LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA COMPAGNIE ASSURANCES ZURICH, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-2, en date du 13 octobre 2009, qui, dans la procédure suivie contre Alain X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 211-9, L. 211-13 et R. 211-29 du code des assurances, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il a dit que les sommes allouées porteront intérêts au double du taux légal à dater du 13 novembre 2001 et, réformant partiellement le jugement, a condamné Alain X... à payer à Ahmed Y... en quittance ou denier la somme de 747 050, 11 euros en réparation de ses préjudices outre 7 824 euros au titre des frais réglés au curateur et 4 000 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, a déclaré l'arrêt attaqué opposable à la compagnie d'assurances Zurich Insurance Ireland Limited et a condamné Alain X... aux dépens ;
"aux motifs propres que, les parties s'opposent, en fait, essentiellement sur l'application de l'article L. 211-13 du code des assurances et sur l'expertise sollicitée par Ahmed Y... en ce qui concerne l'estimation de ses besoins en matière d'aide soignant, de tierce personne, de matériel d'ergothérapie et de domotique ; que la compagnie d'assurances estime qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 211-13 du code des assurances notamment parce que son assuré Alain X... avait pris la fuite après l'accident et incendié le véhicule assuré et qu'elle-même n'avait appris l'accident que par la citation qui lui avait été délivrée le 13 novembre 2001 et qu'elle avait alors déposé des conclusions avec une offre sérieuse d'indemnisation à l'audience du 30 octobre 2002 après le dépôt du rapport d'expertise médicale ; qu'Ahmed Y... conclut au contraire à la confirmation du jugement déféré sur l'application de cette disposition légale ; qu'il est constant que la compagnie d'assurances a pris connaissance de l'accident lors de l'assignation en justice qui lui était délivrée le 13 novembre 2001 ; que, ce n'est que le 30 octobre 2002 que la compagnie d'assurances a déposé des écritures comportant une offre d'indemnisation qui ne devait finalement représenter que 40,49% de l'indemnisation totale allouée par le jugement déféré ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qui concerne l'application de l'article L. 211-13 du code des assurances et ce, sur l'ensemble des sommes qui seront allouées par la cour à Ahmed Aissani jusqu'à ce que le présent arrêt devienne définitif ;
"et aux motifs adoptés qu'Ahmed Y... sollicite l'application des dispositions de l'article L. 211-13 du code des assurances au motif que l'assureur du tiers responsable n'aurait pas proposé à la victime une offre d'indemnisation dans le délai imparti à l'article L. 211-9 de ce même code ; que la société Zurich International s'oppose à cette demande, rappelant qu'elle n'a pas été informée de l'implication du véhicule de son assuré préalablement à la citation devant le tribunal correctionnel de Paris le 13 novembre 2001 ; qu'il ressort des éléments du dossier qu'Alain X... a tenté de faire disparaître le véhicule impliqué dans l'accident, qu'il avait loué auprès de la société Avis ; que ces éléments ont été révélés au cours de la mesure d'instruction ; que l'accident n'ayant pas été déclaré immédiatement à l'assureur, la compagnie Zurich International n'a donc pas été en situation de faire une offre d'indemnisation dans les délais légaux ; que néanmoins la sanction de l'article L. 211-13 du code des assurances s'applique à compter du 13 novembre 2001, date à laquelle l'assureur a eu connaissance des faits ;
1°) "alors que, la compagnie Zurich faisait valoir dans ses conclusions d'appel (page 8) qu'Ahmed Y... soutient que l'offre formée était manifestement insuffisante au motif qu'elle représentait, tous préjudices confondus, une somme totale de 412 210,30 euros alors que l'indemnité allouée s'est élevée à 692 688 euros ; contrairement à ce qu'indique Ahmed Y..., la somme offerte ne correspondait pas à 40,49% de l'indemnisation totale allouée mais à 59,5% ; de sorte qu'elle ne peut être considérée comme étant manifestement insuffisante ; que, reprenant l'allégation d'Ahmed Y..., la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'offre présentée par la compagnie Zurich ne devait finalement représenter que 40,49% de l'indemnisation totale allouée par le jugement déféré sans analyser la réfutation de la compagnie Zurich et en tirer les conséquences au regard de la notion d'offre manifestement insuffisante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
2°) "alors que, et en tout état de cause, il est constant et incontesté que, dans ses conclusions du 30 octobre 2002 devant les premiers juges, la compagnie Zurich a fait une offre d'indemnisation de 412 210,30 euros qui représentait bien 59,5%, et non 40,49%, de l'indemnité totale de 692 688 euros allouée par le jugement déféré, de sorte que la cour d'appel a manifestement méconnu le rapport exact entre l'offre et l'indemnité allouée et n'a pas légalement justifié sa décision en considérant que l'offre présentée par la compagnie Zurich était manifestement insuffisante et donc assimilable à une absence d'offre ;
3°) "alors que, et en tout état de cause, selon l'article L. 211-13 du code des assurances, lorsque l'offre n'a pas été faite dans le délai de huit mois imparti à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt égal à compter de l'expiration de ce délai et que, suivant l'article R. 211-29 du même code, lorsque l'assureur n'a pas été avisé de l'accident dans le mois de celui-ci, ledit délai de huit mois prévu à l'article L. 211-9 pour présenter une offre d'indemnité est suspendu jusqu'à la réception par l'assureur de cet avis ; qu'il résulte de ces textes que lorsque l'assureur n'a pas présenté d'offre à la victime dans le délai de huit mois à compter de la date à laquelle il a été avisé de l'accident, le point de départ des intérêts au double du taux de l'intérêt légal est la date à laquelle a expiré ce délai de huit mois ; qu'en l'espèce, la compagnie Zurich n'a pris connaissance de l'accident du 26 juillet 1999 que le 13 novembre 2001, de sorte qu'elle avait jusqu'au 13 juillet 2002 pour présenter son offre d'indemnisation ; qu'ainsi, en confirmant le jugement en ce qu'il a dit que les sommes allouées porteront intérêts au double du taux légal à compter du 13 novembre 2001 quand le point de départ de ces intérêts ne pouvait être antérieur au 13 juillet 2002, date à laquelle avait expiré le délai de huit mois imparti à la compagnie Zurich pour présenter son offre, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 211-13 du code des assurances ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Ahmed Y... a été victime, le 26 juillet 1999, d'un accident de la circulation, dont Alain X..., qui conduisait un véhicule de location assuré par la compagnie Assurances Zurich, a été déclaré entièrement responsable ; que les premiers juges, après avoir fixé les préjudices de la victime, ont dit que les sommes allouées porteraient intérêt au double du taux légal, à compter du 13 novembre 2001, date à laquelle l'assureur avait été cité par la victime, et jusqu'au jour où la décision serait définitive ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le doublement des intérêts prendrait fin le jour où la décision serait définitive, l'arrêt attaqué énonce que l'offre d'indemnisation faite par l'assureur au cours de la procédure ne représente que 40,49% de l'indemnité allouée par la décision des premiers juges ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur, qui faisait valoir que le taux de 40,49% figurant dans les conclusions de la partie civile résultait d'un calcul erroné et qu'en réalité son offre représentait 59,5% de l'indemnité allouée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 13 octobre 2009, mais en ses seules dispositions relatives au doublement des intérêts au taux légal, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. le Corroller conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.