LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société BRL ingénierie à Nîmes par contrat de travail initial à durée indéterminée à compter du 8 juin 1998, en qualité d'ingénieur confirmé ; que le contrat de travail comportait la clause suivante : "L'activité de BRLI s'étendant également hors de France, vous pourrez être appelé à effectuer des missions de courte ou longue durée à l'étranger." ; que M. X... a été appelé à compter du 7 janvier 2001 dans le département de la Réunion pour une mission d'une durée prévisionnelle d'un an renouvelable annuellement, reconduite par avenant pour une durée minimale d'un an à partir du 7 janvier 2002 ; que l'affectation de M. X... s'est ensuite poursuivie sans avenant contractuel ; que courant octobre 2004, le salarié a été informé de "la fin de la mission" et de son affectation au siège, à Nîmes, à compter du 15 novembre suivant puis du 7 janvier 2005 ; qu'ayant refusé de rejoindre son nouveau poste, M. X... a été licencié pour faute grave le 9 mars 2005 ; que, contestant ce licenciement et s'estimant non rempli de ses droits en matière de rémunération, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de l'indemnité de congés payés, alors, selon le moyen, que l'employeur est tenu par la mention des congés payés à prendre figurant sur les bulletins de salaire au titre de l'année de référence ; qu'ainsi en l'espèce où le bulletin de salaire de M. X... de janvier 2005 portait, au titre de l'année 2004, vingt-six jours de congés payés, la cour d'appel, en considérant que cette mention n'engageait pas la société BRLI s'agissant de congés anticipés, a violé l'article L. 3141-3 du code du travail ;
Mais attendu que par une interprétation nécessaire des termes ambigus de la mention portée sur le bulletin de paye litigieux, la cour d‘appel a retenu que la mention "CP en cours vingt-six jours" ne faisait état qu'à titre prévisionnel des jours de congés payés au titre de l'année en cours ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de condamnation de la société BRLI à déclarer aux organismes sociaux l'indemnité de logement constitutive d'un avantage en nature, alors, selon le moyen, qu'en affirmant que M. X... ne maintient pas en cause d'appel la condamnation de la société BRLI à déclarer aux organismes sociaux l'indemnité de logement constitutive d'un avantage en nature, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile dans la mesure où dans ses conclusions d'appel, M. X... maintenait sa demande précisant seulement que les organismes sociaux n'étant pas parties à la cause, l'employeur pouvait être condamné au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le défaut de déclaration ;
Mais attendu que la procédure prud'homale étant orale, le compte-rendu par les juges du fond des moyens et prétentions des parties fait foi jusqu'à inscription de faux ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 66 et 67 de la convention collective nationale des bureaux techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite convention SYNTEC ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié justifié par une faute grave et le débouter de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient qu'aux termes de la convention collective SYNTEC, applicable aux relations entre les deux parties, l'envoi en mission hors de la métropole suppose un ordre de mission ; que par avenant du 14 décembre 2000, le salarié a été affecté à La Réunion à compter du 7 janvier 2001, pour une durée prévisionnelle d'un an, renouvelable annuellement ; que la mission initiale a été renouvelée par courrier de la société BRLI du 13 décembre 2001 pour une durée minimale d'un an à partir du 7 janvier 2002 ; qu'à compter du 7 janvier 2003, la mission initiale à La Réunion s'est poursuivie sans avenant ou courrier ; que l'absence de formalisation des deuxième et troisième renouvellements n'est contraire ni à la convention collective ni à l'ordre de mission dès lors qu'aucune forme n'est prescrite ; que la mission de M. X... s'est en conséquence poursuivie sur l'année 2003 puis sur l'année 2004 dans le cadre de l'avenant du 14 décembre 2000 et non dans le cadre d'une affectation définitive à La Réunion, le salarié ne faisant par ailleurs état d'aucun élément matériel en ce sens, que les indemnités et avantages spécifiques liés à la mission ont été maintenus, que la société BRLI était fondée à mettre fin à cette mission ; qu'en l'absence d'affectation définitive à La Réunion, la question de la validité de la clause de mobilité demeure indifférente, le retour de M. X... au lieu de son emploi d'origine ne caractérisant aucune mobilité, que son refus de rejoindre son poste en métropole caractérise l'acte réitéré d'insubordination ce qui rend impossible la poursuite de la relation salariale même durant le préavis ;
