que, dès lors, pour redonner un cours normal à la procédure, le parquet se devait de saisir à nouveau la juridiction d'instruction aux fins de régularisation ; que le ministère public ne pouvant saisir le magistrat instructeur que par voie de réquisitoire introductif ou de réquisitoire supplétif la première voie ne pouvait qu'être écartée en l'état de la procédure initiale ; que seul le réquisitoire supplétif pouvait être envisagé sans qu'il y ait lieu de l'écarter sur le fondement des articles 80 et 82 du code de procédure pénale dès lors que le second texte s'applique, comme en l'espèce, aux mesures nouvelles ; que tel est bien le cas en l'espèce du «réquisitoire supplétif» pris le 29 octobre 2009 dont l'objet s'avère parfaitement fondé pour permettre la poursuite de la procédure ; que soutenir, comme le fait le mémoire, que le parquet n'aurait pas, en pareilles circonstances, la faculté de régulariser en saisissant le juge d'instruction conduit à ajouter aux règles de procédure pénale un cas dans lequel l'action publique ne peut se poursuivre ; qu'en l'état actuel de nos textes, rien ne permet d'affirmer que le ministère public n'est pas fondé à communiquer ses réquisitions de règlement postérieurement au délai de trois mois accordé par l'article 175 du code de procédure pénale ; que, de plus, les mesures requises par le parquet le 29 octobre 2009 offrant de nouveaux délais pour présenter des observations complémentaires, les mis en examen ne sauraient dès lors se prévaloir d'un quelconque grief ; que si la requête soutient que le ministère public se fonde dans ses réquisitions sur des éléments de procédure non soumis aux mis en examen par le magistrat instructeur, il s'impose de retenir que cela relève de l'appréciation d'éléments de fond et ne sauraient constituer une inobservation de règles de forme ; qu'au surplus, les mis en examen n'invoquent aucune difficulté d'accès au dossier mais encore qu'ils ont été régulièrement avisés de la fin d'information (D437, D438), puis que leurs avocats ont reçu la copie des réquisitions définitives (D441, D442) ; qu'ainsi, l'ensemble des actes de l'instruction leur ont été effectivement soumis ; qu'aucune demande d'acte ni aucune observation n'a été soulevée, à l'époque, de ce chef ; que le moyen tiré de la demande de placement sous contrôle judiciaire ne peut ici prospérer, un autre débat pouvant s'ouvrir de ce chef si une telle mesure se trouvait mise en oeuvre ; que, dans ces conditions, la procédure suivie par le ministère public ne présente aucune irrégularité ; qu'en conséquence, la requête sera rejetée ;

"1°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que, si l'article 385 du code de procédure pénale permet effectivement au ministère public de saisir le juge d'instruction afin que la procédure soit régularisée, celle faculté ne repose que sur le cas de la violation de l'article 184 du même code relatif aux mentions légales devant être portées dans l'ordonnance de renvoi ainsi que sur la qualification juridique des faits et la motivation des charges pouvant être retenues mais en aucun cas sur il n'autorise le ministère public à ressaisir le juge d'instruction lorsque le délai légal de l'article 175 du code de procédure pénale n'a pas été respecté ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre d'instruction a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

"2°) alors que, et en tout état de cause il découle des règles posées par les articles 175 et suivants du code de procédure pénale que l'ordonnance du juge d'instruction qui, sur les réquisitions du procureur de la République, décide que l'information est complète et y met fin, soit en disant qu'il n'y a lieu à suivre, soit en renvoyant le mis en examen devant la juridiction compétente, dessaisit le juge d'instruction de l'ensemble de la procédure ; il s'ensuit que, lorsqu'il a rendu une ordonnance de règlement, le juge d'instruction n'a plus aucun pouvoir et ne peut plus accomplir le moindre acte dans la procédure, fût-ce sur réquisitoire supplétif du ministère public aux fins de régularisation de la procédure après annulation définitive de cette dernière par le tribunal correctionnel n'ayant pas prononcé la réouverture de l'instruction et renvoyant le «ministère public à mieux se pourvoir» ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

