LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Nord Finistère de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Bretagne ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 juin 2009), que Clémence X..., employée durant la saison d'été par la société Jean Le Bihan en qualité de serveuse-plongeuse, a été victime d'un accident mortel de la circulation le 26 août 2006 à 2 heures 15 alors qu'elle rentrait chez elle ; qu'après enquête, la caisse primaire d'assurance maladie du Nord Finistère (la caisse) a refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle ; que M. X... et Mme Z..., parents de la victime, ont saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance du caractère professionnel du décès de leur fille ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que l'accident de trajet doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle, alors, selon le moyen :
1°/ que l'accident de la circulation ne bénéficie de la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale que s'il est survenu pendant le temps normal du trajet ; que lorsque l'accident n'est pas survenu pendant le temps normal du trajet, il appartient à la victime ou à ses ayants droit de prouver que le parcours a été retardé pour des motifs liés aux nécessités essentielles de la vie courante ou dépendants de l'emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'accident litigieux, qui s'est produit après que la salariée ait observé une pause de 45 minutes sur le parking de l'établissement avant de prendre la route, n'est pas survenu pendant le temps normal de trajet ; qu'en considérant qu'un tel accident bénéficiait de la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale et qu'il appartenait à la caisse d'établir que le départ de la salariée avait été retardé pour des motifs strictement personnels, lorsqu'il appartenait au contraire aux ayants droit de la victime, qui ne bénéficiait d'aucune présomption d'imputabilité, d'apporter la preuve que le départ avait été retardé pour un motif lié aux nécessités essentielles de la vie courante ou dépendant de l'emploi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L. 411-2 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la preuve de ce que le parcours de retour a été retardé pour un motif légitime ne peut résulter de simples hypothèses ; que pour considérer que le départ de la salariée de son lieu de travail n'avait pas été retardé pour un motif strictement personnel, la cour d'appel a énoncé qu' «il n'est pas impossible que Clémence X... qui travaillait depuis 16 heures, soit une soirée de travail de 9 heures 30 ait eu besoin de prendre un temps de repos avant de partir», avant d'en déduire que le retard était justifié par la fatigue liée de son travail ; qu'en se prononçant pas ce motif hypothétique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en tout état de cause, le retard du salarié à prendre la route résultant de sa longue discussion avec un ami sur le parking de l'entreprise, est justifié par un motif strictement personnel ; que le seul fait que cette discussion prolongée soit intervenue à l'issue d'une longue journée de travail n'est pas de nature à la faire considérer comme liée aux nécessités essentielles de la vie courante ou dépendante de l'emploi ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 411-2 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant retenu que la faute de conduite, qui avait été fatale à Clémence X..., confirmait qu'elle était très fatiguée, n'a pas statué par des motifs hypothétiques ;
Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, a jugé que l'accident litigieux était un accident de trajet au sens des dispositions de l'article L. 411-2 du code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Nord Finistère Brest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Nord Finistère Brest ; la condamne à payer à M. X... et Mme Z... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Nord Finistère (Brest)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'accident de trajet survenu le 26 août 2006 vers 2h15 à la suite duquel Mademoiselle Clémence X... était décédée devait être pris en charge par la CPAM du Nord Finistère au titre de la législation professionnelle
AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que Mademoiselle Clémence X... a emprunté entre son lieu de travail et son domicile le trajet le plus direct et que l'accident est survenu vers 2 heures 15 ; que sur ce trajet, pour ne pas faire jouer la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-2 du Code de la sécurité sociale, la Caisse primaire doit établir que le départ de la salariée de son lieu de travail a été retardé pour des motifs strictement personnels ; que l'article L. 411-2 du Code de la sécurité sociale ne donne aucune indication à ce sujet, qu'or si on se réfère à l'enquête administrative de la Caisse qui est sommaire et aux éléments versés aux débats, selon le gérant du restaurant, Mademoiselle X... qui avait proposé de prolonger son temps de travail pour rendre service à une collègue, a terminé son service à une heure 18 et s'est rendue sur le parking de l'établissement vers 1 heure trente où l'attendait son ami Monsieur A... ; que pendant la demi heure suivante jusqu'à son départ vers 2 heures, il n'est pas impossible que Mademoiselle X... qui travaillait depuis 16 heures soit une soirée de travail de 9 heures 30 ait eu besoin de prendre un temps de repos avant de partir, qu'or la faute de conduite qui lui a été fatale 10 minutes après son départ confirme qu'elle était très fatiguée, que pour ces raisons le jugement sera infirmé
1° - ALORS QUE l'accident de la circulation ne bénéficie de la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-2 du Code de la sécurité sociale que s'il est survenu pendant le temps normal du trajet ; que lorsque l'accident n'est pas survenu pendant le temps normal du trajet, il appartient à la victime ou à ses ayants-droit de prouver que le parcours a été retardé pour des motifs liés aux nécessités essentielles de la vie courante ou dépendants de l'emploi ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'accident litigieux, qui s'est produit après que la salariée ait observé une pause de 45 minutes sur le parking de l'établissement avant de prendre la route, n'est pas survenu pendant le temps normal de trajet ; qu'en considérant qu'un tel accident bénéficiait de la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-2 du Code de la sécurité sociale et qu'il appartenait à la Caisse d'établir que le départ de la salariée avait été retardé pour des motifs strictement personnels, lorsqu'il appartenait au contraire aux ayants-droit de la victime, qui ne bénéficiait d'aucune présomption d'imputabilité, d'apporter la preuve que le départ avait été retardé pour un motif lié aux nécessités essentielles de la vie courante ou dépendant de l'emploi, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du Code civil et L. 411-2 du Code de la sécurité sociale.
2° - ALORS QUE la preuve de ce que le parcours de retour a été retardé pour un motif légitime ne peut résulter de simples hypothèses ; que pour considérer que le départ de la salariée de son lieu de travail n'avait pas été retardé pour un motif strictement personnel, la Cour d'appel a énoncé qu' «il n'est pas impossible que Mademoiselle X... qui travaillait depuis 16 heures, soit une soirée de travail de 9 heures 30 ait au besoin de prendre un temps de repos avant de partir», avant d'en déduire que le retard était justifié par la fatigue liée de son travail ; qu'en se prononçant pas ce motif hypothétique, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile et l'article L. 411-2 du Code de la sécurité sociale.
3° - ALORS en tout état de cause QUE le retard du salarié à prendre la route résultant de sa longue discussion avec un ami sur le parking de l'entreprise, est justifié par un motif strictement personnel ; que le seul fait que cette discussion prolongée soit intervenue à l'issue d'une longue journée de travail n'est pas de nature à la faire considérer comme liée aux nécessités essentielles de la vie courante ou dépendante de l'emploi ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-2 du Code du travail.