Attendu, cependant, qu'aux termes de l'article 66 de la convention collective SYNTEC, l'envoi en mission hors de France métropolitaine d'un salarié devra toujours, au préalable, faire l'objet d'un ordre de mission manifestant la volonté des parties sans ambiguïté et fixant les conditions spécifiques de cette mission, que cet ordre de mission constitue un avenant au contrat de travail, que l'ordre de mission doit mentionner la durée de la mission ; que selon l'article 67 de ladite convention, au cours de la mission, la durée de chaque séjour ne peut, en principe, excéder vingt mois, non compris les délais de route ; que toutefois, dans le cas où l'ordre de mission se réfère, pour fixer la durée du séjour du salarié, à la durée du marché pour lequel le salarié a été engagé ou affecté, la durée de ce séjour pourra être prolongée ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que si le salarié avait été informé, par avenant du 14 décembre 2000, que sa mission à compter du 7 janvier 2001 était d'une durée prévisionnelle d'un an renouvelable annuellement en fonction de la charge du chantier, et qu'un renouvellement d'une année minimale lui avait été notifié le 13 décembre 2001, l'employeur avait laissé M. X..., à compter du 7 janvier 2003, dans son poste à La Réunion, dans une situation ambigüe sans manifester sa volonté d'un renouvellement d'une mission pour une durée prévisionnelle ou déterminée, dans le cadre des dispositions conventionnelles susvisées, de sorte que le refus du salarié de reprendre son emploi d'origine ne pouvait s'analyser en une insubordination constitutive de faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement de M. X... justifié par une faute grave et débouté le salarié de ses demandes à ce titre, l'arrêt rendu le 24 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne la société BRL ingénierie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BRL ingénierie à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Roland X... est justifié par une faute grave et débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de la convention collective nationale des personnels des bureaux d'études techniques à laquelle le contrat se réfère, l'envoi en mission hors de la métropole suppose un ordre de mission ; en l'espèce, il résulte de l'avenant du 14 décembre 2000 (« nous vous confirmons votre affection à l'ILE DE LA REUNION en qualité d'ingénieur confirmé, à compter du 7 janvier 2001 et pour une durée prévisionnelle d'un an, renouvelable annuellement en fonction du plan de charge de nos activités sur l'Ile ») ; la mission initiale a été renouvelée aux termes du courrier de la société BRLI du 13 décembre 2001 confirmant la prolongation (« pour une durée minimale d'un an, à partir du 07 janvier 2002. Les autres conditions de la lettre de mission restent inchangées »). A partir du 07 janvier 2003, la mission initiale à la REUNION s'est poursuivie sans avenant ou courrier ; l'absence de formalisation des deuxième et troisième renouvellements n'est contraire ni à la convention collective, ni à l'ordre de mission dès lors qu'aucune forme n'est prescrite ; il en résulte que la mission de Monsieur X... s'est poursuivie sur l'année 2003 puis sur l'année 2004 dans le cadre de l'avenant du 14 décembre 2000 ; le salarié n'est alors pas fondé à déduire de l'absence de renouvellement écrit une affectation définitive de LA REUNION ; il ne fait d'ailleurs état d'aucun élément matériel en ce sens ; il doit de plus être souligné que les indemnités et avantages spécifiques liés à la mission ont été maintenus ; consécutivement, la société BRLI était fondée, en considération d'impératifs propres dont la légitimité n'est pas discutée, à mettre fin à cette mission ; il convient de préciser que l'affectation en métropole pour le 15 novembre 2004 a été différée au 7 janvier suivant sur la demande du salarié ; de ce fait, l'annualité de la mission renouvelée a été respectée ; en l'absence d'affectation définitive à LA REUNION, la question de la validité de la clause de mobilité demeure indifférente ; en effet, le retour de Monsieur X... au lieu de son emploi d'origine ne caractérise aucune mobilité ; au regard de ces éléments, le refus de Monsieur X... de rejoindre son poste en métropole n'est pas légitime ; la lettre de licenciement vise « un acte réitéré d'insubordination en connaissance de cause : vous avez refusé de prendre vos fonctions à Nîmes suite à votre mission le 07 janvier 2005 à l'Ile de la Réunion » ; ce motif est en adéquation avec les faits déjà explicités ; la cause réelle et sérieuse du licenciement est donc acquise ; en l'espèce, le refus délibéré de Monsieur X... d'accepter la fin de sa mission dans le département de LA REUNION, alors qu'il a bénéficié d'un délai de prévenance suffisant (12 octobre au 07 janvier), et de rejoindre son poste rend impossible la poursuite de la relation salariale même durant le préavis ; la faute grave est alors retenue ;