"3°) alors que, aux termes de l'article 82 du code de procédure pénale, «dans son réquisitoire introductif, et à toute époque de l'information par réquisitoire supplétif, le procureur de la République peut requérir du magistrat instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité et toutes mesures de sûreté nécessaires. Il peut également demander à assister à l'accomplissement des actes qu'il requiert. Il peut, à cette fin, se faire communiquer la procédure, à charge de la rendre dans les vingt-quatre heures... » ; que ces dispositions ne permettent en aucun cas au procureur de la République de ressaisir, par voie de réquisitoire supplétif, le juge d'instruction après l'ordonnance de règlement, aux fins de régularisation de la procédure annulée par le tribunal correctionnel qui n'a pas prononcé la réouverture de l'instruction et a renvoyé le « ministère public à mieux se pourvoir » ; qu'en décidant, cependant, que pour redonner un cours normal à la procédure, le parquet se devait de saisir à nouveau la juridiction dinstruction aux fins de régularisation par la voie de réquisitoire supplétif seul envisageable sans qu'il y ait lieu de l'écarter sur le fondement des articles 80 et 82 du code de procédure pénale dès lors que le second texte s'applique, comme en l'espèce, aux mesures nouvelles ; que tel est bien le cas en l'espèce du «réquisitoire supplétif» pris le 29 octobre 2009 dont l'objet s'avère parfaitement fondé pour permettre la poursuite de la procédure et que soutenir, comme le fait le mémoire, que le parquet n'aurait pas, en pareilles circonstances, la faculté de régulariser en saisissant le juge d'instruction conduit à ajouter aux règles de procédure pénale un cas dans lequel l'action publique ne peut se poursuivre, la chambre de l'instruction a méconnu l'autorité de la chose jugée du jugement définitif du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence du 28 septembre 2009 ainsi que le caractère défmitif du dessaisissement du juge d'instruction résultant de l'ordonnance de règlement du juge d'instruction du 11 mars 2009 en violation des textes susvisés ;

"4°) alors que, en statuant comme elle l'a fait, et en créant un nouveau cas de réouverture de l'instruction non prévu par la loi, la chambre de l'instruction a violé l'article 34 de la Constitution ;

"5°) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en se bornant à énoncer qu'en l'état actuel de nos textes, rien ne permet d'affirmer que le ministère public n'est pas fondé à communiquer ses réquisitions de règlement postérieurement au délai de trois mois accordé par l'article 175 du code de procédure pénale sans préciser le texte en vertu duquel le ministère public serait autorisé postérieurement au délai de trois mois de l'article 175 du code de procédure pénale) communiquer ses réquisitions de règlement, la chambre de l'instruction n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 80, 82, 175, 177, 178, 179 et 181, 385 du code de procédure pénale et 34 de la Constitution ;

"6°) alors, qu'enfin, dans leur requête en nullité, les demandeurs faisant valoir qu'il ne saurait être demandé une mesure de «maintien» qui n'existe pas et que la demande constituait une demande de «placement» sous contrôle judiciaire, ce que l'article 179 du code de procédure pénale n'autorisait pas; qu'en se bornant à énoncer que le moyen tiré de la demande de placement sous contrôle judiciaire ne pouvait ici prospérer, un autre débat pouvant s'ouvrir de ce chef si une telle mesure se trouvait mise en oeuvre sans répondre au moyen opérant susvisé tiré de la nullité du réquisitoire supplétif du ministère public en sa demande de maintien sous contrôle judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le tribunal correctionnel, devant lequel MM. Levent Y..., X... et Selvet Y... avaient été renvoyés par le juge d'instruction sous la prévention de proxénétisme aggravé pour les deux premiers, de proxénétisme aggravé et d'agression sexuelle aggravée pour le troisième, ayant constaté que l'ordonnance de renvoi avait été prononcée avant l'expiration du délai dont disposent les parties pour présenter des observations écrites en application de l'article 175 du code de procédure pénale, a, par jugement devenu définitif, constaté la nullité de ladite ordonnance et renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir; que par réquisitions supplétives, le ministère public a demandé au juge d'instruction de régulariser la procédure ; que les demandeurs ont saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation du réquisitoire supplétif et des actes subséquents ;

Attendu que, pour rejeter la requête et ordonner le retour de la procédure au juge d'instruction, la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors que, l'ordonnance de renvoi n'ayant pas été rendue conformément aux dispositions de l'article 184 du code de procédure pénale, le ministère public avait qualité, en application de l'alinéa 2 de l'article 385 dudit code, pour saisir à nouveau le juge d'instruction aux fins de régularisation de la procédure, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Castel conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-84003
Date de la décision : 29/09/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Saisine - Ordonnance de renvoi - Ordonnance rendue avant l'expiration du délai pour présenter des observations - Nouvelle saisine du juge d'instruction par le procureur de la République - Possibilité

INSTRUCTION - Ordonnances - Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel - Ordonnance rendue avant l'expiration du délai pour présenter des observations - Nouvelle saisine du juge d'instruction par le procureur de la République - Possibilité

Lorsque le juge d'instruction rend une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel sans attendre l'expiration du délai accordé aux parties pour présenter des observations, le procureur de la République a qualité, en application de l'article 385, alinéa 2, du code de procédure pénale, pour saisir de nouveau le juge d'instruction aux fins de régularisation de la procédure


Références :

article 385, alinéa 2, du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 18 mai 2010

Sur les effets de l'absence d'avis de fin d'information avant l'ordonnance de renvoi redue en méconnaissance de l'article 175 du code de procédure pénale, évolution par rapport à :Crim., 30 mars 2004, pourvois n° 02-85.180 et 03-83.598, Bull. crim. 2004, n° 80 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 sep. 2010, pourvoi n°10-84003, Bull. crim. criminel 2010, n° 145
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 145

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Rapporteur ?: M. Castel
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.84003
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award