LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le désistement par la Caisse nationale des industries électriques et gazières de son pourvoi principal :
Vu l'article 1024 du code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, que le désistement du pourvoi principal doit être accepté s'il contient des réserves ou si le défendeur a formé un pourvoi incident préalablement à sa notification ; qu'à défaut, il est non avenu ;
Attendu que la Caisse nationale des industries électriques et gazières (la CNIEG), qui avait formé un pourvoi principal le 22 décembre 2008 a déclaré s'en désister purement et simplement le 29 décembre 2009 ; que la société Electricité de France (EDF) a présenté, le 16 juin 2009, un pourvoi incident qui est recevable ; qu'EDF ayant déclaré maintenir celui-ci et poursuivre la procédure, ce refus d'accepter le désistement du pourvoi principal rend ce désistement non avenu ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 dans sa rédaction antérieure à l'article 102 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, et applicable devant la Cour de cassation;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Marcel X... ayant exercé son activité professionnelle au sein d'EDF du 2 novembre 1954 au 31 août 1978 et obtenu, en 1984, la reconnaissance au titre des maladies professionnelles d'une asbestose ayant donné lieu à l'attribution d'une rente accident du travail à la charge du régime spécial des personnels des industries électriques et gazières, les ayants droit de Marcel X... ont engagé, après le décès de celui-ci survenu le 30 janvier 1988, une action en reconnaissance de la faute inexcusable d'EDF ; que leur demande ayant été rejetée, ils ont saisi la juridiction de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour faire droit à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable d'EDF engagée par les consorts X... et en mettre les conséquences financières à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, l'arrêt retient que l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 rouvre les droits pour l'ensemble des salariés victimes de l'amiante, cette loi revêtant une portée générale et de surcroît antérieure à la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 organisant un régime spécial de sécurité sociale pour les salariés des industries électriques et gazières ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Marcel X... était affilié au régime spécial des personnels des industriels électriques et gazières de sorte que sa demande ne relevait pas du champ d'application de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998, dans sa rédaction avant modification dont les effets sont limités aux victimes affiliées au régime général au titre des accidents du travail et au régime des accidents du travail des salariés agricoles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal :
Rapporte l'arrêt n° 800 rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 6 mai 2010 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Caisse nationale des industries électriques et gazières aux dépens, à l'exception de ceux afférents au présent rabat qui seront supportés par le Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Dit qu'à la diligence du directeur de greffe près la Cour de cassation, la présente décision sera transcrite en marge ou à la suite de la décision n° 800 rendue le 6 mai 2010 ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau et Corlay, avocat aux Conseils, pour la Caisse nationale des industries électriques et Gazières, demanderesse au pourvoi principal
Il est reproché à la Cour d'appel d'AVOIR, par infirmation du jugement entrepris, «dit que la charge des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société ELECTRICITE DE FRANCEE à l'origine de la maladie professionnelle de Monsieur Marcel X... incombe à la Caisse nationale des industries électriques et gazières (…)».
AUX MOTIFS QUE «il est constant qu'il résulte de la combinaison des articles L. 711-1 et R. 711-1-6° du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 16-1 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 et l'article 40-IV de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, que la charge des prestations en espèces consécutives à la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie contractée par un salarié de la société EDF incombe à l'organisation spéciale de sécurité sociale de cette société ; gérée par la CNIEG ; qu'il appartient donc à cette Caisse chargée d'assurer, à compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières et de verser aux affiliés les prestations correspondantes, d'assurer aux bénéficiaires le paiement des conséquences financières de la faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article 40-IV de la loi du 23 décembre 1998 sur la charge des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par une entreprise électrique ou gazière au sens de la loi du 9 août 2004 ne s'appliquant pas»,
ALORS QU'en application des dispositions combinées et indivisibles des articles 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et 1er du décret n° 99-1129 du 28 décembre 1999, applicables à l'ensemble des salariés, les branches accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale et du régime des salariés agricoles supportent définitivement la charge des dépenses, liées à la réouverture des droits à prestations en nature ou en espèces, indemnités et majorations de rente stipulée en faveur des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles, constatée entre le 1er janvier 1947 et la date d'entrée en vigueur de la loi ; que ces dispositions dérogatoires au droit commun, qui conduisent à l'inscription des dépenses sur le compte spécial visé à l'article D.242-6-3 du Code de la sécurité sociale et financé par l'ensemble de la communauté des employeurs, y compris ceux dont les salariés relèvent d'un régime spécial, tel celui des industries électriques et gazières (v. art. D. 242-6-14 et D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale), s'inscrivent dans un souci de solidarité nationale et de mutualisation du risque entre l'ensemble des employeurs devant bénéficier à toute victime de l'amiante quelque soit le régime dont celle-ci relève, régime général, régime agricole, régime spécial ; qu'ainsi, en sa qualité d'organisme payeur pour le compte de la branche du travail et maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale, la Caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne, auprès de laquelle était immatriculée la victime, était tenue de régler les prestations en nature ou en espèces, indemnités et majorations ; qu'en décidant le contraire, à l'encontre de la Caisse nationale des industries électriques et gazières, la Cour d'appel a violé les articles 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et 1er du décret n° 99-1129 du 28 décembre 1999, ensemble les articles R. 711-1-8°, R. 711-17, L. 413-14 du Code de la sécurité sociale, 16 de la loi du 9 août 2004 et 1er du décret du 10 décembre 2004.