ALORS QUE, d'une part, l'affectation du salarié, en application d'une clause de mobilité, qui n'a pas respecté les conditions posées par la Convention Collective, revêt un caractère définitif ; qu'ainsi en l'espèce où selon les articles 66 et 67 de la Convention Collective SYNTEC, la durée de l'envoi en mission doit être indiquée dans l'acte de mission et ne peut excéder 20 mois, la Cour d'appel, en considérant que M. X... qui s'était vu notifier une prolongation de mission à LA REUNION pour un an minimum sans autre précision et qui était resté 4 ans en mission, n'était pas définitivement affecté à ce poste, a violé les dispositions précitées et les articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, d'autre part, en affirmant que M. X... ne fait état d'aucun élément matériel démontrant son affectation définitive à LA REUNION, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile dans la mesure où dans ses conclusions d'appel (p. 5), M. X... faisait valoir que le 26 mai 2003, la société BRLI avait créé un établissement secondaire à LA REUNION, le nommant représentant de la société pour l'Océan Indien avec une promotion et avait mentionné sur les bulletins de salaire à compter de février 2004 cet établissement comme employeur, ce dont il déduisait la pérennisation de son emploi à LA REUNION ;
ALORS QU'enfin, la mise en oeuvre de clauses de mobilité, au départ du salarié pour sa nouvelle affectation comme au retour de celle-ci, ne doit pas porter au droit de celui-ci à une vie personnelle et familiale, une atteinte excessive ; qu'ainsi, la Cour d'appel, en considérant que la société BRLI était fondée, en considération d'impératifs propres, à mettre fin, à l'issue de sa quatrième année, à la mission de M. X... à LA REUNION, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il n'était pas ainsi porté une atteinte excessive à la vie familiale du salarié, qui avait informé son employeur qu'il vivait maritalement depuis quelques mois avec une femme mère de deux enfants, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1121-1 et L. 1234-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement de l'indemnité de congés payés.
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... demande la somme de 6.947,10 euros au titre des congés payés (39,36 jours arrondis à 40) ; le récapitulatif de l'employeur (pièce 14) retient un solde de 18 jours de congés au 15 avril 2005 ; le bulletin de paye d'avril 2005 fait apparaître une indemnisation pour 18 jours de congés payés ; l'examen des bulletins de paye de décembre 2004 et janvier 2005 confirme l'explication de l'employeur d'une mention prévisionnelle des congés de l'année en janvier (CP en cours 26 jours) octroyant ainsi un droit anticipé de tirage du salarié ; le décompte de Monsieur X... sur la base de 26 jours acquis en janvier 2005 est alors erroné ; la demande d'un solde de congés payés n'est donc pas fondée ;
ALORS QUE l'employeur est tenu par la mention des congés payés à prendre figurant sur les bulletins de salaire au titre de l'année de référence ;qu'ainsi en l'espèce où le bulletin de salaire de M. X... de janvier 2005 portait, au titre de l'année 2004, 26 jours de congés payés, la Cour d'appel, en considérant que cette mention n'engageait pas la société BRLI s'agissant de congés anticipés, a violé l'article L. 3141-3 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de condamnation de la société BRLI à déclarer aux organismes sociaux l'indemnité de logement constitutive d'un avantage en nature ;
AUX MOTIFS QU' il ne maintient pas cette demande en cause d'appel ;
ALORS QU'en affirmant que « M. X... ne maintient pas en cause d'appel la condamnation de la société BRLI à déclarer aux organismes sociaux l'indemnité de logement constitutive d'un avantage en nature », la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile dans la mesure où dans ses conclusions d'appel (p. 19, 20 et 22) Monsieur X... maintenait sa demande précisant seulement que les organismes sociaux n'étant pas parties à la cause, l'employeur pouvait être condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le défaut de déclaration.