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour la société Electricité de France, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable des ayants droit de M. Marcel X... ;
AUX MOTIFS QUE d'une part, le décret du 22 juin 1946 créant le statut national du personnel des industries électriques et gazières précise en son article 23 que ce personnel bénéficie des prestations du régime général d'assurance maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles et en son article 24 que les conditions de détermination de ces prestations ne peuvent être inférieures aux taux prévus par la législation générale sur la sécurité sociale ; que le statut aligne ainsi les conditions de la protection sociale sur celles du régime général ; que, d'autre part, la procédure d'indemnisation dérogatoire ainsi mise en place en 1998 par le législateur a pour objet de permettre aux victimes de l'amiante qui, par méconnaissance du lien entre leur maladie et leur activité professionnelle, n'avaient pas eu la possibilité de faire valoir leurs droits en application des règles de prescription des articles L. 431-2 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale, d'intenter une action en indemnisation devant le FIVA ou en reconnaissance de la faute inexcusable de leur employeur avec les conséquences financières y afférentes ; que ces victimes sont nécessairement égales dans leurs droits et actions ; que la loi de 1998 est ainsi de portée générale et, de surcroît, antérieure à la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 qui a organisé un régime spécial de sécurité sociale pour les salariés des industries électriques et gazières ; que ce régime dispose de sa propre caisse de sécurité sociale, la CNIEG, chargée de la gestion du régime d'assurance vieillesse, décès, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles ; qu'il y a donc eu transfert de compétences des caisses primaires au profit de la CNIEG, caisse autonome et dotée de la personnalité morale, à compter de la mise en application de la loi du 9 août 2004, soit le 1er janvier 2005 ;
que l'épouse et les enfants de M. Marcel X... ont saisi le 27 juillet 2001, soit sous le régime de sécurité sociale antérieur à la loi du 9 août 2004, la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne pour la mise en oeuvre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable d'EDF ; qu'il y a donc lieu d'apprécier la prescription à cette date ; que cette prescription de l'action était alors soumise aux dispositions de la loi du 23 décembre 1998 ; que, d'ailleurs, ce n'est qu'en 2005, en conformité avec la loi du 9 août 2004 devenue applicable, que la caisse primaire a transmis le dossier à la CNIEG ; que la maladie professionnelle de M. Marcel X... a été constatée pour la première fois le 20 octobre 1978 ; qu'elle avait ainsi été constatée dans le délai prévu par l'article 40-II de la loi du 23 décembre 1998 ; que, pour l'ensemble de ces motifs, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable des ayants droit de M. Marcel X... est recevable ;
ALORS QUE les dispositions de l'article 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, tel que modifié par la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2001, ne sont pas applicables aux victimes affiliées au régime spécial de sécurité sociale des personnels des industries électriques et gazières ; qu'en jugeant au contraire recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ouverte sur le fondement de l'article 40 précité des ayants droit d'un salarié relevant du régime spécial des industries électriques et gazières, la cour d'appel a violé l'article 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, tel que modifié par la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2001, ensemble l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale.